Page précédente Table des matières Page suivante


Plan d'action forestier tropical pour la région Amérique latine et Caraïbes

A. Contreras

Arnoldo Contreras est forestier principal au Service des politiques et de la planification du Département des forêts de la FAO, à Rome.

Plongés dans ce qui est peut-être la plus grave crise économique du dernier demi-siècle, les pays de la région Amérique latine et Caraïbes commencent à changer d'attitude à l'égard de leurs forêts. Ils cherchent désormais à promouvoir un développement viable et une exploitation économique efficiente au lieu de laisser le champ libre à un pillage sans lendemain.

La Commission des forêts pour l'Amérique latine, à sa 15e session tenue en 1986 à San José (Costa Rica), a donné la preuve de ce changement d'attitude. Les pays participants ont adopté à l'unanimité le Plan d'action forestier tropical comme cadre pour développer substantiellement l'activité économique dans le secteur forestier et sensibiliser les décideurs au rôle que ce secteur peut jouer dans la réalisation des objectifs nationaux de développement.

La Commission a aussi recommandé que soit préparé un plan d'action forestier tropical régional adapté à la diversité des besoins et des situations des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. En août 1987, sous les auspices conjoints du Gouvernement brésilien et de la FAO, les experts de la région se sont réunis à Brasilia pour définir et analyser les problèmes stratégiques.

Le présent article, qui s'inspire des travaux de cette consultation d'experts, analyse les potentiels et les problèmes du secteur forestier dans la région et indique à quel prix la détérioration des ressources pourra céder la place à un développement dynamique dans le cadre d'un plan d'action forestier tropical pour cette région.

PÉPINIÈRE FORESTIÈRE AU PÉROU objectifs: l'agroforesterie et la restauration des terres.

Avec plus de la moitié des forêts denses tropicales du globe (680 millions d'ha), la plus vaste superficie de plantations du monde en développement (7 millions d'ha) et 250 millions d'ha d'autres forêts, la région Amérique latine et Caraïbes possède un énorme potentiel de développement forestier.

Autrefois, ce que l'on pourrait appeler «l'économie de frontière» était la norme dans la région. Les ressources naturelles, et notamment la forêt, dont la richesse semblait inépuisable, étaient exploitées sans frein.

Dans la plupart des pays, cette époque est désormais révolue. Il n'y a plus beaucoup de forêts naturelles accessibles, et les effets des abus passés sont de plus en plus visibles: détérioration de l'environnement, croissance constante des importations de produits forestiers, appauvrissement inquiétant des ressources génétiques.

La forêt recule à un rythme alarmant: entre 1950 et 1980, plus de 200 millions d'ha de forêts ont disparu dans la région. Selon les estimations de la FAO, plus de 5 millions d'ha sont défrichés chaque année. Entre autres conséquences, de plus en plus de zones manquent de bois de feu, et les projections indiquent qu'en l'absence de mesures correctives rapides ces problèmes s'aggraveront rapidement au cours des prochaines années. Les coûts sociaux de la pénurie de bois de feu et de la dégradation des terres à la suite du déboisement désordonné sont très élevés, surtout pour les ruraux les plus pauvres.

La cause profonde de la dégradation des forêts est la pauvreté, entretenue par l'explosion démographique et la dépression économique, par la très forte concentration de la propriété foncière, par la faible productivité de l'agriculture et par d'autres facteurs tels que la faiblesse des institutions et le peu de place que les politiques officielles font aux conséquences à long terme de la détérioration des ressources naturelles.

La déforestation est principalement due à l'agriculture itinérante pratiquée par les paysans sans terre. Dans certaines zones, elle est aussi due à des programmes de colonisation agraire mal planifiés.

La crise économique dont souffre la région a mis à l'ordre du jour la question de l'utilisation et du pillage des forêts et a fait naître un mouvement en faveur d'une exploitation plus efficace des ressources forestières pour gagner des devises, améliorer la situation des pauvres (qui plus que tous ont souffert de la dépression économique) et satisfaire d'autres besoins de première nécessité (logement, bois de feu).

La préoccupation croissante que suscitent la détérioration des ressources et le sous-développement sectoriel s'accompagne d'une prise de conscience parmi les décideurs du vaste capital naturel que représentent encore les forêts qui, bien aménagées, pourraient jouer un rôle beaucoup plus grand dans le développement économique à long terme de la région.

Mais en l'absence d'une réforme radicale des politiques et stratégies forestières, les forêts continueront à ne fournir qu'un apport minime à la solution des problèmes actuels de la région, à la relance de l'activité économique et au développement futur.

La crise économique

HONDURAS un bon aménagement est rentable, comme le prouve la croissance des arbres

Il n'est pas inutile à ce stade de décrire brièvement la nature, les causes et les manifestations de la crise économique qui est le trait marquant de la conjoncture régionale car, selon toute probabilité, elle durera encore plusieurs années.

Jusqu'à la fin des années 70, la région Amérique latine et Caraïbes se caractérisait par des réalisations économiques remarquables et un des taux de croissance les plus élevés enregistrés dans le monde depuis la guerre.

Le progrès social allait de pair avec l'expansion économique. En 1980, l'espérance de vie atteignait 64 ans, presque autant que dans les pays d'Europe à revenu moyen. Le taux d'alphabétisation avait augmenté et le revenu par habitant avait doublé en dépit de la rapide croissance démographique. Malgré les disparités persistantes de la répartition des revenus dans toute la région, le niveau de vie des pauvres s'améliorait au moins aussi vite que celui du reste de la société.

Le premier choc pétrolier en 1973 a stoppé l'expansion économique des pays développés, ce qui a eu des répercussions immédiates sur la région. La plupart des pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont réussi à maintenir un taux élevé de croissance économique, soit grâce aux exportations de pétrole, soit grâce à une utilisation massive des capitaux offerts en abondance à de faibles taux d'intérêt sur les marchés financiers internationaux.

Le deuxième choc pétrolier a rompu l'élan de la reprise qui s'amorçait dans le monde industrialisé. La récession s'est vite propagée dans le monde entier. Les politiques monétaires anti-inflationnistes des grands pays industrialisés se sont traduites par une flambée des taux d'intérêt désastreuse pour les pays fortement endettés sur les marchés financiers internationaux. La demande mondiale des produits qu'exporte l'Amérique latine s'est effrondrée, et l'offre de crédits nouveaux est pratiquement tombée à zéro.

Au début des années 80, la croissance économique a ralenti, et le revenu par habitant a brutalement chuté dans presque tous les pays de la région. L'Amérique latine a commencé à transférer de 25 à 30 pour cent de ses recettes d'exportation à ses créditeurs pour assurer le service de sa dette internationale qui, en 1986, avait dépassé les 400 milliards de dollars. Les importations, et en particulier celles de biens d'équipement, ont été sévèrement limitées, ce qui a compromis l'accroissement futur de la production et de la productivité. Le chômage s'est aggravé, et il semble que la situation des pauvres se soit régulièrement détériorée pendant la première moitié de la décennie.

C'est dans ce contexte de difficultés économiques et d'appauvrissement des ressources qu'il faut réexaminer le secteur forestier de la région et lui donner une priorité plus élevée en tant qu'instrument de protection de l'environnement et de croissance économique viable. Tel est le propos du Plan d'action forestier tropical.

TRANSPORT DU BOIS EN ÉQUATEUR 60 pour cent des habitants de la région utilisent la bois pour la cuisine et le chauffage.

Plan d'action forestier tropical

Le Plan d'action forestier tropical, lancé en 1985 par la FAO, en collaboration avec la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement et l'Institut pour les ressources mondiales, constitue un cadre pratique pour stimuler une sensibilisation et un engagement politique beaucoup plus résolus et pour lancer des initiatives majeures en vue de conserver les ressources forestières et de réaliser pleinement leur potentiel au service du développement.

Le cadre mondial du Plan d'action forestier tropical a été utilisé pour mettre au point un plan spécifique pour la région Amérique latine et Caraïbes. Certains grands problèmes du développement forestier sont présentés dans les sections qui suivent dans le même ordre que dans le Plan d'action forestier tropical. Cette structure s'articule en cinq domaines d'action interdépendants: foresterie dans l'utilisation des terres, développement des industries forestières, bois de feu et énergie, conservation des écosystèmes tropicaux, et institutions.

Foresterie dans l'utilisation des terres

Cette partie du Plan d'action forestier tropical concerne principalement l'interface entre la foresterie et l'agriculture. Il s'agit de protéger les ressources nécessaires à une agriculture viable et d'intégrer les activités forestières dans les systèmes agricoles pour rationaliser l'utilisation des terres et des eaux en vue de maximiser la production vivrière.

La croissance des populations rurales intensifiera encore dans la région la tendance à convertir des terres forestières à l'agriculture. Beaucoup de forêts sont considérées comme un bien commun et exploitées même lorsqu'elles ne sont pas propres à l'agriculture, jusqu'à ce que leur productivité soit détruite de façon irréversible.

Selon les estimations de la FAO, le manque de terre et la détérioration des sols entraîneront d'ici à la fin du siècle des pénuries vivrières graves dans 14 pays d'Amérique centrale et des Caraïbes, groupant 25 pour cent de la population de la région, à moins que des mesures correctives ne soient prises pour accroître notablement la productivité de l'agriculture.

Comme il a déjà été dit, la pression excessive qui s'exerce sur les terres forestières tient à la pauvreté et à la faible productivité de la petite agriculture. Dans ces conditions, il ne sera pas simple de mettre fin à la dégradation. Il faut en effet tout d'abord vaincre la pauvreté et les inégalités, chose pratiquement impossible dans un avenir proche sans une modification radicale des modèles de développement rural. De plus, le problème de l'utilisation des terres publiques est souvent aggravé par des politiques officielles malencontreuses qui stimulent les migrations rurales et l'occupation spontanée des terres dans des conditions dangereuses pour l'équilibre des ressources.

Toute stratégie de développement institutionnel doit reposer sur une nouvelle conception du développement forestier.

Ces facteurs se conjuguent pour créer dans toute la région des situations critiques. Dans les plateaux et les bassins versants d'altitude, surtout dans les Andes, les familles paysannes, exclues des terres des vallées, en sont réduites à défricher des versants à écologie fragile; des problèmes de ce genre se posent avec des variations de détail en Bolivie, au Chili, en Colombie, en Equateur, au Pérou, au Venezuela, au Mexique et en Amérique centrale.

Ailleurs, la forêt tropicale humide est défrichée par des populations démunies qui pratiquent l'agriculture itinérante, par des sociétés privées qui ont besoin de pâturages pour l'élevage extensif, ou bien pour faire de la place à des programmes de réinstallation mal étudiés. Ce genre de situation se rencontre dans les Etats de Veracruz, de Chiapas, du Yucatán et de Quintana Roo au Mexique, dans le Petén au Guatemala, le Zelaya au Nicaragua, les zones d'Olancho, de Ceiba et de Mosquitia au Honduras, certaines parties du Costa Rica et les régions de Darién et de Bocas del Toro au Panama. En Amérique du Sud, on en trouve des exemples dans les piémonts des Andes, dans l'est du Paraguay, dans l'Etat de Misiones en Argentine, en Amazonie brésilienne et au Rondônia.

La déforestation, sous l'effet de la pression démographique, a aussi entraîné la désertification de vastes zones de la région. Le déboisement accroît le ruissellement, accélère l'érosion et abaisse la nappe phréatique. Les zones arides et semi-arides sont particulièrement vulnérables. Dans de vastes zones de la région - Chaco sec, nord-est du Brésil, certaines parties du nord du Venezuela et de la Colombie, Etats de Sonora, de Chihuahua et de Baja California au Mexique -, la destruction de la végétation ligneuse et l'utilisation trop intensive des terres accélèrent la désertification et la rendent irréversible.

Dans les pays des Caraïbes, à forte densité démographique, la concurrence pour la terre est très intense et crée des problèmes analogues.

Ces situations présentent des différences dont il faut tenir compte dans la planification et l'organisation des activités futures de développement. Toutefois, il existe des éléments communs qui doivent être pris en compte dans toute stratégie d'action.

Stratégie. L'objectif prioritaire doit être de reformuler les politiques agraires sur la base d'un aménagement rationnel du territoire et en vue de faciliter aux paysans pauvres l'accès à la terre, à la technologie et au capital. Le problème de la dégradation des forêts ne saurait en effet être résolu par des politiques et programmes visant exclusivement le secteur forestier.

Deuxième condition essentielle: il faut mobiliser la participation active et volontaire des ruraux à des programmes d'auto-assistance intégrant la plantation d'arbres et des activités forestières dans les systèmes de production. Une condition sine qua non du succès des stratégies forestières est de convaincre les ruraux que la protection et l'aménagement des forêts leur apporteront des avantages concrets et évidents.

Pour cela, il faut des incitations, notamment sous la forme de sécurité d'occupation des terres et de mécanismes de soutien propres à promouvoir de nouveaux modèles de développement et de nouvelles formules, telles que l'agroforesterie, dans lesquelles la plantation et la gestion des arbres, outre les bénéfices qu'elles rapportent directement, soient un atout réel pour l'agriculture et stimulent la production vivrière et la productivité.

Comme la dégradation des terres tient généralement à la nécessité d'accroître la production agricole, il faudra en même temps s'efforcer d'améliorer la productivité dans les terres agricoles. Il convient de mettre davantage d'intrants à la disposition des agriculteurs et d'améliorer les pratiques; si cette dernière action relève essentiellement de l'agronome et du zootechnicien, la foresterie a aussi son rôle à jouer: établissement de brise-vent et de rideaux-abris, reboisement des terres d'altitude, plantation d'arbres dans les friches.

Autre condition préalable: une stratégie de développement intégrée et respectueuse de l'environnement, qui tienne compte des besoins futurs de produits des cultures, de l'élevage et de la foresterie et qui, là où la terre manque, repose sur un arbitrage judicieux entre les besoins de ces trois sous-secteurs.

Tout cela suppose un renforcement des institutions: plans et politiques plus efficaces, recherche mieux adaptée, vulgarisation plus développée, administration publique capable d'organiser les actions nécessaires en milieu rural.

L'EXPÉRIENCE LE PROUVE les industries forestières de la région peuvent être rentables et compétitives.

Développement des industries forestières

Sans industrie, la forêt n'a guère de rentabilité financière même si sur les autres plans, par exemple la qualité de l'environnement, elle peut avoir des fonctions très importantes.

Malheureusement, à quelques rares exceptions près, les industries forestières sont encore embryonnaires dans la région. La plupart utilisent des techniques rudimentaires et inefficaces, fonctionnent sporadiquement et manquent de ressources financières et humaines. Dans la majorité des pays, leur apport à la production nationale est faible. En conséquence, la région a dû importer des produits forestiers pour plus de 14 milliards de dollars entre 1980 et 1985, ce qui a contribué à la pénurie de devises.

Seuls le Brésil et le Chili possèdent des industries forestières d'une certaine importance. Dans ces deux pays, des mesures d'incitation économique sont appliquées pour stimuler le développement des industries forestières et en particulier la création de vastes plantations. Leurs programmes pourraient servir de modèle au reste de la région: ils prouvent que les industries forestières peuvent être rentables et compétitives et peuvent aussi jouer un rôle important, même sur la scène internationale, et fournir un apport appréciable aux objectifs de développement national.

Les industries forestières ne sont pas nécessairement des entreprises de grande échelle. En fait, la majorité d'entre elles sont petites et beaucoup utilisent des produits forestiers autres que le bois. Les industries petites et moyennes sont une solution efficace pour approvisionner les marchés locaux et créer des revenus et de l'emploi. Ce type de développement n'en est encore qu'au stade pilote dans la région, mais les quelques expériences qui ont été faites sont encourageantes.

Ces programmes auront plus de chances de succès s'ils sont intégrés. Il convient d'associer des activités industrielles transformant des matières premières diverses pour obtenir des produits différents, afin d'assurer une utilisation plus intensive de tout l'éventail d'essences existant dans la forêt tropicale.

Le manque de main-d'œuvre qualifiée pose de graves problèmes dans la région, notamment au niveau intermédiaire où sont prises beaucoup des décisions opérationnelles importantes. L'Amérique latine ne possède aucun centre de formation de cadres intermédiaires pour l'industrie forestière.

En outre, des techniques ont souvent été adoptées sans examen critique des diverses options possibles, ce qui explique la basse qualité de la production et la sous-utilisation du potentiel.

Les problèmes de commercialisation sont plus marqués dans le cas des industries relativement simples. La plupart de ces industries ne peuvent affronter la concurrence sur les marchés internationaux, et leur pénétration sur les marchés nationaux est limitée à cause des faiblesses des filières de commercialisation.

Le bois étant un matériau pondéreux, le transport est souvent un facteur critique dans les programmes d'industrialisation, qui peut représenter jusqu'à 60 ou 70 pour cent du coût total de la matière première.

La production de bois à usage industriel doit aussi être améliorée. Il est rare que les forêts naturelles qui approvisionnent l'industrie soient bien aménagées. Même les plantations, qui se sont beaucoup développées ces dernières années, sont rarement bien planifiées. Dans bien des cas, elles ont été établies sans examen préalable de l'offre et de la demande, alors qu'il aurait fallu prévoir leur liaison avec l'industrie et tenir compte de la demande future.

FORÊT AMAZONIENNE TROPICALE AU BRÉSIL Il peut y avoir plus de 200 essences sur un seul hectare.

De nombreuses expériences prouvent que, dans la région, les projets et programmes d'aménagement forestier sont viables sur le plan technique et économique même dans les conditions difficiles de la forêt tropicale naturelle. On peut citer, par exemple, la forêt nationale de Humboldt au Pérou, la réserve forestière de Tapajos au Brésil, le plan Sierra en République dominicaine et le plan forestier pilote du Quintana Roo au Mexique. Les exemples d'aménagement efficace des plantations ne sont pas rares non plus dans la région. Les connaissances et compétences techniques ne manquent pas pour développer ces activités et transférer les connaissances à d'autres pays ou zones de la région.

Par ailleurs, beaucoup de forêts d'Amérique centrale, des Caraïbes, des plateaux andins et des zones côtières sont dégradées; si elles étaient restaurées, elles pourraient servir de base à des programmes de foresterie industrielle. Cette restauration a donné de bons résultats en Equateur et en Colombie. Une bonne partie des plantations industrielles rentables du Chili ont été établies sur des terres dégradées impropres ou presque impropres à toute autre utilisation. Il existe des expériences analogues en Argentine et au Brésil.

Etant donné la pression démographique, ces programmes doivent prévoir la participation active des populations locales et être rentables à court terme sans gros investissements en terre, argent ou travail. Pour cela, le mieux est d'utiliser des essences polyvalentes et des méthodes agrosylvicoles.

Enfin, dans la plupart des pays, le cadre institutionnel du développement industriel laisse à désirer: politiques officielles incertaines, incohérentes ou mal coordonnées, programmes de crédit insuffisants, impuissance à appliquer les politiques forestières, par exemple en matière d'utilisation des concessions.

Stratégie. Dans la stratégie visant à éliminer ces contraintes, les objectifs ci-dessous doivent être prioritaires.

· intensifier l'aménagement des forêts afin d'accroître et de diversifier leur production et de les adapter à une utilisation industrielle;

· améliorer au plus vite l'efficience des industries et leur compétitivité aussi bien sur les marchés intérieurs que sur les marchés extérieurs:

· promouvoir des programmes de développement intégrés pour améliorer l'efficience des petites et moyennes entreprises;

· restaurer les forêts dégradées pour aider à assurer l'approvisionnement futur en matières premières.

Tout cela suppose un renforcement des appareils institutionnels nationaux.

Bois de feu et énergie

Environ un cinquième de l'énergie consommée dans la région provient du bois. La quantité de pétrole équivalente coûterait environ 8 milliards de dollars par an. Quelque 250 millions d'habitants de la région 60 pour cent environ de la population - se chauffent et font la cuisine au bois. Le bois est la principale source d'énergie pour les pauvres et une source importante pour beaucoup de petites et moyennes entreprises rurales. Il est aussi très utilisé dans des industries plus grandes (sidérurgie, cimenterie).

Dans plusieurs zones, le bois de feu manque déjà; dans d'autres, une pénurie est imminente à cause de la pression démographique et de la pauvreté.

Il existe une pénurie aiguë de bois dans les hauts plateaux du Pérou et de Bolivie, dans les zones arides et semi-arides du Pérou et du Chili, dans les zones déboisées très peuplées d'El Salvador, de Haïti et de la Jamaïque et à proximité des grandes villes. Sous l'effet de la pression démographique, de la pauvreté et de l'absence d'autres sources d'énergie, la demande a dépassé de loin les ressources en bois de feu. Quelque 25 millions de personnes se trouvent dans des situations de ce genre.

Dans d'autres cas, c'est seulement au prix de l'épuisement des ressources et en compromettant les approvisionnements futurs que la demande peut être satisfaite. C'est le cas dans plusieurs zones d'Amérique centrale et des Caraïbes, dans le centre du Mexique, au Guatemala, à Cuba, en République dominicaine, à Trinité-et-Tobago et dans certaines régions très peuplées du centre de la Colombie, du Chili et du Pérou. Environ 200 millions de personnes vivent dans de telles zones.

Ailleurs, l'offre et la demande sont en équilibre, mais la pression démographique causera prochainement des pénuries: par exemple, à l'intérieur du Venezuela et en Equateur, dans le centre du Brésil, l'est du Paraguay et de l'Uruguay et le nord-est de l'Argentine; environ 50 millions de personnes sont concernées.

L'épuisement des ressources en bois de feu et l'absence d'autres sources d'énergie contraignent à brûler de plus en plus de résidus agricoles, privant ainsi les sols d'éléments fertilisants essentiels. Ainsi, la pénurie de bois de feu n'est pas seulement un problème d'énergie; c'est aussi un problème économique et social.

Pour remédier à cette situation, il faut surmonter plusieurs obstacles. Tout d'abord, rares sont dans la région ceux qui reconnaissent la nature et la gravité de la crise du bois de feu, d'où un manque de volonté politique d'agir pour prévenir les pénuries futures. Deuxièmement, l'information et la planification laissent à désirer et la question a très peu été étudiée dans la région.

Aucun programme n'aura d'impact important sans la mobilisation des ruraux, laquelle n'est elle-même possible que si les valeurs, les priorités et les contraintes locales sont bien comprises. Il faut compter avec les complexités économiques, sociologiques et culturelles qui ne sont pas toujours clairement discernées par les planificateurs et les autres responsables des projets et programmes.

Stratégie. Un programme d'action pour combattre et prévenir les pénuries de bois de feu doit se dérouler sur plusieurs fronts, à savoir:

· Approvisionnements. Il faudrait protéger et aérer de façon plus intensive les ressources dendro-énergétiques existantes - notamment utiliser plus complètement la biomasse -, et accroître la production de bois de feu en encourageant les ruraux à planter.

· Economies. Il faudrait réduire la consommation en améliorant le rendement de la dendro-énergie. Pour cela, il convient d'améliorer la distribution et la commercialisation, et de promouvoir des techniques appropriées d'utilisation tant domestique qu'industrielle de la dendro-énergie.

· Diversification. Il faudrait utiliser d'autres sources d'énergie pour compléter ou remplacer la dendro-énergie.

· Sensibilisation. Il faudrait sensibiliser les décideurs à la nécessité de prendre des mesures correctives et aux coûts sociaux, économiques et écologiques de l'inaction.

Il existe actuellement environ 350 zones protégées couvrant quelque 53 millions d'ha dans la région Amérique latine et Caraïbes.

Conservation des écosystèmes tropicaux

La forêt tropicale est un des écosystèmes les plus riches du monde. Par exemple, en Amazonie, on peut trouver sur un hectare de forêt plus de 200 essences, soit de 15 à 20 fois plus que dans une forêt tempérée. Cette immense variété offre des options précieuses pour le développement futur.

La région est un centre de diversité de familles actuellement peu connues de légumineuses fourragères et de plantes ligneuses des habitats arides et semi-arides. Elle est également riche en espèces sauvages apparentées à des plantes cultivées importantes (cacaoyer, haricot, piment, palmier à huile, pomme de terre, hévéa, tomate, tabac, etc.). En général les sélectionneurs n'ont fait des essais que sur un petit nombre d'entre elles et ont mis au point des variétés très utilisées à partir d'une base génétique étroite. Ces cultivars sont très vulnérables aux modifications d'environnement et aux maladies. La sélection et l'amélioration génétiques futures seront tributaires du matériel génétique existant dans les plantes sauvages.

Il existe actuellement environ 350 zones protégées couvrant quelque 53 millions d'ha dans la région Amérique latine et Caraïbes. Leur répartition géographique est loin d'être satisfaisante, et certains écosystèmes sont actuellement sous-représentés. Beaucoup sont en voie de destruction et d'altération rapide.

Trop souvent, des zones protégées n'apportent aucun avantage direct aux populations locales. Dans bien des cas, elles leur portent au contraire préjudice, les excluant de certaines terres. En outre, la conservation des écosystèmes et des ressources génétiques est souvent considérée comme moins prioritaire que des activités qui répondent de façon plus immédiate et plus visible aux besoins des populations locales et des économies nationales.

Cette attitude tient au fait que les politiciens et l'opinion publique méconnaissent en général l'importance de la conservation pour un développement viable.

La carence des connaissances scientifiques sur les écosystèmes forestiers dans la région n'aide pas à améliorer la situation. Par exemple, on connaît très mal la variabilité intraspécifique, qui a une importance vitale pour l'adaptation à des environnements différents (climat, sols, ravageurs et maladies, etc.) et pour l'amélioration et la domestication. L'érosion de la diversité génétique peut même entraîner l'extinction d'une espèce.

La conservation des écosystèmes et de la diversité intraspécifique appelle plusieurs actions complémentaires: protection et aménagement de réserves judicieuse ment choisies de forêts productives; établissement autour de ces réserves de zones tampons pour les protéger contre l'influence des utilisations des terres incompatibles avec leur intégrité et permettre la survie de populations suffisamment nombreuses d'animaux sauvages dans les campagnes législation réglementant l'utilisation de la faune et de la flore. Pour la grande majorité des espèces végétales, il faudrait créer toute une série de réserves nationales in situ représentatives non seulement de leur habitat principal, mais aussi des populations isolées et des habitats atypiques où les espèces et les populations ont acquis des caractéristiques particulières sous l'effet de la sélection naturelle (par exemple, résistance à la sécheresse ou au vent).

Pour les espèces dont l'habitat est très vaste, les réserves in situ doivent en général être situées dans plusieurs pays ou même dans plusieurs zones géopolitiques. Comme le choix des réserves doit se faire selon les critères écologiques, une coordination et une coopération régionales ou sous-régionales sont en général essentielles au succès.

Conservation des écosystèmes tropicaux

Stratégie. Les principales composantes du programme d'action devraient être les suivantes:

· Zones protégées: i) Au niveau national, assistance pour la planification, l'aménagement et le développement des diverses zones protégées et la promotion de techniques appropriées pour les systèmes d'aménagement et de conservation des zones protégées à appliquer à l'échelle pilote à titre de démonstration et enfin pour les réserves in situ, ii) A l'échelon national et sous-régional, mise en place de réseaux de zones protégées propres à assurer la conservation des écosystèmes forestiers tropicaux et des ressources génétiques des espèces cibles et couvrant donc la totalité de leur habitat naturel. Les réseaux de zones protégées poursuivront des activités dont l'utilité a fait ses preuves.

· Conservation in situ de ressources phytogénétiques. Dans un cadre régional, il convient d'établir des centres phytogénétiques basés sur les instituts régionaux existants et chargés de planifier, élaborer et coordonner des activités dans ce domaine et de les harmoniser avec les activités complémentaires de conservation ex situ et d'aménagement forestier.

· Promotion de l'aménagement des forêts tropicales au niveau national en vue d'une production soutenue sans danger pour la conservation de la diversité des espèces et des ressources génétiques; mise en place de zones de démonstration et vaste diffusion des techniques.

La recherche, la formation et le développement institutionnel sont des éléments importants de ces activités qui devraient être encouragées et renforcées par les divers pays dans un contexte régional et sous-régional.

C'est dans ce contexte de difficultés économiques et d'appauvrissement des ressources qu'il faut réexaminer le secteur forestier de la région.

SCIEURS DE LONG AU NICARAGUA Il n'est pas besoin d'une grande industrie pour répondre aux besoins

Institutions

FABRIQUE DE JOUETS AU COSTA RICA les petites Industries forestières peuvent avoir une grande Importance économique

Le développement forestier ne pourra être assuré dans la région que s'il existe une capacité institutionnelle suffisante. Le développement institutionnel doit donc être un des objectifs prioritaires des activités menées au titre du Plan d'action forestier tropical.

Les institutions forestières de la région Amérique latine et Caraïbes, sont relativement récentes. Les premières remontent seulement au milieu des années 50. Pendant cette décennie, des offices des forêts ont été créés, des politiques mises au point et des lois promulguées pour permettre une meilleure utilisation des ressources forestières. Des recherches ont été menées et les connaissances se sont rapidement développées.

Le développement institutionnel s'est accéléré pendant les années 60 et 70, mais a ralenti ces dernières années. En outre, les institutions forestières souffrent encore de diverses carences qui entravent leur bon fonctionnement.

Beaucoup de politiques et de lois forestières sont désuètes et ne sont pas harmonisées avec les objectifs dans des secteurs connexes tels qu'agriculture, énergie, industrie, etc. Etant mal adaptées, elles n'ont guère de poids dans le contexte national.

Les carences des politiques et des lois se répercutent sur les administrations forestières publiques qui ont généralement un rang inférieur dans l'organigramme et fonctionnent dans un isolement relatif. Beaucoup d'administrations forestières ne sont pas intégrées avec les administrations publiques qui interviennent dans l'aménagement et la valorisation des ressources forestières et le développement des industries basées sur la forêt. Dans ces conditions, les interventions de l'Etat n'ont pas l'orientation cohérente qui serait nécessaire pour promouvoir efficacement des activités forestières. Dans certains cas, les diverses administrations publiques poursuivent des objectifs nettement contradictoires.

Les forestiers des services publics manquent souvent de contact avec les ruraux. Cette circonstance est d'autant plus regrettable que sans leur participation, il est impossible d'obtenir un impact décisif et durable. Depuis quelques années, certains pays, notamment Pérou, Equateur, Colombie et Honduras, ont expérimenté des projets de développement basés à divers degrés sur la participation des populations et, dans bien des cas, ils ont obtenu des résultats encourageants.

La plupart des administrations forestières publiques n'ont pas suffisamment de contact avec les sociétés privées et les organisations non gouvernementales, qui souvent sont les principales intervenantes dans le secteur forestier. Dans quelques cas, les pays ont mis au point des politiques efficaces à l'égard du secteur privé, ce qui a aidé à stimuler et orienter le développement sectoriel. On peut citer en particulier le Brésil, le Chili et le Mexique. Mais les contacts avec les ONG sont encore dans la plupart des cas insuffisants.

L'enseignement forestier au niveau universitaire s'est renforcé depuis 10 ou 20 ans; la région compte aujourd'hui 57 centres, contre 25 il y a 10 ans. Mais la qualité de l'enseignement est très inégale et laisse souvent à désirer. En particulier, l'enseignement forestier, dans la plupart des cas, ne comprend pas les composantes sociologiques dont les forestiers auront besoin pour exécuter des programmes participatifs et pour présenter des arguments économiques à l'appui des projets d'investissement forestier.

Au niveau technique, il existe 28 centres dans 17 pays de la région. Leur capacité est très insuffisante et ils forment plutôt un personnel assimilable aux ingénieurs forestiers de niveau supérieur que des praticiens de terrain. La formation professionnelle des ouvriers forestiers est pratiquement inexistante. L'effort qui a été fait pour l'enseignement de niveau universitaire ne s'est donc pas accompagné d'un effort analogue au niveau des écoles professionnelles ou techniques.

Un autre élément décisif pour le développement est la qualité de la recherche. Quelque 400 instituts de la région font des recherches sur des questions intéressant la foresterie. Mais 90 pour cent d'entre eux sont concentrés dans sept pays seulement: Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Mexique, Pérou, Venezuela. En outre, dans la région Amérique latine et Caraïbes, la recherche forestière porte presque exclusivement sur l'utilisation industrielle des forêts naturelles, la création de plantations industrielles et d'autres activités commerciales de grande échelle; les autres fonctions de la forêt, par exemple la contribution des activités forestières au développement rural, les rapports entre foresterie et sociologie rurale, l'utilisation ressources autres que le bois, etc., ont été négligées. De plus, la communication, la coordination et la collaboration entre les centres de recherche sont insuffisantes, et la recherche interdisciplinaire n'est donc guère développée.

Stratégie. Toute stratégie de développement institutionnel doit reposer sur une nouvelle conception du développement forestier. A quoi bon modifier l'organigramme des administrations publiques si les fonctionnaires continuent à envisager de la même façon les stratégies de développement forestier? Cela reviendrait simplement à plaquer les vieux concepts sur de nouvelles structures et n'aurait guère de résultats pratiques. Toute stratégie de développement institutionnel doit donc comporter les éléments suivants:

· Accroître la capacité et l'efficience des administrations forestières publiques, grâce à une politique sectorielle mieux conçue, à une révision du code forestier et à une meilleure intégration avec les priorités nationales et les activités des autres organismes du secteur public. Il faut également concevoir des filières permettant de faciliter l'intégration avec le secteur privé.

· Mettre au point des méthodes de planification, des systèmes d'information et des programmes de recherche appliquée pour aider à concevoir et à évaluer les projets de développement spécifique dans l'optique des priorités et objectifs nationaux et non pas exclusivement dans celle des objectifs du seul secteur forestier. En particulier, les considérations économiques doivent tenir une très grande place dans la justification des actions proposées pour le secteur forestier. La recherche doit par ailleurs être orientée de façon à donner une meilleure connaissance des ressources forestières et de leur gestion, à faciliter l'identification des options technologiques appropriées et à mettre en lumière les aspects sociologiques du développement forestier.

· Réformer le système d'enseignement forestier pour l'adapter aux besoins et aux possibilités du secteur. Il faut notamment renforcer l'enseignement du troisième cycle et surtout la formation professionnelle. A tous ces niveaux, il convient de chercher à intégrer judicieusement dans l'enseignement des éléments de sciences sociales nécessaires pour permettre de bien planifier et exécuter des projets avec la participation locale et de choisir les options d'investissement viables sur le plan financier et économique. Il faut s'attacher à bien intégrer les activités agricoles et forestières dans des programmes et projets de développement qui se renforcent mutuellement.

· Concevoir et exécuter des programmes de vulgarisation plus efficaces propres à assurer une véritable communication, en particulier avec les ruraux.

Conclusion

Les forêts sont essentielles à la stabilité de l'environnement dans la région Amérique latine et Caraïbes et, bien qu'elles soient détruites à un rythme alarmant, elles restent un atout considérable pour la croissance économique.

Le secteur forestier a donc un grand rôle à jouer dans la lutte contre la crise économique actuelle et doit continuer à assurer la viabilité des activités économiques, et en particulier de l'agriculture, par son impact écologique. Il doit aussi contribuer puissamment à créer de l'emploi et des revenus pour les pauvres de la région qui sont les plus frappés par la récession économique.

Mais cela ne sera possible que si l'on utilise judicieusement les forêts restantes au service d'un développement viable. Il faut pour ce faire une action planifiée d'une ampleur sans précédent menée sur un front beaucoup plus large que celui du seul secteur forestier. Les apports des forêts à la croissance économique et à la stabilité de l'environnement doivent être reconnus et intégrés dans les autres secteurs de l'économie nationale dans un système coordonné d'utilisation viable des ressources naturelles au service du développement.

Il existe des solutions techniques. Ce qui reste nécessaire, c'est de mobiliser l'appui du public et de fonder sur cet appui un engagement politique d'une ampleur qui soit à la mesure de la tâche à accomplir. Il semble que la communauté internationale serait disposée à appuyer cet effort mais, fondamentalement, l'action doit être basée sur l'initiative et les priorités nationales.

La tâche est énorme, mais les possibilités ne le sont pas moins. Beaucoup a été fait depuis la session de la Commission des forêts pour l'Amérique latine à San José il y a un peu plus d'un an. Des initiatives régionales et nationales sont lancées et beaucoup d'autres le seront dans un proche avenir. On peut espérer que tous ceux qui s'occupent du secteur forestier utiliseront le Plan d'action forestier tropical pour créer la masse critique d'action nécessaire à l'accélération du développement forestier dans la région dans le cadre d'un Plan d'action forestier tropical régional.

Exécution du plan d'action forestier tropical dans la région

Les pays de la région sont déclarés très désireux d'entreprendre des actions concrètes pour atteindre les objectifs stratégiques brièvement décrits dans cet article. Au cours de sa dernière session, la Commission des forêts pour l'Amérique latine a accepté le Plan d'action forestier tropical comme cadre conceptuel global pour l'action et a recommandé des activités à l'échelle régionale et nationale pour assurer son exécution au plus tôt.

Combien cela coûtera-t-il?

L'exécution du Plan est subordonnée à la fourniture de financements suffisants. On estime qu'il faudrait d'ici à l'an 2000 de 975 millions à 1,18 milliard de dollars U.S. par an, selon les scénarios, pour gérer les ressources forestières à divers usages (voir tableau). Quelque 440 à 650 millions de dollars seraient nécessaires pour assurer l'approvisionnement des industries, et le reste servirait à accroître l'offre de bois de feu et à créer des plantations à d'autres usages (systèmes agrosylvicoles, lutte contre l'érosion et la désertification, aménagement des bassins versants, conservation des écosystèmes forestiers). En outre, il faudrait de 2,5 à 4,2 milliards de dollars par an pour financer les programmes de développement industriel et remplacer les installations surannées. Quelque 150 millions de dollars par an seraient utilisés pour améliorer les infrastructures et l'efficience des administrations publiques, et 70 millions de dollars seraient consacrés à des pro jets d'assistance technique.

Ce sont là des chiffres considérables. Avec des politiques appropriées, le secteur privé pourrait fournir l'essentiel des financements nécessaires. Le reste devrait être assuré par l'Etat. Diverses initiatives sont lancées dans la région pour mobiliser l'effort nécessaire en vue de la préparation et de l'exécution des programmes et projets.

Les actions

Au niveau des pays. L'action concrète doit se situer principalement au niveau des pays, et des activités dans le cadre du Plan d'action forestier tropical sont déjà en cours dans plusieurs pays de la région: études sectorielles multidonateurs, consultations préparatoires, discussions préliminaires avec les gouvernements.

Deux principes de base régissent l'exécution du Plan d'action forestier tropical au niveau des pays.

Premièrement, l'ampleur et les modalités des mesures d'exécution du Plan d'action forestier tropical doivent être décidées par les gouvernements des pays participants eux-mêmes, qui en conservent la principale responsabilité et doivent être prêts à lui donner un maximum d'appui politique et pratique.

Deuxièmement, le Plan échouera s'il est considéré comme un exercice intéressant exclusivement le secteur forestier. Son succès exige qu'il soit étroitement lié aux autres secteurs de l'utilisation des terres agriculture, élevage, énergie et qu'il soit reconnu comme un élément de la politique nationale de développement rural.

Ces deux principes se reflètent dans l'approche souple qui, jusqu'à présent, a caractérisé les mesures d'exécution du Plan en Amérique latine.

La première étape du processus est la demande d'assistance technique formulée par un gouvernement. La FAO ou d'autres organismes de développement participants donnent suite à cette demande et envoient des spécialistes de haut niveau s'entretenir avec les fonctionnaires responsables pour examiner en détail la gamme d'options ouvertes dans le pays pour l'application du Plan. A la suite de ces entretiens, le gouvernement peut déterminer la meilleure façon de tirer parti du Plan d'action forestier tropical dans le contexte des besoins et priorités du pays.

Plusieurs pays ont décidé de demander une mission multidonateur d'examen sectoriel. Cette mission comprend normalement une organisation d'assistance au développement qui joue le rôle de chef de file et qui, en accord avec le pays hôte, organise une équipe composée de spécialistes nationaux et de représentants des organismes d'assistance participants. La mission peut durer plusieurs semaines et se déroule parfois en plusieurs stades, à la suite de quoi un rapport est présenté au gouvernement. Souvent, un séminaire consécutif est prévu pour discuter du rapport avec de hauts fonctionnaires nationaux. L'examen a pour objet d'aider à formuler un plan forestier national dans le cadre du Plan d'action forestier tropical.

Des missions sont financées par le gouvernement du pays hôte et par les organisations donatrices participantes, souvent avec un appui du PNUD.

Les pays de la région où de telles missions ont été organisées ou sont en préparation sont notamment la Bolivie, la République dominicaine, Panama, le Pérou et le Guyana.

Plusieurs gouvernements ont décidé d'établir eux-mêmes leur plan national avec une assistance technique des forestiers de la FAO ou de consultants: c'est le cas de l'Argentine, du Costa Rica, de la Colombie et du Mexique. En Colombie, le Plan d'action forestier tropical national est préparé par des experts nationaux avec une assistance financière du Gouvernement des Pays-Bas.

Là aussi une table ronde ou un séminaire consécutifs peuvent être organisés pour faire participer les donateurs potentiels. Au Honduras, par exemple, un plan national de développement forestier a été établi avec l'assistance de consultants techniques de la FAO. Avec l'appui du PNUD, une série de projets prioritaires ont été identifiés. Le gouvernement a ensuite invité les organismes donateurs à participer à une table ronde pour examiner le plan national et les projets prioritaires proposés.

Au niveau de la région. La FAO a préparé en 1987 une adaptation du Plan d'action forestier tropical à la région Amérique latine et Caraïbes. Le Plan d'action régional a été examiné par des experts réunis à Brasilia du 4 au 7 août 1987. L'analyse des problèmes stratégiques présentée dans cet article est un des résultats importants de cet exercice. Le Plan régional offre un cadre de référence général pour l'étude des problèmes et des potentiels communs et l'identification des domaines d'action prioritaire dans la région.

L'étape suivante de la mise au point d'une approche régionale du Plan d'action forestier tropical aura lieu à la 16e session de la Commission des forêts pour l'Amérique latine et les Caraïbes, qui doit siéger à la Jamaïque en avril 1988. Le Plan d'action et les possibilités qu'il offre à l'échelle régionale seront l'un des principaux points inscrits à l'ordre du jour de cette session.

Besoins annuels d'investissement d'ici à l'an 2000: Plan d'action forestier tropical pour l'Amérique latine et les Caraïbes (millions de dollars U.S.)

 

Scénario 1

Scénario 2

Scénario 3

Projection de la FAO

Taux d'autosuffisance constant

Autosuffisance complète

Développement et aménagement des ressources forestières

954-991

1087

1182

Production de bois d'œuvre et d'industrie

418-455

551

646

Aménagement des bassins versants

182

182

182

Plantation d'arbres pour le bois de feu et d'autres usages

300

300

300

Conservation des écosystèmes tropicaux

54

54

54

Développement industriel

2156-2973

3672

4204

Renforcement des institutions

150

150

150

Assistance technique

73

73

73

Total

3333-4187

4982

5609


Page précédente Début de page Page suivante