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9. OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS GENERALES

9.1 Impressions

De ses premières observations, la Mission a retiré certaines impressions dominantes:

  1. Dans de nombreux pays d'Asie, l'aquaculture a tendance à être la profession d'une certaine élite: la reproduction artificielle du poisson reste un domaine très spécialisé réservé à des techniciens et hommes de science. En Chine, les simples paysans des campagnes pratiquent partout cette activité.

  2. Les principes d'intégration de la pêche dans l'agriculture sont connus et répandus dans le monde entier, mais la Chine, elle, les met en pratique. L'intégration y est réalisée à un degré élevé d'efficacité.

  3. Les Chinois ont abandonné le vieux système traditionnel de la monoculture et adopté la polyculture. Ils y font un excellent emploi du matériel biologique indigène et de techniques simples.

9.2 Conclusions

Le potentiel productif de poisson par l'élevage intensif est, de l'avis de la Mission, plus développé en Chine que dans n'importe quel autre pays.

(a) Il y a intégration complète de la pêche et de la pisciculture à tous les échelons de la conservation des eaux, de l'agriculture, de la foresterie, de l'élevage, des occupations annexes et de l'utilisation intensive des ressources en terre comme en eau, particulièrement au niveau de l'exploitation.

Tout au long de leur itinéraire, les membres de la Mission ont pu constater d'évidence l'importance que la Chine attache à l'utilisation totale et intensive des ressources en terre et en eaux. Les voies d'eau servant au drainage comme à l'irrigation sont aussi utilisées pour la reproduction et la capture du poisson; son élevage a permis de convertir des superficies non arables en eaux fertiles et la vase enrichie des fonds d'étangs est appliquée comme humus sur les champs cultivés.

L'aménagement des bassins versants ne vise pas simplement à défendre les sols contre l'érosion, mais aussi à accroître la fertilité des eaux. L'élevage du porc et du bétail laitier, la culture d'engrais verts et le maraîchage sont activement poussés au profit de la production de poisson. Le remembrement foncier englobe aussi bien les étangs piscicoles. Cette approche à facettesmultiples a beaucoup impressionné la Mission.

(b) La polyculture du poisson est pratiquée à l'intérieur de la même pièce d'eau

L'élevage d'espèces mélangées, ou polyculture, est la règle générale. Partout où il y a de l'eau - dans les étangs, lacs, réservoirs, fossés ou rizières - a-t-on dit à la Mission, on y élève du poisson. Les grandes carpes chinoises sont cultivées en association avec d'autres espèces. La monoculture ne se pratique que pour l'alevinage.

L'aménagement des eaux pour la pisciculture consiste en applications de fumures organiques et en alimentation du poisson. Les engrais minéraux, pas plus que les aliments préparés du commerce, ne sont utilisés. Le fourrage vert qui pousse le long des berges est la principale nourriture d'appoint. Ainsi, l'alimentation du poisson ne concurrence pas celle de la population.

Les aérateurs sont utilisés pour accroître la productivité, de 20 pour cent et plus. L'accent est mis sur la prévention des maladies du poisson. Depuis 1958, la reproduction artificielle constitue une source sûre d'alevins pour l'élevage en étangs et pour le stockage des lacs ou réservoirs.

(c) Les lacs et réservoirs sont exploités efficacement en vue d'un développement total

Les principes de la polyculture en étang étendus à ces plans d'eau ont permis d'utiliser complètement la nourriture naturelle des lacs et les déchets des terres avoisinantes.

L'emploi de méthodes directes d'exploitation, comme la fertilisation des eaux et le réempoissonnement systématique, ou bien de méthodes indirectes comme l'aménagement des bassins versants, a élevé la productivité. D'une manière générale, les lacs peu profonds et les réservoirs des basses terres extrêmement peuplées, comme le lac Taihu dans la province de Kiangsu, produisent environ 50 à 70 kg/ha dans les grandes surfaces, mais des rendements de 1 000 kg/ha ont été signalés dans des lacs de superficie inférieure à 1 000 ha.

(d) La politique de “porte ouverte” pour la recherche, l'enseignement et la formation se traduit par un accroissement de la productivité.

Comme dans d'autres secteurs de l'agriculture, la recherche, en ce qui concerne la pêche, est axée sur les problèmes et marie la théorie à la pratique. Hommes de science et paysans s'enseignent les uns les autres. Deux années au moins d'expérience comme producteur sont nécessaires pour entrer à l'université ou dans une école technique. Les enseignants doivent aussi aller travailler sur le terrain.

(e) La préparation des programmes est décentralisée et permet la participation populaire. L'exécution qui en résulte est efficace.

La structure communale donne aux paysans la possibilité d'établir les projets des programmes qui satisferont les besoins locaux. La commune, de son côté, possède suffisamment de ressources et de compétences pour y faire face. Planification et exécution se font à l'échelon local, réalisant ainsi l'intégration réelle et le développement parallèle des secteurs connexes.

(f) Les efforts sont constamment soutenus pour entretenir la conscience communautaire et l'action collective

A tous les niveaux de la société chinoise, on s'efforce de motiver la population à travailler au bénéfice de tous. Le développement rapide de la production de poisson est dû en partie, semble-t-il, à cette mobilisation de la population et à la fierté qu'elle tire de sa contribution à la production de la commune.

9.3 Recommandations

La Mission pense que la FAO et beaucoup de ses Etats membres peuvent tirer énormément de profit des expériences chinoises en matière de pisciculture, ainsi que de son développement. Les formes particulières que la Chine a adoptées peuvent ne pas être directement applicables partout, surtout hors d'Asie. Mais les vues qu'ont les pisciculteurs chinois sur l'auto-développement, comme sur l'interdépendance de l'aquaculture, de l'agriculture et de l'élevage, ainsi que la longue pratique qu'ils ont acquise du poisson en général et de son comportement en culture intensive, rendent partout leur expérience des plus précieuses.

L'insistance mise par les Chinois à adopter le mode de vie en usage là où ils exercent leur travail, en particulier à l'occasion de leurs programmes d'aide bilatérale, ne facilite pas l'insertion d'experts chinois dans les projets habituels dirigés par la FAO. Enfin, il y a les problèmes de langue qu'on ne saurait omettre.

Compte tenu de ce qui précède, la Mission recommande à la FAO d'encourager l'emploi de la compétence et de l'expérience chinoises dans quelques unes des occasions suivantes, sinon dans toutes:

  1. Projets et sous-projets de mise en valeur hydraulique, d'irrigation, d'aménagement de réservoirs, particulièrement lorsque la production de poisson est l'un des objectifs.

  2. Projets de développement de la culture des carpes d'origine chinoise, à moyenne ou grande échelle.

  3. Combinaison de projets pilotes, de démonstration et de formation en matière de culture intensive du poisson et/ou de pêche dans les petits réservoirs (moins de 1 000 ha).

  4. Programmes d'échange et/ou de voyages d'étude pour les pisciculteurs (par groupes de 10 ou 20), à l'intention de groupes de Chinois visitant d'autres pays membres et vice versa (une même langue parlée par groupe).

  5. Voyages d'étude pour les administrateurs et les planificateurs des pêches dans les eaux intérieures, afin de leur ouvrir des perspectives nouvelles (ou différentes) sur leurs propres problèmes.

  6. Préparation de manuels et de matériel pédagogique sur la polyculture des carpes d'origine chinoise, l'exploitation de petits réservoirs à usage multiple, les ouvrages d'irrigation et la gestion de l'eau. Ces manuels pourraient être rédigés dans les langues officielles de la FAO, en envoyant en Chine des experts spécialisés dans les domaines respectifs et dont la langue serait celle du manuel à rédiger. Il faut compter une durée de deux à six mois pour ces missions.

  7. Stages de recherche et formation pratique en Chine pour le personnel de la FAO d'une durée de un à trois mois, au titre du Programme de recyclage, portant sur des sujets tels que la reproduction induite du poisson, la productivité des étangs, la culture des moules d'eau douce.

  8. Préparation d'un film documentaire sur l'agriculture et l'aquaculture intégrés en Chine, destiné à la promotion par la FAO de l'intégration de l'utilisation des ressources en terre et en eaux dans les pays en développement.

Enfin, la Mission a été impressionnée par le degré de participation des individus et des groupes locaux à la planification et à la direction du développement chinois. Elle est fermement convaincue que la FAO et ses Etats membres devraient réexaminer la façon dont les projets de développement de tous genres peuvent être identifiés, préparés et exécutés au niveau local ou à celui du village. Particulièrement en ce qui concerne l'expansion rapide de la pisciculture dans le développement rural de tous les pays, il paraît essentiel d'insister dans ces projets sur l'importance des activités “à ras de terre”.


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