Table des matières Page suivante


Les mangroves, richesse méconnue

Bo Christensen

Bo CHRISTENSEN est un forestier danois qui travaille à Greenland Fisheries Investigations. Cet article est fondé sur une étude effectuée pour la FAO: Management and utilization of mangroves in Asia and the Pacific.

Les mangroves forment une transition entre la terre et la mer. abritant les rivages tropicaux de leurs palétuviers et de leurs buissons qui poussent au-dessous du niveau des hautes eaux des marées de printemps. Aussi leurs systèmes radiculaires sont-ils périodiquement recouverts d'eau salée. En fait, cette végétation est l'équivalent tropical des prés salés des climats tempérés. Seules quelques espèces de plantes ligneuses peuvent pousser convenablement dans des conditions physiologiques aussi difficiles, et la flore y est très peu variée. On n'en connaît que 90 espèces dans le monde. dont 55 sont généralement limitées aux marais de mangrove. Les espèces les plus importantes sont Rhizophora, dotée de racines de soutien en forme d'arche, et Avicennia et Sonneratia, qui ont tous deux des racines aériennes émergeant de la vase. Heritiera fomes, H. littoralis et Nipa fructicans appartiennent également à cette flore.

Les mangroves des régions indo-pacifiques ont une flore plus riche que celles des rivages de l'Amérique et de l'Afrique occidentale, et comptent 63 espèces largement répandues.

La croissance des mangroves est favorisée par un climat humide tropical, en partie parce que les fortes précipitations vont généralement de pair avec la présence de fleuves chargés de limon qui forment les bancs de boue propices à leur croissance. Elles sont généralement bien développées dans les estuaires. Les palétuviers poussent également sur des côtes extrêmement arides - où ils peuvent alors prendre une importance particulière, étant donné qu'ils constituent la seule végétation ligneuse - et sur des îles rocheuses ou coralliennes. Dans les régions tropicales humides Rhizophora peut atteindre plus de 40 mètres de haut.

L'ampleur de cette association dépend de la morphologie et de l'exposition du rivage. Sur les côtes exposées, elle est absente ou limitée à quelques arbres s'abritant derrière des rochers. tandis que sur les côtes protégées, où les bancs de boue intertidaux sont très étendus. elle peut s'avancer jusqu'à 25 km à l'intérieur des terres.

On ne connaît pas la superficie totale des mangroves dans le monde mais, pour la seule région Asie-Pacifique, elle est estimée à 6-8 millions d'hectares.

Le rôle des mangroves est très important sur le plan tant économique qu'écologique (ressource naturelle et protection de l'environnement), et l'on ne peut séparer ces deux aspects sans nuire à la région.

Le bois de mangrove est utilisé comme bois de feu et sert à fabriquer des poteaux et des couvertures de toit. En produisant des détritus' ces arbres contribuent a l'alimentation des animaux marins dont plusieurs espèces d'importance commerciale passent au moins une partie de leur vie dans les mangroves. C'est pourquoi ces dernières ne devraient pas être considérées uniquement comme des forets mais aussi comme des sources d'aliments (crabes, poissons et crevettes). Nombre de ces organismes finissent par être capturés loin des zones de mangrove, ce qui pose des problèmes particuliers d'aménagement des terres.

Malheureusement les mangroves ne sont pas estimées à leur juste valeur et bien souvent leur aménagement est négligé. La végétation, soumise a des coupes excessives pour la collecte de bois de feu' se réduit souvent à des arbustes parsemés qui finissent par laisser la place à d'autres formes d'utilisation des terres. qui semblent d'abord plus avantageuses mais qui. en fait. ne le sont pas si l'on prend en considération tous les aspects socio-économiques et environnementaux.

Utilisation des terres

Dans la partie supérieure de la zone intertidale. la forêt de mangrove, l'élevage en bassins d'eau saumâtre et l'agriculture sont les principales formes d'utilisation des terres, ainsi que la production de sel dans certains endroits. Près des zones urbaines, on procède aussi à la bonification des terres dans le but d'y construire des logements ou d'y installer des industries ou des décharges, mais ces activités ne seront pas étudiées ici.

Ces formes d'utilisation se disputent les mêmes terres. Souvent, une sorte de délimitation par zone se produit en fonction du niveau des marées et de l'état des sols, et l'on peut voir une étroite ceinture de palétuviers au bord de la mer, suivie à l'intérieur des terres d'abord par des bassins d'eau saumâtre puis par des rizières, mais cette délimitation est opérée dans ce qui serait, en milieu naturel, une forêt de mangrove. Les bassins d'eau saumâtre comme les marais salants sont généralement établis sur l'emplacement des forêts de mangrove, ces dernières poussant sur des rivages abrités où les sédiments ont une texture fine et retiennent l'eau.

Le choix de l'utilisation des terres est influencé par les politiques gouvernementales de mise en réserve ou d'aliénation des mangroves, les autorisations de modifier les forêts privées, les réglementations concernant les rideaux-abris. la construction de digues et de canaux de drainage, ainsi que par les diverses mesures visant indirectement à promouvoir et a réglementer la sylviculture, la pêche et l'aquaculture.

El SALVADOR MESURE DU DIAMÈTRE DES ARBRES : les mangroves protègent l'environnement et fournissent bois, tanin et aliments

Il n'est pas rare de voir différents départements poursuivre des politiques diverses chacun «prêchant pour son saint». Dans certains pays, le département des pêches fait pression sur le département des forêts pour qu'il laisse installer à la place des mangroves des bassins pour la pisciculture tandis que le département des forêts soutient que non seulement les mangroves donnent du bois mais qu'elles jouent aussi un rôle déterminant dans la pêche de capture. Dans d'autres pays. le département des pêches, comprenant le rôle que jouent les mangroves dans l'environnement, se plaint que leur abattage a une influence néfaste sur les pêches, surtout si la régénération est insuffisante.

Pour résoudre ces conflits et adopter des politiques rationnelles d'utilisation des terres, il faut examiner les différents rôles que jouent les mangroves.

Foresterie

Bois de feu et charbon de bois. Presque toutes les espèces de palétuviers sont utilisées localement comme bois de feu. Rhizophora est particulièrement populaire car son bois est lourd, brûle en donnant une chaleur uniforme et peu de fumée. Cette utilisation des mangroves revêt souvent une grande importance: dans les Sundarbans, partie marécageuse du delta formé par le Gange et le Brahmaputra (Inde et Bangladesh). le bois de feu est récolté à échelle commerciale et vendu dans les villes.

Dans plusieurs pays d'Asie - Indonésie (Sumatra), Malaisie occidentale, Thaïlande, Viet Nam - le charbon de bois est le principal produit tiré des mangroves; Rhizophora donne un charbon de bois d'excellente qualité. Il est fabriqué traditionnellement, à échelle commerciale, dans de grands fours (100-200 m3) en forme de dôme construits en maçonnerie sur des endroits surélevés dans la forêt de mangrove ou près d'un canal à la lisière de la forêt. Ces fours sont souvent groupés en batterie et abrités par des toits de «chaume» de Nipa, imprégnés du goudron provenant de la fumée. Le processus de carbonisation prend de 30 à 45 jours. Le charbon de bois à usage domestique est également fabriqué dans de petits fours en maçonnerie ou dans des fosses en terre.

On peut moderniser la production de charbon de bois en introduisant de petites cornues d'acier qui utilisent l'énergie qui serait autrement gaspillée sous forme de gaz de combustion, ce qui permet de consommer moins de bois. Mais l'investissement initial est élevé, et le fonctionnement ainsi que l'entretien de ces cornues peuvent présenter des difficultés dans les pays en développement.

Bois d'œuvre et pâte. Les mangroves peuvent atteindre de grandes dimensions. Parfois, Rhizophora dépasse 40 ou même 60 m, mais il ne donne pas un bois d'œuvre de bonne qualité. Le bois d'Heritiera fomes et d'autres espèces pourrait être utilisé pour la construction, mais les superficies sont généralement trop faibles pour alimenter une production commerciale de sciages. La seule forêt suffisamment étendue qui est gérée en vue de la production de sciages semble être les Sundarbans du Bangladesh, où Heritiera fomes est l'essence dominante. En revanche, le bois de nombreuses espèces de palétuviers étant considéré comme durable et résistant aux termites, on en tire des pieux et des poteaux largement utilisés dans la construction de maisons rurales, de fondations ou d'échafaudages destinés aux bâtiments urbains.

La faible variété floristique des mangroves et leur extraction relativement bon marché facilitent leur utilisation industrielle. Excoecaria agallocha sert au Bangladesh à fabriquer des allumettes et du papier d'impression. Sonneratia et Avicennia donnent également de la pâte, toutefois moins résistante. Une usine de papier à Sulawesi (Indonésie) utilise 20 pour cent de bois de palétuvier et 80 pour cent de bambou. Dans l'Asie du Sud-Est (Sabah, Sarawak, Kalimantan et Sumatra), Bruguiera alimente des industries importantes de plaquettes qui sont exportées pour la production de pâte et de rayonne. Les Philippines exportent également le bois de mangrove pour le même usage.

Le palmier nypa dépourvu de tronc est commun dans certains marais d'eau saumâtre et domine parfois sur de vastes superficies. Il fournit un matériel durable pour les toitures et était traditionnellement utilisé pour l'extraction du sucre et de l'alcool. La surface inférieure des jeunes feuilles sert à fabriquer du papier à cigarette. Les feuilles pourraient également servir à la fabrication de papier très résistant.

Diverses utilisations des palétuviers. Certaines parties des végétaux sont comestibles, mais la plupart ne sont consommés qu'en cas d'extrême famine et peu d'entre eux sans doute pénètrent sur le marché en quantités importantes. Les fruits d'Avicennia, Sonneratia et Heritiera sont comestibles tout comme les plantules d'Avicennia. On peut aussi consommer les radicelles de Bruguiera et manger en salade les bourgeons apicaux d'Oncosperma les feuilles de Sonneratia et la graminée Sesuvium (Watson, 1928; Das, 1960).

Les bovins et les chameaux se nourrissent du feuillage de certaines espèces et notamment d'Avicennia marina qui est parfois la seule végétation dans certaines zones très arides (Kulkarni et Junagad, 1959).

On récolte une quantité considérable de miel et de cire d'abeille dans les Sundarbans; le Bangladesh à lui seul produit annuellement 177 t de miel et 49 t de cire provenant d'Excoecaria, d'Avicennia, d'Aegiceras et d'autres espèces de palétuviers. Aegiceras corniculatum constitue une source importante de miel commercial en Australie (MacNae, 1968).

L'huile extraite des graines de Cerbera est utilisée en pharmacie et celle des graines de Xylocarpus est brûlée ou sert pour la coiffure (Das, 1960). Watson (1928) et Chapman (1976) donnent une longue liste d'utilisations médicinales.

Sylviculture

Les mangroves sont exploitées plus ou moins intensivement. En Indonésie, en Papouasie Nouvelle-Guinée et en Australie, il existe encore des forêts plus ou moins vierges, mais à Matang (Malaisie occidentale) et dans les Sundarbans (Bangladesh et Inde), les mangroves ont fait l'objet d'un aménagement en vue d'un rendement soutenu depuis le début du siècle. Enfin, certaines mangroves, surexploitées pour fournir du bois de feu à des populations nombreuses et servir de pâturage, ne sont plus que des buissons bas d'Avicennia marina.

A l'heure actuelle, ce n'est qu'à Matang (Malaisie) que l'on a procédé à de vastes replantations. Aussi la régénération naturelle est-elle un élément sylvicole important. Les coupes d'écrémage qui épargnent les arbres au-dessous d'un certain diamètre nécessitent souvent une réglementation assez compliquée dont l'application peut être difficile à surveiller. Il est également probable que la croissance est moins rapide que si l'on pratique des coupes blanches suivies de replantations. Les systèmes fondés sur une circonférence minimale d'abattage sont insuffisants dans les peuplements équiennes arrivés à maturité ne comptant que quelques jeunes arbres, et conserver des semenciers est souvent considéré comme un gaspillage et comme de peu d'utilité pour la régénération naturelle.

La plupart des pays conservent des rideaux-abris le long des rivages et des cours d'eau de façon à prévenir l'érosion et à conserver des sources de semences. Ce principe a été appliqué dans l'abattage en bandes en Indonésie et en Thaïlande. Ces bandes constituent une bonne réserve de jeunes plants, mais la source principale de régénération naturelle de Rhizophora semble être plutôt la régénération préexistante.

L'âge d'exploitabilité des arbres dans les Sundarbans est estimé à 50-160 ans. Rhizophora est généralement abattu à 20 ou 30 ans, mais dans les plantations denses privées destinées à la production de bois de feu et de poteaux, les rotations peuvent n'être que de sept ans. Des éclaircies régulières ne sont pratiquées qu'à Matang.

Rendement en bois

On ne possède que très peu d'informations sur les taux de croissance des palétuviers. Dans le système actuel de coupes d'écrémage, le rendement moyen dans les Sundarbans n'a été que de 1,9 m3/ha/an au cours des 20 dernières années. A Matang, le rendement moyen de la réserve forestière calculé sur de nombreuses années, semble être d'environ 8 à 10 m3/ha/an. A Chanthaburi (Thaïlande), certaines plantations de Rhizophora apiculata ont des accroissements moyens de 16 m3/ha/an. De toute évidence, la sylviculture offre des possibilités dans de nombreuses mangroves en augmentant leurs rendements de façon considérable et en produisant des plantes de meilleure qualité.

SALINES PRÈS DE BANGKOK en saison humide, ces mêmes plans d'eau servent à l'élevage des crevettes

Faune sauvage

Si un grand nombre de mammifères fréquentent les habitats de mangrove, seuls quelques-uns y vivent de façon permanente et moins encore se limitent aux mangroves. Le nasique (Nasalis larvatus) vit dans les mangroves de Bornéo où il se nourrit des feuilles de Sonneratia caseolaris et de Nipa. Plusieurs langurs (Presbytis) fréquentent les mangroves, et certaines populations de macaques qui se nourrissent de crabes (Macaca fascicularis) y vivent aussi parfois, bien que l'espèce soit également très répandue dans d'autres habitats (McNeely, 1977). Le tigre royal du Bengale des Sundarbans se nourrit des daims tachetés (Axis axis) qui à leur tour se nourrissent des feuilles de Sonneratia apetala et de graminées. On trouve communément dans les marais à nypa le sanglier (Sus scrofa), le chevrotain (Tragulus) et, à l'occasion, de petits carnivores comme les chats viverins (Felis viverrina) et les mangoustes (Herpestes). Les loutres (Aonyx cinerea et Lutra) y sont communes mais rarement visibles. En Australie, les roussettes s'y perchent parfois en grand nombre (MacNae, 1968). Le couscou taché (Phalanger maculatus) est très fréquent dans les mangroves de Papouasie Nouvelle-Guinée (Liem et Haines, 1977).

Les oiseaux y sont nombreux mais relativement peu d'espèces y vivent de façon permanente ou en font leur principal habitat. Les cormorans (Phalacrocorax) se trouvent communément dans certaines mangroves mais sont rarement visibles en Malaisie occidentale et en Thaïlande. Les anhingas ou oiseaux-serpents (Anhinga anhinga) sont souvent abondants dans les grands fleuves mais sont rares dans les zones marines. Les berges des canaux sont les lieux de pêche des hérons, qui se réunissent souvent avec les cormorans et les anhingas dans les grands arbres des parties isolées des mangroves. Ce sont Egretta spp., Nycticorax spp., Ardeola grayii, Butorides striatus, Ardea sumatrana, A. cinerea. On peut observer fréquemment les petits marabouts des Indes (Leptoptilus javonicus). Les aigles marins (Haliaetus leucogaster) sont communs et les milans-pêcheurs (Haliastur indus) sont très typiques. Parmi les autres oiseaux de proie, citons les balbuzards-pêcheurs (Pandion haliaetus), les aigles-pêcheurs (Ichtyopha ichtyaetus), les aigles serpentaires (Spilornis cheela). Les martins-pêcheurs - alcyons-pie (Ceryle rudis), martins-pêcheurs à collier blanc (Halcyon chloris), alcyons à grand bec (Pelargopsis capensis) - y abondent. Les échassiers se nourrissent sur les bancs de vase des mangroves à marée basse; ce sont les courlieux (Numenius phaeopus), les chevaliers gambettes (Tringa totanus) et les bargettes de Terek (Tringa terek). Les pigeons du détroit de Torres (Ducula bicolor) fréquentent également les îles de mangrove. Les pics-verts (Picus viridanus et P. vittatus) se trouvent surtout plus à l'intérieur des terres. Les passereaux sont communs dans les marais à nypa. On peut également observer la mésange grise (Parus major), le gobe-mouches bleu (Cyornis rufigastra), le gobe-mouches noir à queue en éventail (Rhipidura javanica), le bulbul au ventre jaune (Pycnonotus goiaver), le bulbul olive (P. plumosus) l'oiseau siffleur (Pachycephala cinerea) et les nectaridés à gorge cuivrée (Nectarinia challostetha) (MacNae, 1968).

Le reptile le plus important est le crocodile d'eau salée (Crocodylus porosus) que l'on trouve de Sri Lanka à l'Australie. C'est une espèce menacée dans une grande partie de son habitat, mais des mesures de conservation sont prises actuellement en Inde, au Bangladesh, en Papouasie Nouvelle-Guinée et en Australie. Les varans (Varanus salvator) sont communs dans les mangroves comme le sont certaines espèces de serpents.

Aménagement et conservation de la faune sauvage

Peu de mangroves ont été transformées en parcs nationaux ou en réserves de faune. Dans les Sundarbans du Bangladesh, trois réserves couvrant 32 000 ha ont été établies pour protéger la faune sauvage et notamment les tigres. Une réserve a également été créée dans les Sundarbans de l'Inde où l'on a proposé de mettre en réserve 133 000 ha. Le parc national de Bako près de Kuching, Sarawak (Malaisie), comprend des mangroves, et un autre parc de 4 900 ha pourrait être mis en réserve, avant tout pour protéger les 50 ou 80 nasiques qui y vivent. En Malaisie occidentale, une réserve d'oiseaux a été créée dans une mangrove à Kuala Gula, Perak. En Indonésie, les réserves de faune comprennent également des mangroves.

Au Queensland (Australie), certaines zones de mangrove sont protégées comme réserves de pêche.

Les mangroves et les pêches

Les forêts de mangrove constituent un lien entre les écosystèmes marins et terrestres. Généralement, les mangroves tirent de la terre des éléments nutritifs inorganiques et rendent à la mer des matières organiques. Les principaux producteurs des écosystèmes de mangrove sont bien entendu les arbres. Une étude effectuée en Thaïlande a estimé que la production primaire des arbres par unité de surface était d'environ sept fois celle du phytoplancton côtier. Toutefois, seule une faible partie de cette vaste production primaire est consommée directement par les animaux, la majeure partie allant enrichir la teneur des eaux marines en aliments sous forme de matières organiques mortes et de détritus, qu'ils soient consommés dans les mangroves ou «exportés» sous une forme plus ou moins dégradée.

OSTREICULTURE DANS UN ESTUAIRE DE MANGROVES : utilisations multiples des marais à mangroves

MAISON ET MATERIEL DE PÊCHEUR EN BOIS DE MANGROVE : la pêche est le principal moyen de subsistance de la plupart des habitants

De nombreuses espèces d'organismes marins ayant une importance commerciale semblent dépendre des mangroves pendant une partie au moins de leur cycle biologique et les poissons côtiers s'y alimentent aussi.

Les poissons les plus visibles dans les mangroves sont les balaou, que l'on peut aisément observer à marée basse. Ils se vendent cher à Hong-kong et aux Philippines mais ne sont guère consommés ailleurs. Parmi les espèces d'estuaire, citons les carangidés, les clupéidés, les pomasidés, les serranidés, les scianidés, le mulet et le bar, le hilsa et les sérioles. En Floride, le tarpon, le brochet de mer, la truite de mer, le red drum, le malachigan d'eau douce et le vivaneau gris passent au moins une partie de leur vie dans les mangroves.

Les Sundarbans alimentent d'importantes pêcheries commerciales. Quatre-vingts pour cent des prises indiennes dans le delta viennent des Sundarbans où pas moins de 87 espèces de poissons ont été observées (Ahmad, 1966). Il en va de même dans le golfe du Mexique où 90 pour cent des captures commerciales et 70 pour cent des prises de la pêche sportive sont constitués d'espèces vivant dans les estuaires pendant tout ou partie de leur cycle biologique.

Les crabes (Scylla serrata) sont très recherchés et alimentent une pêche artisanale dans toute la région indo-pacifique. On les capture à marée haute à l'aide de pièges appâtés ou tout simplement en creusant le sable à marée basse d'où on les extrait avec un long crochet. A Singapour, aux Philippines, en Thaïlande et en Australie, on les engraisse dans de petits bassins, et cette forme d'aquaculture pourrait offrir des possibilités au niveau du village. Les crabes pouvant survivre hors de l'eau pendant environ une semaine il est facile de les commercialiser. Ils sont souvent très petits en raison de la surexploitation.

Les huîtres sont séparées des racines de palétuviers à l'aide d'un petit marteau; plusieurs espèces sont cultivées dans les estuaires de mangroves ou à proximité. Les palourdes (Anadara) et autres coques abondent sur les bancs de boue devant les mangroves. Les escargots que l'on trouve partout sont ramassés et généralement bouillis avant d'être consommés.

De nombreuses espèces de crevettes pénéides se reproduisent au large mais viennent ensuite se réfugier et s'alimenter dans les mangroves. Toutefois on ne sait pas dans quelle mesure ces espèces disparaîtront de la région si la forêt de mangrove est sacrifiée à la bonification de la zone ou si, au contraire, les espèces «tributaires des mangroves» n'exigent qu'un fond boueux et une certaine salinité et pourraient donc dans ce cas subsister même après la destruction des palétuviers. On a observé que dans la région de l'océan Indien, les crevettes Penaeus indicus, P. merguiensis et P. monodon cherchent un abri dans les mangroves au cours de leurs stades juvéniles et que la plupart des espèces de Metapenaeus subsistent après la destruction de la forêt (MacNae, 1974).

Les mysidés et des espèces plus petites telles que Acetes sont pêchés en grand nombre dans les mangroves. Ces espèces sont vendues fraîches, séchées ou sous forme de pâte de crevettes. La pâte, faite de crevettes épicées, broyées et fermentées, constitue un ingrédient important de la cuisine de l'Asie du Sud-Est. Les statistiques générales des prises ne sont pas très complètes: en 1977, les Philippines avaient signalé des prises de 5 958 t et la Thaïlande de 23 281 tonnes.

Il est difficile d'évaluer l'importance des mangroves pour la pêche. Les statistiques de pêches par exemple sont très souvent incomplètes et tendent à sous-estimer les quantités débarquées. En outre. l'intensité de pêche varie de façon considérable, les captures sont souvent débarquées loin des lieux de pêche, et les populations de poissons et de crevettes peuvent elles-mêmes émigrer à des distances considérables. Enfin, les estimations des zones de mangrove sont également incomplètes. En dépit de ces difficultés, on a pu établir en Indonésie une corrélation entre les quantités de crevettes débarquées et les zones de mangrove. On a observé une corrélation analogue entre les quantités de crevettes pénéides débarquées et les zones de végétation intertidale dans 27 endroits dans le monde. Dans d'autres cas, on n'a pu établir de corrélation.

Aquaculture en eau saumâtre (élevage en étangs)

De vastes zones de mangrove ont été converties en étangs pour l'aquaculture en eau saumâtre. En Asie. plus de 400000 ha de terre ont été ainsi transformés dans les zones de balancement des marées. L'Asie du Sud-Est, la Chine, l'Indonésie et les Philippines en particulier produisent des sérioles (chanidés) et des crevettes élevés séparément ou ensemble. Le niveau de production varie de façon considérable. L'élevage extensif repose sur des alevins provenant de sources naturelles; les étangs ne sont pas fertilisés et les poissons ne reçoivent pas d'alimentation complémentaire; l'élevage intensif au contraire fait appel à la fertilisation, à l'alimentation complémentaire, à la lutte contre les ravageurs et à la manipulation des stocks. Les méthodes traditionnelles prévalent et il y aurait beaucoup à faire pour améliorer les rendements.

Par exemple, le niveau de l'eau dans les bassins doit être maintenu entre certaines limites pendant le cycle d'élevage. Aussi le niveau des bassins envisagés est-il très important. Les meilleurs emplacements sont ceux où l'on n'a pas besoin de creuser ou de remblayer beaucoup, ni de pomper.

La terre doit être entièrement recouverte d'eau lors de la marée haute et drainée à marée basse. Les zones où le balancement des marées est intérieur à 1 m par jour ne sont pas recommandées car il faut alors pomper, et celles où l'amplitude de la marée est très forte sont menacées d'inondation excessive. Les sols doivent être essentiellement argileux de façon à retenir l'eau, et le pH devra avoir le niveau voulu. Etant donné que la plupart des sols de mangrove sont potentiellement sulfatés acides, il faut soigneusement examiner la surface et les couches superficielles pour s'assurer qu'une couche profonde d'acidité élevée ne sera pas exposée. Dans le cas contraire, il faudra peut-être y ajouter de grandes quantités de chaux.

Il faut disposer de quantités suffisantes d'eau propre. Les bassins d'aquaculture ne doivent pas être installés dans des zones où l'eau est polluée, car la pollution présente autant de danger pour les espèces élevées en bassins que pour les organismes marins en eau libre.

Aquaculture en eau libre

Contrairement à l'aquaculture en eau saumâtre qui implique le défrichement de la forêt de mangrove l'aquaculture en eau libre n'a pas d'effet néfaste sur la forêt elle-même; elle intéresse surtout les poissons et les mollusques.

Dans de nombreux pays, huîtres, moules, coques et clams sont élevés dans le milieu naturel de l'estuaire. En Asie du Sud-Est, l'élevage des mollusques est essentiellement une activité familiale menée sur des superficies de moins de 1 ha. Il suffit d'avoir l'équipement nécessaire et d'installer des collecteurs de naissain appropriés (petits rochers, blocs de ciment, pieux de bambou, branches d'arbres ou coquilles d'huîtres vides), disséminés sur les bancs d'huîtres. On a aussi introduit récemment des plateaux et des lignes.

Les rendements obtenus sont assez élevés. En Thaïlande, ils atteignent 90 et 180 t/an respectivement pour les huîtres et les moules. L'élevage des coques est pratiqué en Thaïlande et en Malaisie, et les rendements sont de 24 t/ha/an dans le premier pays et de 20,7 t/ha/an dans le second. La pollution semble être responsable d'une forte baisse de production des coques dans la partie occidentale du golfe de Thaïlande.

Pisciculture. Aux Philippines, on pratique la pisciculture depuis quelques années dans des enclos faits de filet synthétique ou d'écrans de bambou. Ils mesurent de 0,25 à 5 ha; on y élève des chanidés dont le rendement peut atteindre 4 t/ha/an avec un minimum d'alimentation complémentaire (Delmendo et Gedney, 1974).

Au Japon, dans la mer intérieure de Seto, on utilise un système très sophistiqué de pisciculture dans des cages flottantes en filet pour l'élevage de Seriola quinquiradiata. On place de 1500 à 2 000 alevins dans des cages mesurant 6 X 6 X 4 m et l'on obtient un rendement de 1,5 à 2,5 t de poisson par cage en 7 ou 8 mois (Ling, 1973). Une technique analogue pourrait être utilisée dans d'autres pays.

Algoculture. En Chine, les algues sont utilisées dans l'alimentation et en pharmacie depuis des milliers d'années. Elles jouent un rôle important comme aliment et comme complément de régime dans plusieurs pays d'Asie, en particulier au Japon, en République de Corée et en République démocratique populaire de Corée. L'industrie en consomme de grandes quantités.

L'algoculture se pratique sur des fonds boueux non gluants, suffisamment profonds pour être complètement recouverts à marée basse. Les récifs de corail et les bassins de pisciculture conviennent pour certaines espèces, mais les meilleurs endroits sont les rivages à mangrove et les fonds sableux qui sont très favorables à l'élevage de Gracilaria. La Thaïlande en exporte déjà de grandes quantités au Japon. En Malaisie occidentale, les meilleurs fonds se trouvent dans la zone intertidale inférieure, en deçà des fonds où vivent les crevettes.

L'algoculture peut être rémunératrice: ainsi, aux Philippines, une exploitation d'algues de 0,5 ha donne un revenu net de 1360 dollars par an, chiffre bien supérieur au revenu moyen des familles de ce pays.

Production de sel. Dans certaines zones à faibles précipitations on a défriché les mangroves pour construire des marais salants. Toutefois, l'exploitation moderne, à fort coefficient de capital, des mines de sel naturel est bien meilleur marché, de sorte que la production de sel marin pourrait finir par perdre de son intérêt. Dans certaines régions, les bassins sont utilisés pour produire du sel pendant la saison sèche et pour élever des crevettes (Thaïlande) ou des chanidés (Philippines) pendant la mousson. La production de sel ne semble pas avoir d'effets négatifs sur les autres formes d'utilisation des terres, si ce n'est qu'elle entre en concurrence avec elles pour les mêmes régions.

Agriculture

La forte pression exercée par la population dans de nombreux deltas et régions côtières de l'Asie a souvent conduit à la bonification des terres de mangrove. Cette bonification a été menée avec succès dans plusieurs pays, notamment là où le sol contient suffisamment de chaux pour empêcher la formation de sols sulfatés acides. Dans plusieurs cas, toutefois, les terres ainsi récupérées qui avaient tout d'abord donné des rendements satisfaisants ont dû être abandonnées après quelques années. Dans l'ensemble, les sols de mangrove ne se prêtent guère à l'agriculture, car ce sont généralement des sols sulfatés acides à faibles rendements, dont l'amélioration est onéreuse.

Ces sols sont formés de sédiments déposés par l'eau de mer ou l'eau saumâtre. Après une accumulation initiale de sulfures (pyrite) en milieu réduit, une oxydation ultérieure se produit après admission d'oxygène. Cela crée une forte acidité à moins que l'on ne se trouve en présence de substances neutralisantes, comme c'est le cas par exemple lorsque les fleuves traversent des collines calcaires.

La croissance végétale est inhibée, non pas tant par le pH faible que par les concentrations toxiques d'aluminium et de fer qui l'accompagnent et par la faible teneur en éléments nutritifs. Les sols sulfatés acides retiennent de fortes quantités de phosphate. La salinité peut également poser un autre problème. L'aménagement vise à prévenir l'oxydation et l'acidification ultérieure en veillant à ce que les sols soient constamment saturés d'eau ou à corriger les effets néfastes du drainage par billonnage et lessivage du sol de couverture avec de l'eau de pluie, de l'eau de fleuve ou de l'eau saumâtre.

Les sols saturés d'eau sont utilisés comme rizières. On ne peut généralement pas employer de machines car il faut un sol de couverture mûr pour supporter les machines, et les sulfates acides se développent au cours de ce processus. Les rendements sont généralement faibles par rapport aux inputs qui sont importants et les échecs dus à la sécheresse sont fréquents. Dans les périodes sèches, l'oxydation peut être profonde et lorsque vient la pluie, les sulfates solubles montent avec la nappe phréatique.

On peut faire de la culture sèche après avoir billonné drainé et lessivé, mais le degré de succès varie de façon considérable. La nappe phréatique devra être très soigneusement contrôlée. Dans certaines régions, on cultive des palmiers à huile, des caféiers, des ananas et du manioc mais, dans d'autres cas, seuls les cocotiers produisant du sucre et les sapotilliers poussent plus ou moins normalement.

Interactions

Relations écologiques. La forêt de mangrove, la pêche de capture et l'aquaculture en eau libre sont des activités largement complémentaires qui peuvent être considérées comme une forme d'«utilisation des terres». L'Australie, reconnaissant l'importance des mangroves pour la pêche, a créé des réserves au sein desquelles la pèche est la seule activité commerciale autorisée. Cependant, l'exploitation forestière est généralement considérée compatible avec les intérêts de la pêche de capture et de l'aquaculture en eau libre, à condition que le caractère de la forêt soit préservé et la régénération suffisante. Les interactions entre la pêche de capture et l'aquaculture en eau libre sont faibles. La pêche de capture intensive peut diminuer le nombre d'alevins disponibles pour la pisciculture en enclos ou en cage mais, en même temps, elle leur fournit des aliments sous forme de poissons de rebut. L'aquaculture en eau libre occupe un espace qui pourrait servir au chalutage mais, ce faisant, elle protège les jeunes poissons et crevettes et peut être considérée comme une activité de conservation. L'ostréiculture peut également servir de barrière et empêcher l'accès de la mangrove par bateau, ce qui peut décourager le braconnage, bien qu'elle rende également plus difficile le contrôle par les autorités forestières.

Le rapport entre la pisciculture en étangs et la forêt restante n'a pas été profondément étudié, mais les palétuviers servent de brise-vent, et l'écosystème de mangrove fournit des alevins pour l'élevage et maintient la bonne qualité de l'eau. C'est pourquoi il est dans l'intérêt des aquaculteurs de conserver un certain pourcentage des terres de mangrove sous couvert forestier. Les réglementations relatives à la construction de bassins comportent généralement des dispositions prévoyant des rideaux-abris le long de la côte et sur les berges des fleuves. Toutefois, l'objectif est essentiellement de prévenir l'érosion, et les zones mises en réserve peuvent être insuffisantes pour être utilisées à d'autres fins. Les palétuviers et autres arbres utiles peuvent être plantés sur les digues et, si le sol le permet, des cultures peuvent être établies sur les berges.

La pisciculture en bassin est une source potentielle de pollution (quantités excessives d'engrais et autres éléments nutritifs, produits contre les escargots, les crustacés, les poissons prédateurs et les maladies bactériennes et fongiques). L'agriculture peut être une source de pollution pour l'aquaculture et les pêches. directement par l'application de pesticides et indirectement par le pourrissement des coques de noix de coco, les effluents des industries de l'huile de palme, des conserveries d'ananas et des usines, de tapioca.

Considérations socio-économiques. La contribution des mangroves aux pêches est difficile à évaluer; elle pose un problème particulier lorsque les mangroves sont privées, car le propriétaire ne perçoit généralement un revenu que des produits forestiers alors que les produits de la pêche sont récoltés par d'autres. Dans certains cas, le propriétaire pourrait obtenir de plus grands bénéfices en transformant la forêt de mangrove pour l'utiliser à d'autres fins, mais la société dans son ensemble pourrait y perdre.

Il faudrait également se préoccuper des effets sociaux: l'achat par un particulier d'une mangrove publique en vue d'y créer par exemple une exploitation piscicole peut priver des collectivités locales d'une source de produits halieutiques et forestiers et du revenu correspondant.

Le braconnage du bois dans les mangroves est fréquent, car nombre d'entre elles sont relativement peu étendues et situées dans des zones fortement peuplées. Souvent, il existe un réseau dense de canaux qui rend l'extraction facile et le contrôle difficile. C'est pourquoi les départements des forêts sont parfois peu disposés à autoriser l'agriculture dans les zones de mangrove plus élevées, car elle ouvre la région et facilite le braconnage.

Ces problèmes ne sont pas faciles à résoudre, mais on peut souvent satisfaire les besoins strictement locaux de bois en autorisant les villageois à exploiter certaines zones, comme on l'a fait à Matang (Malaisie). Dans les pays où la demande de terre est forte. il peut être nécessaire d'élaborer des programmes intégrés sylviculture-pêche-agriculture susceptibles de satisfaire les besoins locaux en matière de bois d'œuvre, de bois de feu et d'aliments, ainsi que de revenu et d'emploi.

ECORÇAGE DE BILLES DE Rhizophora POUR LA FABRICATION DE CHARBON DE BOIS : principal produit des mangroves en Asie

Formes d'utilisation des terres

On trouvera ci-après les méthodes et les conclusions d'études de cas portant sur l'utilisation ou l'éventuel développement de forêts de mangrove dans cinq pays. Leur intérêt vient de la rareté des études publiées sur les aspects économiques de différentes formes d'utilisation des terres dans les zones de mangrove.

Philippines. L'étude de Lawas et al., en 1974 sur les aspects économiques de la pisciculture en étang comparés à ceux de l'exportation de bois de mangrove pour la fabrication de copeaux a montré que la première activité était plus rémunératrice. La conclusion a donc été que la création d'étangs à poissons devait être prioritaire sur des emplacements bien choisis avec des plantations de palétuviers sur les digues et les zones voisines qui s'y prêtent, et que l'exploitation des mangroves devrait avoir la priorité quand le volume sur pied dépasse 50 pour cent du peuplement moyen. Il est à noter toutefois que la faible proportion du stock sur pied est due plus souvent à une surexploitation visant à satisfaire une forte demande de bois de feu qu'aux mauvaises conditions écologiques de l'emplacement.

Papouasie Nouvelle-Guinée. Liem et Haines ont estimé en 1977 les recettes annuelles potentielles et l'impact sur l'environnement de l'exploitation de différentes ressources de la communauté de mangroves en Papouasie Nouvelle-Guinée. Ils ont conclu que la valeur totale du chalutage crevettier était due au degré élevé de symbiose entre les mangroves et le rendement des pêches.

La plupart des activités mentionnées n'ayant qu'un impact mineur sur l'environnement ont été considérées comme complémentaires, mais les auteurs exprimaient leur inquiétude en ce qui concerne l'impact éventuel sur l'environnement des industries commerciales de copeaux qui pourraient poser des problèmes d'érosion et de régénération dans les opérations à grande échelle.

Thaïlande. Des études préliminaires dans la partie occidentale du golfe de Thaïlande ont estimé le revenu net de différentes utilisations des terres dans la zone côtière. Elles ont montré que les activités les plus rentables sont la production de sel, l'élevage des crevettes et la culture des cocotiers; les revenus tirés de l'exploitation des mangroves, de la culture des palmiers nypa et de la riziculture sont beaucoup plus faibles.

Une étude ultérieure effectuée dans l'est de la Thaïlande a utilisé le revenu annuel brut tiré de diverses activités dans la zone de mangrove comme indicateur de la valeur économique des mangroves pour la société (voir tableau). La production de charbon de bois ne donnait qu'un revenu annuel brut de 30 $U.S./ha, mais le rendement potentiel des plantations de mangrove était plus de dix fois supérieur. Il faut ajouter à cela la contribution des mangroves aux pêches qui a été estimée à 130 $U.S./ha/an. Cette activité soutient donc favorablement la comparaison avec la riziculture dans la région et avec l'élevage traditionnel des crevettes, mais la longue révolution des arbres pose un problème d'investissement pour les petits exploitants. La propriété de la terre est également un problème puisque la plupart des zones de mangrove sont des réserves forestières, dont une partie a été abandonnée à des squatters qui avaient défriché la forêt et construit des étangs. Cette politique a encouragé le défrichement de la forêt; le squatter peut tout d'abord vendre le bois sous forme de charbon de bois et obtenir ensuite la terre à bail.

Le revenu le plus élevé dans la région était de 2106 $U.S. pour 3 ha par an. C'est ce qu'a réalisé un élevage commercial de crevettes qui recevait du gouvernement des alevins d'espèces de crevettes très demandées.

Malaisie. Utilisant la méthode d'analyse des investissements en fonction d'objectifs divers, Nair et al., ont étudié en 1978 les ressources de mangroves en vue de la fabrication de plaquettes, de la pêche à la crevette et de la pisciculture au Sabah (Malaisie). Les auteurs ont donné la préférence à trois critères d'investissement: les effets sur le revenu, sur l'emploi et sur les devises. Cette analyse a été utilisée comme base pour l'attribution optimale des ressources monétaires. Ce type d'analyse est un instrument efficace pour les décisions qui impliquent l'attribution de ressources naturelles et monétaires, mais sa valeur est bien entendu fonction de l'exactitude des données primaires et de la validité des hypothèses biologiques. Il est en effet difficile de déterminer un coefficient entre l'élimination des forêts de mangrove et le déclin des pêcheries de crevettes.

Etats-Unis. Gosselink et al., ont démontré en 1974 les difficultés d'évaluer correctement la valeur des ressources naturelles; ils ont utilisé quatre niveaux d'évaluation dans une tentative originale de déterminer la valeur monétaire des marais d'eau salée des côtes méridionales de l'Atlantique et du golfe du Mexique aux Etats-Unis. Au premier stade d'évaluation, ils ont considéré que la valeur des marais était celle de la pêche. Au second stade, ils ont estimé le potentiel de l'ostréiculture, et au troisième stade, ils ont comparé la valeur du traitement «gratuit» des déchets assuré par les marais au coût de la même opération effectuée en usine. Enfin, ils ont calculé «la valeur totale de soutien biologique» des marais en multipliant leur production primaire brute par le rapport produit national brut/consommation d'énergie.

Essai de comparaison économique de différentes formes d'utilisation des terres dans une zone de mangroves en Thaïlande



Revenu brut

Actuel
$U.S./ha/an

Potentiel
$U.S./ha/an

Sylviculture

160

590


Production de charbon de bois 1

(30)

(400)


Pêche à l'intérieur de l'estuaire

(30)

(30)


Pêche dans les mangroves à l'extérieur de l'estuaire

(100)

(100)


Ostréiculture

-

(60)

Elevage de crevettes

206

2106

Riziculture

165

-

FAO, 1979
1 Le revenu tiré de la culture du nypa a été estimé à 230 $U.S./ha/an.

Rapport sur l'aménagement des mangroves en Malaisie

La superficie totale des mangroves en Malaisie est estimée à 688 634 ha (tableau 1) dont la majeure partie se trouve au Sabah. On fera ci-après une distinction entre la Malaisie péninsulaire, le Sarawak et le Sabah en raison de la différence de leurs conditions économiques et écologiques.

Malaisie péninsulaire

Superficie et répartition. Les forêts de mangrove occupent en Malaisie péninsulaire une superficie totale d'environ 149 500 ha. La majeure partie se trouve le long du détroit de Johore et sur la côte occidentale abritée de la péninsule où elle forme une ceinture presque continue dont la largeur varie de quelques mètres à 20 km. La côte orientale est plus exposée l'on n'y trouve que quelques petites forêts de mangrove limitées aux embouchures des fleuves.

Les forêts de mangrove ont été étudiées par photographie aérienne dans les années vingt, et la plupart des réserves étaient déjà établies à cette époque. Certaines zones ont depuis été bonifiées pour laisser la place à l'agriculture et à la construction. Les réserves de mangrove ont également subi d'importantes diminutions, notamment près de Kelang où la superficie mise en réserve est passée de 37 200 à 23 450 ha (Soo, 1978). Toutefois, d'autres réserves ont été créées. et la surface totale a en fait légèrement augmenté depuis 1928. Toutefois cet accroissement (tableau 2) n'est qu'apparent.

En Malaisie péninsulaire, l'aquaculture en eau saumâtre n'en est encore qu'à son début puisque les étangs d'eau saumâtre ne couvrent que 600 ha. Les tentatives d'établissement de marais salants dans les mangroves ont échoué en raison des précipitations fortes et uniformément réparties.

Végétation. Le rapport entre la répartition des espèces de mangrove et la fréquence des inondations par la marée a été décrit en 1928 dans l'ouvrage classique de Watson. Un certain nombre d'auteurs (Noakes, 1952; Dixon, 1959; Carter, 1959; MacNae, 1968; Diemont et von Wijngaarden, 1975) ont ensuite effectué des études écologiques. On y trouve deux grands types de successions: la végétation maritime et la végétation d'estuaire.

Sur les rivages libres en cours d'atterrissement, Avicennia marina et A. alba s'implantent en premier, suivis d'une ceinture de Bruguiera cylindrica. Le sol est compact et dépourvu de drainage interne.

La physiographie et l'écologie de la végétation d'estuaire deviennent plus complexes avec la présence des bancs de boue, des levées et des bassins et avec le balancement des marées dans les cours d'eau sinueux. Rhizophora apiculata domine toujours les bassins alors que B. parviflora prédomine sur les levées (Diemont et von Wijngaarden, 1975), mais on trouve de nombreuses autres espèces de mangrove à différents stades dans la succession.

MATANG, MALAISIE. ECLAIRCIE SYSTEMATIQUE DE Rhizophora : ouvrir le couvert pour accroître la taille des arbres

Sur le plan économique, la végétation d'estuaire est la plus importante car elle recouvre des surfaces compactes et relativement étendues et est composée des espèces ayant le plus de valeur.

Aménagement forestier. L'exploitation forestière est concentrée dans les réserves de Matang (Perak), de Kelang (Selangor) et du Johore méridional qui, à elles trois constituent 74 pour cent des réserves forestières de mangrove. Elles font toutes trois l'objet de plans d'aménagement, mais la réserve de Matang est la mieux aménagée et la mieux étudiée; elle occupe une superficie totale de 40 929 ha dont 33 379 sont considérés productifs.

Le premier plan d'aménagement de Matang date de 1904. Les mangroves suscitaient déjà un certain Intérêt en raison de leur grande valeur en termes de revenu par hectare et de la relative facilité de leur régénération. L'aménagement a toujours eu pour objectif essentiel un rendement soutenu de charbon de bois et de bois de feu, les autres produits - principalement les poteaux - venant au second rang. Rhizophora spp. étant les espèces préférées pour ces usages, les plans d'aménagement visent à promouvoir leur croissance. En revanche, B. parviflora est considéré comme plante adventice, mais on en tire des poteaux pour la construction; 100 000 poteaux sont importés chaque année de Sumatra par bateau à voiles (Soo, 1978).

Le plan d'aménagement de la réserve forestière de Matang a fait l'objet d'un certain nombre de révisions, et des théories sur l'aménagement des mangroves ont été proposées adoptées, modifiées et rejetées, parfois reprises, puis à nouveau écartées. La longueur de la révolution a varié entre 20 et 40 ans (on a même proposé 100 ans), et divers systèmes de coupes progressives de régénération ont été expérimentés. Peu d'essais contrôlés ont été effectués (Noakes, 1952), mais un programme global de recherche a récemment été proposé (Srivastava, 1977).

Aménagement actuel. La révolution est fixée actuellement à 30 ans à Matang, à 25 ans à Kelang et à 20 ans au Johore méridional.

Watson (1928) estimait d'après des barèmes provisoires de cubage que l'accroissement moyen annuel (AMA) atteignait son maximum à 10,6 m3/ha à 39-43 ans, alors que selon les barèmes établis par Noakes (1952), il atteignait son maximum à 9,1-9,8 m3/ha entre 20 et 29 ans (selon l'influence des éclaircies et la longueur de la période d'établissement). Malheureusement, ces barèmes sont fondés sur des peuplements atypiques (Noakes, 1952), et les arbres des parcelles de recherche créées par Dixon n'ont pas encore été mesurés. L'AMA des arbres des tailles demandées par les producteurs de charbon de bois (17,5 cm de diamètre au minimum) atteint son point culminant plus tard que celui du volume total. De longues révolutions minimisent les problèmes de régénération et sont préférables dans les zones susceptibles de s'assécher. Les vieux peuplements tendent aussi à être plus clairs et la régénération préexistante des essences de lumière (Rhizophora) est plus importante. Enfin de longues révolutions favorisent Rhizophora au détriment de l'indésirable Bruguiera parviflora qui tend à disparaître à 30 ans (Dixon, 1959).

Tableau 1. Superficie des forêts de mangrove en Malaisie


Réserves forestières, etc.

Superficie totale

Malaisie péninsulaire

113 2641

149 5002

Sarawak

42 2133

173 7393

Sabah

147 0004

365 3455

Total

-

688 634

1 Forest Dept., 1975 (Cheah, 1977).
2 EAO, 1973a.
3 Rapport annuel du Département des forets, Sarawak, 1976.
4 Mangroves commerciales (Liew, communication personnelle).
5 Liew Diah et Wong (1977).

Tableau 2. Superficie des forêts de mangrove en Malaisie péninsulaire

Année


Réserves forestières

Forets libres

Superficie totale

ha

19281

103 235

6 394

109 630

19722

-

-

149 500

19753

113 264

-

-

1 Watson, 1928.
2 FAO, 1973a (estimation fondée sur des photos aériennes de 1966).
3 Forest Dept., 1975 Cheah. 1577).

A l'heure actuelle, les trois éclaircies systématiques (bâtons d'éclaircies de 1,20 m, 1,80 m, 2,10 m) sont effectuées à Matang à 15-19, 20-24 et 2529 ans respectivement. L'abattage final est une coupe blanche (7,5 cm de diamètre au minimum). A l'origine, les éclaircies ont été introduites comme moyen d'ouvrir le couvert et d'accroître ainsi le nombre de plants avant la coupe finale, mais celles qui sont pratiquées actuellement ne suffisent pas à atteindre cet objectif. On a proposé d'autres formes d'éclaircies, qui n'ont jamais été expérimentées sur le terrain. Il s'agit notamment d'une «coupe définitive en deux abattages» où l'on pratique une éclaircie systématique (bâtons d'éclaircie de 6 m) un an avant la coupe définitive et d'un «abattage en bandes» où l'on coupe une série de bandes alternées de 40 m de large perpendiculaires aux cours d'eau un an avant les autres bandes (Noakes, 1952).

Des normes et des systèmes fondés sur une circonférence minimale d'abattage ont été introduits à plusieurs reprises mais ont de nouveau été abandonnés, en raison du gaspillage qu'ils entraînaient. La régénération préexistante est considérée comme la source principale de régénération naturelle, mais elle peut être cachée par les déchets et la boue au cours de la coupe définitive et passer ainsi inaperçue (Dixon, 1959).

On procède maintenant à la replantation sur presque toute la superficie, généralement quand les déchets d'abattage se sont suffisamment décomposés, environ un an après la coupe définitive, mais la plantation peut être faite immédiatement dans les zones infestées par Acrostichum. Les plantations de R. apiculata et de R. mucronata se font à des espacements de 1,20 x 1,20 m et de 1,80 x 1,80 m respectivement et coûtent environ 38 $U.S./ha (1978). Il faut éradiquer Acrostichum sur de vastes superficies, opération dont le coût est d'environ 50 $U.S./ha. Elle est faite à la main car des expériences ont montré que l'utilisation d'herbicides revenait plus cher et tuait les animaux marins.

Tableau 3. Rendements moyens à Matang là l'exclusions des éclaircies) en 1972 et 1977



1972

1977

pikuls/acre 1

m3/ha 2

m3/ha/an 3

pikuls/acre 1

m3/ha 2

m3/ha/an 3

Coupes destinées à la production de charbon de bois

1800

223

7,8

1 250

162

5,4

Coupes destinées à la production de bois de feu

1 250

162

5,4

800

105

3,5

NOTE : 1 pikul = 59,5 kg.
1 Cheah (1977).
2 Chiffre fondé sur 72 lb/cu.ft pour les grumes y compris l'écorce (Watson 1928) et 183 1/3 lb/pikul.
3 En prenant pour âge moyen 30 ans.

Tableau 4. Répartition des forêts de mangrove au Sarawak

Division

Section

Superficie des mangroves

Ressources forestières et forêts protégées

ha

I

Kuching

52 318

14 019

II

Kuching

10 360

-

III

Sibu

5 180

-

IV

Bintulu/Miri

2 849

1 212

V

Miri

15 540

-

VI

Sibu

87 542

26 982

Total


173 789

42 213

Rapport annuel du Département des forêts, Sarawak, 1976.

Rendement, rapport et emploi. Le tableau 3 indique les rendements obtenus à Matang en 1972 et en 1977.

Ces coupes avaient déjà été éclaircies pour l'extraction de poteaux. En 1976, la production de poteaux a été d'environ 84 m3/ha - estimation obtenue en utilisant les coefficients établis par Noakes (1952) pour convertir les mètres linéaires en volume, ainsi qu'une coupe annuelle de 920 ha. Si les coupes exploitées en 1977 pour la production de charbon de bois avaient subi auparavant des éclaircies aussi intenses qu'en 1976, cela voudrait dire que leur AMA était de 5,4 (charbon de bois) plus 2,8 (poteaux) = 8,2 m3/ha. Cette estimation approximative correspond bien au chiffre que permettent de prévoir les barèmes provisoires de cubage. La raison de la baisse apparente de 1972 à 1977 n'est pas connue, mais certaines coupes exploitées à cette période avaient été endommagées pendant la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle le bois de feu avait été utilisé dans la production de sel.

En 1976, le revenu du gouvernement directement tire de la forêt de mangrove de Matang a atteint 424 000 dollars (Cheah, 1977), soit 12,70 dollars/ha de forêt productive. La gestion de cette forêt fournit directement un emploi à 1 406 personnes et indirectement à plus de 1 000. En outre plus de 2 600 personnes sont employées dans l'industrie de la pêche dans la région (Port Weld) et 7 800 travaillent indirectement pour ce secteur. La valeur des quantités de poisson débarquées - essentiellement des crevettes - atteignait 12 millions de dollars en 1977.

Sarawak

Au Sarawak, les forêts de mangrove occupent environ 174000 ha, soit 1,4 pour cent de la surface totale des estuaires des principaux fleuves (tableau 4).

Tableau 5. Délimitation, présence et régénération des sous-types de mangrove au Sarawak

Sous type

WIC

Présence

Régénération

1. Sonneratia alba

1.2

Essence colonisatrice.

Comme les essences

Peu étendue

colonisatrices

2. Avicennia spp.

1,2 (3)

Essence colonisatrice.

Comme les essences

Peu étendue

colonisatrices

3. Bruguiera parviflora

3

Peu étendue en peuplement pur

Régénération bonne dans les forêts jeunes et le long des canaux. Médiocre à l'intérieur des terres et dans les forets arrivées à maturité

4. Rhizophora apiculata

2, 3 (4)

Essentiellement dans les 4e et 5e divisions, moins étendue dans la 1re et la 6e

Gaule exigeant de la lumière

5. R. apiculata/Xylocarpus granatum

3,4

Transition du type 4 à 8 ou 7 Essentiellement dans la 6e et la 1re division

Présence d'un nombre très faible de plants

6. B. gymnorhiza

(3), 4

Peu commun

Médiocre

7. B. sexangula

4, 5

Type marginal ou associé à d'autres types. Rarement étendu

Généralement médiocre

8. Excoecaria agallocha

5

Etendu dans la 6 division rejette bien

Succède à Bruguiera

9 Nipa fructicans

4

Couvre 20% de toute la superficie de mangrove

Végétative. Par semences sur les berges nouvellement formées

10. Oncosperma tigillarium

5

Type de transition

Bonne

11. R. mucronata

2

Ceintures étroites sur les berges des fleuves

Sur les berges nouvellement formées

12. S. caseolaris

2

Le long des berges des fleuves et à l'intérieur des terres. Peu étendue

Comme les espèces colonisatrices

13. B. apiculata/Bruguiera

3

Près des fleuves mais sur terrains surélevés. Peu étendue

Généralement très médiocre

14. Bruguiera/R. apiculata/X. granatum

4

Peu étendue

Généralement médiocre

15. X. granatum/Bruguiera/R. apiculata/E. agallocha

4

Peu étendue

Médiocre

16. Heritiera littoralis/B. sexangula/E. agallocha


Peu étendue

Très médiocre

Source: Chal (1975).
Chal classe les numéros 1 à 9 dans les sous-types principaux et 10 à 16 dans les sous-types secondaires.
1 Classes d'inondation de Watson.

Végétation. La végétation de mangrove a été classée en 16 sous-types (tableau 5). A l'exception des sous-types 1-4 et 11 et 12, la plupart des autres sont caractérisés par la présence de nombreux «monticules à homards» sur le sol forestier, qui dépassent parfois un mètre de haut et sont généralement recouverts d'une fougère dense, Acrostichum aureum. Caesalpinia nuga s'étend aussi rapidement dans les parties plus sèches de la forêt (Chai, 1977).

Aménagement. La forêt de mangrove est traditionnellement exploitée pour la production de bois de feu, de poteaux, de charbon de bois et de catechu (cachou), sur la base de permis annuels dont bon nombre sont encore en cours.

En 1968, toutefois, l'exploitation systématique du delta du Rejang fondée sur une révolution de 25 ans a commencé. Le bois est exporté sous forme de plaquettes destinées à la fabrication de rayonne.

Régénération. Sur la base de l'expérience acquise en Malaisie occidentale, la circonférence minimale a été fixée à 22 5 cm, mais dans la forêt plus ou moins vierge du Sarawak, le résultat a été presque une coupe blanche. Il s'ensuit une forte érosion de la boue superficielle dans les zones les plus fréquemment inondées, une déshydratation du sol à une altitude plus élevée, la colonisation et la croissance rapides d'Acrostichum et la disparition des sources de graines (Chai, 1977).

On estime que 10 pour cent seulement de la végétation se régénère immédiatement et 20 pour cent au cours des trois ou quatre années suivantes, essentiellement avec B. parviflora (Chai, communication personnelle). Il a donc été recommandé de revoir le système d'aménagement en imposant des normes des éclaircies ou des abattages en bandes, et de planter les zones exploitées dans les trois années qui suivent la coupe, après la décomposition des déchets, mais avant qu'Acrostichum et Caesalpinia aient complètement recouvert les ruisseaux entre les monticules à homards (Chai, 1977).

A l'heure actuelle, on ne procède qu'à des plantations expérimentales.

Production. En 1976, la Sarawak Woodchipping Company a utilisé 228 450 t de bois enstéré pour produire 159 915 t de plaquettes. Cela correspond à 68 pour cent du cubage total extrait des mangroves qui représente lui-même environ 6 pour cent du cubage total extrait des forêts du Sarawak.

On extrait de faibles quantités de bois d'œuvre de Intsia bijuga, Lumnitzera spp., Xylocarpus granatum, Heritiera littoralis et d'autres espèces de mangrove.

Outre le bois, on obtient aussi du sucre de nypa dont la majeure partie est utilisée pour fabriquer un «whisky», local. Deux distilleries autorisées fonctionnent à Kuching et consomment au total 85 t de sucre de nypa (1976) pour produire 82000 I d'alcool; 24 t ont été exportées à Brunéi.

Sabah

La côte du Sabah est abritée dans sa majeure partie et les mangroves sont très étendues. La superficie totale des forêts de mangrove est estimée à 365 345 ha, soit 4,8 pour cent de la superficie totale du Sabah (Liew, 1977), dont 147 000 ha seulement sont considérés productifs (Liew, communication personnelle).

Le Sabah Forest Inventory Report (1973) classait la végétation de mangrove en neuf types de forêts (tableau 6), subdivisés en fonction de la hauteur et de la densité des arbres (Liew et al., 1977). On ne dispose pas de données sur la superficie occupée par chaque type de végétation.

La vaste forêt de mangrove à Cowie Harbour (Tawau) est composée de Rhizophora apiculata, R. mucronata, Bruguiera parviflora et Ceriops tagal avec, par endroits, des mélanges d'espèces moins désirables (Excoecaria, Avicennia, etc.). A première vue, B. parviflora est l'espèce dominante (Corpuz, 1972).

Utilisations traditionnelles. Entre 1950 et 1960, la forêt de mangrove était l'une des sources de revenus et de produits d'exportation (bois de feu, charbon de bois, tanin). En 1960, la demande de bois de feu et de charbon de bois avait presque cessé: le tanin avait subi la concurrence des produits synthétiques et la société qui l'extrayait a dû cesser ses activités en 1962. Sa fermeture a marqué la fin de l'une des plus anciennes industries du Sabah qui avait assuré un emploi à de nombreuses familles pendant plus de 70 ans (Corpuz, 1972).

Plaquettes. Les mangroves sont redevenues un produit d'exportation en 1977 avec la création de deux usines de broyage. A Cowie Harbour, l'une des sociétés a obtenu la concession de 46460 ha pour 15 ans. En 1978, le Sabah a exporté 170760 t de plaquettes. rendement moyen est de 30 à 50 t/ha (Liew, communication personnelle).

Tableau 6. Classification de la végétation de mangrove au Sabah

Type de forêt

Essences dominantes

Nypa

Nipa fructicans

Bakau/Bangkita

Rhizophora mucronata/R. apiculata

Buta-Buta

Excoecaria agallocha

Beus

Bruguiera parviflora

Tenger

Ceriops tagal

Api-Api/Perepat

Avicennia/Sonneratia alba

Nypa mixte


Autres types mixtes


Non commerciales


Source: Liew, Diah et Wong, 1977.

Système sylvicole. L'exploitation traditionnelle était basée sur un système de coupes d'écrémage et une circonférence minimale. Pour les coupes destinées à la production de charbon de bois, le diamètre minimal était de 20,5 cm à hauteur d'homme, et pour le bois de feu et les poteaux de 10,2 cm à hauteur d'homme. Pour les forêts équiennes, le résultat a été une coupe blanche, ce qui n'a toutefois pas posé de graves problèmes car les coupes étaient petites et ne dépassaient jamais 300 ha (Liew, Diah et Wong, 1977).

Avec la naissance des industries de broyage intéressant des coupes de 2000 à 4 000 ha, le système de la circonférence minimale a dû être révisé. La limite minimale est maintenant de 10 cm mais, dans les peuplements équiennes, les semenciers doivent être épargnés à raison de 80 arbres/ha. Toutes les essences non commerciales dépassant 10 cm de diamètre à hauteur d'homme doivent être abattues. Un rideau-abri de 10 m de large doit être maintenu le long des côtes, des rives, des estuaires et des cours d'eau, de façon à prévenir l'érosion et à constituer une source de graines (Corpuz, 1972: Liew, Diah et Wong, 1977).

Régénération. Les informations publiées ne mettent pas en lumière l'ampleur des problèmes de régénération des mangroves.

Liew, Diah et Wong (1977) ont étudié l'abondance des plants de mangrove dans une réserve vierge avant l'abattage, et des enquêtes sur la régénération après abattage ont été effectuées dans deux types de forêts de mangrove (Liew, Diah et Wong, 1977). La régénération semblait suffisante dans la forêt à Rhizophora mais on n'a pu établir s'il était possible d'aménager avec succès la forêt à B. parviflora dans le cadre du système basé sur la circonférence minimale fixée actuellement.

Références

Ahmad N., 1966, Poissons et pêcheries des Sundarbans. Dans Les problèmes scientifiques des deltas de la zone tropicale humide et leurs implications: actes du colloque de Dacca. 24 fév. - 2 mars 1964, Paris, Unesco. p 271-276.

CARTER, J., 1959, Mangrove succession and coastal change in Southeast Malaysia. Transactions and Papers. Inst. British Geogr. 26: 79-88.

CHAI, P.P.K., 1977, Mangrove forests of Sarawak. Dans Workshop on mangrove and estuarine vegetation 10 December 1977, Serdang Malaysia. p. 1-6.

CHAPMAN, V.J., 1976, Mangrove vegetation Valduz, Cramer. 447 p.

CHEAH LEONG CHIEW, 1977, Mangrove forests of Peninsular Malaysia. Dans Workshop on mangrove and estuarine vegetation 10 December 1977, Serdang Malaysia. p 45-52.

CHRISTENSEN, B., 1979, Mangrove resources: their management and utilization for forestry fisheries and aquaculture near Khlung Chanthaburi Province Thailand. FAO Regional Office for Asia and the Far East, Bangkok. 62 p. (Ronéotypé)

CORPUZ, V.M., 1972 The Cowie Harbour mangrove - its utilization and proposed research. Dans Proceedings of fourth Malaysian forestry conference. p. 172-178.

DAS, D.K., 1960, Mangroves of East Pakistan, their ecology and utilization. Dans Proceedings of fourth Pan-Indian ocean science association congress. Sect. d'Karachi. 6 p.

DELMENDO, M.N. & GEDNEY, R.H., 1974 Fish farming in pens - a new fishery business in Laguna de Bay. Laguna Lake Development Authority, Technical Paper No. 2. 55 p.

DIEMONT, W.H. & VON WIJNGAARDEN, W., 1975 Sedimentation patterns, soils, mangrove vegetation and land-use in the tidal areas of West Malaysia. Dans Proceedings of international symposium on biology and management of mangroves 8-11 October 1974, Hawaii. p. 513-522. Ed. G.E. Walsh S.C. Snedaker and H.J. Teas. Gainesville, Univ. Florida.

DIXON, R.G., 1959 A working plan for the Matang mangrove forest reserve Perak (first revision, 1959). Perak Malaysia, Forest Dept. 70 p.

FAO 1973a, Forestry and forest industries development. Malaysia. A national forest inventory of West Malaysia. 1970-72. Kuala Lumpur. FO/DP/MAL/72/0D9 TR5. 259 p.

GOSSELINK, J.G., ODUM, E.P. & POPE, R.M., 1974 The value of the tidal marsh. Center for Wetland Resources, Louisiana State University. Baton Rouge. Louisiana, USA. LSU-SG. 74-03. 30 p.

KULKARNI, D.H. & JUNAGAD, C.F. 1959, Utilization of mangrove forests in Saurashtra and Kutch. Dans Proceedings of the mangrove symposium, 1957 Calcutta. p. 30-35.

LAWAS, L.M. et al., 1974 Economie study on alternative uses of mangrove swamps: bakawan production or fish ponds. Dans Proceedings of Indo-Pacific fisheries council 15th Session, 1827 October 1972, Wellington New Zealand Section 2. Bangkok, FAO. p. 65-69.

LIEM, D.S. & HAINES, A.K., 1977 The ecological significance and economic importance of the mangrove and estuarine communities of the Gulf Province, Papua New Guinea. Dans Purari River (Wabo) Hydroelectric Scheme Environmental Study Vol. 3. Waigani, Office of Environment and Conservation; Konedobu, Depart ment of Minerais and Energy. 35 p.

LIEW TNAT CHIM, DIAH, M.N. & WONG YIN CHUN, 1977 Mangrove exploitation and regeneration in Sabah. Dans A new era in Malaysian forestry. Ed. C.B. Sastry, P.B.L. Srivastava and A.M. Ahman. Serdang, Malaysia. p. 95-109.

LING, S.W., 1973 A review of the status and problems of coastal aquaculture in the Indo-Pacific Region. Dans Coastal aquaculture in the Indo-Pacific region. p. 2-25. Ed. T.V.R. Pillay. London. Fishing News Books.

MACNAE, W., 1968 A general account of the fauna and flora of mangrove swamps and forests in the Indo-West Pacific Region. Adv. mar. Biol. 6: 73-270.


Début de page Page suivante