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Introduction


Dans de nombreuses régions rurales marginalisées, la migration de travail est devenue la principale stratégie de subsistance. L’activité migratoire en fournissant un revenu plus important et plus stable que celui tiré des productions locales, occupe une place considérable dans la sécurisation des moyens de vie des ménages. Une révision de la littérature sur la migration de ces trentes dernières années met en évidence un changement dans la perception des effets de la migration sur le développement local. Dans les années 70, les études concluaient sur les effets perturbateurs causés par le départ des migrants et le faible impact des transferts des migrants sur les activités productives et sur les envois de fonds étant, selon celles-ci, destinés essentiellement à la consommation ou à des activités non-productives. Dans les années 80 de nouvelles études se sont attachées à démontrer que les effets des transferts de fonds on été en grande partie sous-estimés. Ils soulignent le rôle essentiel joué par la migration dans la sécurisation des moyens de vie des ménages et mettent en avant les possibilités de développement qui en découlent. Des études de cas ont démontré que les retombées au niveau local peuvent être parfois importantes. Cependant, dans la plupart des cas, la faible intégration des communautés émettrices par rapport aux marchés régionaux et nationaux freinent les investissements productifs des migrants et de leur famille.

Deux solutions, qui peuvent être complémentaires, ont été avancées pour améliorer les effets des transferts migratoires sur le développement des régions d’origine. Plusieurs études récentes insistent sur la nécessité d’améliorer l’environnement dans lequel agissent les migrants et leur famille qui limite bien souvent les possibilités d’investissements productifs des migrants et les rend dépendant au transfert de fonds.

L’accent est mis sur le lieu d’origine des migrants où des politiques visant à intégrer les communautés rurales aux marchés régionaux et nationaux (amélioration des infrastructures, des technologies, incitations par les prix) sont préconisés (Taylor 1995). Mais, plusieurs auteurs rappelent que la migration est un phénomène qui englobe plusieurs lieux et que des mesures doivent être également prises pour améliorer les conditions de vie et de travail des immigrants dans le lieux d’accueil (régularisation, etc) ainsi que pour faciliter l’acheminement des transferts de fonds vers les régions émettrices.

D’autres travaux ont mis en évidence dans certaines régions du monde, notamment là où l’action des pouvoirs publiques est faible, le dynamisme des communautés d’immigrés en matière de développement de leur région d’origine (Daum 1995; Lanly 1998). Regroupés en associations, elles proposent une meilleure valorisation de l’entreprise migratoire par une gestion collective des transferts migratoires. Cependant, la dynamique qui conduit à la création d’associations d’immigrés tournées vers le développement de la région d’origine mais aussi les conditions qui déterminent la réussite de leurs initiatives restent encore mal connues. Ce travail se propose de les étudier à partir de l’étude de trois associations d’immigrés originaires de deux communautés rurales pauvres de l’Etat de Oaxaca: San Pablo Macuiltianguis et San Juan Teitipac.

Il se base sur l’hypothèse suivante: la gestion collective des transferts migratoires a un impact beaucoup plus direct et déterminant sur l’économie locale et régionale que les actions entreprises individuellement ou au niveau des ménages. En effet, l’organisation en association permet aux migrants de réunir les fonds et les compétences nécessaires pour améliorer substantiellement les conditions de vie des populations et de surmonter certains obstacles au développement des communautés et régions d’origine. C’est notamment le cas pour des actions de grande envergure comme les projets visant à moderniser et à intégrer les activités locales dans l’économie marchande (irrigation, formation et réalisation d’infrastructures routières), ou encore à agir sur les marchés (coopératives d’achat ou de production, etc.). Par ailleurs, les initiatives des associations agissent en complément des transferts de fonds des émigrés destinés principalement à la subsistance des familles, en créant les conditions favorables à leur investissement dans des activités locales. En outre, en mettant en place des infrastructures destinées à l’ensemble de la communauté, elles assurent une distribution plus équitable de la rente migratoire au niveau des régions d’origine. Mais, surtout, leurs actions peuvent stimuler l’initiative locale en plaçant les populations dans une optique de changement. De plus, leur connaissance des régions et de départ et de leur population leur permet d’identifier les principaux obstacles qui limitent le développement local et d’élaborer des actions pour y remédier. Leurs actions ont ainsi un effet au niveau local beaucoup plus direct et déterminant sur le long terme que les initiatives individuelles.

Dans une première partie, nous discuterons la relation entre migration et développement local en revenant sur les variables migratoires qui agissent sur les conditions de développement des régions émettrices ainsi que sur la capacité des institutions locales à s’adapter au contexte de la migration afin d’en retirer le plus grand profit. Ce dernier aspect est important pour comprendre la mise en place d’associations d’immigrés tournées vers le développement d’origine. Enfin nous concluerons ce chapitre par la présentation des principales caractéristiques des associations d’immigrés. Dans une deuxième partie nous présenterons et discuterons les résultats de nos enquêtes sur les deux associations d’immigrés originaires de Oaxaca. Nous concluerons par des recommendations pour venir en appui aux initiatives de ces associations en faveur du développement de leur lieu d’origine.


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