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Distorsions non tarifaires dans le commerce international des produits forestiers

I.S. Ferguson et P.J. Lloyd

I.S. FERGUSON, maître de conférences au Département forestier de l'université nationale d'Australie, est actuellement chargé de cours à titre externe à l'école forestière de l'université de Canterbury, Nouvelle-Zélande. Il travaille également pour le compte de la société New Zealand Forest Products Ltd.

P.J. LLOYD est chargé de cours principal au Département de l'économie, Research School of Pacific Studies, université nationale d'Australie.

On connaît assez mal les distorsions non tarifaires dans le commerce international des produits forestiers. Cet article a pour but d'appeler l'attention sur ces distorsions et de faire mieux comprendre les effets économiques d'une pratique qui tend à se répandre de plus en plus

Par «distorsions non tarifaires» nous entendons toutes les mesures autres que les tarifs douaniers qui faussent le libre échange international en faisant une discrimination entre biens de production nationale et biens importés, ou entre biens exportés et biens destinés à la consommation intérieure. Par convention, on exclut normalement de cette définition les mesures procédant de politiques monétaires et fiscales et visant à maintenir la balance des paiements, parce que ces mesures touchent tous les biens d'exportation et d'importation concurrents. De même, on en exclut généralement les obstacles aux échanges résultant de différences de langues ou d'usages commerciaux, ainsi que ceux dus aux imperfections des marchés ou au contrôle des changes.

Nous utiliserons le terme de «distorsion» de préférence à celui de «barrière» parce que certaines mesures conduisent à une surimportation plutôt qu'à une sous-importation, ou à une surexportation plutôt qu'à une sous-exportation. En effet, le terme de «barrière» insiste implicitement et exclusivement sur les obstacles qui réduisent les échanges, alors que, comme nous le verrons, certaines distorsions importantes dans le commerce international des produits forestiers, dues à des causes non tarifaires, ont un effet diamétralement opposé.

Depuis au moins une dizaine d'années, les pays concernés et des organismes internationaux tels que le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) (Baldwin, 1970; Curzon et Curzon, 1972; Krauss, 1979; Yeats, 1979) se préoccupent de plus en plus de ces distorsions. Ce souci tient à ce que l'on se rend compte que, depuis quelque temps déjà, les distorsions non tarifaires ont une incidence marquée sur les tarifs douaniers et qu'elles tendent à s'accentuer alors même que le niveau moyen des taxations douanières s'abaisse dans l'ensemble des pays du monde, notamment dans les pays de l'OCDE.

Les statistiques établies par le GATT en vue des négociations qui se sont récemment conclues à Tokyo montrent qu'en 1970 ni le Japon ni aucun des pays développés d'Europe ou d'Amérique du Nord n'avaient de droits de douane sur les produits industriels excédant en moyenne 11 pour cent (GATT, 1972). En outre les pays développés ont décidé de réduire leurs tarifs douaniers d'environ 40 pour cent. En revanche, la nouvelle vague de protectionnisme, apparue dans les pays développés à la suite du ralentissement de la croissance économique mondiale amorcé en 1974, se traduit par un recours plus fréquent à des distorsions non tarifaires telles que subventions, restrictions quantitatives sur les importations et limitations volontaires. Les réglementations administratives (Slot, 1975), la prise en main du commerce extérieur par l'Etat (Kostecki, 1979) et d'autres formes autrefois peu usitées de distorsions non tarifaires sont également devenues beaucoup plus courantes.

Au cours de cette même période, on s'est de plus en plus préoccupé des distorsions non tarifaires dans le commerce des produits agricoles. Les études de Wipf (1971), Sampson et Yeats (1977), Bale et Greenshields (1978), et Hillman (1978) révèlent que le niveau moyen des aides accordées aux producteurs agricoles aux Etats-Unis, dans les pays de la CEE et au Japon est beaucoup plus élevé que celui des aides qui vont aux producteurs industriels, et que cette protection dont bénéficie l'agriculture découle essentiellement de distorsions non tarifaires.

Malheureusement, toutes ces études passent sous silence les produits forestiers. On ne sait que relativement peu de chose sur la nature des distorsions non tarifaires concernant ce groupe de biens ou sur leur importance par rapport aux barrières douanières. L'évaluation systématique de ces distorsions dans le commerce mondial des produits forestiers représenterait une tâche colossale. La présente étude tente d'appeler l'attention sur certaines formes de distorsions non tarifaires affectant ce secteur et de mieux faire comprendre leurs effets économiques.

Contingents tarifaires

Les contingents tarifaires sont des distorsions qui font intervenir deux niveaux différents de droits de douane, le tarif le plus élevé entrant en jeu lorsque les importations excèdent le contingent fixé. La CEE les a appliqués à un certain nombre de produits forestiers. Ceux relatifs au papier journal, aux papiers et cartons, au contreplaqué, aux bois moulurés sont de bons exemples de cette forme de distorsion non tarifaire.

Papier journal. La CEE a introduit en 1969 un contingent tarifaire de 625000 t de papier journal pour l'ensemble de la Communauté (Rom, 1969), les droits de douane étant nuls au-dessous du contingent et de 7 pour cent au-dessus. En 1971, les importations de papier journal de la CEE se sont élevées à 2 millions de t, de sorte que l'effet potentiel du contingent tarifaire était très important. Une clause prévoyait toutefois qu'il pourrait être ouvert un contingent autonome en franchise de droits lorsqu'il s'avérerait que toutes les possibilités d'approvisionnement interne auraient été épuisées ou seraient vouées à l'être (Commission des communautés européennes, 1974). Comme c'est le cas avec la plupart des clauses de ce genre, il est difficile de vérifier si cette disposition a été invoquée et quand. Même si elle n'a pas beaucoup joué, le seul fait qu'il existe une telle disposition arbitraire a dû accroître les risques aux yeux des importateurs et exportateurs potentiels.

Papiers et cartons. Les contingents tarifaires préférentiels pour les papiers et cartons, négociés entre la CEE et la Suède, la Norvège, la Finlande et l'Autriche sous la forme d'accords individuels de libre échange signés en 1973, illustrent eux aussi le caractère arbitraire d'un grand nombre des dispositions dont s'accompagnent souvent les contingents tarifaires. Les accords prévoyaient que les contingents devraient augmenter automatiquement de 5 pour cent par an, des droits de douane de l0,5 et 12 pour cent s'appliquant aux importations au-dessous et au-dessus du contingent. Mais il y avait également des clauses permettant de bloquer les contingents au cas où «des conditions économiques anormales se présenteraient» (Kalish, 1976). En 1974, à la suite de la récession, la CEE a fait jouer ces clauses et a bloqué les contingents portant sur l'ensemble des 14 catégories de papiers et cartons importées de Suède, et sur deux ou trois catégories provenant des autres pays. Bien que petite, la différence entre les tarifs a été suffisante pour assurer aux producteurs nationaux une marge importante en période de dépression du marché.

Contreplaqué et moulures. Les contingents tarifaires de la CEE relatifs au contreplaqué sont encore un autre exemple des difficultés qu'il y a à appliquer des contingents d'une manière non discriminatoire. Des contingents de 625000 m³ et l05000 m³ ont été fixés pour les contreplaqués de résineux d'une part, de feuillus d'autre Part, les droits de douane étant nuls au-dessous de ces limites et de 13 pour cent au-dessus (Jabil, 1979). Ces niveaux de contingents ont probablement été calculés en fonction de la structure passée des importations, le contreplaqué de résineux provenant de pays développés tels que Canada et Finlande, tandis que la majeure partie du contreplaqué de feuillus vient de pays en développement du Sud-Est asiatique et d'Afrique. L'importance de l'écart entre ces contingents ne reflète pas de différences éventuelles dans les propriétés des deux groupes de produits. En outre, comme le souligne Floro (1978), les pays en développement ont du mal à se tailler une plus large place sur le marché européen en raison de la clause qui interdit à tout pays exportateur de fournir plus de la moitié du contingent hors taxes d'un pays membre donné.

Quant aux contingents tarifaires imposés par la CEE aux bois moulurés, ils exercent, semble-t-il, une discrimination encore plus délibérée à l'encontre des pays en développement. En l'occurrence, un contingent en franchise secret est fixé chaque année pour les importations en provenance des pays en développement; un droit de 5 pour cent est prélevé sur les importations excédant ce contingent (Jabil, 1979).

Restrictions quantitatives

Depuis quelques années les pays exportateurs imposent progressivement des restrictions quantitatives pour limiter les exportations de bois en grumes. Plus récemment, le Japon a instauré des restrictions aux importations; les importations japonaises de grumes destinées au contreplaqué et au sciage dominent le marché mondial, représentant environ la moitié des importations mondiales de ces produits. Ces distorsions non tarifaires concernant le commerce des bois en grumes prennent une importance croissante.

Restrictions aux exportations de grumes. L'Indonésie, le Sabah, le Sarawak et les Philippines sont les principaux fournisseurs du Japon en grumes de feuillus tropicaux destinées à la fabrication de contreplaqué (Malaysian Timber Industry Board, 1978). Aux Philippines, des restrictions aux exportations de grumes ont été introduites pour la première fois en 1974 l'intention étant d'interdire toute exportation en 1977. Cette politique a été modifiée par la suite et la réglementation actuelle autorise «une exportation limitée et sélective de bois en grumes... ne devant pas excéder 25 pour cent de la possibilité totale des forêts du pays» (Floro, 1978). Au Sabah, la politique officielle est de ramener les exportations de bois en grumes de 90 pour cent du volume total coupé en 1977 à 50 pour cent en 1981 (Malaysian Timber Industry Board, 1978), et des contingents d'exportation trimestriels viennent d'être institués pour permettre un contrôle plus serré qu'avec les contingents annuels précédemment appliqués (Anon., 1978a). Au Sarawak, le gouvernement prévoit de ramener les exportations de grumes à 30 pour cent du volume total coupé sur une période non spécifiée (Malaysian Timber Industry Board, 1978). En Indonésie, la politique du gouvernement est d'inciter les détenteurs de concessions forestières à passer progressivement d'une proportion de bois exportés en grumes allant jusqu'à 80 pour cent du volume exploité au cours des deux premières années à 60 pour cent après six ans (Sudjarwo, 1980).

La mise en œuvre progressive de ces restrictions fournit un exemple de recours délibéré à une barrière non tarifaire aux exportations dans un groupe de pays en représailles aux niveaux élevés de protection douanière accordée à l'industrie japonaise du contreplaqué et du placage, les taux actuels étant respectivement de 20 et 15 pour cent (Malaysian Timber Industry Board, 1978). Toutefois, étant donné qu'une certaine proportion (30 pour cent peut-être) des grumes exportées par ces pays vers le Japon est utilisée en sciage, l'industrie japonaise du sciage en subira le contrecoup.

Les restrictions les plus importantes sur les exportations de grumes de sciage concernent les sources d'approvisionnement nord-américaines. L'évolution de ces restrictions aux Etats-Unis est particulièrement intéressante. En 1968, la réglementation au titre de l'Amendement Morse limitait les exportations de grumes provenant des forêts du domaine fédéral à l'ouest du 100e méridien à 10 millions de m³/an (Darr, 1977). Dans ce cas, la législation traduisait une préoccupation des effets possibles d'un accroissement des exportations de bois en grumes sur le prix des grumes pour les scieurs de la côte occidentale, et par conséquent sur le prix de l'habitat. En 1973, cette réglementation était remplacée par une annexe au budget du service fédéral limitant les exportations de grumes et équarris provenant de forêts aux volumes déclarés comme excédant les besoins intérieurs. Cette mesure revenait pratiquement à interdire toute exportation de grumes provenant de forêts fédérales, restriction appréciable si l'on considère que les volumes qui y sont exploités représentent environ un tiers du volume total des coupes dans les Etats de la côte occidentale (Lindell, 1978). Mais le niveau global des exportations est resté plus ou moins constant, parce que les propriétaires forestiers privés ont accru leurs exportations de grumes, et en fait ont été les principaux bénéficiaires de cette interdiction.

La nouvelle vague de protectionnisme, apparue dans les pays développés à la suite du ralentissement de la croissance économique mondiale amorcé en 1974, se traduit par un retours plus fréquent à des distorsions non tarifaires telles que subventions, restrictions quantitatives sur les importations et limitations volontaires

Ces restrictions du gouvernement fédéral des Etats-Unis n'ont pas été les seules qui aient été imposées au commerce des bois en grumes en Amérique du Nord. La province de la Colombie britannique au Canada avait déjà précédemment interdit l'exportation de bois en grumes, à l'exception d'un très faible volume - qu'ils proviennent de forêts domaniales ou privées (Lindell, 1978) - et cette interdiction est toujours en vigueur. Les Etats d'Alaska, de Californie, d'Idaho et d'Oregon ont également interdit l'exportation de grumes provenant de forêts domaniales, ces restrictions sont toutefois beaucoup moins sévères pour ce qui est des volumes potentiels en cause.

Les restrictions aux exportations de bois en grumes assurent une protection aux industries nationales de transformation, en abaissant les prix intérieurs des grumes. Mais elles établissent une discrimination à l'égard des exportateurs de grumes, en particulier des nouveaux venus. Dans certains pays elles favorisent également les exportations de grumes provenant de forêts privées, créant des distorsions dans l'offre de bois en grumes entre les secteurs public et privé.

S'il y a des arguments valables pour recourir aux restrictions qui frappent les exportations de grumes, surtout comme mesure de rétorsion contre des tarifs douaniers élevés protégeant les industries de transformation, ces arguments ne tiennent qu'à court terme (Bergsten, 1977). Des représailles dans un secteur déclenchent une riposte dans un secteur différent de l'autre pays, ce qui aggrave les distorsions dans les échanges, au détriment des deux parties. Des pays tiers qui importent des bois en grumes mais exportent les produits transformés, ou qui n'appliquent pas de restrictions aux importations, en souffrent aussi: Singapour, Hong-kong, Taïwan et la République de Corée en sont actuellement des exemples manifestes.

Contingents d'importation de grumes. L'évolution des restrictions quantitatives a été interrompue en 1976 par le recours à une forme différente de barrière non tarifaire dans le commerce des bois en grumes entre Etats-Unis et Japon, qui sera examinée plus loin. Cette mesure témoignait de la préoccupation croissante que suscitait au Japon le niveau des importations de grumes. Bien que les exportations américaines soient restées assez stables, les pressions politiques s'intensifiaient au Japon en vue de restreindre les importations, en raison des bas prix que les sylviculteurs japonais recevaient pour leurs bois. Elles ont abouti en 1978 à l'instauration de contingents d'importation de grumes au Japon. C'est une forme de restriction quantitative qui a été largement utilisée autrefois au Japon et ailleurs, et sa réapparition aujourd'hui est un nouveau signe de la tendance croissante à recourir aux barrières non tarifaires.

Selon des comptes rendus de presse (Anon., 1978b), l'administration forestière japonaise devait établir des estimations trimestrielles de l'offre et de la demande, et présenter des «directives» d'importation aux 20 principales firmes qui entrent pour plus de 80 pour cent dans les importations de grumes. On peut se demander si les restrictions qui ont suivi ont été réelles ou surtout symboliques. Il n'en reste pas moins que, dans l'ensemble, les effets du contingentement des importations sont analogues à ceux des restrictions aux exportations. Il tend à faire monter les prix des bois sur le marché et, par conséquent, à faire diminuer la consommation globale de grumes et produits dérivés. Il établit une discrimination à l'égard des fournisseurs étrangers, notamment des nouveaux venus, tout en procurant aux importateurs des bénéfices excessifs et immérités.

Accords volontaires

Les accords volontaires entre gouvernements ou entre associations de producteurs de pays différents sont une autre source de distorsions non tarifaires dans le commerce international des produits forestiers. Ils peuvent prendre des formes diverses. A citer parmi les exemples récents les plus importants: un accord officieux secret entre deux gouvernements pour restreindre les échanges, un accord officiel sous forme de cartel entre associations de producteurs fixant des prix et des contingents, et enfin un accord formel entre deux gouvernements visant à accroître les échanges bilatéraux.

Accord Etats-Unis-Japon. Les gouvernements des Etats-Unis et du Japon ont conclu en 1976 un accord officieux en vue de limiter les exportations américaines de grumes et d'équarris de toutes provenances au niveau existant d'environ 10 millions de m³/an (Etherington, 1977). Les exportations des deux années suivantes sont restées proches de ce chiffre, mais il serait difficile de dire si cela a été le résultat de l'accord ou de la situation du marché. L'une des principales objections que l'on peut faire à ce type d'accord restrictif est que ses effets sont difficiles à prévoir et à cerner en raison de la discrétion qui entoure sa nature et son fonctionnement. Outre les répercussions maintenant bien connues des restrictions quantitatives tant sur les exportations que sur les importations, un tel accord accroît fortement l'incertitude concernant les activités de l'ensemble du secteur dans les deux pays.

La production et la commercialisation des contreplaqués se prêtent peu au jeu des restrictions

Accords SEALIPA-JLIA. L'Association des producteurs de bois du Sud-Est asiatique (SEALPA) a été créée en 1974 par les associations de producteurs des principaux pays exportateurs de grumes vers le Japon. Les représentants de la SEALPA se réunissent tous les trois mois avec ceux de son homologue japonaise, l'Association des importateurs de bois du Japon (JLIA). A la suite de ces consultations la SEALPA fixe des prix planchers et des contingents d'exportation pour les pays membres. Lors de la période de dépression du marché entre 1974 et 1977, ces procédures ont probablement eu peu d'influence sur les quantités commercialisées, mais elles ont certainement limité l'apparition d'une concurrence sauvage entre pays exportateurs. Même maintenant leur impact est contestable, en raison de l'absence du Sarawak au sein de la SEALPA et de l'incapacité apparente de certains pays membres à faire entièrement respecter ces restrictions. Néanmoins, la SEALPA a réussi à obtenir des pays membres un soutien accru pour des plans de réduction progressive des exportations de grumes. La Fédération des fabricants de contreplaqué de Corée, Malaisie et Singapour (KOMASI) applique un accord cartellaire similaire, qui fixe des prix planchers et des contingents vis-à-vis des marchés du Royaume-Uni, d'Europe, du Moyen-Orient et des Etats-Unis L'efficacité de ces mesures de contrôle est également douteuse, du fait que «la production et la commercialisation du contreplaqué se prêtent peu au jeu des restrictions» (Anon., 1979).

Les accords restrictifs du type cartel sont un moyen d'influencer les échanges internationaux, comme l'a montré l'expérience des pays producteurs de pétrole. Il ne faudrait cependant pas pousser le parallèle trop loin, parce que dans le cas du bois et des produits dérivés il existe beaucoup de possibilités de substitution. Les restrictions quantitatives imposées par ces accords introduisent une distorsion dans les échanges, mais il faut également noter leur rôle en tant que mesure de rétorsion destinée à protéger l'industrie japonaise du sciage et du contreplaqué.

Accord Nouvelle-Zélande-Australie. L'accord de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie fournit un exemple d'accord officiel destiné à accroître les échanges commerciaux entre deux pays. Cet accord limité couvre principalement les produits forestiers. Après son instauration en l965, la plupart des barrières tarifaires et non tarifaires officielles au commerce des produits forestiers ont été progressivement supprimées, en même temps que celles intéressant certaines matières premières industrielles. Il a été créé un conseil consultatif mixte sur les industries forestières, comprenant des représentants du gouvernement et de l'industrie des deux pays. Par la suite, on a encouragé des négociations bilatérales entre les principales firmes papetières afin de surmonter certaines des difficultés existant dans ce secteur.

Contrairement aux succès enregistrés dans le commerce des autres produits, la valeur réelle des échanges de produits forestiers entre les deux pays ne s'est accrue que très peu entre 1966 et 1975 (Fenton, 1979). Cet échec de l'accord en ce qui concerne les produits forestiers peut être attribué à diverses causes. Dans le secteur des pâtes et papiers, toutefois, le fort pouvoir monopolistique dont les grandes sociétés jouissaient sur leur propre marché intérieur a joué un rôle majeur. L'accord bilatéral entre les deux pays s'avérait inefficace chaque fois que les intérêts commerciaux de ces sociétés en voulaient autrement parce qu'il ne comportait pas de sanctions pour en faire respecter pleinement les dispositions ou de mesures d'incitation pour en empêcher une mauvaise application. En fait, il a été créé au titre de l'accord de libre-échange une commission mixte pour la scierie qui, avec l'approbation des gouvernements des deux pays, a restreint les échanges de ces produits forestiers (Lloyd, 1976).

Procédures douanières

Les procédures administratives d'évaluation des importations et d'estimation des droits de douane suivies par les autorités douanières sont souvent source de distorsions non tarifaires dans le commerce. L'usage de règlements particuliers dans la législation douanière australienne, les fabrications sous contrôle de douane en Australie et les problèmes relatifs à la nomenclature de Bruxelles pour la classification douanière sont trois exemples intéressant les produits forestiers.

Règlements particuliers. La législation douanière australienne contient des dispositions qui permettent l'entrée de marchandises en vertu de règlements particuliers. Ceux-ci fournissent un moyen légal de réduire les droits à payer, si certaines conditions sont remplies. Ainsi, en vertu de l'accord de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie, les importateurs australiens doivent acheter 75 pour cent de leur pâte en Nouvelle-Zélande, ou payer un droit de 15 pour cent sur les importations en provenance d'autres pays (Fenton, 1979). C'est évidemment un moyen d'accroître les échanges entre les deux pays, mais qui en même temps établit une discrimination à l'encontre des autres pays. Il en résulte de nouvelles distorsions du fait que les exportateurs de pâte d'autres pays considèrent l'Australie comme un marché réservé pour la Nouvelle-Zélande et sont, semble-t-il, assez peu disposés à approvisionner l'Australie dans les périodes déficitaires (Conway et al., 1974).

Tout dépend de la manière dont les conditions prescrites sont appliquées ou révisées. Les importations en Australie de contreplaqué épais en provenance de Nouvelle-Guinée font l'objet d'un contingent de faveur en franchise de droits, en vertu de dispositions réglementaires particulières. A l'origine il s'agissait sans doute d'un moyen destiné à développer les échanges, mais le contingent n'ayant pas été sensiblement relevé, ce moyen est devenu une mesure restrictive. Cet exemple illustre un problème commun à beaucoup de réglementations qui donnent aux autorités administratives une grande latitude. Quelle que soit l'intention originelle, ces dernières sont tentées d'en user dans un sens restrictif.

Fabrication sous contrôle de douane. C'est une autre disposition spéciale incluse dans la législation douanière en Australie et dans un certain nombre d'autres pays. Elle a permis d'importer en Australie des équarris en provenance d'Amérique du Nord et de Malaisie, qui étaient dédoublés et transformés en produits finis sous contrôle de douane dans un «entrepôt» agréé. Le volume des déchets au sciage et au délignage s'élevant à au moins 5 à10 pour cent, il en résultait une économie correspondante sur les droits de douane payés, ce qui établissait manifestement une discrimination à l'égard des bois qui n'étaient pas resciés sous contrôle de douane.

Classification douanière. La nomenclature de Bruxelles vient d'être révisée. Bien que n'étant pas parties au système originel, les Etats-Unis et le Canada ont collaboré à cette révision dans l'espoir de parvenir à un système uniforme. Des discordances sont apparues dans l'interprétation d'un certain nombre de termes courants utilisés dans le commerce des produits forestiers, tels que «kraft», «papier journal», «papier sans bois», «papier kraft pour grands sacs» (Robinson, 1977).

Il est absolument indispensable que les douanes disposent de définitions claires et non équivoques, parce que les droits à appliquer peuvent différer d'un produit à l'autre à l'intérieur d'un même groupe. La définition de «papier kraft pour grands sacs» en est un bon exemple. En Amérique du Nord et au Japon, les sacs sont exclusivement à plusieurs épaisseurs, et c'est donc la résistance du produit fini assemblé qui compte, tandis qu'en Europe ils sont souvent à simple épaisseur, faits d'une seule couche de papier kraft qui doit donc avoir un facteur d'allongement élevé et une grande résistance à l'éclatement. Ces caractéristiques sont superflues en Amérique du Nord et au Japon, mais essentielles en Europe.

Normes de classement et mesures de quarantaine

Normes de classement des bois. Pour ce qui est des bois nord-américains, les autorités japonaises ont traduit les règles nationales de classement des Etats-Unis, en étudiant attentivement leur genèse et en consultant les représentants des Etats-Unis et du Canada avant d'élaborer des règles japonaises applicables aux essences nord-américaines. Même ainsi il est apparu des divergences entre les deux ensembles de règles touchant le traitement des nœuds et des flaches. Un classement test de lots de bois selon les deux systèmes (Roberte, 1975) a révélé que ces divergences pouvaient entraîner un déclassement d'environ 11 pour cent des bois nord-américains pour qu'ils soient conformes aux normes japonaises. La plupart de ces divergences ont été aplanies à la suite de récentes négociations (Penoyar, 1980).

Les mêmes normes japonaises de classement ont été appliquées à des bois de pin de Monterey importés de Nouvelle-Zélande, bien que n'ayant pas été conçues pour cette essence. Les autorités néo-zélandaises prétendent que cette classification du pin de Monterey dans le groupe épicéa-pin-sapin est impropre, de même que l'épaisseur maximale admissible des accroissements annuels de 6 mm pour les bois de charpente (Foley, 1979). Ces dispositions ont pour effet d'éliminer de 40 à 70 pour cent des fournitures possibles de bois de Nouvelle-Zélande, selon la forêt d'origine. Même si ces problèmes peuvent être surmontés et si le pin de Monterey est placé dans la catégorie de résistance mécanique tsuga-sapin, plus appropriée, sans limitation d'accroissements annuels, un amendement du code de construction japonais serait nécessaire pour que cette essence puisse être utilisée en charpente (Foley, 1979). Les procédures japonaises d'inspection et de marquage des bois compliquent encore davantage la situation des bois importés. Les cargaisons à l'arrivée doivent être échantillonnées au port par le service d'inspection officiel et chaque pièce marquée en japonais (Roberts, 1975). Ce marquage est également requis pour la plupart des bois japonais, de sorte que ce n'est pas à proprement parler une barrière non tarifaire. Cependant, les bois importés doivent être classés par le service officiel sur les lieux de construction, ce qui au Japon incombe à l'utilisateur. Cette pratique entraîne des frais considérables, en raison des faibles volumes en jeu et de leur dispersion. Des négociations ont été entreprises (Foley, 1979) afin de surmonter ces problèmes, qui montrent toutefois de quelle manière des normes techniques et leurs procédures d'application peuvent constituer pour le commerce international des barrières non tarifaires appréciables.

Règlements de quarantaine. Les règlements de quarantaine sont un exemple de cas où il n'est pas tellement facile de déterminer s'il y a distorsion non tarifaire. L'Australie, parmi un certain nombre de pays, a des contrôles de quarantaine particulièrement stricts pour les bois importés. Tout bois renfermant de l'écorce ou des résidus d'écorce doit être traité par fumigation. Tous les produits ligneux importés de pays où l'on trouve le dermeste des grains doivent subir le même traitement. Dans tous les autres cas la fumigation n'est exigée que lorsqu'on constate des marques visibles d'attaques d'insectes. Les bois en grumes importés ne peuvent entrer que par un petit nombre de ports australiens spécifiés et doivent être transformés dans un rayon déterminé autour du port de débarquement. Cette réglementation vise incontestablement à atténuer la menace très réelle que représente l'introduction de certains insectes et maladies exotiques. Les pays exportateurs, ce qui est compréhensible, ont tendance à la considérer comme une barrière non tarifaire. Cependant, Wylie et Yule (1977) ont argué de la nécessité de mesures encore plus strictes, à la suite de leur découverte d'insectes potentiellement dangereux autour des installations de manutention des bois dans certains ports. Avant d'introduire de telles mesures il faudrait évaluer le coût social marginal et l'avantage social marginal, en tenant dûment compte des risques en jeu.

Les pays qui comprennent à quel point ils sont interdépendants en matière d'échanges internationaux reconnaîtront qu'il existe de meilleurs moyens d'accroître la consommation réelle et le bien-être de leurs peuples que les distorsions non tarifaires actuellement pratiquées dans les échanges mondiaux

Autres mesures étatiques

Subventions à la production. La plupart des pays développés à économie mixte accordent aux sylviculteurs privés et aux coopératives forestières des subventions sous la forme de prêts à faible intérêt, d'avantages fiscaux, d'assistance technique ou de subsides directs. Ces subventions varient trop dans le détail pour que l'on puisse en donner ici un résumé, mais il est hors de doute que la pratique de subventions plus ou moins importantes est la règle générale. Certains pays aident également la production dans les forêts domaniales, soit par des subsides directs soit par des prêts à faible intérêt.

Une forme courante de subvention aux industries utilisatrices de bois est celle qui consiste pour l'Etat à vendre des bois en grumes au-dessous de leur valeur marchande (Douglas et al., 1980). Il en résulte un pur profit pour l'industrie bénéficiaire, une consommation accrue de bois provenant des forêts domaniales et une utilisation moins efficace de ces bois, ainsi que de moindres investissements en sylviculture par le secteur privé. Dans une certaine mesure, les subventions aux sylviculteurs privés représentent souvent une tentative de l'Etat pour redresser les distorsions dont pâtissent les investissements dans la forêt privée par suite de la vente à bas prix de grumes provenant des forêts domaniales. C'est en définitive le contribuable qui supporte la charge de ces deux distorsions.

Les subventions à la production présentent l'avantage d'assurer une protection à l'industrie nationale sans établir de discrimination entre fournisseurs du marché intérieur et exportateurs. D'autre part, elles ne modifient pas les prix payés par les utilisateurs et en conséquence la consommation intérieure n'est pas touchée. Mais elles constituent une forme flagrante de protection des producteurs aux dépens des autres catégories de contribuables. C'est politiquement un inconvénient, et cela peut expliquer pourquoi elles ne sont pas davantage employées au lieu d'autres formes de protection.

Subventions à l'exportation. Bien que généralement proscrites par le GATT en raison de leurs effets défavorables sur les exportations de pays tiers, les subventions à l'exportation sont assez largement utilisées. Les avantages fiscaux instaurés en 1978 en Nouvelle-Zélande (Devonport, 1980) donnent un bon exemple de subventions à l'exportation qui grèvent lourdement le commerce des produits forestiers. Ils comportent un crédit direct d'impôt sur le revenu sanctionnant de bons résultats des exportations de sociétés de particuliers dans des projets agréés en matière de construction, d'agriculture, de pêches ou de forêts. Un avoir fiscal pouvant atteindre 11,9 pour cent des gains nets en devises étrangères transférés en Nouvelle-Zélande, ou retenus dans le pays, est accordé à l'exportateur. D'autres avantages sont également consentis pour les dépenses afférentes au développement des marchés d'exportation et aux investissements dans les usines et l'équipement utilisé en vue de l'exportation. En l'absence de contrôle des prix intérieurs, les effets des subventions à l'exportation sont analogues à ceux des subventions à la production, sauf qu'elles établissent une discrimination entre fournisseurs du marché intérieur et exportateurs. Là où il existe un contrôle des prix, comme pour les sciages provenant de reboisements en Nouvelle-Zélande, de nouvelles distorsions risquent d'apparaître dans le marché intérieur car les producteurs peuvent préférer exporter plutôt qu'accepter un prix intérieur plus bas. De même que les subventions à la production, les subventions à l'exportation ont pour effet d'accroître les échanges.

Réglementation des transports maritimes. Ce n'est qu'un exemple de mesure étatique d'ordre général qui peut, dans certaines circonstances, fausser gravement le commerce des produits forestiers. Aux Etats-Unis, en vertu de la loi Jones, les navires sous pavillon étranger ne peuvent être utilisés pour le transport des sciages et autres produits d'une côte à l'autre du pays. En conséquence, les scieurs de Colombie britannique bénéficient d'un avantage appréciable sur leurs confrères de la côte occidentale des Etats-Unis pour ce qui est des coûts de transport vers les marchés de la côte orientale (Austin et Darr, 1975). Bien qu'ils jouissent d'autres avantages, celui-là a toujours joué un rôle déterminant dans la structure du commerce des bois en Amérique du Nord à une époque où les forêts de la côte orientale et les forêts méridionales des Etats-Unis ne produisaient que de faibles quantités de sciages.

Les effets

Les exemples que nous avons passés en revue montrent que les distorsions non tarifaires du commerce international des produits forestiers présentent des caractéristiques communes avec celles qui touchent le commerce d'autres produits agricoles et industriels, qu'il existe une diversité d'instruments de contrôle et d'objectifs, et que ces instruments sont bien souvent changeants et arbitraires.

Pour évaluer l'effet d'une distorsion non tarifaire, protégeant les producteurs nationaux de la concurrence des importations ou accroissant les exportations, le mieux est de calculer le degré fictif d'aide qu'elle procure aux producteurs. Dans sa théorie, ce calcul s'appuie sur une notion simple. Le degré fictif d'aide résultant d'une distorsion non tarifaire est le niveau de taxation douanière exprimé ad valorem ou en pourcentage (ou de subvention à l'exportation dans le cas de produits exportés) qui entraînerait un changement équivalent dans la production. Il se peut aussi qu'un produit bénéficie d'une aide sous la forme de subventions aux facteurs de production ou d'abaissement des droits de douane lorsqu'ils sont importés ce qui diminue les coûts de production. On en a donné quelques exemples plus haut. La notion plus raffinée de degré «effectif» de protection indique l'aide nette aux producteurs résultant de changements tant au niveau de la production qu'à celui des facteurs de production (Corden, 1971). L'aide peut être négative, par exemple dans le cas de taxes pénalisant les producteurs. Par ailleurs, des interventions peuvent aider certains producteurs et, en même temps, désavantager des concurrents ou des utilisateurs du produit plus en aval. Il en résulte parfois une distorsion de la structure de l'industrie.

En dépit de sa simplicité conceptuelle, l'équivalent implicite de taxation douanière (ou de subvention à l'exportation) peut être difficile à déterminer, notamment en cas de concurrence imparfaite, de contrôle des prix, ou de contrôle quantitatif de la production, des importations ou des exportations. Il peut arriver qu'il n'y ait pas de véritable équivalent de taxation douanière. C'est ce qui risque de se produire dans le cas d'une subvention à la production parce qu'aucune taxation douanière, même si elle est assez élevée pour interdire toute importation, ne peut stimuler la production aussi fortement que certaines subventions. Un des résultats de cette «non-équivalence» est qu'une subvention à la production assez importante fait d'un produit - qui sans cela serait une importation - une exportation (Lloyd, 1973). Vu que la production forestière est souvent l'objet de subventions apparemment inoffensives, il faut étudier avec soin cette non-équivalence lorsqu'on évalue les degrés effectifs de protection dans ce secteur.

A notre connaissance, on n'a essayé qu'une seule fois de calculer le degré de protection offert par une distorsion non tarifaire à un produit forestier déterminé, cet exemple n'ayant qu'un lointain rapport avec l'objet essentiel de notre étude. Jager et Lanjouw (1977) ont estimé les degrés effectifs de protection pour le papier journal aux Pays-Bas au cours de la période 1951-74, les distorsions non tarifaires étant constituées par des restrictions quantitatives et des contingents douaniers divers. Les résultats montrent une grande variabilité dans les degrés effectifs de protection d'une année à l'autre, ce qui corrobore la thèse selon laquelle les restrictions quantitatives sont davantage cause d'incertitude pour les importateurs et les exportateurs que les taxations douanières.

D'autres travaux de ce genre seraient nécessaires, parce que les produits forestiers sont à la fois des produits primaires et des biens manufacturés. Le degré probable de protection pour les produits forestiers transformés ne peut par conséquent être déduit par analogie avec l'un ou l'autre de ces groupes; les effets combinés de protection sur la production forestière et sur les industries de transformation peuvent être très différents.

Quelques suggestions pour une politique en la matière

On ne peut guère espérer abaisser les barrières commerciales en s'appuyant sur le principe que le libre-échange optimise la consommation mondiale réelle, ou même sur le principe plus subtil qui en dérive à savoir qu'à quelques exceptions près une liberté totale du commerce extérieur d'un pays donné, dans un monde qui par ailleurs restreint les échanges, optimise la consommation réelle de ce pays. Les hommes politiques qui se préoccupent intérêts de groupes particuliers d'électeurs, ou qui considèrent que l'équité aussi bien que l'efficacité sont des conséquences de la législation, continueront d'intervenir comme bon leur semble.

Aujourd'hui, lorsqu'on veut analyser des distorsions non tarifaires, on s'intéresse surtout à la relation qui existe entre l'objectif particulier que l'intervention cherche à atteindre et les effets globaux de l'intervention sur les fournisseurs et les utilisateurs du produit. On admet qu'un Etat moderne peut souhaiter intervenir pour telle ou telle raison - aider certains groupes économiques, protéger l'environnement, préserver la sécurité dans la construction, etc. - et qu'il est en droit de le faire. On s'attache à trouver l'instrument le plus efficace pour atteindre un objectif donné. Il faut pour cela être en mesure de comparer les divers instruments possibles, et par conséquent d'en mesurer les effets - d'où la nécessité d'une estimation des degrés d'aide. La notion d'équivalence s'applique aussi à cette comparaison, parce que les distorsions non tarifaires influent sur la demande du produit ou sur le niveau des importations. C'est la différence entre les effets d'une distorsion non tarifaire et d'une taxation douanière entraînant les mêmes répercussions sur la production qui nous permet d'établir un classement comparatif des instruments possibles. A titre d'exemple, comparons des droits de douane et une subvention à la production nationale pour un même produit. Des droits de douane ont les mêmes effets sur toutes les variables que la combinaison d'une taxe à la consommation payée par tous les acheteurs et d'une subvention sur toute la production nationale, à la condition que taxe et subvention soient fixées au même taux ad valorem et que les échanges avec l'extérieur ne soient pas interdits. Ainsi des droits de douane et une subvention à la production seuls ne peuvent être équivalents dans tous leurs résultats. Ils diffèrent entre eux à cause de l'effet de taxe à la consommation des droits de douane, qui augmente le prix du produit pour les acheteurs nationaux, contrairement à la subvention à la production. Si le but de l'intervention est d'aider les producteurs, une subvention à la production apparaîtra préférable au prélèvement de droits de douane, parce qu'elle évite l'effet résultant nuisible d'une hausse des prix pour l'acheteur. Par conséquent, taxation douanière et subvention, dont le but est d'aider les producteurs nationaux, réduisent toutes deux les importations, mais la première influe davantage sur celles-ci parce qu'elle fait baisser la demande intérieure globale du produit. Ce mode de raisonnement fournit un guide simple mais très efficace pour déterminer quelle forme d'intervention étatique est la meilleure en vue d'un objectif donné, la meilleure étant celle qui agit directement sur la variable à laquelle tient le problème (Bhagwati, 1971).

Supposons qu'il s'agisse de préserver de l'exploitation un type particulier de forêt, problème courant dans un certain nombre de pays. Des mesures officielles pour restreindre ou interdire l'exportation de bois des essences concernées ne sont manifestement pas la meilleure forme d'intervention, parce qu'elles n'en contrôlent pas la vente aux acheteurs locaux. En fait, si la demande intérieure de bois est importante par rapport à la demande extérieure, ou si les restrictions à l'égard de celle-ci font baisser les prix intérieurs et, par suite, accroissent la demande locale, ces mesures pourront n'avoir qu'un effet négligeable sur la demande totale. La forme d'intervention la plus appropriée est alors celle qui touche directement toute l'exploitation forestière et implique par conséquent des mesures délibérées d'aménagement des forêts. Celles-ci pourront comprendre un arrêt total ou une réduction des coupes, ou encore des dispositions pour assurer la régénération et la bonne croissance des peuplements et régler en conséquence le volume total des coupes.

L'approche

Ces principes de politique s'appliquent aux distorsions non tarifaires du commerce des produits forestiers comme à celles du commerce d'autres produits. Ils exigent que l'on examine tout d'abord l'objectif visé par une distorsion existante ou envisagée. Une restriction des exportations ou des importations est rarement la meilleure forme d'intervention parce que la cause fondamentale du problème réside rarement dans les flux d'échangés extérieurs. Dans le cas du commerce des produits forestiers, certains problèmes tiennent à une insuffisance des ressources et il faut s'y attaquer directement par une bonne politique d'aménagement forestier. D'autres sont liés aux revenus réels de certains producteurs nationaux et doivent être résolus par des mesures intéressant tous les producteurs, mais seulement eux. A cet égard, des restrictions au commerce extérieur sont souvent coûteuses pour les utilisateurs nationaux ou pour les industries en aval qui transforment ou utilisent le produit. En outre, l'expérience de la dernière récession a montré dans nombre de pays que des restrictions au commerce extérieur ne parvenaient même pas à protéger les revenus des producteurs intéressés, face à une fluctuation permanente dans la demande du produit. Les restrictions non tarifaires au commerce extérieur sont aussi particulièrement préjudiciables aux acheteurs et aux producteurs d'autres pays, parce qu'il est souvent très difficile de prévoir dans quelle mesure elles feront monter les prix. C'est en partie pour cette raison qu'ils sont fréquemment très élevés. Enfin, les contrôles administratifs aux frontières ne sont pas assujettis à des accords internationaux, et sont par conséquent très élastiques. D'où variabilité et incertitude dans les niveaux d'aide qui en résultent pour les producteurs nationaux et dans l'importance des restrictions frappant les importateurs ou les fournisseurs étrangers.

Bien que fragmentaire et incomplet, notre examen a montré qu'il existe dans le commerce international des produits forestiers de nombreuses formes de distorsions non tarifaires, dont certaines ont une influence considérable sur les échanges mondiaux. Les gouvernements ont donc de nombreuses possibilités d'accroître la consommation réelle et la prospérité de leurs pays en remplaçant ces distorsions par des formes plus appropriées d'intervention. De tels changements doivent nécessairement être progressifs, en raison de difficultés politiques et autres. Il faut admettre, par exemple, qu'étant donné la complexité de nos systèmes économiques les conséquences de certains changements ne sont pas bien appréhendées, surtout lorsqu'il y a plusieurs types de distorsions. Cependant, les principes directeurs esquissés ici fournissent un guide valable pour la définition d'une politique. Pour que de véritables progrès soient accomplis, il faut que les gouvernements reconnaissent l'interdépendance de leurs pays en matière d'échanges internationaux et les avantages qu'il y aurait pour eux-mêmes et pour les autres pays à remplacer bien des distorsions non tarifaires actuelles par des for mes d'intervention plus appropriées.

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