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Prospective forestière aux Etats-Unis

Dwight Hair

DWIGHT HAIR est économiste au service forestier des Etats-Unis. Il est spécialisé dans l'analyse de la demande, des prix et du commerce. La présente étude a été initialement écrite pour le gouvernement des Etats-Unis.

L'étude prospective de la demande de produits forestiers se pratique depuis longtemps aux Etats-Unis sous la direction du Congrès. L'origine en remonte à 1876: cette année-là, en effet, la loi de finances prévoyait un crédit de 2 000 dollars destiné à recruter un expert chargé de faire rapport sur la situation forestière aux Etats-Unis. Il en sortit un ouvrage en trois volumes, intitulé Report upon Forestry, par Franklin Hough (1882). Dans les décennies qui suivirent, le Congrès donna des instructions pour qu'il soit procédé à des études sur la situation des forêts du pays, au fur et à mesure des besoins.

Un changement intervint en 1928 avec le vote de la loi McSweeney-McNary, qui chargeait le Secrétaire à l'agriculture d'évaluer en permanence la situation des forêts aux Etats-Unis. Plus précisément, elle stipulait que le Secrétaire à l'agriculture devait coopérer avec les Etats, les propriétaires privés et diverses institutions pour effectuer et tenir à jour une étude exhaustive des besoins présents et futurs de bois et autres produits forestiers aux Etats-Unis, et des disponibilités en bois, déterminer la productivité actuelle et potentielle des terres boisées, et réunir toutes autres données nécessaires en vue de définir les moyens d'équilibrer l'offre et la demande de bois aux Etats-Unis.

La plupart des études sur la situation des forêts, y compris celle qui a été publiée en 1973, s'intéressaient essentiellement au bois, ce qui est normal si l'on considère l'importance du bois dans l'économie, surtout au siècle dernier et au début du vingtième siècle, où il constituait une source majeure de matière première industrielle et de combustible. Mais un changement progressif se dessina ensuite, dont tint compte le Congrès en votant la loi sur la planification des ressources renouvelables (Renewable Resources Planning Act) en 1974, et la loi sur l'aménagement des forêts domaniales (National Forest Management Act) en 1976, qui étendaient l'évaluation prescrite par la loi McSweeney-McNary aux ressources renouvelables des forêts et des parcours.

Plus spécifiquement, cette législation récente prescrit au Secrétaire à l'agriculture de procéder tous les 10 ans à une évaluation des ressources renouvelables comprenant:

«... une analyse des utilisations actuelles et prévisibles, ainsi que de l'offre et de la demande de ressources renouvelables provenant des forêts, parcours et terrains analogues, compte tenu en particulier des tendances dans les relations entre l'offre, la demande et les prix; un inventaire, basé sur les informations recueillies par le service forestier et autres organismes fédéraux, des ressources renouvelables actuelles et potentielles, ainsi qu'une évaluation des possibilités d'accroître leur production de biens et services matériels et immatériels...»

Bien que récentes, ces dispositions participent de la même intention fondamentale que celle qui avait motivé la loi de 1876. Il semble évident, et c'est bien ainsi qu'on l'a toujours interprété, que le Congrès voulait une évaluation à long terme de la situation des forêts - et maintenant également des pâturages - qui analyse objectivement les voies sur lesquelles nous sommes engagés et les possibilités que nous avons d'en changer si cela apparaît souhaitable du point de vue de la société. C'est naturellement un objectif parfaitement logique et raisonnable, surtout si l'on considère le temps qu'il faut dans la plupart des cas pour modifier profondément la production des forêts et des pâturages, et si l'on compare les possibilités que l'on aurait de prendre des décisions sans le secours des données concrètes et des analyses fournies par les diverses études sur la situation des forêts.

Bien que les objectifs fondamentaux soient restés dans une large mesure les mêmes, les évaluations sont, au cours des années, devenues de plus en plus codifiées et structurées. Les éléments du présent article sont tirés d'une étude récemment publiée par le service forestier des Etats-Unis, intitulée An assessment of the forest and range land situation in the United States (1980). Cette étude comporte quatre parties essentielles.

Dans la première partie, on cherche à distinguer les voies dans lesquelles on est engagé, en projetant les tendances à long terme de l'offre et la demande des principales ressources renouvelables. Les projections de la demande montrent les volumes de produits forestiers et pastoraux qui seront consommés selon différentes hypothèses quant à l'évolution future de la population, de l'activité économique, des revenus, des coûts d'énergie, des technologies, des institutions, des prix relatifs et autres facteurs déterminants. Les projections de l'offre montrent les volumes de produits provenant des ressources renouvelables qui seront disponibles si les tendances récentes en matière d'investissements, dans l'aménagement, l'utilisation, la recherche et l'équipement se poursuivent pendant toute la période de projection considérée.

La comparaison entre ces projections de la demande et de l'offre permet d'identifier les futurs déséquilibres entre le volume des produits qui seraient consommés dans les hypothèses données concernant les paramètres déterminants de la demande, et le volume qui serait disponible au cas où se poursuivraient les tendances récentes dans les investissements. Ces projections permettent en outre d'estimer les hausses prévisibles dans les prix relatifs de produits tels que le bois ou les fourrages, et les augmentations qui seront nécessaires pour équilibrer l'offre et la demande projetées. Enfin, elles offrent un moyen de mesurer la demande non satisfaite de produits pour lesquels le système de prix ne joue pas son rôle de facteur d'équilibre.

Ces informations constituent la base de la seconde partie de l'étude, qui présente une analyse des conséquences économiques et sociales et des effets pour l'environnement et les ressources qui résulteraient d'une poursuite des tendances récentes en matière d'investissements dans les programmes d'aménagement, de recherche, d'assistance et d'équipement. Cette analyse est la clef qui permet de déterminer s'il faut poursuivre les politiques et programmes existants, ou en changer dans le sens qui apparaît souhaitable.

La troisième grande partie de l'étude consiste en une description du fonds de ressources - superficies, végétation, productivité, régime de propriété.

La quatrième et dernière partie expose les possibilités existantes d'aménager ce fonds de ressources de manière à accroître et à élargir les disponibilités de produits forestiers et pastoraux. Etant donné que cette évaluation a pour objet de présenter une analyse objective de la situation, toutes considérations de programmes mises à part, elle ne renferme pas de recommandations spécifiques. Néanmoins, les données descriptives relatives aux potentialités servent à élaborer le programme du service forestier, tel que prescrit par la loi de 1974 sur la planification des ressources renouvelables, amendée par la loi de 1976 sur l'aménagement des forêts domaniales, ainsi qu'à planifier l'aménagement des terres en forêts domaniales. Elles peuvent également être utilisées pour dresser des programmes relatifs aux ressources renouvelables par d'autres services fédéraux, par les Etats, et par tous organismes publics et privés s'occupant de l'aménagement de terres forestières, de parcours et d'eaux intérieures.

Hypothèses fondamentales

Les projections de l'offre et de la demande de produits provenant de ressources renouvelables sont fondées sur une série d'hypothèses relatives aux paramètres fondamentaux qui les déterminent, tels qu'accroissement de la population, de l'activité économique et des revenus; changements technologiques et institutionnels; coûts de l'énergie; disponibilités financières; investissements dans des programmes d'aménagement, d'utilisation, d'assistance et de recherche.

Tout en formulant ces hypothèses, on admet qu'à long terme les événements peuvent évoluer d'une manière qui s'en écarte tout à fait. Cependant, les tendances de ces paramètres sont le résultat de puissantes forces économiques, sociales et politiques que l'on ne peut modifier aisément ni rapidement. Si l'on exclut les grandes catastrophes, telles qu'une guerre mondiale, il paraît vraisemblable que ces tendances se poursuivront pendant très longtemps. On peut par conséquent raisonnablement admettre qu'elles fournissent une base réaliste à une évaluation qui servira à élaborer et orienter les politiques et programmes concernant les ressources renouvelables pendant les années quatre-vingt. Vers la fin de cette décennie, conformément aux prescriptions de la loi sur la planification des ressources renouvelables, une autre évaluation sera effectuée. A ce moment là, les hypothèses de base seront reconsidérées et les nouvelles perspectives prises en compte pour orienter les politiques et programmes dans les années quatre-vingt-dix.

Depuis la fin des années vingt, la population des Etats-Unis a augmenté d'environ 100 millions d'habitants pour atteindre le chiffre actuel de 220 millions. D'après les projections les plus récentes du bureau du recensement démographique, la population continuera vraisemblablement de croître assez rapidement dans les cinquante années à venir. Le Census Series II - projection moyenne de l'évaluation - montre un accroissement de 80 millions de la population, qui passerait à 300 millions. Selon les tendances récentes, toutefois, le taux d'accroissement annuel diminuerait d'environ 1 pour cent à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix à 0,3 pour cent pour la décennie 2020-2029.

Entre 1929 et 1978 le produit national brut, calculé en dollars de 1972, a plus que quadruplé, passant à 1 386 milliards de dollars. Les projections établies par le Bureau of Economic Analysis indiquent un PNB de 2 690 milliards de dollars (1972) en 2000, soit environ le double de celui de 1978. En 2030, il s'élève à 5 160 milliards de dollars, soit près de quatre fois celui de 1978. La projection correspondante du PNB par habitant en 2030 s'élève à 17 180 dollars - près du triple de la moyenne de 1978.

Le revenu personnel disponible, c'est-à-dire celui que la population du pays pourra dépenser, passera selon les projections d'environ 966 milliards de dollars en 1978 à 3 610 milliards en 2030 (dollars de 1972).

Le revenu disponible par habitant passe à 12 020 dollars en 2030, près du triple de la moyenne de 1978. Du fait de cette croissance, non seulement les Etats-Unis auront à faire face à la demande de 80 millions de personnes supplémentaires, mais il faudra aussi que les ressources soient suffisantes pour répondre à la demande de 300 millions de personnes ayant un pouvoir d'achat beaucoup plus élevé que la population actuelle.

Comparaisons entre offre et demande projetées

Par suite de l'accroissement de la population, de l'activité économique et des revenus, la consommation ou l'utilisation de presque tous les produits des forêts et des pâturages, ainsi que des eaux intérieures, s'est accrue rapidement. C'est ainsi par exemple que le nombre de campings individuels a approximativement quadruplé depuis le début des années soixante et s'élève maintenant à 15 millions. La consommation de bois d'œuvre est passée d'environ 325 millions de m³ à 385 millions de m³ en 1977.

Les projections basées sur les accroissements escomptés de la population, de l'activité économique et des revenus montrent que la demande portant sur les ressources renouvelables - loisirs de plein air, chasse, fourrages, bois d'œuvre, eau - devrait continuer à croître rapidement dans les prochaines décennies.

Bien que l'on constate certaines différences dans les projections de la demande des principaux produits de la forêt et des pâturages, l'accroissement est important pour tous. Par contre, on constate une expansion plus lente de la capacité à répondre à cette demande, si l'on suppose que les tendances récentes des investissements dans les programmes et les équipements relatifs à la forêt, aux pâturages et aux eaux intérieures se poursuivront.

Les déséquilibres prévisibles entre offre et demande sont plus accusés pour les résineux. Pour ces derniers, la projection de la demande à couvrit par les forêts du pays passera de 260 millions de m³ en 1976 à 390 millions en 2000 et à 445 millions en 2030, tandis que l'offre de bois ronds s'accroîtrait modérément, passant de 260 millions de m³ en 1976, à 314 millions en 2000, et à 348 millions en 2030. Pour les sciages résineux, les perspectives sont identiques forte croissance de la demande dans les hypothèses adoptées, croissance modeste de l'offre.

Ces comparaisons montrent à l'évidence que les prix relatifs des bois résineux sur pied et de la plupart des produits à base de résineux devront notablement augmenter par rapport aux niveaux retenus pour l'élaboration des projections de base commentées ci-dessus pour qu'il y ait équilibre entre offre et demande dans les décennies à venir.

Les projections d'indices de prix d'équilibre par régions des résineux sur pied, c'est-à-dire les prix nécessaires pour qu'il y ait équilibre entre l'offre et la demande de bois projetées, montrent une hausse sensible de ces prix dans toutes les régions. Dans les régions méridionales des Etats-Unis, cette hausse serait de 2.5 pour cent par an entre 1976 et 2030, supérieure par conséquent à la hausse annuelle dans l'aire du douglas de la région pacifique nord-ouest (1,8 pour cent) et dans les régions nord (1,9 pour cent), mais inférieure à celle des autres régions, notamment les montagnes Rocheuses où les prix projetés des bois sur pied augmentent en moyenne de 3,8 pour cent par an.

D'une manière générale les projections de l'offre et de la demande des feuillus - bois ronds aussi bien que sciages - font apparaître des perspectives plus favorables que pour les résineux. Les disponibilités seront suffisantes au cours des 20 ou 30 années à venir pour répondre à la demande de la plupart des produits de feuillus. Il ne devrait donc pas y avoir de hausses importantes dans le prix moyen des bois feuillus sur pied ces prochaines années. Au-delà, toutefois, la demande de base commence à dépasser l'offre de base. Lorsque cela se produira, les prix des bois sur pied monteront, notamment dans la région centre-sud où les disponibilités feront vraisemblablement l'objet d'une concurrence très intense.

Ces perspectives se modifieront si la demande de bois de feu ou d'autres produits augmente au point de dépasser beaucoup les niveaux projetés. Un tel accroissement porterait sans doute surtout sur les ressources en bois feuillus de la région nord des Etats-Unis, où même un relèvement relativement faible pourrait sensiblement changer l'équilibre entre l'offre et la demande, et entraîner une hausse des prix dans le proche avenir. Si ce relèvement était important, la concurrence exercée sur les feuillus s'intensifierait et les prix monteraient rapidement.

Les perspectives immédiates concernant les sciages de grandes dimensions des essences feuillues recherchées, telles que chêne blanc et chêne rouge, noyer, cerisier tardif de premier choix, diffèrent beaucoup de ce qu'elles sont pour les bois de petites dimensions et de qualité inférieure. Au cours des dernières décennies l'extraction de ces bois a approché ou même excédé l'accroissement annuel net, ce qui s'est traduit par une hausse continue et importante des prix des bois sur pied. Cette tendance semble devoir se poursuivre.

Une montée du prix des bois sur pied se reflétera dans celui des bois transformés. C'est ainsi que les prix des sciages et des contreplaqués résineux, calculés en dollars de 1967, augmentent au rythme annuel de 1,7 et 1,4 pour cent respectivement. Pour les sciages de feuillus la hausse est en moyenne de 1,2 pour cent par an et pour les contreplaqués de feuillus de 0,7 pour cent. Les hausses projetées pour les prix des bois d'œuvre concordent avec l'évolution passée de leurs prix relatifs.

Quant aux autres catégories de ressources renouvelables, les perspectives d'ensemble sont semblables. La demande de ces produits, consécutive aux accroissements projetés de la population, de l'activité économique et des revenus, augmente elle aussi très vite. Là encore, les Etats-Unis se trouvent confrontés à un déséquilibre croissant entre la demande et les disponibilités.

Conséquences sociales, économiques et écologiques

Ces perspectives sont lourdes de conséquences du point de vue économique, social et écologique. Ainsi, l'aggravation de la pénurie de bois sur le marché et les hausses des prix relatifs des bois sur pied et des produits ligneux qu'elle entraînera auront des effets fâcheux sur les industries de transformation primaire du bois, sur les stocks de bois, sur les utilisateurs de produits ligneux et sur l'environnement.

Bien que les industries de transformation du bois et les ressources ligneuses soient appelées à subir de graves contrecoups, ce sont les consommateurs de produits ligneux, et surtout les acheteurs nationaux, qui seront le plus éprouvés par les hausses de prix relatifs. Les hausses projetées concernant les bois résineux entraîneraient vers 2030 une diminution de 7 pour cent de la construction de logements. Au total, on estime que les consommateurs de 2030 paieront quelque 7 milliards de dollars de plus pour les produits ligneux et matériaux concurrents en raison de l'insuffisance des disponibilités de résineux pour maintenir les prix des sciages et contreplaqués de ces essences au niveau de 1977.

Les répercussions sur l'emploi seront sans doute aussi très sensibles. On estime, par exemple, qu'en 2030 les industries du bois emploieront 90 000 années/homme de moins que si les ressources en résineux étaient suffisantes pour répondre à la demande. Les incidences sur l'emploi à l'échelle de l'économie nationale seraient bien plus graves encore, en raison des effets sur le commerce, les services et les autres industries; ces incidences seraient particulièrement graves compte tenu des taux de chômage élevés sou vent enregistrés dans les collectivités des régions forestières.

Les effets des hausses des prix relatifs des bois sur pied et des produits ligneux sur les ressources non renouvelables et sur l'environnement seraient également sérieux. Au fur et à mesure que les prix augmenteront et que l'on remplacera le bois par l'acier, l'aluminium et les plastiques, l'emploi ressources non renouvelables, notamment des combustibles minéraux et des métaux, s'intensifiera. Les coûts relatifs à l'environnement augmenteront aussi, principalement en raison d'une pollution plus intense de l'atmosphère et des eaux du fait de l'exploitation minière, des industries de transformation et de la production d'énergie lices à une utilisation accrue de matériaux de substitution.

Pour ce qui est des ressources fourragères et des eaux, les perspectives sont à maints égards comparables à celles du bois - coûts plus élevés pour les consommateurs, avec les répercussions qui en résulteront sur l'économie, l'environnement et la société.

Pour les utilisateurs des ressources cynégétiques et halieutiques, et autres activités de plein air, les ressources disponibles seront soumises à une plus forte concurrence et la diversité écologique diminuera. Cette situation pourrait amener une réduction des populations d'animaux sauvages et de poissons, et un amoindrissement de leurs aires de répartition, ainsi qu'un appauvrissement des ressources pour les loisirs de plein air tels que camping, chasse, observation des oiseaux, grande randonnée, et dans l'ensemble une dégradation progressive de la qualité de la vie.

Le fonds de ressources

Les conséquences négatives et généralisées qui se dégagent de ces perspectives de l'offre et de la demande futures ne sont pas inévitables. Les Etats-Unis disposent de vastes ressources forestières, pastorales et halieutiques qui peuvent être exploitées pour répondre à la demande de presque tous les produits dérivés de ressources renouvelables. En 1977, 675 millions d'ha, soit 71 pour cent du territoire national, étaient classés en forêts, pâturages et eaux douces. Sur ce total, 300 millions d'ha sont classés comme forêts, c'est-à-dire des terres comptant au moins 10 pour cent de couvert boisé ou ayant précédemment porté un tel couvert, et non mises en valeur en vue d'autres utilisations. Environ 195 millions d'ha sont des forêts de production, susceptibles de produire plus de 1,4 m³/ha/an (20 cu.ft./acre/an) de bois dans les peuplements naturels, et non distraites à d'autres fins. Une superficie d'environ 332 millions d'ha était classée comme pâturages consistant en prairies naturelles, savanes, formations arbustives, déserts (la plus grande partie), toundra, marais littoraux, prairies humides. Le reste (environ 43 millions d'ha) était classé comme eaux douces, consistant en lacs, barrages, étangs, cours d'eau et estuaires.

Les terres forestières et les forêts sont largement réparties et, à l'exception des Grandes Plaines et de certains Etats du sud-ouest, elles représentent une proportion importante de la superficie de chaque Etat. Toutefois près des trois quarts des forêts de production de l'ouest sont concentrées dans les Etats de la côte pacifique: Oregon, Washington et Californie, et dans ceux des montagnes Rocheuses: Montana, Idaho, Colorado.

Près des trois dixièmes des terrains de parcours (93,5 millions d'ha) se trouvent en Alaska, le reste se répartissant principalement entre les Etats qui s'étendent entre les Grandes Plaines et la côte pacifique. On n'en trouve que des superficies relativement faibles dans les territoires et possessions insulaires.

En 1977, environ 154 millions d'ha, soit 46 pour cent des terres de pâturage, étaient propriété non fédérale, presque entièrement entre les mains de propriétaires privés. Ces terres sont concentrées dans les Etats des montagnes Rocheuses et des Grandes Plaines, ainsi qu'en Oregon et en Californie. De vastes superficies de terrains de parcours font partie du domaine fédéral dans des Etats des montagnes Rocheuses (Nevada, Utah, Wyoming, Colorado). En outre, en Alaska, la presque totalité de ces terres - 93,5 millions d'ha - sont propriété domaniale.

Environ 182,5 millions d'ha, soit 61 pour cent des terres forestières, ne sont pas propriété fédérale, mais le plus souvent privée. Ces terres sont largement constituées par des forêts productives, situées à proximité des marchés de produits ligneux. Ces forêts privées jouent donc depuis longtemps un rôle capital dans l'approvi sionnement des industries de transformation des bois.

Les 116 millions d'ha de forêts domaniales, principalement fédérales, se trouvent dans les secteurs des montagnes Rocheuses et de la côte pacifique. La plus grande partie des forêts de production de ces deux régions sont situées en altitude sur des terrains de qualité relativement médiocre, mais étant donné que ces forêts n'ont, dans une large mesure, jamais été exploitées, elles renferment une grande part des réserves ligneuses des Etats-Unis - un peu plus de la moitié dans le cas des sciages résineux.

La production de fourrage, bois, gibier, eau fournie par les forêts et les terrains de parcours varie beaucoup en fonction des différences de climat, de sols, d'altitude et de latitude. En 1976, par exemple, la production des terres de parcours dans les régions continentales des Etats-Unis a été de 217 millions d'unités bétail/mois, moins de la moitié du potentiel biologique. La production était très en deçà du potentiel dans tous les écosystèmes et tous les types de propriété.

La situation des forêts de production est éloquente. L'accroissement annuel net moyen par hectare était en 1976 de 1,39 m³, soit à peine les trois cinquièmes de ce que l'on peut obtenir dans des peuplements naturels de densité normale, et beaucoup moins que ce qui peut être réalisé par des pratiques d'aménagement intensif telles que recherche de la densité optimale, emploi de matériel reproductif génétiquement amélioré, apport d'engrais. Des possibilités d'augmentation de la production ligneuse existent dans toutes les régions et sous tous les régimes de propriété, mais surtout dans les domaines agricoles et autres propriétés privées, qui totalisent 58 pour cent des forêts de production du pays. La plupart de ces terres sont favorablement situées par rapport aux routes, usines de transformation et principaux marchés du bois.

Les possibilités matérielles d'accroissement de la production ligneuse sont pour une large part économiquement viables, c'est-à-dire offrent un taux de rentabilité acceptable en échange des investissements nécessaires pour les réaliser.

Il ressort d'une étude de ces possibilités économiques qu'il est possible d'intensifier l'aménagement sur 68 millions d'ha de forêts de production, soit 35 pour cent du total de ces forêts. Par une gestion appropriée, leur possibilité annuelle pourrait être accrue de 365 millions de m³, ce qui correspond en gros au volume total de bois exploités en 1976 et aux trois cinquièmes de l'accroissement annuel net.

Sur près des trois quarts de cette surface, les interventions destinées à accroître la production consistent à repeupler les terrains forestiers nus, à exploiter et régénérer les peuplements mûrs, et à convertir les peuplements existants par introduction d'essences plus intéressantes. La majorité des possibilités économiques, soit 74 pour cent, se situent sur des boisements agricoles et autres propriétés privées, qui renferment au total 58 pour cent des forêts de production. Le reste se trouve pour la plus grande part sur les 14 pour cent de forêts de production appartenant aux industries forestières. Toutes les possibilités économiques concernant les forêts nationales font actuellement l'objet de plans ou de programmes et ne sont pas mentionnées ici

Les possibilités économiques d'accroissement de la production ligneuse se situent surtout dans les régions méridionales: 21,4 millions d'ha dans le sud-est et 25,9 millions d'ha dans le centre-sud. Il existe également des superficies importantes dans le nord: 14,2 millions d'ha, et sur la côte pacifique: 6,5 millions d'hectares.

Bien que de rapides progrès aient été réalisés en matière d'utilisation des bois, des améliorations sont encore possibles grâce à une utilisation plus intensive de certaines catégories de résidus, à des techniques de récolte et de transformation plus efficaces permettant un meilleur rendement en bois, et à des méthodes de construction et de fabrication plus rationnelles et propres à étendre les emplois du bois. On peut également chercher à utiliser un plus gros volume du bois provenant des cimes et des branches, des arbres mal conformés ou atteints de pourriture, des arbres morts, des arbres poussant sur les terrains qui produisent moins de 1,4 m³/ha/an de bois d'œuvre et d'industrie, et enfin des déchets urbains.

Outre les possibilités d'accroissement et d'extension des disponibilités en bois, il existe un autre ensemble de mesures possibles - celles qui diminueront la demande de produits ligneux. Presque toutes, si l'on excepte les mesures autoritaires de rationnement et autres, consisteraient apparemment à utiliser des matériaux de substitution et à accroître les importations, ce qui aurait les mêmes effets économiques, sociaux et écologiques indésirables que ceux de la hausse des prix relatifs mentionnée plus haut. Il semble cependant qu'il existe un moyen de réduire la demande sans entraîner de conséquences défavorables, à savoir entretenir et rénover comme il convient les constructions existantes; ces travaux menés à une plus large échelle feraient baisser la demande de bois d'œuvre, ainsi que d'autres matériaux, bien au-dessous des quantités nécessaires pour de nouvelles constructions.

PINUS PONDEROSA DANS UNE FORÊT NATURELLE EN CALIFORNIE en 2030 la demande de résineux aux Etats-Unis dépasserait de 50 pour cent le niveau de 1975

Il est impossible de faire une comparaison chiffrée entre l'utilisation actuelle aux fins des loisirs de plein air et l'utilisation potentielle. Cependant, les 675 millions d'ha de forêts, terrains de parcours et eaux douces qui s'y rattachent peuvent matériellement offrir des sites de pique-nique, camping, randonnées pédestres, ski, observation ornithologique, canotage, natation, et presque tous les autres types de loisirs de plein air, bien au-delà de l'accroissement prévisible de la demande.

Les forêts, pâturages et eaux douces pourraient aussi entretenir une plus grande diversité d'animaux sauvages et des effectifs plus nombreux de certaines espèces de faune terrestre et aquatique. Il s'agit notamment d'espèces ayant un grand intérêt sportif ou économique, et d'espèces classées à l'échelle fédérale ou dans certains Etats comme rares ou en danger d'extinction. Par une amélioration des habitats, une réglementation appropriée des prises et autres mesures d'aménagement, les populations de gibier et de poissons d'intérêt commercial peuvent procurer davantage d'emplois et fournir des protéines pour l'alimentation humaine.

La recherche a montré que les ressources hydriques fournies par les forêts et pâturages pouvaient être augmentées par un aménagement intensif. L'aménagement des bassins versants peut également améliorer sensiblement la qualité de l'eau et réduire l'érosion des sols ainsi que la sédimentation des cours d'eau qui l'accompagne.

En résumé, il semble évident que les 675 millions d'ha de forêts, terres de pâture et eaux douces des Etats-Unis sont matériellement aptes à engendrer des quantités bien supérieures de produits renouvelables, assez pour faire face à la demande projetée de la quasi-totalité de ces produits. Les possibilités d'accroître la production et l'utilisation existent dans toutes les régions du pays, sous tous les régimes de propriété et pour tous les produits.

Il est techniquement réalisable d'accroître et d'élargir les ressources renouvelables sans porter atteinte à l'environnement, mais pour répondre au mieux à l'augmentation prévisible de la demande il faudra consentir de gros investissements dans divers programmes. Les infrastructures, usines et équipements nécessaires pour récolter, transformer et utiliser les disponibilités supplémentaires entraîneront aussi de lourdes dépenses.

Diverses études ont montré que la plupart des propriétaires privés, qui possèdent dans leur ensemble la plus grande partie des forêts et terres à pâture du pays, ont des objectifs divers, des caractéristiques et des attitudes fort différentes, une connaissance limitée des possibilités existant en matière d'aménagement, et qu'ils n'ont pas tous le même désir ni la même capacité de faire des investissements de nature à accroître la productivité de leurs forêts et de leurs pâturages.

On sait depuis longtemps que ce sont là de gros obstacles à une exploitation plus large des ressources renouvelables sur les domaines agricoles et autres propriétés privées. Mais ce que l'on n'a pas suffisamment reconnu, c'est que nombre d'investissements visant à accroître les disponibilités profitent à l'ensemble de la société. Par exemple, un prix moins élevé du bois abaisse le coût de biens de consommation tels que logement ou mobilier, et diminue la pollution liée à l'emploi de matériaux de remplacement tels qu'acier et plastiques, ainsi que la dépendance vis-à-vis des importations, et le taux d'utilisation de ressources non renouvelables.

Ces avantages économiques, sociaux et écologiques généraux, et le risque que même certains avantages directs, tels que le revenu tiré de la vente des produits, ne profitent pas à nombre de propriétaires actuels en raison de la brièveté de l'occupation des terres ou de l'espérance de vie, amènent à une double réflexion. En premier lieu, il serait parfaitement justifié que les pouvoirs publics participent aux dépenses et à l'exécution de programmes d'assistance technique. En second lieu, les possibilités économiques qui s'offrent pour intensifier l'aménagement dans la plupart des propriétés privées ont peu de chances de se réaliser sans de tels programmes.

On peut faire beaucoup pour accroître les disponibilités de produits issus des ressources renouvelables en utilisant mieux les technologies existantes et en poursuivant les recherches en vue d'en mettre au point de nouvelles. La rentabilité des investissements en matière d'équipements et de méthodes d'aménagement peut aussi être relevée par une recherche plus intensive.

En intensifiant les programmes pour augmenter les disponibilités, on atteindra inévitablement un point où l'accroissement des rendements freinera ou réduira la production d'autres catégories de biens. C'est sans doute la recherche qui offre les meilleures chances de parvenir à intégrer et harmoniser les utilisations multiples des forêts et des parcours et à atténuer les incompatibilités auxquelles mènera probablement une expansion rapide de la demande.

Il faudra enfin étudier plus à fond les conséquences économiques, sociales et écologiques qu'entraînera dans l'avenir une demande croissant plus rapidement que les disponibilités de presque tous les produits forestiers et pastoraux. C'est une condition indispensable pour ajuster les politiques et les programmes. Les résultats de cette recherche auront probablement une incidence profonde sur l'aménagement et l'utilisation des ressources forestières et pastorales du pays.

Il n'était pas possible dans cette étude d'apprécier globalement les coûts et avantages liés à un effort dynamique visant à satisfaire la demande future, mais selon les analyses partielles, lorsqu'on considère les avantages économiques, sociaux et écologiques, les investissements auront des chances de profiter aussi bien à la société qu'à l'économie. C'est ainsi que, vers la fin de la période de projection, les économies réalisées sur les coûts à la consommation en deux ans seulement représenteraient un capital suffisant pour réaliser presque toutes les possibilités économiques qui s'offrent d'accroître les disponibilités en bois. Celles-ci seraient alors suffisantes pour satisfaire la demande projetée, réduire les importations de produits ligneux ou augmenter les exportations.

Références

1882, HOUGH, FKANKLIN B. Report upon forestry. U.S. Government Printing Office, Washington, D.C.; Vol. I, 650 p., 1878; Vol. II, 618 p., 1880; Vol. III, 318 p., 1882.

1980, U.S. DEPARTMENT OF AGRICULTURE, FOREST SERVICE. An assessment of the forest and range land situation in the United States. 630 p. Document disponible à: Forest Service, USDA, Room 843, South Building, P.O. Box 2417, Washington, D.C. 20013.


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