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Recherche sur la biomasse: Aperçu des travaux récents du gouvernement des Etats Unis

Jim Williams

JIM WILLIAMS est secrétaire adjoint de l'agriculture, USDA. Ce texte est une version condensée du rapport qu'il a présenté en mars 1980 au Sous-comité de la recherche et de la législation agricoles du Sénat américain.

Les travaux de recherche et de vulgarisation du Ministère de l'agriculture des Etats Unis (USDA) ont pour objectif d'accroître les disponibilités en biomasse ligneuse et agricole, utilisée non seulement pour produire des carburants à base d'alcool, mais également par combustion directe et génération d'autres formes d'énergie. Le programme américain de carburants à base d'alcool est par conséquent, non pas une entité distincte, mais un élément important de l'effort global de production de biomasse et de carburants synthétiques.

La production industrielle de denrées agricoles et de bois laisse chaque année en Amérique d'énormes quantités de résidus. Quelque 500 millions de t de bois (poids sec) sont potentiellement disponibles mais restent inutilisées chaque année. Les résidus agricoles, tels que pailles de céréales, rafles et tiges de maïs, bagasse de canne à sucre, représentent au total environ 400 millions de t/an de matière organique solide. Les animaux d'élevage, dont beaucoup sont tenus en parc ou en étable, produisent pour leur part 210 millions de t/an de matière organique (poids sec).

La biomasse agricole provenant des résidus représente au total beaucoup plus d'un milliard de t/an de matière sèche. Etant donné que la production nette d'énergie à partir d'une tonne de matière organique sèche est en gros équivalente à celle de 1,3 baril de pétrole (environ 0,182 t), cette ressource représente l'équivalent énergétique de 1,3 milliard de barils, soit 182 millions de t/an de pétrole.

Recherche et développement

L'USDA intensifie ses efforts de recherche et développement en vue de la production de carburant à base d'alcool à partir de matières premières agricoles. Ces recherches sont menées principalement par la Direction des sciences et de l'enseignement (SEA), le Service forestier (FS), et le Service de l'économie, des statistiques et de la coopération (ESCS) du ministère.

Une grande partie des recherches sur la biomasse et les carburants à base d'alcool est réalisée dans les centres de recherche sur l'énergie de la SEA situés à Peoria (Illinois) et à Tifton (Géorgie), ainsi qu'au laboratoire des produits forestiers de Madison (Wisconsin). Les chercheurs du centre de Peoria étudient systématiquement la teneur en amidon et en sucres de milliers de plantes cultivées ainsi que les possibilités d'utilisation massive d'autres matières organiques, et évaluent les procédés de conversion à grande échelle. Ceux du centre de Tifton évaluent la production, la récolte et la conversion en alcool et autres formes d'énergie de la biomasse ligneuse et agricole, et mettent au point les systèmes de production artisanale d'énergie à partir de la biomasse à la ferme. Le laboratoire de Madison étudie les techniques de conversion du bois en énergie et en succédanés des dérivés de la pétrochimie.

Ethanol

Du fait que la technologie en est bien au point, l'alcool éthylique a jusqu'à présent été le seul produit utilisé en mélange avec l'essence aux Etats-Unis. Le mélange à 90 pour cent d'essence (sans additif au plomb) et 10 pour cent d'éthanol anhydre, vendu sous le nom de «gasohol», peut être employé sans modification des moteurs et sans dommage apparent.

Etant donné que les prix du pétrole sont restés bas au cours des dernières décennies, il n'y a pas eu de recherches poussées sur l'utilisation de l'éthanol comme carburant liquide pour les moteurs, depuis la seconde guerre mondiale lorsque les approvisionnements en pétrole étaient menacés. Avec la hausse actuelle des prix et la diminution des disponibilités, il est évident qu'il faut entreprendre sans délai de nouvelles recherches.

Dans ce domaine, d'importants travaux consistent à choisir parmi un grand nombre de plantes celles qui offriraient un intérêt par leur production totale de biomasse, leur fort rendement en hydrates de carbone et leur aptitude à fournir des succédanés aux dérivés du pétrole. Les recherches devront également porter sur l'accroissement de la production de biomasse végétale par la sélection et l'amélioration génétiques.

L'ESCS évalue les effets économiques de différents types et volumes de production de biomasse sur les structures agricoles et leurs conséquences pour les zones rurales. Les domaines dans lesquels des changements structurels pourraient se produire sont, par exemple, la taille des exploitations agricoles et la répartition de la propriété, les changements au niveau régional dans les superficies consacrées à la production végétale et animale, les différentes combinaisons d'entreprises et les changements dans l'emploi agricole et rural. Les conséquences sur les hausses des prix alimentaires seront également évaluées.

Par ailleurs des recherches sont en cours au centre de Peoria et dans des institutions associées en vue de perfectionner les procédés de fermentation et de conversion chimique. Elles comportent une sélection et une évaluation des micro-organismes en fonction de leur aptitude à produire de l'alcool à concentration plus élevée, plus rapidement, ou à agir dans des conditions variées de fermentation, avec différents types de substrats et différentes concentrations.

Au cours de la seconde guerre mondiale, le Service forestier des Etats-Unis a mis au point un procédé amélioré de fabrication d'alcool à partir du bois. La technologie en a été utilisée pour monter une usine pilote à Springfield (Oregon); bien que cette usine n'ait jamais fonctionné, il y a un regain d'intérêt pour la réévaluation de cette technologie, utilisée à l'heure actuelle dans une quarantaine d'usines en U.R.S.S.

Une usine de pâte de bois située à Bellingham (Washington) utilise actuellement des produits ligneux pour produire annuellement 4 millions de gallons (15 millions de 1) d'éthanol. La matière première employée est la liqueur noire de bisulfite.

Méthanol

On peut également faire appel au méthanol ou alcool de bois pour remplacer les combustibles dérivés du pétrole. Il est souhaitable de produire du méthanol pour utiliser les grandes quantités de matière ligneuse disponibles, et cependant cette production ne s'est jusqu'à présent pas avérée rentable à l'échelle commerciale. On pense aussi qu'à la longue, les immenses ressources de houille des Etats-Unis pourront être utilisées comme matière de base pour l'industrie chimique, ce qui libérera davantage de biomasse à convertir en méthanol.

Avant que l'usage du méthanol comme carburant pour moteurs se généralise, il faudra remplacer certaines pièces des moteurs et certains éléments du réservoir de carburant et du système d'alimentation par d'autres résistant à l'action corrosive du méthanol ou du mélange méthanol-essence.

On peut obtenir du méthanol, en même temps que des produits de carbonisation, des huiles et du gaz, par pyrolyse de matières organiques de la biomasse. Si celle-ci doit être utilisée comme source de méthanol, la technologie la plus intéressante est la gazéification du bois pour l'obtention de gaz pauvre, qui est ensuite converti en gaz de synthèse puis en méthanol. De nouvelles recherches du Service forestier et de la SEA sont prévues pour améliorer ces procédés.

Dérivés chimiques

Le laboratoire du Service forestier de Madison mène des études sur la préhydrolyse du bois au moyen de vapeur, pour en extraire les pentosannes avant de poursuivre la transformation. Ces substances peuvent servir à fabriquer des produits accessoires intéressants tels que furfural et xylitol ou encore, dans certains cas, être mises à fermenter sous l'action de micro-organismes pour produire de l'alcool. Ce prétraitement peut également être avantageux pour préparer le bois en vue de tirer de grandes quantités de glucose et d'éthanol de la cellulose, ou pour fabriquer de la pâte, le prétraitement permet d'employer moins de produits chimiques.

Le Service forestier mène une vaste étude sur la production et les caractéristiques des terpènes dans les produits d'extraction du bois de pin. Ces substances ont un débouché possible dans la production de carburants de moteurs à combustion interne. L'essence de térébenthine a été utilisée au Japon pendant la seconde guerre mondiale dans l'essence d'aviation; on peut l'extraire du bois de pin, comme produit accessoire à côté de l'alcool et de la pâte.

Le Service forestier étudiera les possibilités de faire produire de l'alcool et des dérivés chimiques par les usines de pâte, dans une optique d'utilisation intégrée des produits forestiers. Dans le même ordre d'idées, l'excédent d'énergie disponible dans les usines de transformation du bois, sous la forme de résidus de bois ou de vapeur basse pression, pourrait être utilisé pour la distillation d'alcool de grains. Des coopératives rurales pourraient ainsi utiliser soit des résidus de bois soit des plantes cultivées comme source de sucre et de chaleur pour produire de l'alcool.

Coopération

Il existe des possibilités de coopération mutuellement avantageuse avec d'autres pays dans les recherches sur la production d'alcool à partir de la biomasse. De nombreux travaux dans ce domaine ont été réalisés au Brésil, où de nouveaux projets en vue de la production tant d'éthanol que de méthanol à partir du bois d'eucalyptus sont sur le point de démarrer. Les Etats-Unis pourraient profiter de l'expérience du Brésil en coopérant plus étroitement avec ce pays. Les Autrichiens et les Suisses travaillent déjà avec les Brésiliens en vue d'une production expérimentale d'alcool dans une usine en vraie grandeur, construite en Suisse pendant la seconde guerre mondiale, désaffectée en 1965 et remise en service récemment. Ces réalisations méritent d'être suivies.

Le Service de vulgarisation coopérative de l'USDA tient ses représentants locaux au courant du programme de carburants à base d'alcool au fur et à mesure que des données techniques et des informations sur les possibilités d'aide financière deviennent disponibles. Les agriculteurs et les petites entreprises des collectivités rurales s'intéressent vivement aux perspectives de production d'alcool. Les informations en provenance d'un certain nombre d'Etats indiquent que l'intérêt se porte sur des usines implantées dans un centre rural plutôt que sur des installations à la ferme, en raison de leurs avantages en matière de contrôle de qualité, de sécurité et de facilités d'en treposage.


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