Gurbachan Singh
Laménagement rationnel des bassins versants dans les pays en développement demande un personnel spécialisé et une organisation densemble. Peut-être une aide étrangère est-elle aussi nécessaire; il faut en tout cas une éducation systématique à la base pour que la population prenne conscience quil est, à long terme, dans son intérêt de conserver les ressources naturelles.GURBACHAN SINGH a été conservateur en chef des forêts de lEtat du Pendjab (Inde).
Planifier et mener à bien laménagement des bassins versants est une tâche complexe qui requiert lapplication concertée de nombreuses disciplines, notamment en matière de terres. Lauteur envisage le problème en préconisant la création dorganismes qui seraient chargés daménager les bassins versants dans les pays en développement.
Trop souvent, lois et règlements nont pas réussi à mettre un terme à la culture itinérante et, dans certains pays tropicaux en développement, les sérieuses dégradations dues à la culture sur brûlis se sont en fait accentuées rapidement ces dernières années. Cest un problème socio-économique inquiétant quaggravent encore la pression démographique croissante et la forte dépendance à légard de lagriculture - de la terre - qui fournit à la fois nourriture et emploi.
De même, la destruction des forêts par le feu est souvent imputable à lignorance, à des maux économiques profondément enracinés, au désir des habitants de créer plus dherbages pour leurs troupeaux, de détruire les insectes et les animaux nuisibles au bétail, de piéger le gibier ou, même, de gagner la faveur des dieux de la pluie en période de sécheresse.
De temps immémoriaux, les guerres ont ravagé les ressources forestières. Dès quon soupçonnait la forêt dabriter un ennemi, on y mettait le feu, et de leur côté les réfugiés brûlaient et défrichaient les forêts pour pouvoir se livrer à une agriculture de subsistance. En Asie du Sud-Est, par exemple, la longue guerre menée avec les moyens modernes a détruit les forêts et endommagé lenvironnement dans une mesure sans précédent.
Même dans des régions relativement paisibles et développées, lincapacité des gouvernements à protéger les zones forestières ou loctroi trop généreux de droits de pacage ou autres ont entraîné le recul, voire la disparition totale des forêts. Souvent, en effet, les hommes politiques accèdent aux vux immédiats des populations, au mépris des intérêts des générations futures.
Le fait de ne pas tenir suffisamment compte des conditions géophysiques dune région et des impératifs sociaux de la population, et de donner trop dattention à laccroissement immédiat de la production agricole ou au développement économique, sans se soucier de la protection écologique, a souvent mené à un gaspillage defforts et de ressources, tout en créant un déséquilibre entre lhomme et son environnement. Dune manière générale, le concept de planification densemble dun bassin versant et de conservation des ressources naturelles a fait défaut.
Les mêmes considérations sappliquent à la construction de routes pour favoriser le développement de régions économiquement en retard: car elle endommage souvent le relief et accroît lérosion.
Les pays en développement, tout particulièrement, souffrent de graves carences organisationnelles et dun manque de techniciens qualifiés et de cadres capables de lapproche multidisciplinaire nécessaire à la mise en valeur équilibrée et à la conservation des ressources naturelles. En général, lenseignement en matière de foresterie, dagriculture, délevage, de conservation des sols et daménagement des eaux, ainsi que les travaux de recherche sur les problèmes concernant les bassins versants sont inexistants ou presque.
Outre les solutions techniques, il faut des études comparatives sur des questions majeures comme les suivantes: structures sociales, ethniques, politiques et gouvernementales, intérêt manifesté par la population à se constituer en groupes, régimes fonciers, attachement à la terre, droits et privilèges, attitude envers la modernisation, incitation à agir, différentes formes de participation publique et privée. Ce nest quen abordant le problème avec des spécialistes de plusieurs disciplines travaillant en équipe que lon peut espérer le résoudre.
Il faut aussi diversifier léconomie agricole et créer, grâce au reboisement, à la conservation des sols et à lindustrialisation, dautres possibilités demploi pouvant convenir à une population socialement en retard, en chômage ou sous-employée. Il y a un autre point capital, à savoir que si lon ne fournit pas aux communautés tribales et arriérées dautres moyens de subsistance, ce nest pas avec des vux pieux que lon contraindra les cultivateurs itinérants à abandonner leurs pratiques destructrices.
Des organismes spécialisés dans laménagement des bassins versants ont été créés dans de nombreux pays développés. Les pays en développement en ont également besoin. Dotés des pouvoirs nécessaires pour planifier et exécuter des travaux densemble, ils devraient, en éliminant les frontières qui séparent les disciplines et les institutions, adopter une méthode intégrée pour laménagement des ressources.
La création de commissions ou de services spécialisés au niveau national aide le gouvernement à obtenir une vue densemble des besoins du pays et à les exprimer avec lautorité voulue. Ces services peuvent élaborer des plans et des politiques de mise en valeur équilibrée et coordonnée, visant à la conservation des terres et de toutes les ressources naturelles. Ces commissions ou services doivent être dirigés par des personnes de haut niveau ayant une grande expérience administrative, et disposer dun personnel technique qualifié - forestiers, pédologues, ingénieurs, agronomes, agrostologues, hydrologues, sociologues et économistes. Ces derniers nexistent généralement pas dans les pays en développement, de sorte quune formation dans ce domaine est indispensable dès la création des services en question ou même avant.
De même quun fleuve, de la source à la mer, ne constitue quune seule et même entité et que toute intervention dans une partie de son cours se répercutera sur son régime entier, de même le bassin versant doit être considéré comme un tout sur le plan de la planification et de lorganisation. Des affluents et des bassins versants secondaires pourraient former des sous-unités pour la microplanification et le contrôle; aussi, de la commission ou du service national pourraient relever des sous-commissions, telles que des offices pour les bassins fluviaux ou des services régionaux chargés des bassins versants.
Lignorance et le retard économique des populations, des structures sociales périmées, la surpopulation et le surpâturage sont des facteurs qui contribuent à la dégradation des bassins versants pour les raisons suivantes:
- Culture de terres pauvres sans mesures appropriées de conservation des sols et des eaux, et de terres fondamentalement impropres à une exploitation soutenue.- Expansion de la culture itinérante, qui menace les forêts permanentes ou réduit les périodes de jachère forestière, doù un épuisement du sol et le remplacement des forêts par des herbages.
- Relâchement des mesures officielles de surveillance et de préservation des forêts.
- Surpâturage des forêts et des herbages qui cause la disparition de la végétation et la formation déboulis de pierres et de ravines.
- Construction, sans aucune mesure de conservation, de routes et autres travaux publics qui modifie le sol.
Ces services seraient établis pour chaque réseau fluvial ou, dans le cas de grands fleuves ou de fleuves internationaux, pour une partie du réseau. En tant que représentants de lorganisme national, ces services seraient chargés deffectuer des enquêtes globales, didentifier les problèmes, de coordonner la planification et lexécution des travaux. Ils comprendraient des représentants de différentes disciplines, de groupes sociaux et politiques aussi bien que des autorités locales.
Ces sous-commissions pourraient aussi organiser, à lattention du public et des administrations locales, des centres de démonstration intéressant les domaines suivants: utilisation plus rationnelle des terres, amélioration de la gestion des terres forestières et des prairies, conservation des sols, nivellement des terres, ouvrages dhydraulique, aménagement des eaux, amélioration des techniques agricoles. Ces centres serviraient de points de diffusion des techniques améliorées et pourraient également fournir les résultats des recherches effectuées en milieu naturel.
Une autre de leurs fonctions serait de former un nombreux personnel technique sur le terrain, cest-à-dire de créer des cadres capables de sattirer le respect des propriétaires et des exploitants.
Enfin, ces autorités locales, établies sous une autorité centrale, permettraient de décentraliser utilement le contrôle des grands bassins fluviaux.
A lintérieur du périmètre des bassins versants, les services forestiers resteraient responsables de la conservation, de laménagement et de la mise en valeur des terres considérées comme réserves forestières et forêts nationales, tandis que les activités de planification et daménagement pour la conservation des sols sur les terres en friche en dehors des réserves forestières, ainsi que sur les terres cultivées et les pâturages, incomberaient au service de conservation des sols et de laménagement des bassins versants.
Il importe que la nouvelle organisation coopère étroitement avec le service des forêts et quelle élabore des programmes coopératifs avec différents services ou institutions privés et étatiques, universités et laboratoires de recherche.
Cependant, la science, la technologie et léconomie ne suffisent pas à elles seules à assurer le succès dun programme daménagement des bassins versants. Il faut également tenir compte des facteurs sociaux et politiques, comprendre les traditions sociales et lattitude des gens, gagner leur confiance et leur appui.
INSTALLATION DUN PUITS TUBULAIRE - pas de forêts, pas deau
La rationalisation de lutilisation des terres étant la clé de voûte de tout le programme, on peut parvenir à un aménagement vraiment efficace si les propriétaires participent aux travaux. Les organismes responsables devraient donc tout faire pour les y encourager. On pourrait dès lors confier le boisement ou la conversion en pâturages de terres en friche dénudées et leur aménagement à des groupes locaux comme des coopératives foncières, en leur fournissant des directives officielles et une aide financière.
On pourrait aussi encourager les conseils de village ou des groupes de cultivateurs itinérants à utiliser la terre à dautres fins. Les tribus montagnardes ou forestières, plus isolées, pourraient être formées aux techniques forestières.
Il faudrait donner à chaque citoyen loccasion de prendre conscience des ressources naturelles de son pays, de linfluence quelles ont sur sa vie, et lui enseigner comment les utiliser et les protéger pour en tirer une force politique et économique. Cela doit se faire à lécole ou au sein dorganisations de jeunes. En fait, la conservation de la nature devrait être lune des matières principales et obligatoires des programmes scolaires. Manuels et cours devraient expliquer en une langue simple les principes et les avantages de laménagement des bassins versants, de la mise en valeur des forêts et des pâturages, et leur interdépendance. Il faudrait aussi assurer des rapports entre les autorités chargées de la conservation des sols ou des bassins versants et les éducateurs, et utiliser la presse, la radio, la télévision, les films, les expositions et les démonstrations.
Enfin, on pourrait encourager financièrement les habitants à créer de nouvelles plantations ou à protéger les forêts naturelles, en leur accordant une part des bénéfices de la vente des produits forestiers ou en donnant aux exploitants des droits permanents sur les terres quils cultivent, sils adoptent des mesures de conservation.
Il importe surtout de ne pas oublier, lors de lapplication de ces principes et réformes, que les gens sont plus réceptifs aux idées nouvelles quand elles viennent non de personnes étrangères à leur milieu, mais dhommes comme eux, et spécialement de ceux avec qui ils ont grandi et en qui ils ont confiance.
En fin de compte, dans ce genre dentreprise, lélément humain est probablement le facteur le plus important.
De nos jours il est plus difficile de suivre le progrès en foresterie
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