Previous Page Table Of ContentsNext Page

Les programmes d’amélioration des arbres pour la santé des forêts – peuvent-ils aller de pair avec les changements climatiques?

A. Yanchuk et G. Allard

Alvin Yanchuk travaille à la Section des recherches du Service des forêts de la
Colombie-Britannique,Victoria, Colombie-Britannique (Canada).
Gillian Allard est forestière (protection des forêts) à la Division de la gestion des forêts, Département des forêts, FAO, Rome.

Les programmes d’amélioration peuvent-ils conférer aux arbres la résistance «générique», afin de contrecarrer les nouvelles maladies et infestations de ravageurs qui pourraient survenir plus rapidement sous l’effet des changements climatiques?

Lorsque les généticiens forestiers étudient les adaptations physiologiques des populations d’arbres forestiers dans le cadre de différents scénarios de changements climatiques, ils doivent aussi tenir compte des impacts probables des nouvelles introductions d’insectes ravageurs et de maladies, ainsi que de l’augmentation des perturbations naturelles provoquées par des ravageurs indigènes. Quels enseignements peuvent être tirés d’investissements faits dans le passé en matière de recherche sur la résistance aux maladies et aux ravageurs et d’amélioration génétique, notamment face aux défis posés par les scénarios de changements climatiques? Peut-on obtenir une résistance générique et générale accrue pour neutraliser les nouveaux ravageurs et les nouvelles maladies qui se déclareront en moins d’une décennie?

Les principaux programmes d’amélioration commerciaux élaborés à l’échelon mondial ont surtout visé à obtenir une plus grande productivité dans les quelques premières générations d’amélioration génétique, mais ils ont parfois inclus un élément de résistance à un insecte nuisible ou à une maladie. De nombreux individus résistants aux attaques d’insectes et de maladies, et même des gênes de résistance spécifiques, ont été identifiés dans les espèces forestières, et certains sont actuellement utilisés dans les programmes d’amélioration.

Le présent article résume les résultats d’une recherche mondiale menée récemment sur la résistance aux insectes et aux maladies, qui laisse entendre que, même si certains programmes de résistance ciblés ont eu des impacts sensibles sur l’amélioration de la santé des forêts plantées, la plupart des gains n’ont concerné qu’un nombre limité d’espèces d’intérêt commercial particulier et ont mis des décennies à se concrétiser. L’article émet l’opinion que les approches adoptées dans le passé pourraient ne pas convenir face à des changements climatiques rapides; il identifie aussi cinq futurs défis qui pourraient compromettre la capacité des programmes d’amélioration à renforcer la santé des forêts sous un climat en évolution.

INFLUENCE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR LES ATTAQUES D’INSECTES ET DE MALADIES

Les changements climatiques devraient déterminer ou exiger des mouvements à grande échelle d’espèces, et de populations au sein des espèces, vers des zones climatiques où elles ne sont pas nécessairement présentes actuellement. De nouvelles stratégies audacieuses de gestion forestière devront être élaborées pour compenser le retard d’adaptation des espèces et de leurs populations, afin de maintenir la productivité et la santé des forêts. La vigueur et la productivité des arbres seront la première ligne de défense contre les insectes nuisibles et les maladies.

En outre, l’aire de répartition des insectes (la nonne, Lymantria monacha, et la spongieuse, Lymantria dispar, par exemple) devrait s’étendre suivant plusieurs scénarios de modélisation des changements climatiques (Vanhanen et al., 2007). Les maladies et les insectes nuisibles continuent d’être introduits et d’envahir ou de menacer des zones hors de leur aire de répartition naturelle (Lovett et al., 2006). On estime que le réchauffement du climat est l’une des principales causes des attaques épidémiques de maladies et des infestations de ravageurs indigènes, dont les dommages catastrophiques sont relativement nouveaux; parmi les exemples récents figurent la maladie des bandes rouges des aiguilles (Woods, Coates et Hamann, 2005) et le dendroctone du pin (Aukema et al.,2008) dans l’ouest du Canada.

Comme on estime que le réchauffement du climat augmente les cas de la maladie des bandes rouges des aiguilles (ici dans un pin tordu, Pinus contorta), il convient de poursuivre les recherches sur les mécanismes de résistance susceptibles de réduire l’infection provoquée par plusieurs espèces de champignons
A. Yanchuk

RÉSULTATS À CE JOUR DES PROGRAMMES D’AMÉLIORATION POUR LA RÉSISTANCE

Une enquête sur les documents existants qui vise à évaluer l’efficacité de la recherche sur l’amélioration des arbres pour la résistance aux maladies et aux ravageurs, menée par la FAO en collaboration avec le Service des forêts de la Colombie-
Britannique (Canada), a classé les activités selon quatre niveaux de développement des programmes d’amélioration:

Bien que les approches techniques pouvant être appliquées soient quelque peu prédéterminées par ces niveaux, trois technologies ont également été identifiées pour classer ultérieurement les initiatives:

Au total, 260 activités relatives à l’amélioration des arbres forestiers pour la résistance aux insectes nuisibles et aux maladies ont été recensées dans cet examen (FAO, 2008). La liste n’avait pas pour objectif de citer toutes les publications sur la résistance d’une espèce donnée, car certains programmes de résistance (à la rouille fusiforme dans Pinus taeda, par exemple) ont été décrits dans des centaines de rapports scientifiques. L’intention était plutôt de représenter un échantillon de textes relatifs à chaque domaine du programme. Le tableau résume certains des programmes qui à ce jour ont eu le plus d’impact.

Un programme relativement réussi de résistance à la rouille vésiculeuse du pin blanc (Cronartium ribicola) en Amérique du Nord; une réaction complexe de l’écorce tue le tissu entourant l’infection dans un arbre de Pinus strobus tolérant à la maladie
A. Yanchuk


Sommaire de l’enquête

Par espèce d’arbre forestier. Trente-six genres d’arbres ont été représentés. Les pins (Pinus spp.) et les peupliers (Populus spp.) étaient les deux genres qui ont fait l’objet de plus de recherches, représentant ensemble plus de la moitié des activités citées (figure 1).

Les essences forestières les plus étudiées comprenaient Pinus radiata (16 activités), P. taeda (neuf activités), et P. monticola et P. ponderosa var. ponderosa (six activités chacune). D’autres espèces faisant l’objet d’au moins quatre activités étaient Picea abies, Pinus contorta, Betula pendula, Cryptomeria japonica, Eucalyptus globulus, Hevea brasiliensis, Pinus lambertiana et Populus deltoides.

Par type et espèce de ravageur. Environ 54 pour cent des activités citées ont étudié la résistance des arbres à des espèces de maladies, 36 pour cent ont ciblé des insectes forestiers nuisibles, et 6 pour cent ces deux espèces de ravageurs. Six activités seulement ont été consacrées à la résistance aux mammifères (environ 2 pour cent), et une activité a eu pour objet la résistance aux nématodes.

Les espèces d’insectes nuisibles le plus couramment ciblées comprenaient Chrysomela scripta (cinq activités) et Pissodes strobi et Thecodiplosis japonensis (quatre activités chacune). Les maladies le plus souvent ciblées comprenaient Cronartium ribicola (18 activités) et Cronartium quercuum (sept activités). Quatre activités ont concerné chacune Diplodia pinea, Heterobasidion annosum, Melampsora larici-populina et Ophiostoma ulmi.

Par pays. La plupart des activités de recherche sont publiées dans les pays développés, avec en tête les États-Unis auxquels sont imputables près de 39 pour cent de toutes les activités (figure 2), bien que certains pays en développement émergents, comme la Chine (8 pour cent environ), l’Inde (3 pour cent) et le Brésil (1 pour cent), soient actifs ou qu’ils aient au moins publié et diffusé quelques résultats.

Par approche. Environ 68 pour cent de la recherche ont concerné les méthodes traditionnelles d’amélioration des plantes. Le génie génétique était le point de mire de presque 15 pour cent des activités, et la biologie moléculaire d’environ 13 pour cent. Près de 5 pour cent des activités avaient utilisé une combinaison des trois approches.

Par niveau du programme d’amélioration. Environ 63 pour cent de toutes les activités de recherche appartiennent au niveau 4; 22 pour cent au niveau 3; et 6 pour cent seulement au niveau 2. À peine 9 pour cent des activités mentionnées relevaient du niveau 1, c’est-à-dire du niveau de la plantation opérationnelle de matériel résistant; en outre, un grand nombre de ces activités, bien que mises en œuvre par différentes organisations, représentent des travaux réalisés sur les mêmes espèces forestières et concernant les mêmes dommages causés par des ravageurs ou des maladies.

1
Programmes d’amélioration pour la résistance aux insectes ravageurs et aux maladies, par genre d’arbre

2
Programmes d’amélioration pour la résistance aux insectes ravageurs et aux maladies, par pays

Impact des travaux sur la résistance réalisés dans les forêts plantées

D’une manière générale, l’enquête montre clairement que, malgré le grand nombre de recherches publiées en plus de 50 ans, tirées de centaines d’initiatives ou de programmes de recherche réalisés à l’échelle mondiale, relativement rares sont les programmes qui ont mis au point du matériel résistant adapté à la plantation opérationnelle. Les impacts pratiques des programmes d’amélioration pour la résistance n’ont été documentés que pour quatre ou cinq graves problèmes de ravageurs et de maladies d’intérêt commercial.

En ce concerne la résistance aux maladies, les deux programmes qui ont eu le plus de succès paraissent être celui qui concerne l’amélioration pour la résistance à la rouille fusiforme dans Pinus taeda et Pinus elliottii dans le sud des États-Unis, et les programmes de résistance à la rouille vésiculeuse du pin blanc dans la région de «l’empire interne» du sud de la Californie et le Pacifique Nord-Ouest en Amérique du Nord. La résistance de Pinus lambertiana à la rouille vésiculeuse en Californie et dans le sud de l’Orégon aux États-Unis est également notable. La documentation la plus ample en termes de succès a concerné la résistance à la rouille fusiforme; la valeur moyenne des plantations établies avec P. taeda résistant à la maladie a augmenté, passant de 6 à 40 pour cent, par rapport aux plantations établies avec du matériel susceptible, alors que les améliorations pour P. elliottii allaient de 40 à 90 pour cent (Brawner et al.,1999).

Les gains obtenus grâce aux programmes de première génération utilisant du matériel avec un gène de résistance moins marqué dans Pinus strobus vont de 3 à 70 pour cent de survie (avec un des rares exemples de gène de résistance dans Pinus lambertiana et P. monticola en supposant 100 pour cent de survie dans la situation la plus simple [Kinloch et al.,1999]). Il est possible que ces chiffres soient sous-estimés car le taux de survie du matériel planté plus récemment pourrait être supérieur; néanmoins, les résultats indiquent clairement que les gains génétiques sont réalisables et importants.

Plusieurs programmes (résistance à la flétrissure du châtaigner, par exemple) paraissent sur le point d’avoir de nouveaux matériels prêts à l’emploi; toutefois, il faudra beaucoup de temps avant que leurs impacts écologiques ou économiques puissent être évalués. Des lignées résistantes à la maladie des bandes rouges des aiguilles  dans Pinus radiata ont été développées, mais le problème a été largement traité dans le cadre de pratiques sylvicoles (Mead, 2005).

Par rapport aux programmes de résistance aux maladies, les programmes concernant les ravageurs sont moins bien développés et ont produit moins de matériel utilisable dans les grands projets de reboisement, bien que beaucoup de travail ait été réalisé dans ce domaine (comme le montre le tableau). L’enquête n’a indiqué que deux programmes utilisant des méthodes traditionnelles d’amélioration des plantes pouvant appartenir au niveau 1, l’un pour la résistance au puceron de l’épinette (Elatobium abietnum) (Harding,Rouland et Wellendorf, 2003) en Europe, et l’autre pour la résistance au charançon de l’épinette (Pissodes strobi) en Colombie-Britannique (Canada) (King et al.,1997). Les travaux utilisant du matériel transgénique pour la résistance aux insectes foreurs des tiges et phytophages vont en augmentant; la plantation opérationnelle de ce matériel n’en est encore qu’à ses débuts, mais elle a été mentionnée pour les peupliers en Chine (Ewald, Hu et Yang,2006). Les travaux sur la résistance d’Eucalyptus à un certain nombre d’insectes phytophages se multiplient, mais, à la connaissance des auteurs, la résistance n’a pas été incorporée dans le matériel planté à des fins commerciales.

Beaucoup de temps et de ressources ont été investis pour obtenir des génotypes résistants, acquérir de l’expérience dans leur utilisation et exercer des impacts sur la santé des plantations. Le démarrage d’un programme d’amélioration pour une espèce arborescente, ne fût-ce que pour quelques caractéristiques simples, exige un nombre bien plus élevé d’années que pour une espèce cultivée. Vu la longueur du processus comprenant la sélection du matériel génétique destiné aux essais de terrain, la production du matériel d’essai, l’établissement de l’essai et les mesures à prendre à des âges appropriés, la sélection du matériel le plus adapté et l’établissement dans des vergers à graines, il n’est guère surprenant que les programmes réussis aient mis une ou deux décennies, voire davantage, pour identifier et obtenir la résistance génétique utile du point de vue sylvicole.

Sacs d’isolement sur un cèdre rouge de l’ouest (Thuja plicata) pour la pollinisation contrôlée servant aux études de résistance au broutage des cerfs
A. Yanchuk

Les larves du charançon de l’épinette (Pissodes strobi) migrent le long de la pousse apicale pour anneler et tuer la cime de l’arbre; un programme d’amélioration contre ce ravageur, dans l’ouest du Canada, est l’un des rares programmes élaborés pour la résistance aux insectes qui ait atteint le stade de la plantation opérationnelle
A. Yanchuk

Quelques pins tordus survivant
au dendroctone du pin dans
un essai sur une famille jeune
(20 ans); les hauts niveaux d’attaque dans les opérations de recherche sur le terrain à si long terme représentent normalement un important premier «criblage génétique» pour la résistance aux insectes mangeurs d’écorce
A. Yanchuk

Test de provenance de pin tordu à l’âge de 30 ans; les essais de terrain comme ceux-ci ont servi à étudier les effets des changements climatiques sur la variation génétique adaptative de la croissance potentielle, et la résistance aux ravageurs et aux maladies de populations d’arbres forestiers
A. Yanchuk

OBTENIR DES RÉSULTATS EFFICACES DANS UN CLIMAT EN ÉVOLUTION: LES DÉFIS

Difficulté à trouver des mécanismes particuliers qui expliquent la résistance des plantes ou des arbres

Bien que de nombreuses caractéristiques de résistance aux insectes nuisibles ou aux maladies peuvent être dénombrés assez facilement en observant la présence ou l’absence du ravageur ou de la maladie sur un arbre individuel, des évaluations phénotypiques détaillées de la réaction de l’hôte ou du comportement du ravageur (se posant sur un arbre et le quittant ensuite, par exemple) sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes généraux de résistance en jeu.

Des décennies de recherche sur les insectes phytophages dans Betula pubescens (Haukioja, 2003, par exemple) ont mis en évidence une large gamme de variations dans le bouleau qui peuvent conférer la résistance. Il y a, par exemple, un grand nombre d’éléments de la feuille qui changent au cours de la période de végétation; le niveau de résistance varie suivant les espèces phytophages; et on a constaté que de simples changements dans les éléments nutritifs, la teneur en eau et la dureté de la feuille étaient aussi importants que n’importe quel profil anatomique ou chimique plus complexe et détaillé dans les génotypes du bouleau (Riipi et al.,2005). Identifier les mécanismes de la résistance qui peuvent conférer à des classes d’insectes nuisibles ou de maladies quelques résistances générales, et incorporer ces données dans des programmes susceptibles de livrer du matériel génétique résistant, sera difficile mais extrêmement précieux. Le développement de la résistance générale devient d’autant plus important si on ne peut pas prévoir les espèces d’insectes nuisibles ou d’agents pathogènes futurs qui apparaîtront suite aux changements climatiques.

Transférer la recherche sur les arbres sauvages aux arbres de lignée connue dans les programmes d’amélioration génétique

Les études portant sur des arbres dans leur milieu naturel n’aideront pas nécessairement les programmes d’amélioration à produire du matériel génétique plus résistant. Une recherche approfondie sur l’interaction entre les insectes nuisibles ou les maladies et les arbres hôtes dans les espaces naturels est importante à des fins de modélisation (taux de propagation et impacts dans les forêts naturelles, par exemple) et présente un intérêt au plan de l’évolution. Toutefois, il pourrait s’avérer impossible de transférer les résultats à des espèces ou populations qui ont fait l’objet d’une migration artificielle dans le cadre de stratégies d’adaptation aux changements climatiques (Millar,Stephenson et Stephens, 2007). Les travaux qui utilisent du matériel de lignée connue provenant de programmes d’amélioration – si ce matériel est disponible et testé vis-à-vis de différents ravageurs ou maladies – permettraient aussi de fournir les informations de base servant aux modèles d’impact sur le peuplement ou le paysage.

Ressources décroissantes affectées à l’amélioration génétique traditionnelle des arbres forestiers

Malgré les progrès spectaculaires réalisés à ce jour par certains programmes, il est probable qu’une quantité plus limitée de ressources sera affectée à l’avenir à l’étude d’interactions hôte-ravageur particulières dans les programmes classiques d’amélioration. Dans l’ensemble, la formation traditionnelle en matière de génétique quantitative – un ensemble de compétences nécessaires pour l’amélioration des arbres – a accusé une baisse (Eisen, 2008; Knight, 2003; Morris, Edmeades et Pehu,2006). En outre, de nombreux programmes, parmi les plus réussis et importants, d’amélioration des arbres ont beaucoup de peine à poursuivre leurs travaux à cause des profonds changements financiers et structurels survenus dans l’industrie forestière (Byram, Miller et Raley,2006). Les ressources disponibles pour la recherche devront être consacrées à la mise à l’essai, au développement et à l’utilisation de résistances susceptibles de contrecarrer les défis inconnus actuels et futurs. La résistance croisée, c’est-à-dire contre de nombreuses classes d’insectes ou de maladies (Andrew et al., 2007, par exemple), identifiée et testée de façon adéquate, pourrait s’avérer très utile à l’avenir.

Adapter les investissements dans la recherche en matière de biologie moléculaire et de génomique

Les énormes sommes investies dans la biologie moléculaire, dans de nombreux pays, tout en étant d’un grand intérêt scientifique, doivent être mieux corrélées avec les programmes appliqués. L’enquête a constaté que 13 pour cent environ des initiatives utilisaient des techniques de biologie moléculaire. Les informations dans le domaine de la génomique évoluent rapidement, et de nombreux produits ou outils seront sans doute d’un grand intérêt pour les généticiens. Ainsi, il pourrait être possible de réduire le nombre des éléments clés (familles de gènes, par exemple) intervenant dans la résistance, tels qu’un composé de la biosynthèse et de la production de résines terpénoïdes, les expressions des alcaloïdes, la production de résine traumatique, la formation de canaux résinifères ou de barrières physiques, comme l’épaisseur de l’écorce ou les cellules pierreuses. Cependant, le défi majeur consistera à établir les liens corrects entre les marqueurs, les mesures des expressions géniques et les expressions phénotypiques de la caractéristique dans de grandes populations d’arbres forestiers de lignée connue, puis déterminer comment les réactions ou les caractéristiques des arbres influencent les réactions du ravageur ou de l’agent pathogène.

Boutures de Populus trichocarpa prélevées dans une pépinière et destinées à des essais de terrain; les peupliers sont largement utilisés en génomique et pour les essais de modification génétique, mais des études de terrain de base sont encore nécessaires à long terme pour étudier les niveaux naturels de résistance et d’adaptation aux changements climatiques
A. Yanchuk

Rôle des arbres transgéniques

Les techniques de modification génétique peuvent résoudre temporairement quelques problèmes particuliers concernant les ravageurs, mais on ne doit les considérer que comme un seul outil dans des programmes d’amélioration bien développés. Étant donné que les arbres sont plantés à travers les paysages et que les changements climatiques imposeront des complexités supplémentaires, des tests de terrain adéquats dans l’espace et le temps seront nécessaires pour garantir que l’expression génique est stable dans différents génotypes. Cependant, pour des essences à courte rotation comme le peuplier, il pourrait être possible de gérer les arbres transgéniques à l’aide d’approches semblables à celles qu’on utilise actuellement pour les cultures agricoles.

SOMMAIRE ET CONCLUSIONS

Les résultats de l’enquête mettent en évidence trois questions. Tout d’abord, du moment que le «temps de réaction» nécessaire à la mise au point de solutions génétiques pour la résistance aux insectes nuisibles et aux maladies a été normalement de l’ordre de plusieurs décennies, cette approche sera-t-elle valable dans un monde au climat en évolution rapide? D’après les auteurs, la réponse est probablement négative. Il pourrait donc être nécessaire d’élaborer des stratégies susceptibles de fournir quelques résistances «préemptives» ou générales.

Deuxièmement, en l’absence des délais nécessaires pour savoir quels insectes ou maladies menaceront les forêts à l’avenir, existe-t-il de meilleures formes ou classes «génériques» de résistance qui pourraient être développées à l’avance pour neutraliser diverses catégories d’insectes ou de maladies? Il serait hautement souhaitable, si possible, d’identifier des mécanismes de résistance plus abordables permettant aussi de réduire le cycle de la conception à l’exécution par rapport à la situation actuelle.

Troisièmement, les mécanismes de résistance utilisés aujourd’hui seraient-ils à même d’assurer une protection contre de nouveaux ravageurs ou maladies?

Bien qu’on ne doive pas s’attendre à ce qu’un type général de résistance croisée fasse normalement partie des mécanismes de résistance (Panda et Khush, 1995; Riipi et al.,2005), il pourrait s’avérer important de chercher à comprendre le niveau de variation actuel dans des arbres parents d’élite choisis produisant les semences et les populations génétiques. La réduction du nombre de génotypes que les chercheurs devraient utiliser, et qu’ils peuvent se permettre, devrait être modérée par la difficulté de contenir davantage de caractéristiques (Verryn, 2008), notamment s’il existe des corrélations génétiques négatives entre les caractéristiques recherchées. En outre, la résistance n’entraîne pas nécessairement un coût physiologique (King et al.,1997, par exemple), si bien que les mécanismes de résistance qui sont corrélés positivement avec la croissance seraient aussi désirables.

En résumé, après cinq décennies de recherches sur la résistance des arbres aux insectes nuisibles et aux maladies, l’amélioration pour la résistance a eu d’importants impacts au niveau local; toutefois, les succès concernent essentiellement quelques grands programmes commerciaux qui ont d’importantes ressources et structures permettant d’obtenir des gains.

À l’avenir, les organismes de financement et les chercheurs devront peut-être consacrer des ressources et des capacités de recherche décroissantes à des espèces pour lesquelles les options sylvicoles visant à atténuer les pertes dues aux attaques des ravageurs et des maladies sont limitées. La recherche devrait aussi se focaliser sur les génotypes qui sont déjà présents dans les programmes d’amélioration, ou qui pourraient former la base d’un programme.

Une meilleure concordance entre les programmes de recherche en matière de génétique forestière et de santé des forêts sera nécessaire, si les programmes d’amélioration des arbres traditionnels doivent tirer parti d’investissements antérieurs dans la recherche sur la résistance aux insectes et aux maladies, et contribuer à atténuer les impacts négatifs prévus des changements climatiques sur la productivité et la santé des forêts. Cela pourrait s’avérer impératif vu les prévisions de dangers accrus provoqués à l’avenir par les ravageurs et les maladies.

Bibliographie

Andrew, R., Wallis, I., Harwood, C., Henson, M. et Foley, W. 2007. Heritable variation in the foliar secondary metabolite sideroxylonal in Eucalyptus confers cross-resistance to herbivores. Oecologia, 153(4): 891–901.

Aukema, B.H., Carroll, A.L., Zheng, Y., Zhu, J., Raffa, K.F., Moore, D., Stahl, K. et Taylor, S.W.
2008. Movement and outbreak populations of mountain pine beetle: influences of spatiotemporal patterns and climate. Ecography, 31: 348–358.

Brawner, J.T., Carter, D.R., Huber, D.A. et White, T.L.
1999. Projected gains in rotation-age volume and value from fusiform rust resistant slash and loblolly pines. Canadian Journal of Forest Research, 29: 737–742.

Byram, T.D., Miller, L.G. et Raley, E.M.
2006. Fifty-fourth progress report of the cooperative forest tree improvement program. College Station, Texas, États-Unis, Texas Forest Service, Texas A&M University.

Eisen, E.J.
2008. Can we rescue an endangered species? Journal of Animal Breeding and Genetics, 125: 1–2.

Ewald, D., Hu, J. et Yang, M.
2006. Transgenic forest trees in China. In M. Fladung et D. Ewald, éd. Tree transgenics: recent developments, p. 25-45. Berlin et Heidelberg, Allemagne, Springer-Verlag.

FAO.
2008. Selection and breeding for insect and disease resistance. Disponible sur Internet: www.fao.org/forestry/26445

Harding, S., Rouland, H. et Wellendorf, H.
2003. Consistency of resistance by the spruce green aphid in different ontogenetic stages of Sitka spruce. Agricultural and Forest Entomology, 5(2): 107.

Haukioja, E.
2003. Putting the insect into the birch–insect interaction. Oecologia, 136: 161–168.

King, J.N., Yanchuk, A.D., Kiss, G.K. et Alfaro, R.I.
1997. Genetic and phenotypic relationships between weevil (Pissodes strobi) resistance and height growth in spruce populations of British Columbia. Canadian Journal of Forest Research, 27: 732–739.

Kinloch, B.B., Sniezko, R.A., Barnes, G.D. et Greathouse, T.E.
1999. A major gene for resistance to white pine blister rust in western white pine from the western Cascade Range. Phytopathology, 89: 861–867.

Knight, J.
2003. Crop improvement: a dying breed. Nature, 421: 568–570.

Lovett, G.M., Canham, C.D., Arthur, M.A., Weathers, K.C. et Fitzhugh, R.D.
2006. Forest ecosystem responses to exotic pests and pathogens in eastern North America. Bioscience, 56: 395–405.

Mead, D.J.
2005. Opportunities for improving plantation productivity – how much? how quickly? how realistic? Biomass and Bioenergy, 28: 249–266.

Millar, C.I., Stephenson, N.L. et Stephens, S.L.
2007. Climate change and forests of the future: managing in the face of uncertainty. Ecological Applications, 17: 2145–2151.

Morris, M., Edmeades, G. et Pehu, E.
2006. The need for plant breeding capacity: what roles for the public and private sectors. HortScience, 41: 30–39.

Panda, N. et Khush, G.S.
1995. Host plant resistance to insects. Wallingford, Royaume-Uni, CAB International.

Riipi, M., Kause, A., Haukioja, E., Ossipov, V., Ossopova, S. et Pihlaja, K.
2005. Variable responses of folivorous sawflies to leaf quality of mountain birch. Canadian Journal of Forest Research, 35: 189–198.

Vanhanen, H., Veteli, T.O., Pailvinen, S., Kellomaki, S. et Niemala, P.
2007. Climate change and range shifts in two insect defoliators: gypsy moth and nun moth – a model study. Silva Fennica, 41: 621–638.

Verryn, S.D.
2008. Breeding for wood quality – a perspective for the future. New Zealand Journal of Forestry Science, 38: 5–13.

Woods, A., Coates, K.D. et Hamann, A.
2005. Is an unprecedented Dothistroma needle blight epidemic related to climate? Bioscience, 55: 761–769. uin the western United States. Science, 323: 521–524.


Previous Page
Table Of ContentsNext Page