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Modes de reproduction de eucalyptus

L.D. Pryor

L.D. PRYOR, Professeur honoraire, chargé de cours au Département des forêts, Australian National University, Canberra.

Au cours de la dernière décennie, l'utilisation de l'eucalyptus en sylviculture de plantation a pris une extension considérable dans les régions chaudes, tempérées, et tropicales de mousson. La faculté des espèces du genre Eucalyptus de produire rapidement en courte révolution un bois se prêtant à la fois aux usages ruraux et industriels dans des climats où elles ne disposent pas toujours d'assez d'eau pour leur croissance a contribué à la popularité de cette essence dans de nombreux pays chauds. Cette performance est due en grande partie à l'absence d'insectes mangeurs de feuilles - si caractéristiques de l'habitat naturel de l'eucalyptus - mais aussi aux techniques sylvicoles maintenant couramment utilisées dans les plantations d'eucalyptus, notamment pour le travail du sol et la fumure. La forte demande - en continuelle augmentation - de pâte, de papier et d'autres produits à base de fibres de bois, a conduit à quelques très grands programmes de plantation. La faculté de l'eucalyptus de donner des fûts de forme et de dimensions assez bonnes malgré des conditions climatiques plutôt dures lui a conféré une place particulière dans l'économie rurale de nombreux pays en développement.

Selon Jacobs (1976), l'Australie utilise aujourd'hui moins de bois d'eucalyptus que les autres pays et cette tendance ne fera que s'accentuer avec le temps.

L'habitat naturel de l'eucalyptus est limité à l'Australasie où l'on trouve quelque 450 espèces très distinctes qui comptent souvent de nombreuses variétés; passer en revue toutes les espèces du genre pour choisir celle qui semble la plus appropriée à un site donné représente donc une tâche énorme. Le nombre même d'espèces pose des problèmes d'organisation qui mettent souvent à l'épreuve les ressources locales des pays autres que l'Australie qui exécutent des programmes sylvicoles. La préservation du patrimoine génétique naturel en Australasie en vue de travaux futurs de mise en valeur sylvicole est sans aucun doute l'un des besoins pressants en matière d'amélioration de l'eucalyptus. Ce sont surtout les générations à venir qui en recueilleront les fruits.

L'eucalyptus dans son habitat naturel

L'eucalyptus, avec ses nombreuses espèces, constitue la végétation arborée (surtout forêt et forêt claire) de plus de la moitié de l'Australie. On le trouve également, en quantité très limitée, en Papouasie Nouvelle-Guinée, à Mindanao, aux Célèbes et à Timor, ainsi que dans certaines îles de la Sonde en Indonésie. Comme pour beaucoup d'essences sylvestres, la reproduction naturelle des eucalyptus se fait avant tout par croisement allogame, au hasard (sa pollinisation dépend beaucoup des insectes vecteurs) et, à une ou deux exceptions près, sans l'intervention d'une multiplication végétative significative. Le grand nombre d'espèces que l'on trouve dans toute son aire de répartition fait de l'eucalyptus un genre inhabituel, sinon unique, parmi les plantes sylvestres, en raison notamment de la grande sensibilité de nombreuses espèces à l'habitat et du fait que chaque peuplement d'une espèce est souvent peu étendu. Chez les espèces qui sont réparties sur de vastes territoires, on observe généralement une variation intraspécifique considérable. L'amélioration de l'eucalyptus commence avec la systématique du genre, domaine de recherche complexe pour un groupe végétal et qui nécessite des études continues. Il est vrai que la majorité des espèces d'eucalyptus sont bien connues et que les études actuelles ne font pour la plupart qu'interpréter à nouveau systématiquement des données déjà connues. Mais la multiplication, en Australie surtout, des explorations botaniques de sites souvent peu étendus et dont l'accès n'a été facilité qu'assez récemment, a permis de découvrir d'autres espèces jusqu'ici inconnues. Alors qu'il y a seulement: 20 ans, peu de nouvelles espèces restaient, semble-t-il, à découvrir, il est probable que d'autres seront identifiées et décrites dans l'avenir. Il est, par contre, très improbable que des espèces groupées en peuplements importants et occupant une aire très étendue restent à découvrir, bien que l'on puisse s'attendre à une redéfinition d'espèces représentées par de larges populations. Les études systématiques restent donc un élément important des programmes d'amélioration et auront une influence considérable sur les progrès futurs en matière d'amélioration sylvicole du genre Eucalyptus.

PLANTATION D'Eucalyptus deglupta EN PAPOUASIE NOUVELEE-GUINÉE on sélectionne cet arbre pour l'adapter aux conditions tropicales

La régénération de l'espèce se fait, pratiquement sans exception, par la graine, ainsi que par le rajeunissement végétatif vigoureux des individus endommagés par le feu, la sécheresse, l'action des animaux ou de l'homme. D'après des études, jusqu'ici relativement limitées, les espèces se reproduisent d'ordinaire par croisements allogames, mais quelques-unes au moins comprennent une proportion de variétés autofécondantes (Brown et al.) bien que cette autofécondation s'accompagne parfois d'une perte de vigueur chez les descendants. L'autoincompatibilité existe à des degrés divers chez un certain nombre d'espèces et a une nette influence sur leur mode de reproduction. En peuplements naturels, si leur habitat n'est pas trop perturbé, la plupart des espèces sont très stables et une contamination génétique interspécifique ne se produit pas facilement. On trouve des exceptions dans certains endroits mais, dans leur grande majorité, les espèces conservent leur identité intacte, même si quelque hybridation interspécifique limitée intervient parfois entre deux espèces différentes qui poussent côte à côte et qui se prêtent au croisement. Sans l'intervention de l'homme, les produits de cette hybridation ont rare ment pu se disséminer loin du site originel (Pryor, 1976). Le système de reproduction implique une très grande diversité génétique dans chaque espèce. Si, d'une part, cette diversité est souvent un handicap pour l'utilisation sylvicole immédiate, elle assure, d'autre part, un assortiment de génotypes qui est l'un des éléments fondamentaux d'un programme d'amélioration des arbres, et qui permet une très large amélioration par des méthodes éprouvées. Chez de nombreuses espèces, le rythme de développement d'une génération est souvent de 6 à 7 ans entre le stade de la plantule et la production de la première récolte de graines; il existe toutefois de nombreuses exceptions où la floraison se produit dès la deuxième année, et on a même vu des plants âgés de 1 an produire des bourgeons floraux et des graines. C'est un cycle relativement court qui présente de gros avantages dans les travaux d'amélioration. Chez la plupart des espèces, la graine prend de 6 à 12 mois pour mûrir, ce qui est un autre facteur de retard qui, s'ajoutant à une longue période de développement, rend lent et fastidieux tout programme d'amélioration basé sur une série de générations. C'est pourquoi, au cours des prochaines décennies, les travaux d'amélioration s'appuieront surtout sur des techniques indépendantes du cycle des générations. Par ailleurs, la graine est très petite et chez la plupart des espèces, avec un kilogramme de semences on obtient un nombre considérable de plantules, couramment de l'ordre de cinq cent mille.

Variation dans les peuplements naturels

La très grande variation génétique des espèces permet de présumer que le processus de sélection naturelle qui s'est exercé pendant très longtemps dans l'habitat australien a souvent entraîné une adaptation très poussée au site, de sorte que des populations séparées d'une même espèce d'eucalyptus diffèrent généralement l'une de l'autre dans toute l'étendue de l'aire géographique et climatique de l'espèce. Cette faculté d'adaptation poussée, qui se retrouve chez tous les eucalyptus, a une valeur fondamentale pour tout programme d'amélioration. On ne peut évaluer facilement l'ampleur de cette variation que pour l'aire climatique et édaphique de leur habitat naturel. En raison des caractéristiques topographiques et édaphiques de l'Australie et de sa latitude, il n'est pas toujours possible d'effectuer une sélection pour des conditions climatiques données par simple comparaison d'homoclimes. C'est notamment le cas pour ce qui a trait à la tolérance aux basses températures et, à un moindre degré, à l'adaptation aux sols calcaires. De nombreuses espèces peuvent prospérer, en peuplements artificiels, dans des conditions nettement différentes de celles de n'importe quelle localité de leur habitat naturel. Seuls les résultats d'essais effectués avec une espèce donnée, en tant qu'espèce exotique, pourront fournir la preuve de cette faculté; il s'ensuit que des relevés précis des résultats obtenus avec des espèces d'eucalyptus plantées hors d'Australasie revêtent une importance considérable pour l'évaluation de l'amplitude écologique potentielle de chacune (Pryor, 1975). Ainsi, E. camaldulensis a très bien réussi audelà du 42e degré de latitude nord alors qu'il est limité au 38e degré en Australie, et E. globulus prospère sous les basses latitudes, à haute altitude en Inde (Ootacamund) ainsi que sur l'Alto Plano de Bolivie, bien qu'il ne pousse pas à l'état naturel au-dessus de 500 mètres d'altitude ou au-dessous du 36e degré de latitude.

Caractéristiques des espèces d'eucalyptus

La dénomination des espèces dépend d'une classification systématique. Dans les groupes de plantes elle n'est pas uniforme, en partie parce que divers auteurs ont utilisé des critères quelque peu différents, mais aussi parce que, dans certaines classifications, les groupes qui pourraient normalement constituer des espèces ne présentent pas toujours exactement les mêmes caractéristiques d'un genre à l'autre. D'une façon générale, si l'on considère leurs populations totales, les espèces d'eucalyptus se classent en deux groupes. Le premier comprend celles dont l'aire géographique est limitée et dont le milieu est inhabituel; elles sont représentées par de petites populations limitées à des sites de conditions climatiques ou édaphiques particulières. La taille des populations naturelles n'est pas nécessairement un indice de leur utilité en sylviculture puisque certaines d'entre elles qui ont donné, ou qui pourraient donner, de très bons résultats proviennent en fait de sites extrêmement limités, comme par exemple E. dunnii. Le deuxième groupe comprend les espèces dont l'aire géographique s'étend sur des centaines et même des milliers de kilomètres, et sur des centaines de mètres en altitude; on y trouve une extrême diversité de populations qui se traduit habituellement par une composition génétique différente des divers peuplements. Il existe naturellement des intermédiaires entre ces deux groupes. L'un des traits généraux des espèces très répandues, outre la variation en fonction du site, est la variation graduée qui correspond à la variation progressive des conditions de l'habitat lorsque des eucalyptus en occupent les différentes zones. C'est la variation clinale qui se manifeste habituellement dans la morphologie des espèces mais qui semble presque toujours accompagnée également d'une gradation dans leurs caractéristiques physiologiques. La variation clinale rend la systématique difficile mais représente une condition génétique très utile pour l'amélioration des arbres. Quelques-unes des espèces les plus importantes manifestent une variation de ce genre dans toute leur aire de répartition; aussi est-il très important d'en connaître le mécanisme au moment de choisir la provenance la mieux adaptée à une utilisation sylvicole donnée.

Le premier stade de tout programme d'amélioration consiste à identifier et à introduire l'espèce en vue d'effectuer des essais. L'identification précise du matériel est souvent l'un des points faibles ou une source d'erreurs puisqu'il est facile et, à plusieurs stades, possible d'être trompé par une identification erronée. Cependant, une fois que l'on sait qu'une espèce devrait donner de bons résultats - si ses peuplements naturels sont très étendus - on peut s'attendre à une très grande diversité génétique des populations naturelles et il est alors essentiel d'accorder la plus grande attention à l'origine des graines ainsi qu'aux parcelles d'essais afin de déterminer la provenance qui convient le mieux au projet. Parmi les caractères physiologiques qui dépendent de la provenance, beaucoup sont liés au climat, notamment la résistance aux températures anormalement basses, qui est l'un des caractères les plus étudiés jusqu'ici. On trouve aussi chez certaines espèces des provenances qui viennent sur des sites spéciaux (des sols calcaires par exemple) alors que dans la majeure partie de son aire l'espèce pousse sur des substrats non calcaires. Cela permet alors d'introduire des provenances ayant la capacité physiologique de pousser sur des sites calcaires, ce que l'espèce, dans sa majeure partie, n'a pu faire; c'est le cas par exemple de E. camaldulensis. Il en va de même pour les propriétés halophiles de certains arbres ou pour d'autres caractéristiques physiologiques spéciales.

L'hybridation interspécifique

La production d'hybrides viables entre espèces est assez courante chez de nombreux genres d'arbres. Par contre, on ne la trouve pas chez certains autres groupes. Chez les eucalyptus, l'hybridation interspécifique est fréquente. Mais l'altération génétique de l'espèce semble avoir été évitée en milieu naturel grâce surtout à une barrière écologique: les hybrides interspécifiques se trouvent en effet à la limite des peuplements mais leurs descendants sont limités et n'envahissent pas les peuplements parentaux. Si cet isolement est atténué ou éliminé soit par l'intervention de l'homme dans l'habitat naturel comme cela a eu lieu très largement en Australie au cours des deux derniers siècles - soit à la suite de plantations mixtes en tant qu'exotiques, l'hybridation spécifique peut prendre de l'extension. Le genre Eucalyptus comprend quelque sept ou huit taxa que l'on peut considérer comme des sous-genres; l'hybridation ne semble pas se produire entre eux mais elle existe, rarement ou fréquemment, entre couples d'espèces à l'intérieur de chacun d'eux. Il est relativement facile, en milieu naturel, de trouver des hybrides de nombreux couples d'espèces pouvant se croiser lorsqu'ils se trouvent côte à côte. Il est moins fréquent de trouver dans l'habitat naturel une «contamination» génétique importante entre les espèces, sauf peut-être dans des régions excessivement perturbé es où les conditions ont favorisé la diffusion des nombreux hybrides qui en sont résultés. Vu la taille du genre et les caractères qui permettent d'identifier et de classifier les espèces, il n'est pas toujours facile de reconnaître les hybrides interspécifiques naturels. Pour avoir une certitude raisonnable que tout individu suspect est un hybride, il faut procéder à un examen rigoureux qui, dépassant l'étude morphologique et sur le terrain, porte au moins sur les descendants de graines provenant d'arbres pollinisés librement. Bien que l'hybridation interspécifique ne soit généralement pas associée à une «contamination» génétique entre espèces, on trouve quelques cas, en milieu naturel, de mélanges interspécifiques qui ont eu lieu sur une assez grande échelle et des zones où se produit cette intergradation génétique. Cela pose des problèmes particuliers mais en même temps facilite les travaux d'amélioration des arbres. Ces altérations dans les peuplements naturels dépendent évidemment de circonstances inhabituelles du milieu naturel.

En ce qui concerne les hybrides interspécifiques, la situation présente une importance particulière pour un programme d'introduction. Il ne fait aucun doute que dans le passé des graines exportées d'Australie étaient déjà des graines hybrides interspécifiques, car on ne prêtait pas attention à ces dernières dans les collectes c'est le cas par exemple de E. «algeriensis» et de E. rudis (Pryor). Parfois, des hybridations interspécifiques ont également eu lieu dans des collections exotiques dont on a récolté les graines, ce qui a encore compliqué le problème du choix de l'espèce, non seulement en raison de la dégradation génétique du matériel constatée dans les géné rations suivant les essais initiaux, mais aussi parce que les hybrides interspé cifiques F1, dans un certain nombre de cas, donnent des peuplements de qualité supérieure. Le rassemblement en arboretum de collections d'espèces qui ne sont pas normalement associées en milieu naturel facilite énormément l'hybridation interspécifique et cette dernière a eu des conséquences très importantes dans certains pays. Là où cela s'est produit, les générations successives d'eucalyptus issues d'un matériel initial hybride présentent un type de ségrégation qui conduit à une dégradation c norme de la qualité de l'ensemble des peuplements obtenus par la suite, comme c'est le cas au Brésil avec E. urophylla (Pryor). Pour arrêter le déclin de la productivité, il faut donc revenir aux espèces pures et adopter un programme qui assure l'élimination d'une telle contamination génétique.

Possibilités d'amélioration des eucalyptus

Il y a fort à faire dans ce domaine et d'énormes possibilités peuvent être exploitées. Une partie de ce que l'on pourra réaliser dépendra des progrès techniques qui influenceront l'amélioration des espèces arboricoles en général. Il s'agit de techniques comme la culture de clones, soit par culture méristématique ou unicellulaire, soit par quelque autre méthode de culture des arbres qu'on ne peut reproduire par boutures de tige. Une percée dans l'une quelconque de ces techniques qui permettrait de cultiver des clones ouvrira la voie à une amélioration considérable, mais introduira en même temps des risques et des pièges contre lesquels il faudra prévoir des garanties adéquates. Avant que des progrès aussi radicaux n'interviennent, quelques-unes des mesures qui peuvent être prises ont été mises à l'épreuve chez les eucalyptus afin que les programmes qui les appliquent, dans le cadre d'un projet sylvicole important, prévu ou en cours, puissent être entrepris avec confiance.

Production de graines et hybrides F1 artificiels

En matière d'amélioration des eucalyptus, le premier stade consiste à se procurer, dans une région donnée, la provenance d'une espèce qui se prête le mieux au but poursuivi. Une fois désignée l'espèce désirée, il faut étudier attentivement, le cas échéant, la variation de rendement par rapport aux provenances naturelles. Cette variation existe chez la plupart des espèces d'eucalyptus et un programme permettant de désigner la meilleure source peut conduire à des gains très importants. Très souvent - probablement dans la plupart des cas - il faut avoir recours à des peuplements artificiels pour produire les quantités de graines suffisantes pour un programme important, car les graines de provenances naturelles sont généralement limitées à l'heure actuelle et le deviendront de plus en plus avec le temps, non seulement parce que la récolte de graines varie d'année en année mais aussi parce que les peuplements naturels, qui diminuent au lieu d'augmenter, font de plus en plus l'objet d'une protection à long terme dans le but d'assurer un approvisionnement continu pour les parcelles expérimentales qui ne suffira probablement pas à alimenter une activité commerciale à grande échelle.

C'est pourquoi la création de peuplements à graines prend une importance particulière. Elle peut être effectuée sous deux formes: premièrement, un verger à graines de plantules ou des plantations de semenciers qui ne font que maintenir l'intégrité génétique de l'espèce et la provenance particulière en la maintenant isolée de sources potentielles de contamination génétique. La distance maximale qui sépare un peuplement donné d'un autre peuplement avec lequel il pourrait facilement se croiser dépend surtout de la distance que les insectes vecteurs peuvent couvrir pour transporter le pollen. Il semble que deux kilomètres soient une distance amplement suffisante dans la plupart des cas, mais peu d'évaluations ont été faites jusqu'ici et il faudrait s'efforcer de réunir plus de documentation dans ce domaine. Un moyen très efficace d'isoler les zones productrices de graines est de placer des parcelles à l'intérieur d'une plantation d'une autre espèce avec laquelle il ne peut se produire aucun croisement. Cela est facilement réalisable, les programmes sylvicoles utilisant souvent plus d'une espèce. On peut, par exemple, utiliser E. citriodora pour isoler une parcelle plantée en E. grandis ou E. saligna, et pour des espèces données on peut ainsi planifier ce genre de dispositions. Les parcelles de semenciers elles-mêmes doivent être plantées à intervalles assez serrés pour permettre, après un éclaircissement précoce et poussé, aux arbres les mieux formés et les plus vigoureux de profiter du large espacement ainsi créé pour former des couronnes épaisses et donner de bonnes récoltes de graines. L'expérience acquise suffit à montrer que des techniques de ce genre sont efficaces bien qu'il reste encore à déterminer en détail l'importance de l'espacement, la période de l'éclaircissement, les méthodes de collecte des graines sur des arbres souvent grands en fonction des moyens dont on dispose à l'endroit où le programme est mis en œuvre.

Verger à graines clonal

Une autre méthode est de créer verger à graines clonal où la théorie qui a été utilisée notamment pour Pinus semble s'appliquer parfaitement à Eucalyptus, bien que le gain génétique chez l'eucalyptus n'ait pas encore été évalué de façon précise dans ces vergers. Comme pour le pin, on a observé que les clones greffés ont tendance à manifester assez souvent une incompatibilité à la greffe, obstacle que l'on ne peut surmonter qu'en disposant de nombreux matériels de substitution de façon à obtenir en fin de compte suffisamment de greffes compatibles pour composer la population clonale du verger. Malheureusement, comme pour les pins, il n'est pas toujours possible de prévoir si les jeunes greffes, même celles âgées d'un an ou deux, seront compatibles et il vaut mieux éviter si possible cette difficulté. Un excellent moyen d'y parvenir chez certaines espèces d'importance économique est d'utiliser des boutures pour obtenir des clones, même si la technique de prélèvement des boutures comporte à l'heure actuelle d'importantes contraintes. Par contre, les boutures de E. deglupta, même âgées, s'enracinent facilement de sorte qu'on peut constituer un verger à graines clonal en appliquant cette technique ou même par marcottage aérien de grands arbres, méthode qui donne également de bons résultats. Cette méthode peut, semble-t-il, s'appliquer assez facilement à quelques espèces, mais pour la grande majorité des eucalyptus les boutures ne prendront pas et les marcottes ne s'enracineront pas une fois que la plante a nettement dépassé le stade juvénile. Avec les espèces à croissance rapide comme E. grandis, on peut effectuer une sélection parmi les arbres qui ont déjà une taille importante (4 ou 5 ans) en abattant les rangées extérieures des plantations et en choisissant les meilleurs arbres de ces rangées. Les rejets de taillis de la souche de la plupart des arbres prennent très facilement et donnent de bons résultats dans environ 50 pour cent des cas s'ils sont prélevés dans un milieu australien au cours des trois ou quatre mois du printemps ou du début de l'été. Ils prennent alors facilement sous nébulisation ordinaire. Les travaux de recherche et de mise au point ont suffisamment progressé pour montrer que cette technique donne d'excellents résultats et a permis de créer des vergers à graines pour E. grandis et E. saligna. Un examen pourrait révéler qu'elle s'applique à de nombreuses autres espèces d'eucalyptus. La possibilité de rajeunir le matériel de reproduction en procédant à une culture secondaire à partir de quelques boutures initialement implantées, même si ces dernières ont eu des difficultés à s'enraciner, est un aspect du développement qui mérite une étude approfondie. Ce phénomène est traditionnellement exploité en horticulture et, semble-t-il, au moins chez une espèce d'eucalyptus, E. camaldulensis (Franclet, 1957).

Production artificielle de graines hybrides F1

Il est largement prouvé que les hybrides interspécifiques donnent fréquemment de meilleurs produits que les espèces pures. La production spontanée d'hybrides interspécifiques F1 et, surtout, l'incorporation de leurs descendants dans les plantations peuvent entraîner, comme déjà mentionné, une certaine dégradation. Mais si l'on pouvait exploiter ces hybrides comme cela a été fait pour certaines cultures agricoles, on obtiendrait sans aucun doute une amélioration très importante de la production. L'une des méthodes les plus efficaces est celle qui est pratiquée en Zambie à un stade expérimental avancé. Elle consiste à produire des hybrides de E. tereticornis et de E. grandis en mélangeant simplement les espèces dans les zones de production de graines et en purgeant les descendants pour sélectionner les hybrides F1. Cette sélection peut être faite facilement à vue. Bien que les quantités produites dépendent en partie du hasard et soient difficiles à prévoir, c'est une méthode efficace mais elle est basée sur une particularité presque exclusive de E. tereticornis: en effet, cette espèce est, en partie du moins, pollinisée par le vent; il n'est donc pas nécessaire de recourir à des manipulations particulières pour obtenir la grenaison qui se produit, partiellement au moins, quand E. grandis pousse dans le voisinage. On peut perfectionner cette méthode, en produisant par exemple à partir de clones des individus de E. grandis totalement auto-incompatibles. On sait qu'il en existe. On peut aussi avoir recours à la pollinisation artificielle, même chez cette espèce pollinisée par le vent, en vue d'accroître la grenaison. Toutefois, pour la grande majorité des eucalyptus, il faut procéder à des croisements artificiels, mais certaines phases de cette opération n'ont pas encore été organisées à grande échelle. Si l'on obtient des clones autoincompatibles du parent femelle - par greffe lorsque l'incompatibilité à la greffe est moindre que d'habitude - il ne sera pas nécessaire de procéder à une émasculation et le pollen emmagasiné peut alors être placé à la main sur les stigmates du parent femelle pour aboutir à la grenaison. Les excellents résultats obtenus avec les hybrides spontanés, tels que E. X trabutii (hybride interspécifique de E. botryoides et de E. camaldulensis) dans la région méditerranéenne, ou les nombreux hybrides de E. tereticornis et de E. saligna ou bien de E. tereticornis et de E. grandis, ainsi que des essais expérimentaux plus précis d'autres combinaisons d'hybrides interspécifiques, prouvent que cette méthode présente un potentiel considérable et peut conduire à des progrès rapides une fois que la mise au point des détails techniques sera un peu plus avancée.

On a constaté dans de nombreuses combinaisons d'hybrides interspécifiques F1 que ces derniers présentent un degré élevé d'uniformité - parfois plus grand que les populations parentales ellesmêmes - caractéristique qui rend ces combinaisons plus intéressantes lorsqu'il s'agit de les utiliser pour l'amélioration.

En utilisant des hybrides interspécifiques, on peut obtenir des combinaisons qui pourront réunir les caractères économiquement les plus avantageux de deux espèces. Pour le moment, la nature de l'hybride F1, et donc sa valeur économique, n'est pas facile à prévoir et ce n'est qu'en procédant à des essais qu'on pourra l'évaluer.


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