A.S. Bilaidi
A.S. BILAIDI, Chef de la section forestière de la République démocratique populaire du Yémen.
Jusqu'en 1965 la République démocratique populaire du Yémen n'avait pas de service forestier, et les essences exotiques introduites l'ont été principalement par la municipalité d'Aden, l'armée britannique, le Ministère de l'agriculture, et par des botanistes amateurs. A cette époque, on ne tenait pas d'archives à ce sujet et la plantation d'essences exotiques était limitée aux jardins municipaux d'Aden et de Cheikh Uthman.
On note une première tentative en 1965, avec le recrutement pour une durée d'un an d'un forestier britannique, S.F. Rawlins. Cette mission de portée limitée, sur laquelle M. Rawlins a laissé un rapport final, eut pour résultat la production de plants qui furent ensuite mis en place autour des résidences de stations agricoles dans un but d'ombrage et d'ornement.
Une nouvelle période commence en août 1968 avec la création d'une section forestière au sein de la station de recherche agronomique. Cette section s'est depuis lors activement développée et a jeté les bases d'une véritable action forestière. Elle est maintenant dirigée par une équipe de forestiers nationaux et internationaux hautement qualifiés. L'introduction, la multiplication et la plantation d'essences exotiques sont réalisées à grande échelle, principalement sur terrain irrigué, pour former des brise-vent et des bordures routières, fixer les dunes, reboiser et créer des ceintures de protection et d'ornement des centres sociaux et économiques dans tout le pays. La section forestière tient un compte régulier de ses diverses activités. De nombreux rapports sont publiés par la FAO et on dispose maintenant d'une abondante documentation dans ce domaine.
Le Yémen démocratique est un pays vaste, ouvert aux vents violents, avec des dunes mobiles qui menacent non seulement les terres agricoles mais également les lignes de communication, les hommes et leur bétail et tous les projets de développement social et économique. Le pays, très démuni en produits forestiers, importe actuellement de l'étranger de grandes quantités de bois, qui lui coûtent cher en devises dont il aurait grand besoin pour d'autres importations.
Acacia tortilis pousse jusque dans la zone la plus aride
Les ressources forestières naturelles ont lourdement pâti de facteurs climatiques et biotiques défavorables et de l'absence, il y a peu de temps encore, d'un service forestier. Cependant, on a pensé que, dans les régions où les conditions de sol et d'humidité sont propices, notamment dans les deltas d'oueds fertiles, la création de brise-vent et rideaux-abris, de plantations en fixation de dunes et en reboisement pourrait procurer - en dehors de la protection qui est pour l'agriculture du pays le besoin le plus urgent - des volumes appréciables de bois d'œuvre, de combustibles ligneux et autres produits non quantifiables. Cela peut être réalisé par l'introduction de variétés à haut rendement d'essences exotiques à croissance rapide, en sélectionnant celles qui sont le mieux adaptées aux conditions écologiques du pays.
Le tableau 1 rapporte les données statistiques sur la croissance et le rendement de quelques essences choisies dans quatre fermes d'Etat présentant différentes conditions de sol, d'humidité et d'altitude. Albizia lebbek et Eucalyptus camaldulensis ont montré dans des conditions comparables le plus fort accroissement en hauteur, diamètre et volume. Plantés en 1970 dans les fermes d'Etat Lénine, à des espacements respectifs de 4 et 6 mètres, Eucalyptus camaldulensis a produit 117 mètres cubes et Albizia lebbek 109 mètres cubes par kilomètre linéaire. Les bois se sont vendus sur le marché local à 7 et 10 dinars le mètre cube sur pied sur écorce (1 dollar U.S. = 0,343 dinar).
Il existe dans le pays trois pépinières principales, gérées par la section forestière. Elles sont situées à El-Kod (plaines côtières), Lodar (région de moyenne altitude) et Hadramaout (sur le plateau du même nom), et ont été installées respectivement en 1968, 1972 et 1973. Toutes trois produisent des plants de feuillus, à l'exception de celle de Lodar qui produit un petit nombre de plants de résineux destinés à la recherche.
Eucalyptus camaldulensis
Introduite d'Australie au début de 1965, cette essence a été tout d'abord plantée à la ferme expérimentale d'El-Kod en même temps que 27 autres espèces d'Eucalyptus, et a par la suite été retenue pour la multiplication à grande échelle,. E. camaldulensis pousse droit, avec un bon équilibre entre diamètre et hauteur. Dans les, premiers stades de croissance, il a besoin d'un abri latéral dans les zones très ventées. Le diamètre horizontal des cimes varie entre 1,75 ± 0,33 mètre et 1,92 ± 0,36 mètre après une année de croissance. Au bout de six ans, il atteint une hauteur moyenne de 15,13 + 4,6 mètres, avec un coefficient de variabilité de 0, 3 pour cent. Le diamètre moyen est de 19,23 ± 3,1 centimètres, avec un coefficient de variabilité de 16 pour cent. La production ligneuse par kilomètre linéaire est estimée à 117 mètres cubes en six ans. C'est dans les fonds d'oueds, où elle bénéficie de sols alluviaux légers et d'une bonne alimentation en eau, que cette essence atteint le maximum de croissance et la plus forte production de bois.
L'effet du broutage sur Maerua crassifolia
Tableau 1. - Données statistiques1 sur la croissance et le rendement d'essences exotiques plantées en brise-vent dans quatre fermes d'Etat de la République démocratique populaire du Yémen2
|
Localité et date de plantation |
Essence |
Hauteur moyenne |
S3C.V.4 |
Diamètre moyen |
S3C.V.4 |
Volume moyen |
|
m |
% |
cm |
% |
m3 |
||
|
Ferme d'Etat d'Amgibla Altitude 960 m Novembre 1973 |
Azadirachta indica |
3,5 ± 0,8 |
2,28 |
7,4 ± 1,7 |
22,9 |
0,016 |
|
Eucalyptus camaldulensis |
7,09 ± 3,2 |
45,0 |
14,4 ± 3,9 |
27,0 |
0,129 |
|
|
Casuarina equisetifolia |
6,9 ± 1,6 |
23,2 |
9,4 ± 2,2 |
23,4 |
0,052 |
|
|
Conocarpus lancifolius |
3,6 ± 1,5 |
36,0 |
5,3 ± 1,8 |
33,9 |
0,011 |
|
|
Albizia lebbek |
4,1 ± 1,2 |
29,0 |
11,6 ± 3,9 |
33,6 |
0,051 |
|
|
Ferme d'Etat du 26 septembre Altitude 25m Mars 1974 |
Azadirachta indica |
4,5 ± 1,9 |
42,2 |
4,8 ± 1,4 |
29,0 |
0,011 |
|
Casuarina equisetifolia |
6,4 ± 1,8 |
28,12 |
6,4 ± 2,7 |
42,0 |
0,029 |
|
|
Conocarpus lancifolius |
7,5 ± 1,2 |
16,0 |
11,5 ± 2,7 |
23,8 |
0,076 |
|
|
Ferme d'Etat Lénine Altitude 15 m Octobre 1970 |
Albizia lebbek |
10,7 ± 3,2 |
29,9 |
26 ± 7,2 |
27,6 |
0,658 |
|
Conocarpus lancifolius |
11,7 ± 3,4 |
29,0 |
15,3 ± 3,5 |
22,8 |
0,241 |
|
|
Eucalyptus camaldulensis |
15,13 ± 4,6 |
0,3 |
19,23 ± 3,1 |
16,1 |
0,468 |
|
|
Ferme d'Etat de la 6e conférence Altitude 12m Avril 1974 |
Albizia lebbek |
3,9 ± 1,7 |
43,5 |
3,9 ± 2,5 |
64,1 |
0,081 |
|
Prosopis cinerea |
5,2 ± 0,85 |
16,3 |
6,58 ± 3,7 |
56,2 |
0,023 |
|
|
Acacia mellifera |
1,5 ± 0,5 |
33,3 |
4,2 ± 0,9 |
37,5 |
|
|
|
Azadirachta indica |
2,8 ± 0,7 |
25,0 |
2,4 ± 0,9 |
37,5 |
0,003 |
|
|
Casuarina equisetifolia |
6,0 ± 1,4 |
23,3 |
3,9 ± 1,9 |
48,7 |
0,015 |
|
|
Conocarpus lancifolius |
5,3 ± 0,8 |
15,0 |
6,3 ± 1,4 |
22,2 |
0,017 |
|
|
Eucalyptus camaldulensis |
6,0 ± 1,8 |
30,0 |
5,1 ± 2,1 |
41,1 |
0,018 |
1 Comptages effectués en octobre 1976.
2 La première ferme est représentative des zones d'altitude moyenne, les bois autres des plaines côtières.
3 S = Ecart type.
4 Coefficient de variation.
Albizia lebbek
On trouve cette essence dans les jardins municipaux d'Aden; on n'a aucune donnée sûre quant à la date de son introduction. On a récolté des semences sur des sujets adultes présentant de bonnes caractéristiques morphologiques pour les multiplier et les planter sur différents terrains irrigués. A. lebbek pousse avec plus de vigueur qu'Acacia nilotica et, sur sol profond irrigué, il atteint la taille d'un grand arbre. Il pousse de manière satisfaisante avec une nappe phréatique à 8 mètres de profondeur, comme à El-Kod.
Boswalia dont on tire l'encens
Exploité en taillis, A. lebbek se régénère rapidement, les feuilles ont une bonne valeur fourragère. Il donne un bois dur très apprécié, mais est moins résistant à la sécheresse que le sunt (Acacia nilotica), particulièrement dans le jeune âge. Il convient pour la plantation autour des fermes irriguées par épandage de crues ou à partir de puits. Son feuillage est caduc alors que celui du sunt est persistant, et il donne une ombre bien plus dense que ce dernier. Il est répandu dans les régions d'Abyan et de Lahej. Planté à 6 × 6 mètres à la ferme d'Etat Lénine, avec irrigation à partir de puits tubulaires, A. lebbek a produit en six ans 109 mètres cubes par kilomètre linéaire. On le plante en brise-vent, en bordure de route et comme arbre d'agrément. Il est connu localement sous le nom de mity.
Neem (Azadirachta indica)
C'est un arbre à croissance rapide, plus proche à ce point de vue d'Albizia que du sunt, quoique poussant plus vite que l'un et l'autre. De dimension inférieure à celui d'Albizia, son bois est apprécié et se vend à 10 dinars le mètre cube sur le marché local. Il est moins tolérant à la sécheresse que le sunt. Il souffre de l'effet mécanique du vent dans le jeune âge, mais ensuite résiste bien. Il rejette bien de souche et se régénère abondamment par semis. Son feuillage est persistant; il fournit une ombre assez dense et convient pour la plantation le long des cours d'eau. Les feuilles peuvent servir de fourrage mais leur appétibilité est inférieure à celle d'autres espèces. Le bois est dur et à grain fin. En 26 mois de croissance, il atteint une hauteur moyenne de 2,8 ± 0,7 mètres avec un coefficient de variabilité de 25 pour cent, et un diamètre de 2,4 ± 0,9 centimètres avec un coefficient de variabilité de 37,5 pour cent. Il est répandu dans les deltas d'Abyan et de Lahej. En 1976, on a noté sur des sujets âgés (15 ans et plus) la chlorose des feuilles, qui provoque une dessiccation soudaine des branches hautes, puis la mort des arbres. Si cette maladie devait se propager, elle causerait des dommages importants. Elle se limite actuellement à des arbres isolés et n'atteint pas encore les proportions d'une invasion à grande échelle, mais devant cette menace on ne sait pas très bien s'il faut ou non développer les plantations. On étudie sérieusement la question à la section de pathologie de la station de recherche d'El-Kod.
Entretien d'une pépinière d'Eucalyptus camaldulensis
Damas (Conocarpus lancifolius)
A condition d'être bien irriguée, cette essence pousse avec un fût élancé et rectiligne. Sans être particulièrement résistante à la sécheresse, elle peut pousser, quoique lentement, avec une nappe à 8 mètres de profondeur, sous réserve d'être arrosée au début La croissance en diamètre et en hauteur est bonne si l'espacement est suffisant. Plantée fin 1970 à la ferme d'Etat Lénine à un écartement de 1,5 × 2,5 mètres, il s'est produit une sérieuse concurrence entre les arbres aussi bien au niveau des racines que des cimes, d'où croissance et rendement faibles. Elle a atteint une hauteur de 11,7 ± 3,4 mètres avec un coefficient de variabilité de 29 pour cent, et un diamètre de 15,3 ± 3,5 centimètres avec un coefficient de variabilité de 22,8 pour cent en un peu moins de six ans. La hauteur était un peu supérieure à celle d'Albizia, mais ce dernier l'emporte pour la croissance en diamètre et par suite, pour la production en volume de bois.
Casuarina equisetifolia
Le filao a été introduit d'Afrique du Sud par le Dr Lavranos, qui étudiait les plantes grasses de la région du Sud-Ouest asiatique dans laquelle il avait inclus en 1968-69 la République démocratique populaire du Yémen. Multiplié à la pépinière forestière d'El-Kod, on l'a d'abord planté à petite échelle. En raison de sa croissance rapide et de sa forme conique, les agriculteurs l'apprécièrent comme brise-vent, ce qui, ajouté à sa bonne adaptabilité, encouragea sa multiplication et sa propagation en plantation. C'est maintenant une des essences utilisées en brise-vent. Casuarina n'est pas du tout résistant à la sécheresse et meurt s'il n'est pas irrigué régulièrement dans les régions recevant moins de 100 millimètres de précipitations annuelles. C'est un arbre de brise-vent de première classe dans les sols alluviaux profonds, irrigués à partir de puits tubulaires. La croissance la meilleure a été obtenue à la ferme d'Etat Lénine dans le delta d'Abyan. A la ferme d'Etat Amgibla (région de moyenne altitude), Casuarina equisetifolia a atteint une hauteur de 6,9 ± 1,6 mètres, avec un coefficient de variabilité de 23,3 pour cent, en trois ans, ce qui le place près d'Eucalyptus camaldulensis par comparaison avec Azadirachta, Conocarpus et Albizia spp.
Ficus vasta abattu pour son bois
1 Acacia tortilis, A. mellifera, Lawsonia alba, Lantana camara, Peltophorum inerme, Kigelia pinnata Ponganica glabra, Nerium oleonder, Hibiscus spp., etc.
Prosopis cinerea
Introduit d'Hadramaout en 1973, on l'a multiplié à la pépinière forestière d'El-Kod, et planté dans l'arboretum d'El-Kod en 1974. Un certain nombre de plants furent mis en place la même année à la ferme d'Etat de la Sixième conférence dans un but de démonstration. Il semble pousser vigoureusement et donner d'excellents résultats. Selon les données statistiques recueillies, cet arbre aurait atteint une hauteur moyenne de 5,2 ± 0,85 mètres et un diamètre de 6,58 ± 3,7 centimètres avec des coefficients de variabilité de 16,3 pour cent et 56,2 pour cent respectivement, en 26 mois environ. Il est résistant à la sécheresse et a une cime étalée depuis 1,50 mètre au-dessus du sol jusqu'au sommet, ce qui en fait un excellent arbre de brise-vent clans les régions de vents forts et de sables mouvants. Il a un système radiculaire profond qui lui permet d'aller chercher l'humidité dans les couches profondes du sol. Il rejette bien de souche et fournit un excellent fourrage.
Acacia mellifera
Cet acacia a été introduit récemment du Soudan et planté dans l'arboretum et à la ferme d'Etat de la Sixième conférence en 1974. On l'a également planté ailleurs aux fins de démonstration. Il semble convenir pour les haies et clôtures contre les animaux s'il est planté serré. Dans le jeune âge, il a une croissance vigoureuse et résiste à la sécheresse, atteignant une hauteur de 1,5 ± 0,5 mètre et un diamètre de cime de 4,2 ± 0,9 mètres avec un coefficient de variabilité de 33,3 et 37,5 pour cent respectivement, en 26 mois. Dans l'arboretum, il fleurit et produit des semences deux ans après la plantation. Il attire les abeilles au stade de la floraison.
Unasylva revue internationale des forêts et des industries forestières
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