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5. ANALYSE DES RESULTATS

5.1 LE MILIEU LACUSTRE

Du point de vue piscicole, le milieu aquatique est en équilibre, les seuls éléments perturbants étant:

  1. l'Echhomia, qui n'a cependant jamais été signalée comme envahissante, comme c'est souvent le cas ailleurs (au Zaïre, par exemple). Probablement qu'en été elle se développe, parfois jusqu'à être gênante pour les activités de pêche (pose des filets), mais elle semble se trouver ici dans des conditions limites de température, car les plantes sont minuscules en comparaison avec les jacinthes géantes du fleuve Congo ou de l'Orinoque, d'où elle est native.

  2. la sédimentation due à l'érosion excessive, ce qui peut affecter en premier lieu la phytosynthèse (eaux turbides) et donc la croissance des phytophages (Tilapia principalement) qui forment la base de la pêcherie. A la limite, cela peut affecter les frayéres, la couverture végétative immergée (déjà peu abondante) et émergée, la respiration du poisson (ce qui pourrait être le cas pour les anguilles migratrices et expliquerait en partie leur déclin).

  3. l'absence - étonnante - d'oiseaux piscivores, comme les cormorants1 qu'on ne s'explique pas par la turbidité des eaux, est peut-être saisonnière.

Le potentiel piscicole du milieu est nettement sous-exploité, car à première vue, les pêches suivantes restent à remplir:

  1. micro-phytophage qui exploiterait plutôt les composantes du phytoplancton sous-exploitées pour les Tilapia.

  2. zoo-planctonophage: cette niche est en fait fort sous-exploitée; les rotifères specialement (Moreau 1979) sont abondants, ainsi que les crevettes caridines à certaines époques et, peut être aussi, certains insectes (Chaoborus n'a cependant pas été signalé au lac).

  3. peut-être un limnivore benthique, mais pour cela il faudrait étudier d'abord la composition, ce qui n'a jamais été fait que de manière superficielle.

  4. carnivores benthiques les ressources en insectes, vers, crustacés, mollusques, etc., paraissent nettement sous-exploitées par les poissons existants et offrent même plusieurs niches à peupler. La remarquable absence des silures dans les eaux intérieures malgaches, devrait être combattue par des introductions appropriées, car ce groupe occupe justement ces niches de façon prépondérante en Afrique, Asie tropicale et Amérique.

5.2 LA PECHE

5.2.1 Les pêcheurs: Très débrouillards, l'assistance dont ils ont besoin, n'est pas tellement du domaine du matériel, mais concerne leur organisation, ceci dans le but de:

  1. pouvoir obtenir les équipements/matériaux adéquats (c'est-à-dire adaptés aux conditions locales) à des prix intéressants. En ce moment, les quantités et la qualité du matériel offert laisse parfois à désirer et les prix sont relativement élevés. La création d'une association de ce genre leur parait acceptable;

  2. pouvoir commercialiser le poisson (à un stade ultérieur éventuellement) et concurrencer les marchands existants. Ceci permettrait d'introduire une légère augmentation du prix (≅ 10 pour cent) payé aux pêcheurs, éliminerait le collecteur (les pêcheurs débarquant et vendant directement à la coopérative de commercialisation) et pourrait évacuer le poisson vers les marchés lointains où les prix au consommateur sont excessifs ( le double des prix sur les marchés locaux), pour les revendre à un prix inférieur, mais laissant tout de même un bon bénéfice, afin que le prix au consommateur puisse baisser, ne fut-ce que de 10–20 pour cent. Si la vente se fait en gros (par camionnette entière) à une institution (hôpital, école, prison, armée, etc.), le prix pourrait être le même que sur les marchés locaux (à 900–1 000 FMG/kg) soit 50 pour cent du prix de détail actuel, en laissant pourtant ≅ 100 pour cent de bénéfice net.

Par exemple, le poisson (petit à moyen) payé au pêcheur à ≅ 400 FMG/kg + frais (collecteur, transport etc.) d'environ 50 FMG/kg + 100 pour cent-de bénéfice pour le commerçant transporteur) = 900 FMG/kg vendu à Tana. Ce poisson coûte actuellement 1 800 = 2 400 FMG/kg au consommateur (100 pour cent de bénéfice au(x) revendeur(s)). Au travers d'une coopérative, 1 kg de poisson pourrait être payé FMG 450 au pêcheur + frais FMG 35 (transport principalement) + 70% de bénéfice, soit 790 FMG/kg. Même si les détaillants prennent 100 pour cent de bénéfice, le prix au consommateur pourrait baisser à ≅ 1 600 FMG/kg.

  1. Même les pêcheurs - au travers d'un programme éducatif de vulgarisation -à effectuer eux-mêmes l'auto-gestion de la pêche, y compris la vigilance et la protection des stocks. L'idée que ce sont leurs stocks et qu'eux seuls (c'est-à-dire, les pêcheurs riverains en priorité) ont des droits de pêche au lac, les motiverait à respecter la réglementation de gestion et à dénoncer les abus. De plus, cette responsabilisation, surtout lorsque les efforts bénéfiques s'en font sentir (tel l'acceptation maintenant, de la saison de fermeture, en vue de l'amélioration dans les captures), améliorerait leur niveau de vie, et par extension, celui de toute la périphérie du lac.

Accessoirement, l'encadrement technique pourrait étudier, avec les pêcheurs, divers problèmes comme celui du fibata, par exemple, pour découvrir la meilleure méthode de capture (nasses appâtées, entre autres) afin de réduire leur nombre; la factabilité du traitement du poisson, puisqu'il y a une demande (locale), par exemple, pour les petits Tilapia fumés (aussi peut-être essayer avec le fibata, pour le rendre plus acceptable), etc.

Bien entendu, ces objectifs ne peuvent être atteints qu'à moyen ou à long-terme (5 à 10 ans) selon la qualité de l'encadrement et de l'efficacité de la technique de vulgarisation appliquée.

5.2.2 L'intensité de la pêche: L'effort de pêche a probablement atteint un maximum actuellement depuis que l'on a commence à pêcher dans le lac, à moins que les recensements antérieurs n'aient sous-estimé le nombre de pêcheurs et de pirogues.2 De ce fait, la surpêche est évidente, comme elle l'est aussi dans l'utilisation de mailles trop petites afin d'améliorer le rendement. Néanmoins, le fait qu'il y ait eu amélioration depuis l'introduction de la saison de fermeture, selon les pêcheurs, prouve non seulement que la mesure est bonne, mais aussi que les stocks sont sains et la productivité haute, car il est probable que cette intensité élevée de la pêche existe déjà depuis plusieurs années (toujours selon les pêcheurs).

Il est donc évident que si l'on applique la réglementation existante (2 mois de fermeture pour protéger la faune, maille minimum de 4 cm) et que l'on limite en même temps le nombre d'unités (UEP) au chiffre actuel (soit quelque 400 en réalité) les stocks seront en mesure de se maintenir. (Si toutefois, il n'y a pas de bouleversement écologique, ce qui est susceptible d'arriver avec l'introduction du fibata.)

5.3 L'ETAT DES STOCKS

Quoique surexploités, ils sont sains dans tous les sens du mot. Il y a encore une proportion raisonnable de grands poissons (de plus d'un ou 2 ans d'âge) dans les captures (parmi les Tilapia, blackbass, carpes) et s'il est vrai qu'en juin 70–80 pour cent (en nombre) des captures sont constitués de juvéniles (principalement de Tilapia), leur très grande fécondité assure un remplacement rapide, puisqu'ils se reproduisent déjà l'été suivant leur naissance, c'est-à-dire à un an d'âge au maximum, pour des tailles respectives (50 pour cent des spécimens mûrs) de 13 cm longueur standard3, pour T. nilotica et 9,5–10 cm pour T. 3/4 (Moreau 1979).

Les poissons paraissent bien nourris (condition bonne), très peu sont maigres, malades ou malformés (blackbass, quelques carpes et T. 3/4 maigres ou malade/parasites?), un T. nilotica avec la bouche déformée et une carpe sans caudale, (probablement cause par un prédateur). Aucun parasite (sauf peut-être interne, mais les pêcheurs/collecteurs/vendeurs ne veulent pas qu'on ouvre les poissons).

Bien qu'il soit impossible de faire une évaluation en quelques semaines, il est certain que le recrutement des juvéniles de l'été précédent (classe d'âge 0) dans la population pêchée paraît soutenu (selon les pêcheurs, cela se renforce même, jusqu'en octobre) et que les poissons d'1 à 2 ans (classe d'âge I) d'environ 17–22 cm Pour T. nilotica; 14–18 cm pour T. 3/4, sont assez bien représentés, soit environ 15–20 pour cent des T. nilotica et 25–35 pour cent des T. 3/4 échantillonnés au hazard dans les captures4.

En conclusion donc, les stocks, dans l'état actuel des choses, paraissent capables de se maintenir, sans toutefois pouvoir atteindre une abondance optimale du fait de la surexploitation.

1 Thérézien (1964) signale cependant leur présence

2 Du point de vue quantitatif cependant, l'effort total de pêche n'est pas tellement plus haut qu'il n'était en 1969 (tableaux 2 et 8), soit 321 UEP pêchant par jour avec 500 filets maillants (de 75 m de surface moyenne), 69 éperviers et 1 646 nasses contre 184 UEP avec 569 filets (de 100 m2), 93 éperviers, 3 sennes et 1 037 nasses.

3 Pour obtenir la longueur totale à ces tailles, il faut ajouter ≅ 4–5 cm pour la caudale.

4 Les pour cents dans les échantillons de 10 poissons chaque, étaient extrêmement variables; de 0 à 46 pour cent pour T. nilotica; 10 à 70 pour cent chez T. 3/4; pour un total de 23 échantillonages, trop peu pour déterminer un pourcentage précis


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