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La foresterie au Mexique après le congrès

Entretien avec
Léon Jorge Castaños Martínez

León Jorge Castaños Martínez était Vice-Président du Comité d'organisation du 9e Congrès forestier mondial il a également été Sous-Secrétaire d'Etat à l'agriculture et aux ressources hydrauliques, chargé des forêts, au Gouvernement mexicain. Cet entretien s'est déroulè le 5 juillet 1985 dans la salle des congrès du Centre médical de Mexico, siège du 9e Congrès forestier mondial.

Unasylva: Quelles actions précises, selon vous, pourraient résulter de ce congrès? Ii a bénéficié d'une large publicité dans les médias. Pensez-vous que cela incitera les gens à réclamer une action énergique en faveur des forêts?

M. Castaños: Le secteur forestier mexicain a été très négligé, et il reste marginal. Bien que le Mexique soit un pays en développement avec une population rurale nombreuse, son potentiel forestier est inexploité. Nous sommes convaincus que les activités forestières peuvent favoriser le développement économique, social et écologique du pays. Nous pourrions ainsi multiplier par quatre notre contribution au produit intérieur brut, équilibrer notre balance commerciale et améliorer la situation économique des populations riveraines des forêts.

Est-il possible de trouver davantage de fonds pour le forestier au Mexique? Votre économie traverse en effet un moment très difficile: le prix du pétrole est bas depuis plusieurs années, et une dévaluation du peso pourrait intervenir. Par ailleurs, le Mexique a signé cette semaine un accord d'assistance technique avec/a FAO. A votre avis, comment les financements disponibles pour la forêt peuvent-ils être accrus, soit par/es ressources nationales soit grâce à l'assistance internationale?

Il est exact que nous nous trouvons actuellement dans une situation économique très difficile. Je pense cependant que l'on commence à se rendre mieux compte que le Mexique devrait, dans tous les domaines, améliorer sa productivité et son efficacité. Certes, nous ne pouvons pas nous attendre à voir tous nos problèmes résolus par l'argent, mais nous avons des raisons de croire que dés l'instant où le gouvernement aura mieux pris conscience de l'importance de la forêt, il sera amené à reconsidérer la répartition de ses allocations de fonds. Face au déclin prévisible de l'importance du pétrole à plus ou moins lointaine échéance, le moment est venu d'accorder une plus grande attention aux ressources renouvelables de la forêt.

Par ailleurs, deux ans déjà avant le congrès et mobilisés par ce dernier, nous nous sommes employés, via la Banque interaméricaine de développement et la Banque mondiale, à financer le secteur forestier. Avec la première nous avons passé près de deux ans en analyses, études et échanges de missions, tandis qu'avec la Banque mondiale nous n'en sommes, à cet égard, qu'au début. A notre avis, il importe au plus haut point que le Mexique formule d'ores et déjà un programme de développement forestier et le tienne prêt au cas où les conditions économiques redeviendraient plus favorables, car alors nous aurons plus de chances d'obtenir un appui financier. En outre, à la clôture de ce congrès, le Président du Mexique signera un décret proposant, pour la première fois dans l'histoire du pays, des incitations financières en faveur de la foresterie. Ce que je tiens à faire remarquer c'est que, indéniablement, le pays est en crise, mais que plus sensibilisés désormais aux problèmes forestiers nous pouvons espérer consacrer à la foresterie un peu plus d'attention et, peut-être, un peu plus d'argent.

Prévoyez-vous un resserrement de la coopération en Amérique latine, en particulier entre le Mexique et le reste de l'Amérique centrale, ou pensez-vous que les pays s'attacheront surtout à élaborer leurs propres politiques nationales?

Beaucoup de pays, par exemple le Mexique, le Pérou, la Colombie et le Brésil, sont à la fois des pays boisés et des pays en développement, d'une part retardataires sur le plan social et d'autre part dotés d'un riche potentiel forestier. Nous autres, pays d'Amérique centrale et d'Amérique latine, nous avons de nombreux problèmes en commun: nous possédons des ressources tropicales immenses qui ne sont pas mises convenablement en valeur. Selon moi, nous n'avons ni l'expérience, ni les relations extérieures, ni les antécédents voulus pour une politique régionale commune.

L'un des thèmes les plus débattus au cours de ce congrès est la participation populaire, et en particulier celle des ruraux au secteur forestier. Les organisations non gouvernementales ont sans aucun doute un rôle important à jouer à cet égard. Pouvez-vous nous dire comment vous voyez les possibilités futures de participation populaire au Mexique?

L'administration forestière, au Mexique, a toujours été très centralisée. Il n'y a pas eu de décentralisation au profit des Etats ou des municipalités ou collectivités locales. Le forestier est, par définition, quelqu'un qui s'occupe d'arbres et de biologie. Confinés dans une administration centrale et n'ayant donc qu'une vue étroite des problèmes, il n'est pas étonnant que nos forestiers n'aient pas su mettre en œuvre une politique efficace. Mais ces 15 dernières années les choses ont commencé à changer. La nouvelle politique forestière du Mexique est très claire; elle montre que ce n'est qu'en associant les populations rurales à la production, à la protection et au développement que nous pourrons résoudre les problèmes.

Pour ce qui est des organisations non gouvernementales, je pense que le gouvernement a besoin d'organisations indépendantes qui puissent jouer un rôle de critiques et d'interlocuteurs, car il arrive parfois qu'au niveau du gouvernement il y ait un manque d'autocritique ou d'objectivité. Depuis peu, toutefois, on a fait un effort pour consulter la population et solliciter son point de vue.

L'un des objectifs de la foresterie sociale est de procurer aux membres des collectivités rurales nourriture et abri ainsi qu'à la longue emplois et revenus. On espère ainsi leur donner les moyens de rester en milieu rural et leur éviter l'exode vers les villes. Mexico, avec une population de 16 ou 17 millions d'habitants - peut-être même 25 millions - est sans doute à l'heure actuelle la plus grande ville du monde. Le gouvernement mexicain a-t-il pour politique d'encourager le maintien sur place des populations rurales et de stopper l'exode vers les villes? La foresterie peut-elle jouer un rôle à cet égard?

Si Mexico compte 16 millions d'habitants c'est surtout parce que nos politiques de développement ont favorisé la centralisation politique, culturelle et sociale. Nous avons oublié et mis à l'écart l'environnement rural - agriculture, élevage, etc. - et délaissé les forêts, car elles sont dans les zones de montagne où il n'y a pas de routes et où ni les industries ni les services n'ont été développés. La quasi-totalité des habitants de ces régions ne trouvent pas de travail et vont en chercher dans la capitale.

Dans les diverses zones du Mexique où l'on a œuvré au développement forestier, non seulement les gens restent sur place, mais même les parents qui étaient partis vivre à Mexico commencent à revenir au pays. Pour les plus démunis, la vie dans la capitale est très difficile. Là où il y a tranquillité, emploi et paix sociale, les gens se fixent généralement. Je suis convaincu qu'à cet égard la forêt a un rôle fondamental. L'important est que le gouvernement prenne davantage conscience des possibilités qu'elle offre au pays, et qu'il mette en œuvre des mesures favorisant la communication, une politique de crédit pour appuyer le secteur forestier - qui fait défaut actuellement -, des incitations financières pour encourager les réinvestissements, et enfin une administration qui soit en contact avec la population rurale et sache gagner sa confiance. Comment? En faisant appel à des fonctionnaires forestiers qui soient sur le terrain et non dans un bureau à Mexico.

Quelle sorte d'action de suivi devrait à votre avis être entreprise pour faire de ce congrès autre chose qu'un forum de débats théoriques et sans aboutissement concret?

Pour nous, le congrès atteste des efforts que nous déployons depuis deux ans pour dynamiser notre secteur forestier. Le jour même de son inauguration, deux grands objectifs ont été atteints, à savoir: la mise en route d'une papeterie qui comblera 50 pour cent de notre déficit, et la création du premier centre pour l'exportation des produits forestiers qui réunira des industriels en vue d'une action commune de promotion des exportations. Nous comptons annoncer aussi au cours du congrès le nouveau décret sur les incitations financières en faveur de la forêt. Après le congrès, nous nous attacherons à exploiter toutes ces possibilités et poursuivrons nos efforts sur le plan de la communication, de la diffusion des connaissances, de l'information du public et de l'obtention d'encouragements, d'appuis et de nouvelles sources de financement. Je crois que ce congrès nous sera bénéfique et qu'il donnera une grande impulsion aux activités forestières du Mexique.

ÉTUDES FAO: FORÊTS

29 (1982) La demande et l'offre mondiales des produits forestiers 1990 et 2000 (disponible en anglais, espagnol et français)

32 (1982) Classification and definition of forest producís - Classification et définition des produits forestiers - Classificación y definiciones de los productos forestales (en árabe, español, francés e inglés)

38 (1982) Forest productos prices - Prix des produit forestiers - Precios de productos forestales 1962-1981 (en español, francés e inglés)


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