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La foresterie au Mexique

Interview de M. Eduardo Pesqueira Olea, Ministre de l'agriculture et des eaux des Etats-Unis du Mexique

M. Eduardo Pesqueira Olea

Unasylva: Monsieur le Ministre, pourquoi le Mexique a-t-il voulu accueillir le 9e Congrès forestier mondial?

M. Pesqueira Olea: Le pays qui a l'honneur d'être choisi pour accueillir le Congrès forestier mondial bénéficie de nombreuses retombées avantageuses. La présence dans notre pays de représentants de la science forestière du monde entier, qui nous donne l'occasion de renforcer les liens entre la réalité mexicaine et ce qui se passe à l'étranger, serait déjà en soi un avantage considérable, mais le Congrès forestier mondial nous offre bien plus. Il ouvre la voie à des échanges avec les pays qui peuvent nous donner des informations scientifiques et techniques utiles à notre propre développement et à des accords de coopération technique, scientifique et commerciale avec d'autres pays ayant les mêmes intérêts que nous. En outre, il permet à la communauté forestière mexicaine de s'informer directement des progrès de la science et des techniques forestières dans les autres pays et régions du monde. Le congrès projettera l'image véritable du potentiel forestier mexicain sur la scène internationale.

Unasylva: Quelle signification aura le congrès pour le Mexique? Quelles conséquences aura-t-il pour ses programmes forestiers et pour le pays en général?

M. Pesqueira Olea: Nous avons élaboré dans le cadre de notre système national de planification un programme relatif aux forêts tempérées et aux forêts de feuillus (PRONABSE), qui définit clairement les objectifs, la stratégie et la teneur des actions à réaliser dans un proche avenir pour stimuler les activités forestières. Dans ce contexte, la présence des techniciens réunis au Congrès forestier mondial nous permettra de réviser et même d'enrichir certains aspects de nos programmes en faisant fond sur l'expérience des autres pays qui ont eu à résoudre les mêmes problèmes. Le congrès offre au pays hôte une magnifique occasion de promouvoir l'éducation forestière, élément essentiel du développement forestier. Seul un pays connaissant l'ampleur et la valeur de ses propres ressources peut les valoriser au mieux.

Unasylva: Qu'avez-vous l'intention de faire pour informer le peuple mexicain des activités du congrès et éventuellement susciter sa participation? Quel retentissement pensez-vous que le congrès aura à l'échelle régionale et internationale?

M. Pesqueira Olea: En réponse à votre première question, je dirais que nous mettrons en place tous les dispositifs nécessaires pour assurer un maximum de publicité aux activités du congrès, en ayant recours à tous les moyens de communication (presse, radio, télévision), pour informer le public de ce qui se fera avant, pendant et après le congrès, et pour le sensibiliser à l'importance des ressources forestières dans le monde, et en particulier au Mexique.

Parallèlement à cet effort d'information, nous exécutons actuellement un programme technique, scientifique et culturel comprenant toute une série de manifestations consacrées au thème du congrès: «les forêts au service du développement intégré de la société» dont les premières ont eu lieu en mars, et qui mobilisent la communauté technique et scientifique pour examiner et proposer des solutions aux principaux problèmes forestiers du Mexique.

Nous lancerons aussi une campagne culturelle qui se déroulera avant et pendant le congrès et comprendra notamment un colloque sur les communications, des expositions d'affiches et de photographies, un festival international du film forestier et des concerts réalisés avec des instruments de musique en bois.

A notre avis, le congrès a déjà mobilisé l'opinion publique mondiale, car la conjoncture actuelle a fait prendre conscience à la majorité des nations de l'importance de la forêt en tant que facteur de développement et de protection de l'environnement. Cet intérêt est attesté par le fait que les Etats Membres de la FAO, et notamment le Mexique, ont voulu proclamer 1985 Année internationale de la forêt. Le 9e Congrès forestier mondial sera la manifestation la plus importante de cette année de la forêt.

Unasylva: Le congrès a pour thème le rôle des forêts dans le développement intégré de la société. Pourquoi ce thème, et que signifie-t-il exactement?

M. Pesqueira Olea: Ce thème fait ressortir l'importance économique, écologique et sociale des forêts pour le monde entier et pour chaque pays. Les biens et services produits par la forêt contribuent directement ou indirectement à satisfaire des besoins, tant de la société urbaine que de la société rurale, grâce à des interactions bénéfiques qu'il faut maintenir et améliorer encore pour les générations futures.

Unasylva: On pense que le congrès formulera une «Déclaration de Mexico» sur les principes forestiers internationaux, de même que le 8e Congrès avait publié la Déclaration de Jakarta. Quel pourrait être le contenu de la Déclaration de Mexico? Que peut-on faire pour qu'elle ne reste pas lettre morte après la fin du congrès?

M. Pesqueira Olea: La Déclaration de Mexico sera l'aboutissement des débats et des recommandations du congrès. Elle devrait mettre l'accent sur les principaux problèmes que pose la conservation des ressources forestières, sur les solutions et sur l'utilisation des forêts pour le développement intégré de la société. Nous espérons qu'elle exprimera l'engagement commun de tous les pays participants d'agir pour résoudre les problèmes d'ordre technique et social qui se posent à l'échelle mondiale. Nous pensons en outre qu'elle pourra être à l'avenir un guide pour les professionnels de la foresterie.

La foresterie au Mexique

Unasylva: La première séance plénière du congrès sera consacrée aux activités forestières et à leur importance pour le développement dans les zones tempérées les zones tropicales et les zones arides. Quel rôle ont joué les forêts dans le développement du Mexique? Pensez-vous que ce rôle sera encore plus important à l'avenir, peut-être en partie grâce au congrès?

M. Pesqueira Olea: Bien que le Mexique soit doté d'un personnel forestier compétent et efficace, les activités forestières n'ont, jusqu'à présent, pas joué un rôle vital dans le développement du pays. Elles fournissent à peine 1,2 pour cent du PNB, ce qui est bien inférieur à leur potentiel. Les pouvoirs publics se sont bien rendu compte des possibilités qu'offre le patrimoine forestier, et la valorisation de ce dernier est un objectif prioritaire du programme officiel. Le Congrès forestier mondial contribuera puissamment à diffuser et à stimuler ces activités. Nous voulons sortir de la stagnation qui caractérise la production forestière depuis six ans et promouvoir une production soutenue à l'avenir.

Unasylva: Du fait principalement de la chute du prix du pétrole, les recettes en devises du Mexique ont brutalement diminué. Le pays a dû emprunter sommes considérables et se trouve maintenant lourdement endetté. Cette crise est bien connue, mais ce que l'on sait moins ce sont les effets qu'elle a pu avoir sur les programmes forestiers du Mexique. Ces derniers ont-ils été réduits? Si oui, quand sera-t-il possible de rétablir les activités qui ont été réduites ou éliminées? Peut-on espérer une expansion des activités forestières dans un avenir proche, ou faut-il attendre que la crise soit résolue?

M. Pesqueira Olea: Notre pays traverse une des crises économiques les plus graves des dernières années, et l'économie nationale a sans aucun doute subi une sévère récession. Cela a inévitablement eu des répercussions sur les activités forestières. Le ralentissement de la croissance du secteur de la construction et de l'ameublement, la hausse du prix des biens intermédiaires et du capital étranger, le coût élevé de l'argent et les difficultés de financement ont freiné la demande aussi bien que la production forestière. Mais toute médaille a son revers: les nouveaux taux de change nous ont permis de pénétrer sur les marchés au nord de notre pays et sur les marchés internationaux, si bien que nos exportations forestières ont augmenté de 271 pour cent entre 1982 et 1983

Il en est résulté un accroissement de 0,5 pour cent du PNB du secteur forestier en 1982. Si faible soit-il, ce chiffre est remarquable puisque l'activité économique d'ensemble s'est contractée de 4,6 pour cent dans le même temps.

Unasylva: Pouvez-vous décrire brièvement les principales activités actuelles du programme forestier mexicain?

M. Pesqueira Olea: Le Mexique exécute actuellement son Programme national relatif aux forêts tempérées et aux forêts de feuillus, qui est une émanation du Plan de développement national. Ce plan est fondé sur les prémisses suivantes: nécessité d'une assistance considérable pour l'organisation sociale de la production; six années de stagnation de la production commerciale de bois; accroissement des importations, en particulier de cellulose; insuffisance de l'infrastructure routière; manque d'intégration industrielle; sous-exploitation des intrants et des bois tropicaux; insuffisance des activités sylvicoles et des plantations forestières; et lois forestières inchangées depuis 24 ans. En établissant le programme, on a également tenu compte du fait que si l'on n'agit pas immédiatement, le Mexique aura en -1990 une facture d'importation d'un milliard de dollars U.S. pour les produits forestiers. Les inégalités et les troubles sociaux s'aggraveront, et l'environnement continuera à se dégrader.

Le programme a pour principal objet de faire participer les propriétaires à la protection et à la production des forêts, d'exploiter intensivement les ressources forestières, de protéger l'environnement et de réduire le déficit de la balance commerciale.

Unasylva: Les terres forestières du Mexique couvrent plus de 1,4 million de km² dont environ 48 pour cent portent une végétation de zone aride, 19 pour cent sont couverts de forêts tempérées, 9 pour cent de forêts tropicales et 24 pour cent sont classés comme «autres». Une de ces catégories est-elle considérée comme prioritaire, et est-il prévu de modifier, dans l'avenir, l'ordre des priorités?

M. Pesqueira Olea: Nous considérons comme prioritaires les forêts tempérées à cause de leur production de biens et services, de leur infrastructure et de leur potentiel inexploité. Mais, conformément à la priorité accordée au secteur forestier dans le plan de développement national, nous consacrons davantage d'attention aux forêts de feuillus et aux zones arides. Un programme pilote est en cours pour l'exploitation intégrée des forêts de Quintana Roo. Un autre porte sur l'exploitation intégrée des ressources du désert de Chihuahua.

Unasylva: Le Mexique importe aujourd'hui trois fois plus de bois et produits dérivés et deux fois plus de produits forestiers autres que le bois qu'il n'en exporte. Ce déséquilibre est-il considéré comme acceptable ou bien est-il prévu de le corriger?

M. Pesqueira Olea: Nous le jugeons totalement inacceptable Bien plus il est devenu une grave cause de préoccupation dans notre pays. N'est-il pas paradoxal qu'avec notre riche patrimoine forestier nous ne soyons même pas en mesure de satisfaire notre demande intérieure? Je rappellerai que 85 pour cent de nos importations forestières consistent en pâte, papier, carton et vieux papiers; le reste est constitué bois travaillés, sciages, traverses, panneaux et certains produits dits secondaires tels que résine, caoutchouc et latex.

Pour corriger cette situation, le Mexique lance des programmes de rationalisation des importations sous l'égide du Comité des importations de produits forestiers dans la zone de la frontière du nord-ouest, qui a été créé à cet effet. Les exportations relèvent du Comité de la productivité et du contrôle de la qualité de l'industrie forestière nationale, également créé récemment, et auquel participent les pouvoirs publics et l'industrie privée.

En outre, nous cherchons à promouvoir le Programme de la pâte et du papier, qui est actuellement notre pro gramme le plus important. Il s'agit d'atteindre l'autosuffisance en cellulose en mettant en place de six à huit usines modulaires adaptées aux ressources et aux conditions du Mexique. Ce projet sera appuyé par un ensemble de mesures économiques comportant des ajustements tarifaires, des incitations fiscales et des financements des activités forestières.

Unasylva: Y a-t-il des plans d'expansion ou de nouvelles constructions de scieries, d'usines de pâte et papier ou de fabriques de panneaux?

M. Pesqueira Olea: A cause de la récession économique dont souffre l'économie mexicaine, la croissance des principaux secteurs utilisateurs de produits forestiers (construction, ameublement, transport, publications, arts graphiques) a ralenti ces dernières années. Mais plusieurs mesures destinées à stimuler et réactiver les investissements dans les industries forestières sont prévues dans le cadre du Programme de réorganisation économique et du Programme de protection de l'emploi et de la productivité. Cet effort aboutira à la construction de trois nouvelles fabriques de contre-plaqué et de panneaux. En outre, l'industrie de papier journal se développera, et six usines de fabrication de pâte chimique et de pâte mécanique pour le papier kraft seront construites. Aucune nouvelle scierie n'est prévue car la capacité actuelle suffit aux besoins du pays.

OAXACA au travail sur la carte des forêts du Mexique

Unasylva: Quelle est la situation actuelle des forêts mexicaines? Quels sont les principaux problèmes: incendies, insectes, maladies, pollution atmosphérique, surexploitation, cultures itinérantes? Que fait-on actuellement au Mexique pour conserver et restaurer les forêts? Est-il prévu de créer de nouvelles zones protégées, des réserves forestières ou des parcs nationaux? Comment la population rurale est-elle intégrée aux activités forestières?

M. Pesqueira Olea: Comme tous les pays forestiers, nous avons de graves problèmes d'incendies de forêt, de maladies et ravageurs, et de pollution. Cette dernière est particulièrement grave dans la vallée de Mexico. La sur-exploitation et l'agriculture itinérante créent aussi des difficultés, en particulier dans les zones tropicales et sub-tropicales. C'est à l'occasion de la restructuration du secrétariat des forêts qu'un nouveau service de conservation vient d'être créé. Ses fonctions sont les suivantes.

· administrer et aménager les 206 zones protégées et les 19 réserves forestières du pays;

· régler l'utilisation des sols dans toutes les zones forestières en appliquant les principes de l'aménagement des bassins versants;

· restaurer et protéger les terres forestières par des moyens mécaniques et en établissant la végétation appropriée;

· veiller à ce que les changements de l'utilisation des sols dans les zones à vocation forestière soient faits rationnellement.

En ce qui concerne la restauration des terres, le Département de l'agriculture et des ressources en eaux (SARH) prévoit cette année de reboiser 12000 ha et de restaurer 7560 ha de terrains dégradés. Ces programmes seront élargis, et nous reboiserons à l'avenir 50000 ha par an selon diverses formules.

Pour faire participer les populations rurales aux activités forestières, nous prévoyons de former les paysans à toutes les activités forestières, depuis la production du bois jusqu'à l'industrie. Nous avons des programmes de mobilisation de la population rurale pour les travaux de pépinière, de reboisement, de protection et de restauration des terres forestières et de prévention des incendies. Ces programmes ont pour objet de créer de l'emploi, mais aussi d'associer les organisations paysannes aux pouvoirs publics dans l'effort de conservation, de protection et de valorisation des terres qui leur appartiennent.

Coopération régionale et internationale

Unasylva: Sur le plan culturel, le Mexique est proche des pays d'Amérique centrale et du Sud mais, par ses forêts de conifères, il s'apparente plutôt aux Etats-Unis, en particulier aux Etats du sud-est. Comment ces deux parentés ont-elles influé sur les efforts de coopération régionale du Mexique? Quelles sont les structures, les activités et les programmes de coopération régionale?

M. Pesqueira Olea: Le Mexique possède non seulement des forêts de conifères, mais aussi des forêts tropicales et des zones arides. Les activités importantes qu'il mène dans ces trois environnements lui donnent une expérience qui lui permet de participer aux programmes de coopération avec les pays d'Amérique centrale et du Sud.

Unasylva: Pourriez-vous décrire brièvement le rôle actuel du Mexique dans l'assistance et la coopération internationales dans le secteur forestier?

M. Pesqueira Olea: Notre coopération avec les pays d'Amérique centrale et du Sud dans le secteur forestier comporte des activités d'éducation, d'assistance technique, de recherche et de coïnvestissement, ainsi que des accords commerciaux spécifiques. Nous aidons à créer et financer les centres d'éducation forestière au titre d'accords bilatéraux d'assistance technique.

Unasylva: Quel est, selon vous, le rôle de la FAO dans les activités forestières internationales? Qu'est ce que l'Organisation pourrait faire de plus que ce qu'elle fait actuellement?

M. Pesqueira Olea: La compétence technique de la FAO est reconnue dans le monde entier. Elle est attestée par maints travaux et études qui orientent une grande partie des activités forestières de nombreux pays. Les échanges réalisés à l'occasion de réunions internationales - congrès mondiaux ou groupes d'études techniques -, les publications statistiques, les études spécifiques et les programmes d'éducation ont en particulier été très utiles au Mexique.

Le champ d'action et la continuité des programmes de coopération pourraient être accrus, et il faudrait également améliorer la coordination des programmes de coopération spécifique entre les divers pays afin de mettre au point les moyens techniques permettant de mieux exploiter les diverses ressources forestières.

Unasylva: Merci beaucoup, Monsieur le Ministre.


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