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ANNEXE 6
REVUE DES MOLLUSQUES SUSCEPTIBLES D'ETRE ELEVES EN TUNISIE

par

O. Ledoux

1. MOLLUSQUES

La Tunisie dispose de nombreuses espèces de mollusques, fixés ou non, dont l'exploitation, aussi bien par la pêche que par l'élevage est relativement récente. Ceci s'explique principalement par les habitudes alimentaires locales, qui ne faisaient que peu de place aux produits marins autres que les poissons.

La mission a analysé les possibilités présentées par 4 espèces pour l'aquaculture:

1.1 La moule

Elle vit à faible profondeur, depuis le niveau le plus élevé de la zone intertidale jusqu'à environ 10 m en-dessous, fixée à des substrats durs, est très résistante aux variations de température et de salinité et s'adapte à la vie en milieu euryhalin et hyperhalin; en tout état de cause, elle supporte mieux les salinités et températures basses qu'élevées. La salinité optimale est comprise entre 25 et 35. (Lumare, 1978)

Son alimentation est à base de phytoplancton et de fines particules organiques en suspension dans le milieu aquatique, qu'elle filtre en grandes quantités. Le volume filtré est essentiellement fonction de la température; en conditions optimales la quantité d'eau filtrée peut être de 50 à 100 fois le volume de la moule par heure.

Chez la moule, les sexes sont séparés; la période de maturité sexuelle est très longue, la ponte se produisant surtout en automne, en hiver et au printemps. Toutefois, la période de reproduction est très étroitement liée à des facteurs externes et notamment thermiques. (Lumare, 1978)

1.2 Techniques de production

La production mytilicole, en Méditerranée et en Tunisie, est essentiellement due à l'élevage. Cet élevage est basé sur la collecte de naissains dans le milieu naturel et sur le grossissement dans des zones particulièrement riches.

On a recours à la capture de naissain en utilisant des collecteurs appropriés, disposés en mer aux époques propices. Ces collecteurs sont en général constitués par des cordes végétales, de 3 à 6 m de long, disposées un peu en-dessous du niveau de l'eau; on peut aussi recueillir du naissain naturel en l'arrachant des substrats durs (rochers) sur lesquels il est fixé. En Tunisie, la collecte s'effectue par l'immersion de morceaux de vieux filets dans la zone d'élevage, et par l'achat de jeunes moules collectées sur les substrats durs.

En ce qui concerne l'élevage, en Méditerranée on adopte essentiellement, pour élever les moules, le système qui consiste à suspendre des cordes verticales portant les moules.

On fixe les moules à l'intérieur des cordes en séparant les fils qui les composent; on peut également les enfiler directement dans de longs sachets de filet, système adopté en Tunisie.

Les cordes sont suspendues à des fils ou des perches soutenus par des pieux enfoncés sur le fond lorsqu'il s'agit d'eaux lagunaires peu profondes ou encore à des chaînes de flotteurs solides ancrés sur le fond, lorsqu'il s'agit d'eaux profondes. Dans ce cas, on a l'habitude d'immerger les cordes à moules à quelques mètres de profondeur, étant donné que ce type d'élevage est pratiqué dans des eaux généralement peu protégées contre les tempêtes. (Lumare, 1978)

Sur les côtes méditerranéennes d'Espagne et de Corse, on pratique la mytiliculture sur de grands radeaux flottants auxquels on suspend les cordes avec les mollusques, technique utilisable également à Bizerte.

En 12 à 18 mois, suivant la zone, les moules atteignent les dimensions voulues pour la commercialisation (environ 6 cm de longueur). On peut arriver à produire jusqu'à 100 kg/m2 mais plus généralement de 50 à 70 kg/m2, soit 50 t par an pour une table de 800 m2.

1.2 L'huître creuse et l'huître plate

1.2.1 Biologie

Les deux espèces vivent à faible profondeur (0,50 à 20 m), sur fond sableux, sablovaseux, détritiques ou rocheux. Tandis que O. edulis préfère les eaux typiquement marines même peu salées (35) et est résistante à des variations de 24 à 45, C. gigas s'adapte bien à des eaux de salinité variable et présente des caractéristiques propres aux organismes vivant dans les estuaires. De ce fait et parce qu'elle est particulièrement insensible aux fortes variations de température et résistante à certaines maladies, et compte tenu de sa croissance rapide, C. gigas se prête particulièrement à l'élevage intensif en milieu hétérogène et dans une grande diversité de climats. (Lumare, 1978)

Les larves se nourrissent de phytoplancton de petites dimensions (nanoplancton); les adultes absorbent essentiellement des diatomées, ainsi que des particules de détritus organiques et de petits organismes zooplanctoniques.

O. edulis est hermaphrodite, en d'autres termes, la fécondation a lieu dans sa cavité palléale, ainsi que l'incubation des oeufs; elle libère ensuite les larves déjà formées. La vie larvaire dure de 10 à 15 jours; ensuite se produit la fixation sur le fond. La reproduction de O. edulis a lieu entre juin et juillet. Des bancs naturels d'huîtres plates existent en Tunisie, en particulier entre Bizerte et Ghar-el-Melh, ainsi qu'au large de Monastir, où des fixations ont été observées.

1.2.2 Techniques d'élevage

L'huître creuse C. gigas n'existe pas à l'état naturel en Méditerranée, et on doit importer le naissain d'autres régions (Côte Atlantique, Japon, Etats-Unis). Une autre possibilité consiste à produire des larves, puis du naissain en écloserie, technique déjà utilisée dans divers pays (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis). Cette possibilité demande cependant une technicité assez élevée et n'apparaît rentable que pour une production relativement élevée de naissain; les avantages principaux sont d'obtenir une sécurité dans l'approvisionnement en naissain, et de pouvoir démarrer l'élevage avec un produit déjà individualisé.

Les méthodes d'élevage du naissain d'huître jusqu'à la taille commerciale varient en Méditerranée suivant les régions. Il est possible d'utiliser des pieux en bois sur lesquels les jeunes sont fixés avec du ciment à prise rapide, ou les collecteurs en plastique de forme conique ou cylindrique, ou encore les coquilles de bivalves morts enfilées sur des cordes.

Quelle que soit la diversité des collecteurs utilisés pour le captage, le critère commun à tous les ostréiculteurs du bassin méditerranéen veut que l'on maintienne les huîtres immergées en permanence. (Lumare, 1978)

O. edulis atteint la taille commerciale en deux ans environ, suivant les caractéristiques de la zone d'élevage (température, quantité d'aliments, salinité, densité des huîtres sur les collecteurs, etc.).

En conditions naturelles, la croissance de C. gigas est supérieure à celle de O. edulis. Cette différence s'explique par la majeure capacité de filtration de C. gigas, même en eaux très froides (3°C). En conditions favorables, C. gigas peut atteindre sa taille commerciale en six mois seulement.

En Tunisie, l'huître creuse atteint sa taille commerciale en 12 mois environ.

1.3 La palourde ou clovisse

1.3.1 Biologie

Les palourdes ou clovisses sont des bivalves communs dans toute la Méditerranée occidentale ou centrale, et en Tunisie. Les palourdes, animaux filtreurs, sont récoltés dans des zones de sédiments mobiles (sableux ou sablo-vaseux), dans la zone infralittorale. La palourde trouve son optimum de température entre 20–25°C et une salinité comprise entre 20–25 g/l.

La reproduction a lieu en juillet-août; ces espèces sont à sexes séparés et ovipares. La fécondation a lieu en pleine eau, et les larves après une période pélagique, tombent et commencent leur phase post-larvaire benthique.

Les dimensions maximales obtenues sont de 5 à 6 cm, la dimension commerciale (3 cm) étant atteinte au bout de 12 à 18 mois.

1.3.2 Techniques de production

L'élevage de la palourde est actuellement en train de passer en Europe du stade de l'expérimentation pilotée à celui de la démonstration de rentabilité économique. Il concerne essentiellement deux espèces: Tapes decussata et Venerupis semidecussata.

Les opérations actuelles d'élevage sont nées des progrès effectués ces dix dernières années dans la maîtrise de la reproduction et de l'élevage larvaire.

Il existe maintenant plusieurs écloseries commerciales capables d'approvisionner efficacement les exploitations, mais elles ne fournissent généralement que du naissain de petite taille (moins de 5 mm), qui n'est pas directement utilisable pour le grossissement.

Il a donc été nécessaire de mettre au point des techniques de prégrossissement, qui font généralement appel à des structures aménagées pour la circulation efficace de bas en haut d'une eau enrichie en phytoplancton.

L'élevage des palourdes peut se faire en parc sur tables ou sur sol aménagé. Une protection efficace contre la prédation est essentielle dans les deux cas.

Dans les zones riches en phytoplancton du sud méditerranéen, des animaux commercialisables (20 g) doivent être obtenus en moins d'un an et demi. Des rendements de 15 à 20 t/ha/an peuvent être attendus en milieu lagunaire. (France Aquaculture, 1981)

REFERENCES

France Aquaculture (en collaboration avec SEPIA International et SEDES), 1981 Potentialités de l'aquaculture en Algérie. Paris

Lumare, F., 1978 Etat actuel des connaissances sur les espèces cultivables en Méditerranée. PNUE/FAO (CGPM) Consultation d'experts sur le développement de l'aquaculture en Méditerranée (en collaboration avec le Gouvernement grec) Athènes, 13–18 mars 1978.


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