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Utiliser le savoir traditionnel pour s’adapter aux changements climatiques dans le Ghana rural

B.A. Gyampoh, S. Amisah, M. Idinoba et J. Nkem

Benjamin A. Gyampoh et Steve Amisah travaillent à la Faculté des ressources naturelles renouvelables, Kwame Nkrumah University of Science and Technology (KNUST), Kumasi (Ghana).
Monica Idinoba travaille au Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), Ouagadougou (Burkina Faso).
Johnson Ndi Nkem travaille au CIFOR, Bogor (Indonésie).

Une enquête sur les communautés rurales du bassin du fleuve Offin montre l’importance d’incorporer le savoir traditionnel et les connaissances scientifiques dans les stratégies d’adaptation aux changements et à la variabilité du climat.

Après le raz-de-marée de décembre 2004 qui a ravagé la côte de l’Indonésie, les appels se sont multipliés pour l’application de technologies de pointe (installation de systèmes d’alerte rapide utilisant des techniques sophistiquées de détection par satellite et balises océaniques), afin d’éviter que des catastrophes similaires se reproduisent. Entre-temps, des nouvelles ont commencé à circuler sur la manière dont les communautés autochtones ont pu échapper à la colère du raz-de-marée, grâce à leur savoir traditionnel (encadré ci-dessous), attirant ainsi l’attention sur l’importance de cultiver cette forme de savoir pour se préparer à réagir aux catastrophes naturelles.

Le savoir traditionnel – la sagesse, les connaissances et les pratiques des populations autochtones acquises par l’expérience et transmises oralement de génération en génération – a joué au fil des ans un rôle significatif dans la solution des problèmes, y compris ceux liés à l’évolution et à la variabilité du climat. Les populations autochtones qui vivent près des ressources naturelles observent souvent les activités qui se déroulent autour d’elles, et sont les premières à identifier les changements et à s’y adapter. L’apparition de certains oiseaux, l’accouplement de certains animaux et la floraison de certaines plantes sont autant de signes fondamentaux de changements dans le temps et les saisons qui sont bien compris dans les systèmes de savoir traditionnel. Les populations locales ont utilisé la biodiversité comme tampon contre la variation, le changement et les catastrophes; face aux fléaux, si une récolte échoue, une autre survivra (Salick et Byg, 2007). Pour affronter les risques dus à des précipitations excessives ou faibles, à la sécheresse et à l’échec des cultures, certaines populations traditionnelles plantent un grand nombre de cultures et de variétés ayant des niveaux très différents de vulnérabilité à la sécheresse et aux inondations; elles les complètent par les produits de la chasse et de la pêche et la récolte de plantes vivrières sauvages. La diversité des cultures et des ressources alimentaires s’accompagne souvent, comme mesure de sécurité, d’une diversité similaire des emplacements des champs, pour s’assurer que, face à des phénomènes climatiques extrêmes, certains champs survivront et produiront des cultures pouvant être récoltées.

L’adaptation au changement climatique comprend tous les ajustements du comportement ou de la structure économique susceptibles de réduire la vulnérabilité de la société aux changements du système climatique (Smith, Ragland et Pitts, 1996). La possibilité de s’adapter de façon durable dépend des ressources disponibles. L’Afrique est la région la plus vulnérable aux impacts défavorables du changement climatique, et n’a qu’une faible capacité d’adaptation. Mais ses populations, notamment au niveau local, s’efforcent de faire face aux changements qu’elles observent.

On estime qu’en Afrique, au cours du XXe siècle, le réchauffement était compris entre 0,26 et 0,5 °C par décennie (Hulme et al., 2001; Malhi et Wright, 2004). Cette tendance est destinée à se poursuivre, voire à s’intensifier sensiblement, exerçant des effets négatifs sur les moyens d’existence. D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2007), un scénario d’émissions moyennes à élevées impliquerait une augmentation annuelle moyenne des températures de l’air superficiel comprise entre 3 et 4 °C d’ici à 2080. Cela signifie l’arrivée de temps durs pour les populations locales qui sont directement tributaires des ressources naturelles pour leurs moyens d’existence, et qui ne possèdent guère d’avoirs ou de connaissances techniques pour s’adapter aux changements à venir.

Au Ghana, les températures enregistrées ont augmenté d’environ 1 °C au cours des 40 dernières années du XXe siècle, tandis que les précipitations et les débits ont diminué, respectivement, d’environ 20 et 30 pour cent (Ghana Environmental Protection Agency, 2000). Comme le Ghana dépend principalement des cultures pluviales, il est extrêmement vulnérable à la variabilité et aux changements du climat. Mais, au fil des ans, les agriculteurs et d’autres communautés du pays qui sont tributaires des ressources naturelles ont conçu divers systèmes pour s’adapter à ces changements, en exploitant leur savoir traditionnel.

Le présent article évalue les stratégies adoptées par les communautés rurales qui vivent dans le bassin du fleuve Offin, au Ghana, pour affronter les changements et la variabilité climatiques. Leurs opinions sur le changement du climat et leurs récits sur les méthodes qu’elles ont adoptées pour s’y adapter ont été recueillis en 2007, grâce à des questionnaires semi-structurés, des débats de groupes de réflexion, des interviews et des observations de terrain dans 20 communautés rurales. Seuls des membres de la communauté de 40 ans et plus ont été interrogés, selon l’hypothèse que les jeunes auraient moins d’expérience en matière de changements climatiques et moins d’observations pertinentes à formuler. Dix questionnaires au maximum ont été distribués par communauté.

Grâce aux débats des groupes de réflexion et aux questionnaires, les personnes qui possédaient des connaissances appréciables sur les changements environnementaux survenant autour d’elles ont été choisies pour des interviews en profondeur. Il s’agissait essentiellement d’agriculteurs locaux expérimentés qui pouvaient confirmer les changements discernables dans les précipitations et la température, d’anciens et de chefs traditionnels qui prenaient part aux prises de décisions communautaires.

Le savoir indigène sauve des vies

Juste avant le raz-de-marée de l’océan Indien, en 2004, de nombreuses personnes se sont rendues sur le rivage, attirées par le spectacle inhabituel de poissons se débattant sur le fond de la mer exposé au ressac. Parmi elles ne se trouvaient ni les populations Moken et Urok Lawai des côtes et des îles de Thaïlande, ni les Ong des îles Andaman de l’Inde, ni la communauté Simeulue d’Indonésie; ils savaient tous qu’il fallait se diriger rapidement vers l’intérieur pour échapper à la force destructrice de la mer. Les petits villages des Moken et des Ong ont été entièrement détruits, mais leurs habitants sont restés indemnes. Encore plus frappant a été le déplacement de plus de 80 000 personnes appartenant à la communauté Simeulue vers des zones hors de l’atteinte du raz-de-marée; il n’y a eu que sept victimes. Cette réaction étonnamment efficace, qui contraste avec les immenses pertes subies ailleurs en Indonésie, a été récompensée par la remise à la population Simeulue du prix Sasakawa des Nations Unies pour la prévention des catastrophes.

Source: Elias, Rungmanee et Cruz, 2005.

LE CONTEXTE DU BASSIN DU FLEUVE OFFIN

Le bassin du fleuve Offin a un climat semi-humide tropical et des forêts humides semi-décidues. Les communautés intéressées par l’étude sont rurales, et la plupart de leurs membres pratiquent une agriculture de subsistance. Quelques-uns se livrent aussi à la production de cacao. L’agriculture dans cette région, comme dans la majeure partie du Ghana, est pluviale; les saisons de plantation coïncident avec les deux saisons des pluies – la grande saison des pluies allant d’avril à juillet et la petite saison de septembre à octobre. L’élevage est limité et l’activité économique faible, bien que la plupart des gens se consacrent à de petites activités commerciales pour accroître les maigres revenus tirés de l’agriculture. Environ 90 pour cent des communautés interrogées n’ont pas d’eau courante et dépendent du fleuve, des ruisseaux et des pluies pour répondre à leurs besoins en eau.

Le fleuve Offin est la principale source d’eau pour les communautés qui vivent dans le bassin
B.A. Gyampoh

EFFETS OBSERVÉS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS LE BASSIN DE L’OFFIN

Il est possible que les populations autochtones qui vivent dans la zone faisant l’objet de l’étude ne comprennent pas le concept de réchauffement de la planète ou de changement climatique, mais elles observent et ressentent les effets de la baisse des précipitations, de l’augmentation de la température de l’air, de l’intensité croissante du soleil et des changements saisonniers dans le régime des précipitations. Leurs observations sont corroborées par une étude qui a enregistré une réduction des précipitations moyennes annuelles de 22,2 pour cent et une hausse progressive de la moyenne des températures maximales de 1,3 °C ou 4,3 pour cent entre 1961 et 2006 (Gyampoh et al., 2007).

À cause, en partie, de la baisse des précipitations, conjuguée à la déforestation et à la dégradation des forêts, les débits de
toutes les masses d’eau du bassin ont été faibles, et certains cours d’eau sont complètement taris (Gyampoh, Idinoba et Amisah, 2008). Le débit du fleuve Offin a diminué, passant de 6,9 m³ par seconde en 1957 à 3,8 m³ par seconde en 2006, soit une réduction de 45 pour cent (Gyampoh et al., 2007). Pendant les saisons sèches de 2006, le débit était si faible que le lit du fleuve était exposé, et certains des puits creusés par les communautés pour avoir des disponibilités d’eau toute l’année s’étaient aussi taris, indiquant une réduction possible de l’eau souterraine. L’eau se fait rare à un moment où la demande des communautés s’accroît sous l’effet de la croissance démographique.

L’échec récent des cultures dans le bassin, notamment depuis 2000, a été attribué à la faiblesse des précipitations, à l’absence prolongée de pluies et aux changements du régimes des précipitations. L’agriculture dans le bassin est pluviale, et les agriculteurs ont, au fil des ans, conçu des moyens de prédire l’arrivée de la saison des pluies. Les champs sont défrichés et préparés avant le démarrage des pluies, afin que la campagne agricole puisse commencer dès leur arrivée. Cependant, ces dernières années, le début de la saison des pluies est devenu imprévisible. Certaines années, les premières pluies sont tombées normalement, mais ont été suivies par de longs arrêts imprévus avant de reprendre. Il est donc devenu difficile pour les agriculteurs de planifier leurs campagnes agricoles de façon à les faire coïncider avec l’arrivée des pluies pour obtenir un rendement agricole maximal. Outre l’incertitude de l’époque, les absences prolongées de pluie ont déterminé des situations de sécheresse, où la quantité d’eau du sol ne suffisait pas à la croissance des cultures. Il en est résulté des rendements réduits ou des échecs de cultures.

La hausse des températures et l’ensoleillement intense, conjugués à l’absence prolongée des pluies, font flétrir les cultures. Certains cultivateurs de cacao ont déclaré que leurs arbres dépérissaient à cause de l’exposition prolongée au soleil, et les horticulteurs soutenaient que les températures élevées faisaient mûrir leurs légumes prématurément, ce qui diminuait la valeur commerciale de leurs produits.

Lorsque les cultures dépérissent, l’argent dépensé pour la préparation du champ et la plantation, ainsi que le revenu tiré de la vente des produits agricoles, est perdu, et les épargnes du ménage sont investies dans la replantation. Les agriculteurs peuvent supporter de mauvaises récoltes occasionnelles, mais ont du mal à s’habituer à une série continue de faibles rendements.

Les maladies liées à la chaleur et à l’eau se répandent de plus en plus dans le bassin. L’incidence du paludisme s’est accrue car les gens s’exposent aux moustiques en dormant en plein air, ou avec les fenêtres ouvertes, pour supporter des températures nocturnes anormalement élevées. Pendant les pénuries prolongées de précipitations, les sources d’eau sont rares, stagnantes et contaminées, ce qui augmente l’incidence de la diarrhée et de la bilharziose. D’après les personnes interrogées, l’herpès et d’autres maladies de la peau, dont certaines ne touchaient que rarement les communautés auparavant, sont désormais fréquentes pendant les longues périodes de températures élevées.

Au plus fort de la saison sèche, le niveau de l’Offin baisse à tel point que les ressources en eau deviennent rares
B.A. Gyampoh

En l’absence d’ombre fournie par les arbres, les feuilles des plants de cacao se flétrissent sous le soleil intense
B.A. Gyampoh

STRATÉGIES TRADITIONNELLES D’ADAPTATION – ET DÉFIS

L’étude a révélé diverses stratégies palliatives appliquées avec des succès mitigés, ce qui donne à penser que le savoir traditionnel local pourrait servir de fondement à l’élaboration de stratégies plus efficaces.

Les personnes qui vivent dans les communautés ayant fait l’objet de l’enquête se rendent compte que les pénuries d’eau menacent leur survie; elles ont donc conçu plusieurs stratégies pour s’adapter à ce phénomène. L’une d’elles consiste à réutiliser l’eau, par exemple de la lessive ou du lavage des ustensiles, pour arroser les potagers et les pépinières. Les ménages rationnent aussi l’eau, en essayant de réduire la consommation par personne par jour, mais la pratique est abandonnée dès l’arrivée des pluies. Cette stratégie devrait faire partie intégrante du changement de comportement et ne pas être appliquée uniquement pendant les périodes de pénurie d’eau.

La plupart des communautés cherchent activement à remettre en usage la récolte d’eau de pluie, un moyen traditionnel de recueillir et garder l’eau dans de grands tonneaux placés sous le toit des maisons. Cette pratique, largement abandonnée lorsque les communautés ont creusé des puits et des trous de forage, a de nouveau suscité de l’intérêt quand ceux-ci se sont taris. Cependant, la plupart des communautés couvertes par l’étude ont déclaré qu’elles ne pouvaient pas recueillir assez d’eau de pluie dans les conditions climatiques actuelles.

Les autorités traditionnelles et locales ont identifié dans le défrichement de la végétation riveraine l’un des principaux facteurs de l’accroissement de l’érosion du sol et de l’envasement des cours d’eau, ce qui finit par réduire l’écoulement. Les mesures qu’elles prennent pour remédier à ces inconvénients comprennent notamment la sensibilisation des communautés locales aux effets de la déforestation autour des masses d’eau, la mise en garde contre les feux de brousse, la promotion de la gestion communautaire des forêts et l’imposition d’amendes à ceux qui, sans discernement, incendient les forêts ou défrichent la végétation riveraine, ou qui ignorent d’autres interdictions visant à protéger l’environnement. Cependant, les efforts des autorités traditionnelles ne donnent pas de résultats notables car les communautés, bien qu’encore rurales en termes de développement et d’infrastructures, sont devenues plus cosmopolites ou hétérogènes, et n’obéissent plus aussi strictement que dans le passé à l’autorité traditionnelle. Leur caractère communal tend à se désintégrer; les gens sont maintenant davantage pris par leurs propres intérêts que soucieux du bien-être collectif.

Les tabous traditionnels – par exemple les jours où il était interdit de se rendre au fleuve pour permettre à l’esprit ou au dieu du fleuve de prendre un jour de repos – fournissaient aussi autrefois un moyen de protéger les masses d’eau. Cependant, le respect de ces tabous disparaît avec la modernisation et l’hétérogénéité croissante des communautés. Avec la diffusion du christianisme, les pratiques spirituelles traditionnelles sont désormais considérées comme des superstitions. La religion est une question délicate dans ces communautés, et certaines lois traditionnelles, bien que potentiellement utiles, ne font pas l’objet d’une adhésion totale.

Comme décrit plus haut, le savoir indigène en agriculture et gestion de l’eau, acquis au cours de nombreuses années de pratique, aidait autrefois les communautés à bien s’adapter aux pénuries d’eau, aux sécheresses, aux dommages causés aux cultures et à la perte de récolte, mais les systèmes traditionnels se sont avérés difficiles à appliquer ces derniers temps, à cause des changements dans le régime des précipitations. Les agriculteurs s’adaptent à cette contrainte en pratiquant différentes cultures. Celles qui prospèrent dans les conditions existantes sont de plus en plus pratiquées dans des zones qui, autrefois, ne se prêtaient pas à leur établissement. Un exemple en est donné par l’abandon de la culture du cacao au profit de cultures résistantes à la sécheresse, comme le manioc. Les horticulteurs aussi se déplacent progressivement vers les plaines fluviales, où leurs cultures peuvent obtenir davantage d’eau. Ce sont là des formes d’adaptation, mais elles ne sont évidemment pas durables. La récolte du cacao, par exemple, était une importante source de revenus dans le passé et servait à l’entretien des ménages ruraux, à l’achat d’intrants agricoles et à l’expansion de l’exploitation. Le défrichage de la végétation riveraine et l’emploi de produits agricoles chimiques près des rivières et des ruisseaux nuisent à l’environnement et, finalement, aux habitants de la région.

La plupart des agriculteurs reconnaissent l’importance de planter des arbres sur leur exploitation, afin de fournir de l’ombre à leurs cultures et de les protéger contre l’intensité du soleil. Cependant, la plantation d’arbres ne les intéresse guère car ils ont eu de mauvaises expériences avec les entreprises d’exploitation forestière (voir l’encadré ci-dessous) et les bûcherons illégaux armés de scies à chaîne qui piétinaient leurs récoltes. Des programmes de sensibilisation soutenus sont nécessaires pour mettre les agriculteurs ruraux au courant de leurs droits, leur conférer la responsabilité nécessaire à la protection de leurs exploitations et, plus important encore, leur apprendre à planter davantage d’arbres.

Les ménages ruraux utilisent souvent des tonneaux pour recueillir l’eau de pluie qui ruisselle des toits
B.A. Gyampoh

Adaptation aux changements climatiques par la plantation d’arbres sur l’exploitation: contrecarrer un effet dissuasif

Jusqu’en 2002, tous les arbres forestiers du Ghana étaient détenus en fiducie par le gouvernement en faveur de la population, et le gouvernement pouvait donner en concession n’importe quelle superficie de terre à une entreprise d’exploitation forestière. Les cultures étaient parfois détruites par des marchands de bois qui déclaraient qu’ils étaient autorisés à abattre les arbres dans les concessions qui empiétaient sur des terres agricoles. Pour protéger leurs cultures, certains agriculteurs tuaient délibérément les arbres présents sur leurs exploitations; la plantation d’arbres n’avait donc guère d’intérêt pour eux.

La modification de la loi de 2002, relative à la gestion des ressources forestières, stipule que le droit de récolter des arbres et d’extraire le bois d’une superficie donnée de terre ne sera pas octroyé si cette terre est occupée par une exploitation agricole, sauf si le propriétaire de l’exploitation donne son accord, ou si les arbres font partie de la terre en vertu des droits d’un particulier ou d’un groupe de particuliers. Cette loi n’a toutefois pas beaucoup amélioré les relations entre marchands de bois et agriculteurs, car la plupart de ces derniers ne possèdent pas d’acte prouvant que les arbres poussant sur leurs exploitations leur appartiennent (soit la preuve qu’ils les ont plantés ou entretenus jusqu’à leur maturité). Les agriculteurs ignorent bien souvent les lois forestières et n’ont pas les moyens financiers des marchands de bois. Cependant, grâce aux efforts de quelques organisations non gouvernementales pour éduquer les agriculteurs en matière de lois forestières et les aider à obtenir la documentation prouvant la propriété des arbres plantés, certains agriculteurs commencent maintenant à planter des arbres sur leurs exploitations ou à protéger ceux qui y sont.

En raison de l’inefficacité de la législation précédente et du manque d’information sur leurs droits actuels, les agriculteurs ont parfois tué les arbres présents sur leurs exploitations (par annélation, par exemple) pour éloigner les entreprises d’exploitation
B.A. Gyampoh

LE CHEMIN À SUIVRE

Le succès partiel de l’utilisation du savoir traditionnel dans les stratégies d’adaptation aux changements climatiques mène à la conclusion qu’un rapport sain entre les connaissances scientifiques et le savoir traditionnel ou indigène – qui ont tous deux leurs limites – serait souhaitable, notamment dans les pays en développement où les techniques de prévision et de modélisation sont le moins développées. Bien que la plupart des modèles de précipitations et des données enregistrent principalement la variation du volume des précipitations, les populations autochtones tiennent aussi compte de la régularité, de la durée, de l’intensité et du moment des précipitations. L’incorporation ou non des modèles scientifiques dans les explications locales dépend de la position et de l’accessibilité de la science au sein d’une culture et de l’influence des moyens de communication (Salick et Byg, 2007).

Pour exploiter, développer, étendre et rationaliser les mesures d’adaptation locales et les introduire dans des stratégies d’adaptation mondiales, le savoir traditionnel doit être analysé, soutenu et intégré dans la recherche scientifique. Il est moins coûteux de faire appel aux connaissances indigènes que d’apporter des secours à des populations peu préparées aux catastrophes et aux désastres, ou que d’importer des mesures d’adaptation qui sont normalement appliquées du sommet à la base et difficiles à mettre en œuvre, notamment en raison de contraintes financières et institutionnelles.

On peut beaucoup apprendre des approches indigènes, traditionnelles et à assise communautaire concernant la préparation aux catastrophes naturelles. Les populations autochtones confrontées depuis des millénaires à des environnements en évolution ont élaboré une vaste panoplie de stratégies d’adaptation; leur savoir traditionnel leur permet de faire face aux défis encore plus grands que promet le changement climatique. Il est probable que leurs stratégies ne réussiront pas entièrement, mais elles font preuve d’une certaine efficacité, ce qui explique pourquoi les populations continuent à les appliquer. S’il est vrai qu’il faudra aux communautés locales beaucoup de soutien pour s’adapter aux changements climatiques, il n’en demeure pas moins qu’elles ont aussi des compétences à offrir en matière d’adaptation, grâce à leurs mécanismes traditionnels passés à l’épreuve du temps.

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