Sofyan Hanafie
SOFYAN HANAFIE est administrateur forestier du district de Telawa pour la société forestière d'Etat Perum Perhutani qui opère à Java. Le présent article est adapté d'un texte paru dans le numéro de juin 1980 de Duta Rimba, la revue publiée par Perum Perhutani.
Comment une société forestière d'Etat en Indonésie, a réussi à concilier forêt, agriculture et besoins des populations rurales
L'intensité avec laquelle l'homme exploite les ressources naturelles varie selon l'époque, le lieu et le degré de développement économique, social et culturel. A Java, 70 pour cent de la population vivent de l'agriculture. La densité de peuplement actuelle est de 575 habitants/km², mais on prévoit qu'elle atteindra 900 habitants/km² en 2000. Etant donné que les terres disponibles pour l'agriculture commencent déjà à se restreindre, cette croissance démographique se soldera par une dégradation des ressources naturelles.
Des signes de cette dégradation sont déjà visibles. L'érosion s'accélère, les rivières charrient des alluvions et des polluants, les inondations s'aggravent, la fertilité des sols diminue, l'atmosphère est sans cesse plus polluée.
L'une des causes principales en est la destruction des forêts et autres formes de végétation, qui autrefois couvraient et protégeaient le sol. Depuis un certain temps on s'efforce de préserver les forêts, les sols et les eaux pour prévenir les crues, freiner l'érosion et améliorer le régime hydrique par des activités de boisement et de reboisement associées, entre autres, à la construction de barrages de retenue et de canaux.
Les projets de reboisement de l'Etat s'adressent principalement à des terrains arrivés à un stade de dégradation critique. Comme l'indique le second Pelita (plan quinquennal de développement), ces mesures visent à: (a) élargir la source des approvisionnements dont a besoin la population; (b) améliorer la conservation des forêts et des ressources en terres et en eau; (c) assurer la protection des ouvrages d'irrigation.
Ces objectifs sont repris dans le troisième plan quinquennal de développement, qui préconise la reconstitution des forêts et la restauration des écosystèmes de manière à répartir plus équitablement les produits forestiers et les terres agricoles entre les diverses couches de la population locale.
Le reboisement a pour but, comme on le sait, de remettre dans leur état originel les terres forestières exploitées ou dénudées, tandis que le boisement vise des terrains situés hors forêt, tels que terres incultes appartenant à des particuliers, superficies consacrées aux cultures de rente et au pâturage, terrains aux abords des habitations. Priorité est donnée aux végétaux qui favorisent la conservation du sol et de l'eau (cultures horticoles et fruitières, engrais verts et plantes destinées à la stabilisation des terrasses ou des banquettes).
La principale mission de Perum Perhutani, société forestière d'Etat est de mener des activités de boisement et de reboisement dans les meilleures conditions et dans les délais les plus courts possibles. En 1975 les terres incultes couvraient 90031 ha, soit 14 pour cent de la superficie boisée de Java central; elles sont maintenant entièrement reboisées.
Le programme de boisement entrepris par Perum Perhutani vise à améliorer la fertilité des sols, à relever le niveau social et économique de la population, et à restaurer les ressources en eau. Dans ce contexte, on a construit des réservoirs pour approvisionner la population locale en eau propre. Ces réservoirs permettent aussi à Perum Perhutani de développer son usine de traitement de «gondorukem» (colophane), d'exécuter les travaux nécessaires dans les pépinières forestières, etc. Les ouvrages tels que petits barrages et autres techniques de conservation des sols appliquées dans les bassins versants ont pour but de régulariser l'écoulement des eaux en toutes saisons, de prévenir l'érosion et de réduire le ruissellement superficiel, contribuant ainsi au développement de l'agriculture, des forêts, des pêches et de l'élevage.
Les efforts de Perum Perhutani pour préserver le milieu vivant, notamment la végétation forestière, s'inscrivent dans une optique préventive dite de «prospérité» Elle consiste à entreprendre des projets visant à relever le niveau de vie des populations riveraines de la forêt, notamment par l'intensification de la pratique des cultures intercalaires, l'apiculture, l'établissement de plantations pour la production de bois de feu, la plantation d'herbe à éléphant (Pennisetum purpureum), la construction de petits barrages et l'adduction d'eau potable.
Nous pensons avoir conçu une méthode d'auto-assistance simple et efficace qui répond à nos besoins et à notre culture
Ces projets qui relèvent de cette notion de prospérité ne suffisent pas nécessairement à assurer à eux seuls l'équilibre du milieu. Il faut aussi que la population locale soit guidée et éduquée grâce à des programmes mis en œuvre par le Mantri ou garde forestier et le Lurah ou chef de village. Comme ils sont censés travailler ensemble, leur action conjuguée constitue ce qu'on appelle le programme Ma-Lu (contraction de Mantri-Lurah).
Pourquoi avoir associé les Mantri et les Lurah aux activités propres à garantir la richesse de l'environnement? C'est parce qu'ils occupent une place importante dans le village, où ils peuvent communiquer directement avec les habitants et surveiller la forêt environnante. Le Mantri joue un rôle majeur sur le terrain; il traite les problèmes techniques en suivant directement les instructions de ses supérieurs. Le Lurah, outre son autorité hiérarchique, a une influence morale sur les villageois.
Dans le programme Ma-Lu, le Mantri doit centraliser l'information au bénéfice des riverains de la forêt. Sa maison doit servir de modèle et comporter une pépinière de plants forestiers et fruitiers. Il doit fournir des informations et des conseils pour les travaux agricoles, l'aménagement des pépinières, les activités de développement. Il est secondé dans ses efforts par des activités d'information publique et d'éducation de masse, telles que des émissions radiodiffusées.
Outre ses avantages matériels, le programme Ma-Lu a aussi des avantages psychologiques, en ce sens qu'il instaure des relations personnelles entre agents de Perum Perhutani et animateurs de villages et leur inculque le sens de responsabilité mutuelle. Vu son succès, le programme Ma-Lu a été prolongé en 1979. Nous pensons avoir conçu une méthode d'auto-assistance simple et efficace qui répond à nos besoins et à notre culture.
