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3. LE PROFIL SOCIO-ECONOMIQUE DU CONSOMMATEUR

3.1 La classe sociale

A partir des données socio-économiques sur les activités et les possessions de matériel et de biens économiques du consommateur, un programme écrit en dBASE nous a permis de faire une stratification sociale des ménages (ANNEXE 1). Les résultats obtenus (FIGURE 3) montrent que la majorité de la clientèle des produits de la pêche appartient essentiellement à une classe moyenne (77% dont 64% moyen pauvre et 13% moyen riche).

Les consommateurs de poissons qui sont pauvres représentent 16% des ménages: ils consomment une très faible quantité. Ce type de consommateurs correspond généralement à de petits agriculteurs, des veilleurs de nuits et des journaliers. Les consommateurs appartenant à la classe riche (6% riches et très riches) sont des grands commerçants, hommes d'affaires et coopérants qui consomment une quantité importante de produits de la pêche. Le nombre très réduit dans cette catégorie s'explique par le faible pourcentage parmi eux qui ont accepté de répondre à notre enquête.

Nous pouvons ainsi dire que la classe moyenne de la population rwandaise est le premier consommateur des produits de la pêche. La FIGURE 3 montre la répartition de ce groupe par activité principale.

FIGURE 3

FIGURE 3: Répartition sociale des ménages et activité principale de la classe moyenne

3.2 Pouvoir d'achat

Avec comme critère les revenus monétaires provenant en majorité des traitements (salaires), le même programme en dBASE nous a permis de déterminer le pouvoir d'achat des consommateurs de poissons (ANNEXE 1 et FIGURE 4).

FIGURE 4

FIGURE 4: Répartition des ménages selon le pouvoir d'achat

Selon les régions, nous pouvons dire que pour notre échantillon, Kigali présente le nombre le plus élevé de consommateurs à forte pouvoir d'achat: 21%.

TABLEAU 4: Répartition par région des acheteurs en fonction du pouvoir d'achat (en %)

POUVOIR D'ACHATGISENYIRUHENGERIKIGALIGITARAMABUTARECYANGUGUKIBUYE
fort12  521  0  5  3  8
moyen42497488704067
faible4646  512255725

Le pouvoir d'achat est le facteur principal d'influence sur la quantité de poissons consommée. Le TABLEAU 4 nous montre cependant qu'à Kigali, qui est la capitale et dans laquelle sont basés les institutions les plus importantes et les établissements industriels, le pouvoir d'achat est le plus important. Les autres régions sont à vocation essentiellement agricole et le pouvoir d'achat est beaucoup plus réduit.

3.3 L'analyse des revenus

Les revenus monétaires des ménages proviennent en majorité des traitements (salaires). Le reste est constitué de revenus variables (commerçants et agriculteurs).

La quasi-totalité (99%) des consommateurs de poissons enquêtés sont des ménages actifs, mais uniquement 82% des informations sur les revenus nous sont parvenues.

Les revenus monétaires de ces ménages diffèrent selon leurs provenance. Quatre types de revenus sont cependant décrits.

Revenu individuel de l'activité principale (R1): les trois quarts uniquement des iformations sur les revenus de l'activité principale nous sont parvenues. La moyenne est de l'ordre de 10.000 FRW par mois (TABLEAU 5). Le plus élevé est celui de Kigali (± 19.000 FRW/mois). La capitale est la ville la plus importante dans laquelle sont basés les établissements, organismes internationaux, manufactures et usines. Le plus faible est celui de Cyangugu: région relativement pauvre (malnutrition), revenu moyen de 5.500 FRW/mois.

Revenu des activités secondaires (R2): certains consommateurs de poissons (18%) ont d'autres activités qui leurs fournissent un revenu additionnel toujours faible de l'ordre de 2.100 FRW/mois. Ce sont le plus souvent des commerçants/agriculteurs. Sur l'ensemble des ménages enquêtés à Kigali, on n'a pas enregistré des cas ayant d'autres activités. En effet, dans la capitale, la plupart des gens travaillent à plein temps et ils sont mieux payés. A Cyangugu, Butare et Gisenyi, respectivement 55%, 30% et 23% des ménages ont des revenus additionnels d'activités secondaires.

Revenu d'autres membres actifs de la famille (R3): un tiers des familles enquêtées ont un ou plusieurs membres actifs autre que le chef de la famille (en moyenne ± 2), ramenant un revenu supplémentaire de l'ordre de 8.000 FRW/mois. A Gisenyi, 40% des familles ont en moyenne 2 autres membres actifs. A Kigali, 41% des familles ont en moyenne 1.5 autre membre actif. Les membres actifs de la famille sont généralement l'époux, l'épouse ou les enfants. Ce sont le plus souvent les familles les plus nombreuses (comptant entre 7 et 11 personnes) qui ont le plus de membres actifs. Le revenu moyen des membres actifs le plus élevé est celui de Kigali (14.600 FRW/mois), le plus faible est celui de Cyangugu (5.200 FRW/mois). Pour les autres régions il est environ de 6.500 FRW/mois.

Autres types de revenus monétaires (R4): ceux dérivant de l'exploitation de certaines immobilisations (baux, fonds de commerce, magasins, champs, …). Ce type de revenu rapporte pour 18% des ménages enquêtés un supplément monétaire de 5.600 FRW/mois en moyenne. Nous signalons également que le revenu sur immobilisation le plus élevé (12.400 FRW/mois) s'observe à Kigali où les loyers sont plus chers. Le plus faible est enregistré à Gitarama (400 FRW/mois): les loyers et les champs sont apparemment de moindre importance. Pour les autres régions la moyenne des revenus sur immobilisation varie entre 3.300 et 7.500 FRW/mois.

TABLEAU 5: Groupes de familles par type de revenu et volume monétaire global (en FRW/mois)

GROUPESOURCE DES REVENUSEFFECTIF (%)VOLUME MONETAIRE GLOBAL
G1R12911.179
G2R3  718.405
G3R4  1  2.800
G4R1 + R210  7.356
G5R1 + R31530.246
G6R1 + R4  612.072
G7R3 + R4  120.875
G8R1 + R2 + R3  317.279
G9R1 + R2 + R4  411.450
  G10R1 + R3 + R4  434.708
  G11R1 + R2 + R3 + R4  123.331
  G12INCONNUS19-

Le revenu le plus élevé est de 34.708 FRW et concerne le groupe de familles qui ont simultanément les 3 types de revenus suivants: revenu sur activité principale (R1) + revenu sur activité d'autres membres (R3) + revenu sur immobilisation (R4).

Le revenu le plus faible est de 2.800 FRW/mois et concerne le groupe de familles ayant uniquement un revenu provenant de l'exploitation de certaines immobilisations.

Le groupage de familles par types de revenus est marqué par 2 phénomènes:

3.4 Analyse des dépenses

Les dépenses les plus importantes dont on a tenu compte et qui nous intéressent le plus, sont les dépenses alimentaires. Pour mieux les analyser, nous étudions les structures, les relations entre les prix des poissons et des produits concurrents. Nous comparons ainsi les dépenses effectuées pour les achats de poissons et celles pour les achats d'autres produits. Nous analysons aussi les fluctuations des dépenses alimentaires en fonction du revenu et du pouvoir d'achat.

Les dépenses alimentaires totales sont subdivisés en 4 groupes:

3.4.1 Dépenses alimentaires totales

Les dépenses alimentaires dépendent directement des revenus (r = 0,84), mais elles ne dépendent en aucun cas de la taille de la famille (TABLEAU 6). C'est à dire que certaines familles très nombreuses dépensent très peu car leurs revenus est très faible. Alors que d'autres familles moins nombreuses dépensent beaucoup, car elles gagnent d'avantage.

Les dépenses alimentaires totales dépendent également des régions et surtout de la disponibilité des produits. Il est alors évident que les ménages urbains dépensent plus que les ruraux.

TABLEAU 6: Répartition régionale: revenu (FRW/mois), dépenses alimentaires (FRW/mois) et taille des familles

 GISENYIRUHENGERIKIGALIGITARAMABUTARECYANGUGUKIBUYE
REVENU (R1)7.9737.88018.96014.7077.8925.52214.873
DEPENSES ALIM.7031451211.6526.5504.7504.9217.169
TAILLE DE FAM.6577665

Dans la plupart des régions (Ruhengeri, Cyangugu etc…), nous nous trouvons en présence d'un milieu rural, proche d'un système économique d'auto-subsistance. Ceci a pour conséquences que les produits consommés par la population rurale proviennent en majorité des récoltes des champs familiaux. Ce fait explique les dépenses alimentaires réduites dans ces régions. De plus, le système commercial au Rwanda est caractérisé par un échange très réduit d'une région à une autre et même parfois d'un marché à un autre dans la même région. De ce fait, les Rwandais ne consomment que ce qu'ils peuvent produire sur place. Le poisson ne représente cependant qu'une faible partie des dépenses alimentaires totales (TABLEAU 7), sauf là où il est disponible, c'est-à-dire à proximité des plans d'eau naturels (Gisenyi, Kibuye, Cyangugu, Ruhengeri) ou des étangs (Butare).

TABLEAU 7: Dépenses alimentaires moyennes absolues (en FRW/mois) et relatives (en %) par famille

 GISENYIRUHENGERIKIGALIGITARAMABUTARECYANGUGUKIBUYEMOYENNE
DEPENSES PRODUITS DU PROJET616203179245262189432200
        
       9%       5%      2%       4%       6%       4%       6%       3%
DEPENSES AUTRES POISSONS125174251653927171161
        
       2%      4%      2%       0.1%       11%       6%      1%        2%
DEPENSES VIANDES1.4051.0872.9572.3051.1451.1437741.466
        
        20%        24%      25%       35%       24%       23%       11%        22%
DEPENSES AUTRES PRODUITS ALIMENTAIRES4.8853.0488.2653.9942.8043.3185.8924.976
        
        69%        67%      71%        61%       59%       67%       82%       73%
        
TOTAL7.0314.51211.6526.5504.7504.9217.1696.803

FIGURE 5

FIGURE 5: Répartition relative des dépenses alimentaires

Les dépenses affectées aux achats des produits du projet de développement de la pêche au lac Kivu représentent en moyenne 3% de la totalité des dépenses alimentaires (FIGURE 5). Elles sont plus importantes dans les régions à proximité du lac Kivu (Gisenyi: 9% et Kibuye: 6%).

Les dépenses affectées aux achats d'autres poissons sont très réduites et varient entre 0,1% et 6% des dépenses alimentaires totales. Elles sont très importantes surtout à Butare: une région où la pisciculture est développée et par conséquent la disponibilité, surtout de Tilapia, est plus importante. Les dépenses imputées à ces achats représentent 11% des dépenses alimentaires totales.

Des dépenses alimentaires importantes sont aussi celles affectées aux achats des produits d'élevage (viande de boeuf, de chèvre et de poulet). Elles représentent en moyenne 22% des dépenses alimentaires totales. Elles sont relativement faibles à Gisenyi (20%) et à Kibuye (11%) pour les raisons de disponibilité plus importante des produits de la pêche concurrents.

Les dépenses affectées aux achats d'autres produits, autres que les poissons et la viande (tels que les haricots, les tubercules, les céréales, les légumes et les fruits, les produits laitiers, l'huile et le sel, etc …) constituent la majeure partie des dépenses alimentaires totales (73% en moyenne). .bl.Le résultat de l'analyse des dépenses n'est en aucun cas concluant, mais il est indicatif. Le poisson est mieux consommé là où il est disponible. Le système de distribution très réduit et la présence d'une structure rurale accentuée nous approche d'un système d'auto-subsistance. La consommation de poissons à Gisenyi et à Kibuye est élevée car il s'agit de villes riveraines du Kivu.

Les Rwandais consomment le poisson, et même en quantités appréciables, dès qu'ils en ont la possibilité (disponibilité des produits de la pêche et pouvoir d'achat).

3.5 Structure des prix

3.5.1 Niveau producteurs

Les prix des poissons au niveau des producteurs ont été déterminés (FARHANI, 1991).

Contrairement à la politique des prix fixes pratiquée par les pêcheries de Gisenyi, Kibuye et Cyangugu, les prix établis dans les marchés hors-projet tout autour du lac Kivu et qui absorbent la majeure partie de la production (82%), ne sont pas fixes et ils sont plus élevés (TABLEAU 8 et 9).

Les Isambaza congelés entiers et traités et la majorité des Isambaza séchés sont des produits développés exclusivement dans les pêcheries du projet et les prix sont donc fixes et dépendent intégralement des coûts de production et de transformation.

TABLEAU 8: Prix des produits du projet

PRODUITS (PECHERIES DU PROJET)PRIX UNITAIRE MOYEN (FRW)
Isambaza séché:300
Isambaza congelé entier:120
Isambaza congelé traité:260

TABLEAU 9: Prix des poissons frais (côté Rwandais)

LIEU DE VENTEPRIX UNITAIRE MOYEN (FRW)
Projet: 80 (en détail: 90)
Hors-projet:
106

3.5.2 Niveau des consommateurs

Le prix au niveau des consommateurs est conditionné par l'offre et la demande et par la chaîne de distribution des poissons. La chaîne de distribution est généralement fonction de la distance géographique entre ces 2 extrémités (producteurs et consommateurs).

Cependant, le poisson frais est le plus souvent vendu sur les marchés des localités riveraines; la chaîne de distribution est alors très simple (FIGURE 6).

FIGURE 6

FIGURE 6: Chaîne de distribution des poissons frais

Les deux premiers cas concernent essentiellement les marchés des localités riveraines où les prix d'Isambaza frais sont les plus bas (entre 81 FRW/kg à Kibuye et 97 FRW/kg à Cyangugu). Ceci est aussi le cas pour les Tilapia frais (entre 120 FRW/kg à Kibuye et 138 FRW/kg à Gisenyi).

Il est évident que plus les intermédiaires dans la chaîne de distribution sont nombreux, plus les prix augmentent. C'est la raison pour laquelle certains ménages préfèrent s'approvisionner directement auprès des pêcheurs.

Au coût de production et à la marge commerciale rencontrée dans les 2 premiers cas, s'ajoute pour le troisième cas le coût de transport qui fait augmenter automatiquement le prix. Ce dernier cas concerne essentiellement les marchés et les points de vente éloignés des plans d'eau naturels et étangs de pisciculture. Ainsi le prix des Isambaza frais atteint une moyenne plus élevée (125 FRW/kg). Le prix de Tilapia frais subit aussi une augmentation et la moyenne est de 200 FRW/kg.

Pour les autres produits (produits transformés) le système est plus compliqué (FIGURE 7). L'intermédiaire dans la chaîne de distribution est plus importante et par conséquent le prix est plus élevé (et la consommation est plus faible).

Le premier cas est le plus simple et il concerne les produits développés au projet et vendus dans les pêcheries de Gisenyi, Kibuye et Cyangugu (TABLEAU 10).

FIGURE 7

FIGURE 7: Chaîne de distribution des poissons traités

TABLEAU 10: Prix des poissons: vente à la pêcherie

PRODUITSPRIX UNITAIRE (EN FRW)
Farine:300 (en détail: 350)
Isambaza séché:300
Isambaza congelé entier:120
Isambaza congelé traité:260

Le deuxième cas concerne les produits transformés mais vendus dans les points de vente de voisinage. C'est à dire qu'au coût de transformation s'ajoute uniquement une marge commerciale et les prix sont ainsi plus élevés (TABLEAU 11).

TABLEAU 11: Prix des poissons: vente dans les voisinages

PRODUITSPRIX UNITAIRE MOYEN (FRW/KG)
Farine:356
Isambaza séché:301
Isambaza congelé entier: (*)-
Isambaza congelé traité: (*)-

(*) ces 2 produits ne sont vendus que dans les pêcheries

Le troisième cas concerne la chaîne la plus compliquée présentant le plus grand nombre d'intermédiaires. Par conséquent, au coût de production, coût de transformation et marge commerciale s'ajoute le coût de transport. Ainsi les prix sont encore plus élevés (TABLEAU 12).

TABLEAU 12: Prix des poissons: points de vente éloignés

PRODUITSPRIX UNITAIRE MOYEN (EN FRW/KG)
Farine:359 (en détail: 388)
Isambaza séché:335
Isambaza congelé entier:166
Isambaza congelé traité:347
Ndagala:400

Nous pouvons ainsi conclure que les prix des poissons au niveau des consommateurs sont conditionnés essentiellement par la structure plus ou moins compliquée de la chaîne de distribution. Ainsi nous pouvons dire que plus d'intermédiaires entraînent un coût plus élevé et contribuent finalement à l'augmentation des prix.

Les prix des produits de la pêche sont très élevés dès que la distance qui sépare les 2 extrémités de la chaîne (producteurs et consommateurs) est plus grande. Il est cependant évident que les poissons sont vendus plus chers dans les villes éloignés des plans d'eau naturels et des étangs de pisciculture.


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