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Du papier pour le progrès culturel

GORAN OHLIN

A la demande du Comité consultatif FAO de la pâte et du papier, le professeur G. OHLIN (Institut d'études économiques internationales, Wenner Gren Center, Université de Stockholm [Suède]) a rédigé un rapport sur «l'importance du papier dans le progrès et l'aide extérieure» en collaboration avec la FAO et l'Unesco. Le présent article est un extrait de ce rapport.

QUAND ON cite la pénurie de papier parmi les obstacles au progrès de l'instruction et de la culture on évoque souvent le pénurie de devises. Evidemment, là où des restrictions à l'importation et le contrôle des devises s'opposent à la satisfaction d'une demande existante, la pénurie qui en résulte constitue un réel goulet d'étranglement.

Le papier et l'enseignement

Il est cependant douteux que le manque de devises puisse être compté comme un problème majeur pour la satisfaction des besoins en papier nécessaire au seul enseignement. Dans les pays pauvres, la consommation de papier à usage scolaire est également faible, que les devises étrangères soient abondantes ou rares. Les dépenses à caractère éducatif ne représentent qu'une faible part de l'ensemble du commerce extérieur, et la part du papier est encore plus faible. Une augmentation des besoins consécutive à l'instruction obligatoire et à la consommation corrélative de papier à usage scolaire, même considérable, n'absorberait pas une fraction appréciable des devises étrangères. En Inde, par exemple, où le commerce extérieur par habitant est relativement bas, il serait pourtant possible, même en supposant nulle la production nationale de papier, d'importer tout, le papier normalement utilisé dans l'enseignement primaire pour une dépense inférieure à 1 pour cent des recettes d'exportations.

Pourtant, les dépenses à caractère éducatif considérées dans leur ensemble constituent une part substantielle des budgets nationaux et, dans ce domaine, la pression financière est vive. Les dépenses de papeterie dans les écoles ne sont généralement pas fixées par les consommateurs eux-mêmes, mais par les autorités publiques pour qui le problème le plus pressant consiste à obtenir des crédits de toute nature. En réalité, les manuels et fournitures scolaires sont parfois partiellement à la charge des élèves, mais, même en ce cas, le gouvernement doit s'occuper des importations et fabrications de fournitures scolaires et fixer en outre les normes de consommation. Dans les décisions: de cette nature, la pénurie de devises étrangères semble n'entrer que peu en ligne de compte.

Il n'en reste pas moins certain que le papier est une denrée chère dans les pays sous-développés, plus chère qu'en Europe, en valeur absolue, et, souvent plus chère encore par rapport au revenu national. Comparativement au traitement d'un enseignant, par exemple, le papier utilisé par ses élèves coûte probablement 40 fois plus cher dans de nombreux pays pauvres que clans les riches Etats européens. Au regard des normes d'un enseignement moderne suffisant et efficace, les écoles d'Asie et d'Afrique manquent incontestablement de papier, la possibilité de se procurer du papier en échange de monnaie locale n'étant d'ailleurs qu'un des éléments qu'exige l'enseignement.

L'information des masses

La distinction entre les moyens destinés a l'enseignement et ceux destinés à l'information générale est plus ténue dans les pays sous-développés que dans les autres. Les journaux et périodiques y constituent évidemment le principal véhicule des connaissances et idées qui permettent à la culture de s'exprimer. Un rapport de l'Unesco note:

«Dans les pays sous-développés, le relèvement du niveau de l'instruction exige naturellement, entre autres choses, la diffusion de connaissances relatives {t l'agriculture, aux techniques industrielles, à la santé et au développement communautaire. Mais lorsqu'on tente d'accomplir en quelques années ce qui a demandé des siècles dans les pays avancés, les méthodes classiques d'enseignement ne peuvent suffire. C'est là que les moyens d'information, dont la rapidité, la portée et la force de pénétration sont inégalées, trouvent les plus grandes possibilités d'action efficace ¹.»

¹Les moyens d'information dans les pays en voie de développement. Etudes et documents d'information, N° 33. Paris, 1961, p. 16.

Dans la plupart des pays d'Afrique et d'Asie, la presse est concentrée dans les grandes villes, et ses taux de diffusion sont bas (tableau 1). En Afrique, la diffusion des quotidiens, comme c elle des périodiques, est ainsi limitée à un petit nombre de pays, et plus nombreux sont ceux qui manquent totalement de presse quotidienne. l'on excepte quelques grandes entreprises dans des pays qui ont bénéficié d'une aide à cette fin, la plupart des journaux ne peuvent pas se permettre d'avoir leur propre imprimerie et font imprimer à façon.

En Asie, la multiplicité des langues est un obstacle supplémentaire. Le Japon mis à part, la diffusion des quotidiens n'était en 1961 que de 1,6 exemplaire par 100 personnes.

TABLEAU 1. - LES QUOTIDIENS ET LEUR DIFFUSION

 

Nombre total de quotidiens

Diffusion par 100 habitants

Vers 1950

Vers 1962

Vers 1950

Vers 1962

Afrique

200

240

1,0

1,3

Amérique du Nord

2 100

2 200

27,0

27,3

Amérique du Sud

750

750

6,0

8,0

Asie

1 300

1 750

3,0

4,0

Europe

2 000

2 500

22,0

23,0

Océanie

100

1]0

31,0

30,0

U.R.S.S.

400

460

11 ,0

18,1

SOURCE: Unesco.

Cependant on a constaté récemment de rapides progrès. Au Pakistan, où la consommation de papier journal est montée en flèche et où la production nationale a commencé à se développer, la diffusion a augmenté de près de cinq fois depuis 1955. En Inde, la diffusion des quotidiens a doublé depuis 1955, et le nombre de quotidiens est passé de 330 à 465.

Les quantités de papier et de papier journal utilisées pour l'ensemble des publications sont de très loin supérieures à celles destinées aux seuls emplois scolaires, et il est évident que, dans de nombreux pays, les importations de papier pour l'information des masses sont limitées par les restrictions commerciales et le contrôle des devises. Lorsque ce sont des sociétés commerciales d'Etat qui effectuent les importations, il est difficile, à moins de renseignements particuliers, de dire si ces importations sont inférieures à ce qu'elles seraient dans d'autres conditions. On peut cependant présumer qu'une telle procédure n'a pas seulement pour but d'assurer des conditions favorables mais aussi de limiter les achats. C'est ainsi qu'on dit de la presse de l'Inde qu'elle est soumise,

«en raison des restrictions aux importations portant sur le papier journal et le matériel d'imprimerie, à de fortes restrictions gouvernementales, bien que les commentaires et les tendances politiques soient libres. En raison des difficultés aiguës que connaît le commerce extérieur, le système d'achat du papier journal a profondément changé ces dernières années: les attributions aux consommateurs sont observées strictement, et une grande partie des importations passent par le canal de la Société commerciale d'Etat².»

² Survey of India. The Times. London, 26 janvier 1962.

Souvent, bien sûr, les restrictions sur les importations de papier sont inspirées par le désir d'accélérer et de protéger la fabrication nationale de papier. Certains pays ont fortement réduit ou stoppé leurs importations de papier dès qu'ils ont pu en produire eux-mêmes, et beaucoup de pays, pour ne pas dire la plupart, freinent également les importations de papier par leurs tarifs douaniers. Dans ces différents cas, les besoins en papier peuvent être satisfaits, bien qu'à des prix plus élevés que ceux pratiqués sur le marché international. Dans d'autres pays - par exemple ceux appartenant à la zone franc - les restrictions commerciales ne sont pas très sévères, et, dans d'autres, encore, on déclare que les demandes d'importations de papier bénéficient toujours d'un traitement favorable.

Il n'en reste pas moins évident que, pour l'ensemble des pays en voie de développement, la demande de papier destiné aux publications et à l'information des masses reste insatisfaite dans une proportion dont on ne peut estimer aisément l'ampleur. La demande immédiate est bien entendu limitée par les possibilités pratiques de l'imprimerie. Il peut se produire, à un moment donné, dans l'utilisation de ces mêmes possibilités, un certain ralentissement qui détermine une diminution dans l'absorption immédiate de certaines quantités de papier journal et des autres papiers destinés à l'impression. Mais, à la longue, tout véritable progrès du niveau de culture et d'information des masses demande une augmentation radicale de la capacité d'impression. Le tableau 2 montre les différences marquées existant entre la main-d'œuvre du secteur imprimerie-édition des zones essentiellement sous-développées classées dans la catégorie IV, qui comprend l'Afrique, l'Asie et quelques pays d'Amérique latine, et la même main-d'œuvre des pays où l'industrie est en bonne situation (catégorie III, qui comprend le Japon, le Chili, le Mexique, le Venezuela, le Portugal, l'Espagne et la Yougoslavie). L'expansion constatée entre 1938 et 1953 est toutefois à attribuer presque entièrement au Japon.

TABLEAU 2. - IMPORTANCE RELATIVE DE LA MAIN-D'ŒUVRE EMPIOYÉE DANS L'IMPRIMERIE ET L'ÉDITION DANS DES PAYS DE DIFFÉRENTS NIVEAUX D'INDUSTRIALISATION EN 1938 ET 1953

Catégorie

En pourcentage de la main-d'œuvre totale employée dans l'industrie et les mines

Par 100 000 habitants de la population totale

1938

1953

1938

1963

I

4,4

3,9

471

515

II

2,8

2,8

209

219

III

2,4

3,5

133

205

IV

1, 9

1,9

35

36

MONDE

9, 4

3,3

158

171

SOURCE: Nations Unies. Aperçu de l'expansion industrielle 1938-1958. New York, 1960. Tableaux 9 et 11.

NOTE: Les différents pays du monde ont été classés en quatre catégories d'après leur degré d'industrialisation, chiffré par l'investissement constaté dans l'industrie en 1953 par habitant. Pour chacune des catégories, les chiffres, en dollars des Etats-Unis, étaient respectivement: I: 200 et au-dessus: II: 100-199: III: 50-59: IV: au-dessous de 50.

Des efforts considérables sont actuellement entrepris dans les pays en voie de développement pour y faire progresser l'imprimerie et les autres éléments dont dépend la presse. Le journalisme et les arts graphiques y font l'objet de cours de formation, parfois avec une aide bilatérale ou internationale, et les programmes d'aide étrangère comportent des dons matériel d'imprimerie. Il arrive cependant que ces spécialistes et ce matériel restent sans emploi par suite de l'absence des ressources nécessaires à l'achat de papier journal et pour l'impression, et il est évident qu'une demande de papier est liée à des efforts de ce genre.

Les besoins et l'aide

Une demande importante et pressante pour un produit ne constitue pas par elle-même une raison suffisante pour qu'on doive décider l'octroi d'une aide extérieure sous cette forme précise. La liste des produits d'urgente nécessité est interminable dans les pays en voie de développement. Dans la mesure où ils ne peuvent être obtenus que par l'importation, certains de ces produits seront acquis grâce à l'aide extérieure, mais les autres seront importés par les voies ordinaires, et payés par les bénéfices sur les exportations, les réserves en devises, ou - s'il en existe des prêts et dons extérieurs non spécifiques. Les importations explicitement organisées par certains projets d'aide extérieure ne sont pas nécessairement les plus urgentes, et on ne peut assurer non plus que les produits importés par ce moyen n'auraient pas pu, dans une autre conjoncture, être importés par d'autres voies. Les projets choisis pour bénéficier d'un régime spécial par inscription dans les programmes d'aide extérieure sont avant tout caractérisés par le fait que le donateur les croit de nature à contribuer à l'expansion économique. Il est d'usage en la matière d'exiger certaines justifications sérieuses des projets d'assistance étrangère. Ces conditions ont pour but essentiel d'assurer le donateur que son aide ne sera pas gaspillée en pure perte. Sur le plan économique, l'aide extérieure agit principalement en remédiant à une insuffisance du commerce extérieur. Tant que les importations normales représentent une part importante du commerce du pays bénéficiaire, les donateurs ne peuvent pas contrôler la répartition des importations, à moins que certaines dispositions particulières ne leur permettent de s'assurer que les achats ordinaires de tel ou tel produit déterminé ne sont pas réduits du fait qu'ils figurent également dans un programme d'assistance, ou encore à moins que les quantités reçues à titre de dons soient très supérieures à celles qui auraient été importées normalement.

Le fait que l'importation et la consommation de papier soient très faibles dans les pays sous-développés n'indique pas à première vue que les ressources fournies par l'aide extérieure seraient mieux appréciées ou plus utiles si elles étaient consacrées à cet emploi. On serait presque tenté de penser le contraire. Dans la mesure où les politiciens n'accordent qu'une faible priorité aux :importations de papier ou restreignent le commerce extérieur dans ce domaine, on peut supposer que les gouvernements de ces collectivités estiment que les ressources mises à leur disposition par l'étranger leur seraient plus utiles sous d'autres formes, par exemple celle de produits de base. La chose est évidemment toute différente si les pays sous-développés spécifient qu'ils demandent du papier. Certes, de telles demandes ont été présentées dans le cadre des discussions de l'assistance internationale relatives à l'enseignement, mais elles semblent n'avoir figuré que rarement parmi les mesures prises au titre de l'aide étrangère. Les expéditions de papier effectuées au titre de programme mes d'aide extérieure ont été peu nombreuses, et - jusqu'à ces derniers temps, d'importance modeste.

Du point de vue du pays donateur, les projets axés sur les produits de base sembleront préférables à l'aide sous forme de biens de consommation, non seulement parce qu'ils contribuent plus immédiatement à l'expansion et au progrès, mais aussi pour des raisons administratives. Les projets destinés à des investissements déterminés ont, par leur nature, une fin en soi et font naître l'occasion de faire le point et de reconsidérer le sens de l'aide extérieure. Un programme de distribution de biens de consommation - et le papier en est un à cet égard - en arrive aisément, à se transformer en une sorte d'engagement à tacite reconduction auquel les autorités qui dispensent l'aide extérieure, liées par des programmes à court terme, ne seront pas favorables. Couvrir des besoins de cette nature en cas d'urgence, ou aider un pays pour lui permettre de franchir la période de démarrage de son équipement national est une chose; mais c'est tout autre chose que d'essayer de satisfaire un besoin persistant et croissant par une aide apportant des produits; une telle action fait en outre courir aux pays bénéficiaires le risque de retarder la, croissance de leur capacité de production.

D'une façon générale, les pays qui s'engagent dans un programme d'aide bilatérale ne le font qu'après avoir étudié soigneusement les besoins et priorités des pays bénéficiaires. On peut se demander s'il faut traiter comme un cas particulier l'aide portant sur le papier, ou si cette aide particulière constitue un domaine à réserver à une organisation multilatérale.

Cas où l'aide peut porter sur le papier

Il y a en fait, actuellement, deux arguments majeurs en faveur d'une importance accrue d'une aide de cette nature aux pays en voie de développement et en faveur d'une étude particulière des besoins en cet te matière.

1. La création d'un système d'enseignement efficace est, sans aucun doute, l'une des tâches les plus urgentes - sinon la tâche primordiale - que les pays en voie de développement ont à accomplir. S'il n'y a pas un minimum de progrès dans ce domaine, il n'y a aucune chance de parvenir à un progrès économique ou politique. Il n'est guère facile à l'assistance internationale d'appuyer cet effort. Il est possible de donner des avis et des conseils au sujet de la formation des enseignants, des programmes d'enseignement, des ouvrages scolaires, mais ce qui fait le plus défaut, ce sont les enseignants du pays même. L'aide apportée aux écoles des pays pauvres sous forme de papier ne peut être qu'une contribution modeste à l'ensemble de l'effort éducatif. Il en est de même, à la vérité, de toute aide extérieure, qui ne peut être autre chose qu'une contribution marginale, bien qu'importante parfois dans des zones particulièrement stratégiques. L'aide sous i orme de papier peut ainsi être une contribution stratégique dont les bénéfices économiques directs sont inappréciables et ne se dévoilent que peu à peu. Il existe de bonnes raisons de penser que les économistes-planificateurs, accablés par des problèmes à court terme, ont, tendance à investir trop peu pour l'enseignement, et que, dans les pays en voie de développement, les responsables de l'enseignement ont à lutter dans des conditions de grande infériorité pour obtenir une part des maigres ressources publiques. Les donateurs de l'aide extérieure se doivent de considérer l'aide à l'enseignement - sous forme de papier, de construction de bâtiments scolaires, de fourniture de vivres pour les restaurants scolaires, etc. - comme une contribution à la formation de l'indispensable «capital humain» et non comme une forme d'assistance de moindre importance.

Sans tenir compte des bienfaits économiques, la promotion de l'enseignement et de la culture présente un grand intérêt humanitaire; elle est une condition nécessaire à la bonne organisation de la société, car elle constitue certainement un des principes de base de la foi en un monde civilisé.

On peut avancer des arguments du même ordre en faveur de l'aide destinée à promouvoir les moyens d'information des masses, comme les journaux et périodiques, dans des pays où ces moyens sont insuffisants ou inexistants. L'aide sous forme de papier journal peut constituer un complément de valeur pour les programmes établis ou prévus ayant pour but de développer une presse destinée remplir des fonctions vitales de nature hautement éducative et à améliorer la qualité de l'information.

2. Il va de soi que le principe directeur de l'aide extérieure doit reposer sur l'intérêt réciproque des deux parties. Il n'y a pas de raison que la composition de l'aide extérieure ne soit pas établie en fonction des excédents des pays donateurs aussi bien que des besoins des pays bénéficiaires. Ce serait un net progrès en faveur d'une distribution plus rationnelle des ressources que d'utiliser, sous forme d'aide extérieure, les excédents des pays donateurs, à condition que cette distribution ne soit pas contraire à d'autres objectifs de l'une ou l'autre partie. L'emploi des excédents alimentaires dans l'aide extérieure est jusqu'ici le seul cas important entrant dans cette catégorie. Dans ce cas, les surplus sont presque entièrement entre les mains des gouvernements des pays donateurs. Mais ces pays peuvent parfois avoir intérêt à mobiliser leur capacité industrielle sous-utilisée dans certains secteurs. (Je procédé peut permettre de lutter contre des sous-emplois périodiques et d'augmenter le volume de l'aide sans sacrifice supplémentaire de ressources, car, du point de vue national, il ne coûte absolument rien d'utiliser une capacité excédentaire. L'amortissement des capitaux dans l'industrie papetière, par exemple, représente environ 30 % des prix normaux. En supposant même que le sous-emploi ne porte que sur les usines et le matériel, on peut dire que le papier produit en plus de la possibilité de consommation coûte au pays donateur un prix inférieur d'un tiers au prix de revient habituel.

Pour des raisons évidentes, cet argument n'a qu'une possibilité limitée d'application. La notion de capacité industrielle «excédentaire» est souvent surannée; vouloir essayer de l'absorber peut retarder la réadaptation qu'appellent des transformations économiques. En outre, les programmes d'aide extérieure exigent une certaine stabilité et ne peuvent être le jouet d'une politique de stabilisation nationale. Mais, s'ils sont temporairement «à l'aise» dans un domaine de production déterminé, les pays donateurs sont légitimement tentés de vouloir faire entrer cette production dans leur aide extérieure et d'écarter au contraire les productions qui sont provisoirement moins «élastiques». Les gros producteurs et exportateurs de pâte et papier - Canada, Etats-Unis, pays scandinaves - qui s'attendent à quelques années de production excédentaire pourraient trouver là une raison de s'engager dans une politique d'accroissement de leur aide extérieure dans un domaine qui contribuerait davantage au progrès éducatif et culturel plutôt qu'à la formation matérielle de capital. Etant donné la capacité de production particulièrement excédentaire pour le papier journal, cela permettrait également de développer les moyens d'information et de satisfaire les besoins scolaires proprement dits.

L'augmentation du niveau de la consommation de papier dans les pays en voie de développement obtenue par la fourniture plus généreuse de papiers destinés à l'impression et à l'écriture doit avoir des conséquences durables, même s'il est mis fin dans quelques années à l'aide particulière portant sur le papier. Les transformations du niveau de consommation sont irréversibles, et l'amélioration de la qualité de l'enseignement reste définitivement acquise. De même, la création et le développement de journaux et de périodiques sont de nature à ouvrir une brèche dans les bases statiques et historiques du rationnement de papier qui paralyse actuellement l'évolution de nombreux pays.

Antérieurement, cette même année, les Nations Unies avaient organisé à Genève une grande Conférence sur l'application de la science et de la technique dans l'intérêt des régions peu développées. Cette Conférence s'est achevée sur une note de confiance; elle avait consolidé les bases d'un échange de renseignements sur les manières de résoudre les problèmes qui affligent les deux tiers de l'humanité: famine, malnutrition, pauvreté et misère.

La Conférence portait aussi sur la foresterie et les produits forestiers - inventaire et utilisation rationnelle des ressources forestières, sylviculture, exploitation et industries forestières, pâte et papier - et une des conclusions qui ont émergé des travaux est que les forestiers et les industries forestières doivent s'adapter aux nécessités des pays non industrialisés. Ce concept nouveau a été pris comme thème d'un numéro récent de Unasylva (N° 67), dans lequel on s'est efforcé de montrer en même temps les liens existant entre la foresterie et la Campagne mondiale contre la faim de la FAO.


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