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ANNEXE 9
Revue des poissons marins susceptibles d'être élevés en Tunisie

par

O. Ledoux

1. Serranidae: bar ou loup (Dicentrarchus labrax)

1.1 Biologie

Le loup (ou bar) est un poisson eurytherme et fortement euryhalin, aussi peut-il s'adapter à la vie en eau douce. Il préfère néanmoins les eaux estuarines et saumâtres, dans lesquelles il pénètre au printemps. (Lumare, 1978)

C'est un poisson essentiellement carnivore. Sa croissance est optimale autour de 25°C, mais sa plage de tolérance en température est très large (3 à 32°C). Il ne se reproduit qu'à des salinités supérieures de 10 à 20 g/l mais peut s'élever dans une gamme de salinités allant de 0,5 à 40 g/l.

Chez D. labrax, les sexes sont séparés. En règle générale sa reproduction, dans le bassin méditerranéen, a lieu de la fin d'octobre à la fin de mars, le maximum d'activité sexuelle étant atteint en janvier.

Du point de vue commercial il s'agit de l'une des espèces les plus prestigieuses; elle est très recherchée et l'on en tire des prix très élevés. La baisse progressive du nombre d'alevins le long des côtes ainsi que la pénétration décroissante des jeunes dans les étangs saumâtres d'une part et, d'autre part, la nécessité d'accroître la production de ce produit par l'élevage intensif et extensif, ont conduit à la réalisation de nombreuses études sur le contrôle de la reproduction et l'élevage des larves.

1.2 Techniques de production

a) Méthodes de reproduction induite

La première tentative de reproduction de D. labrax a été réalisée en Italie. Les recherches programmées ont commencé en 1972 en France et en Italie pour aboutir actuellement à des techniques qui peuvent être considérées comme bien maîtrisées.

La reproduction peut être induite par des injections d'hormones ou effectuée sur des animaux ayant atteint naturellement leur maturité sexuelle.

Les hormones sont, dans l'ensemble, injectées en une ou deux doses, à un intervalle de 1 à 2 jours; les oeufs sont généralement émis 3 jours après les traitements.

La quantité maximum d'oeufs pondus par kg de poisson est de l'ordre de 200 000.

L'élevage des larves est pratiqué dans les bacs ayant permis l'incubation ou dans d'autres, de volume supérieur.

L'alimentation des larves est naturelle, avec des séquences d'alimentation suivant le développement de la larve: rotifères; nauplii d'Artemia, Artemia. Toutefois, à partir d'une certaine taille, du zooplancton récolté dans le milieu naturel peut être utilisé permettant de diminuer ainsi le coût de productivité.

Des recherches sont en cours pour l'alimentation des larves directement avec des aliments composés sans passer par le stade d'alimentation naturelle.

Au poids d'1 à 2 g (3 à 4 mois) les alevins sortent de l'écloserie pour passer dans une unité de prégrossissement.

b) Prégrossissement

Pendant cette phase les alevins doivent encore être sous un contrôle soutenu, notamment au niveau de leur alimentation de façon à éviter le développement de cannibalisme. Les structures utilisées sont en général des bassins circulaires ou de type “raceway”.

Une durée de 3 mois à 3 mois 1/2 est nécessaire pour atteindre un poids de 25 g. A partir d'un poids de 5 à 10 g les alevins peuvent être transférés dans des structures de grossissement.

c) Grossissement

Les structures de grossissement peuvent être très diverses: bassins à terre, cages flottantes, enclos. Etant donné le coût relativement élevé des alevins en provenance d'écloserie, il sera recherché des techniques de productivité permettant le meilleur contrôle du stock, conduisant ainsi vers des méthodes de productivité intensives.

Le taux de survie dépend bien évidemment de la qualité de la gestion de l'élevage. Suivant les résultats des élevages effectués jusqu'à présent, il est raisonnable de prévoir une mortalité de 50% entre la sortie de l'écloserie et la taille commerciale.

L'alimentation peut être effectuée avec des déchets de poisson, de préférence sous une forme “moist pellets” ou avec des aliments composés sous forme de granulés secs. Les besoins du loup sont de l'ordre de:

protéines:17 à 50%
lipides:11 à 12%

2. Mugilidae (mulets ou muges)

2.1 Espèces et caractéristiques générales (d'après Lumare, 1978)

EspècesDistribution géographiqueTaille
 Mugil cephalus (Linnaeus)Diffusée dans toutes les mers et très commune en MéditerranéeMax:120cm
Commune:40cm
=Mugil capito (Cuvier)Méditerranée, mer Noire; Atlanque, du Maroc à la ScandinavieMax:60cm
Liza ramada (Risso)Commune:30cm
=Mugil auratus (Risso)Méditerranée, mer Noire; Atlantique, du Sénégal à la ScandinavieMax:45cm
Liza aurata (Risso)Commune:25cm
=Mugil saliens (Risso)Méditerranée, mer Noire; Atlantique, du Maroc au golfe de GascogneMax:40cm
Liza saliens (Risso)Commune:20cm
 Mugil chelo (Cuvier)Méditerranée, mer Noire; Atlantique, de l'Islande au MarocMax:60cm
=Crenimugil labrosus (Risso)Commune:25cm
=Liza provensalis (Risso)  

Les muges présentent des caractéristiques intéressantes pour l'aquaculture:

Parmi ces espèces trois sont particulièrement intéressantes du fait de leur croissance et de leur abondance: M. cephalus, M. chelo et M. capito.

2.2 Techniques de production

a) Approvisionnement en alevins

Les premiers essais de reproduction contrôlée du muge remontent à 1964. Si de nets progrès ont été réalisés depuis cette date il n'en reste pas moins que les difficultés subsistent et qu'il ne faut pas s'attendre à ce que l'on puisse passer de la phase expérimentale à la phase industrielle de la production d'alevins de moyen à court terme.

Il est donc nécessaire de se procurer les alevins dans le milieu naturel. Les lieux de capture varient suivant les comportements particuliers à chaque espèce et les dates favorables dépendent bien entendu des périodes de reproduction.

EspècesPériode de reproductionLieux de concentration des alevins
M. cephalusmi-août à début octobreEmbouchure des rivières, en remontant vers le haut de l'embouchure
M. capitodébut octobre à fin novembreMêmes lieux que M. cephalus
M. auratusdébut septembre à début novembreZones protégées (dentelures de la côte et embouchures)
M. chelodébut décembre à fin janvierMêmes lieux que M. auratus
M. saliensmi–juin à mi–aoûtPartie inférieure des embouchures des rivières

La pêche se fait à la senne dans des zones peu profondes. Les captures peuvent être importantes mais restent aléatoires. Après la capture, le transport et l'adaptation au milieu d'élevage doivent être faits avec le plus grand soin.

Cette méthode d'approvisionnement présente également l'inconvénient de ne pas permettre de sélectionner facilement les espèces les plus favorables à l'élevage. Il est en effet difficile de déterminer les espèces lorsqu'elles sont jeunes.

b) Prégrossissement et grossissement

Le muge peut être élevé en intensif. Dans ce cas un aliment du type aliment pour poulets mélangé à des déchets de poisson, rempli bien ses besoins nutritionels. Mais il est intéressant de l'élever dans des conditions semi-intensives ou extensives de manière à utiliser la production naturelle du milieu d'élevage. Le mulet se prête particulièrement bien à la polyculture avec des espèces au régime complémentaire:

Le muge est élevé traditionnellement sur le pourtour méditerranéen suivant des méthodes extensives (valliculture). Les données de croissance pour des méthodes plus intensives sont très fragmentaires. Il semblerait que l'on puisse espérer atteindre dans de bonnes conditions d'élevage un poids moyen de 800 g à 1 kg en moins de 2 ans d'élevage à partir de l'alevin de pêche.

Dans les conditions de la station Oued El Akarit (Gabès) les premiers résultats ont été très encourageants malgré des conditions d'élevage mal contrôlées. La production a été de 1 300 kg/6 400 m2/16 mois soit 1 523 kg/ha/an. A l'introduction les alevins présentaient des tailles de 3 à 7 cm et des poids allant jusqu'à 7 g. Au 16ème mois d'élevage le poids moyen des M. cephalus était de 430 g environ et celui des M. ramada de 210 g environ (Rhouma, 1979)

L'évaluation du coût d'un aliment pour muge peut être basé sur celui de l'aliment pour poulets, en ajoutant le prix des déchets de poisson et le coût de la mise-en-forme (granulés).

3. Sparidae (daurade, Sparus aurata)

3.1 Caractéristiques générales

La daurade est une espèce dont l'élevage offrira des perspectives de développement comparables sinon supérieures, à ce qu'offre actuellement le loup lorsque son élevage larvaire est bien maîtrisé. Comme le loup, elle présente un comportement bien adapté à l'élevage intensif. Mais un régime alimentaire à base d'invertébrés et une capacité de résistance à la prédation remarquable en font aussi un très intéressant candidat à la polyculture. (France-Aquaculture, 1981)

Sa croissance est optimale autour de 18°C, avec une plage de tolérance de 5 à 35°C. Elle peut s'élever dans une gamme de salinités allant de 0,5 à 45 g/1.

C'est un poisson carnivore. Son élevage suppose donc une alimentation riche en protéines. (France-Aquaculture, 1981)

3.2 Techniques d'élevage

a) Obtention des alevins

Si la maturation sexuelle et la reproduction en captivité sont bien maîtrisées, l'élevage larvaire ne l'est encore qu'à l'échelle de quelques dizaines de milliers d'individus par an.

A la différence du loup, il est possible dans certaines régions de trouver dans le milieu naturel des quantités de jeunes daurades (médaillons) suffisantes pour apprivisionner des élevages d'un niveau de quelques dizaines à quelques centaines de tonnes/an. C'est le cas notamment à la lagune des Bibans où les quantités importantes de jeunes daurades qui sont parfois pêchées à la bordigue pourraient être à la base d'une production par élevage significative.

b) Grossissement

Les élevages traditionnels de daurades se réalisent dans le cadre d'une polyculture lagunaire extensive. Les opérations d'élevage expérimentales menées à partir des premiers juvéniles produits en écloserie ont été réalisées aussi bien dans ce cadre, que dans le cadre d'élevages intensifs en bassins et en cages flottantes, avec un égal succès. La daurade, du fait de son comportement alimentaire, est très bien adaptée aux techniques d'élevage en enclos.

Les résultats des essais de grossissement sont bien entendus inégaux. Ils indiquent une croissance supérieure à celle que l'on observe dans les milieux lagunaires, qui est déjà très rapide, et laissent espérer l'obtention d'un poids moyen de 400 à 500 g à la fin de la deuxième année de croissance dans des conditions optimales.

4. Soleidae (sole, Solea vulgaris)

4.1 Caractéristiques générales

La sole est le poisson plat dont l'élevage offre les plus intéressantes perspectives de développement en Méditerranée. Mais, par le fait que c'est un poisson benthique à petite bouche, se nourrissant sur le fond et de préférence la nuit, son élevage fait appel à un ensemble de techniques qui sont encore mal maîtrisées.

Sa croissance est optimale aux environs de 20°C et sa plage de tolérance s'étend entre 2 et 28°C. Elle peut s'élever dans une gamme de salinités allant de 5 à 40 g/1.

C'est un poisson carnivore se nourrissant dans la nature de petits invertébrés benthiques. Son élevage suppose une alimentation riche en protéines et de bonne tenue à l'eau. (France-Aquaculture, 1981)

4.2 Techniques de production

a) Obtention des alevins

La maturation sexuelle, la reproduction en captivité et l'élevage larvaire sont techniquement maîtrisés et pourraient facilement être appliqués dans le cadre d'opérations commerciales à grande échelle. L'apparition de telles écloseries est entièrement conditionnée par la création d'un marché de l'alevin. (France-Aquaculture, 1981)

b) Grossissement

Quelques dizaines de milliers de poissons commercialisables ont été produites à partir de juvéniles nés en écloserie, dans des essais d'élevage en conditions intensives (aliments naturels ou aliments composés) comme en conditions semi-extensives ou extensives.

Ces opérations ont montré qu'il est techniquement envisageable de produire du poisson-portion (200–250 g) une vingtaine de mois après l'éclosion dans les conditions méditerranénnes. (France-Aquaculture, 1981)

5. REFERENCES

France-Aquaculture (en collaboration avec SEPIA International et SEDES), 1981 Potentialités de l'aquaculture en Algérie. Paris.

Lumare, F., 1978 Etat actuel des connaissances sur les espèces cultivables en Méditerranée. PNUE/FAO (CGPM) Consultation d'experts sur le développement de l'aquaculture en Méditerranée (en collaboration avec le Gouvernement grec) Athènes, 13–18 mars 1978

Rhouma, A., 1979 De l'aquaculture en Tunisie. Séminaire sur l'aquaculture. Bizerte, 2–3 mai 1979


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