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PROGRAMME DE RECHERCHE:
CONSERVATION DES ECOSYSTEMES DE TECK DU ZAMBEZE PAR LEUR AMENAGEMENT ET LEUR EXPLOITATION RATIONNELLE
1

par

R.D. Ayling 2 et A.C. Mubita 3

La Zambie possède une grande diversité de ressources naturelles, notamment forestières et faunistiques, qui sont d'importance vitale pour le développement de son économie. Plus de la moitié du pays est boisée, et 9,8 pour cent de son territoire sont des forêts protégées. Cependant, le déboisement s'accroît sous l'effet conjugué des défrichements agricoles, des feux de brousse, de l'exploitation forestière, de la récolte de bois de feu et de la production de charbon de bois pour les besoins domestiques et le séchage du tabac, en particulier autour des grands centres urbains.

Une Stratégie nationale de la conservation, appelant à la conservation et à une meilleure gestion des ressources génétiques importantes, a été élaborée en Zambie au début des années quatre-vingts. Déjà auparavant, une importante initiative dans le domaine de la conservation avait été prise par le Département des forêts de Zambie, avec une assistance de la FAO. Il s'agissait de la création de deux réserves (d'une superficie totale de 36 hectares) dans la province de Sesheke, pour la conservation d'échantillons représentatifs de forêts de teck du Zambèze (Baikiaea plurijuga). Le teck du Zambèze, localement appelé “mukusi”, est une essence importante pour la fourniture de bois d'oeuvre. Les forêts naturelles dans lesquelles on le rencontre renferment également d'autres essences forestières utiles, ainsi que diverses plantes d'intérêt médicinal.

Les recherches antérieures sur les méthodes propres à stimuler la régénération naturelle n'ont connu qu'un succès modéré, et ont montré qu'elle était insuffisante à elle seule pour maintenir ces écosystèmes. La floraison et la fructification sont capricieuses, la dissémination des graines médiocre, et les graines comme les semis sont en butte aux attaques des animaux sauvages. Les semis sont en outre soumis à une concurrence intense de la part d'espèces buissonnantes colonisatrices d'Acacia et Combretum, qui constituent des fourrés denses désignés sous le nom de “mutemwa” (Piearce, 1986). Les premières recherches sur la régénération artificielle portant sur les techniques de propagation, les essais d'espacement et les plantations d'enrichissement ont donné des résultats prometteurs, et permettent de penser que l'on peut agir sur les conditions de milieu de manière à assurer au moins une réinstallation limitée de l'espèce (Malaya, 1986).

La nécessité de conserver et aménager rationnellement les peuplements de teck du Zambèze a fait l'objet d'une conférence internationale qui s'est tenue en 1984 à Livingstone, Zambie (ZFD, 1986). A l'issue de cette conférence, la Division de la recherche du Département des forêts de Zambie sollicita une assistance du CRDI 4, qui se traduisit par le programme de recherches ci-dessous. Celui-ci répond aux préoccupations de la conférence de Livingstone et aux objectifs de la Stratégie mondiale de la conservation visant à la préservation de la diversité génétique et à l'utilisation durable des espèces et des écosystèmes.

OBJECTIFS DU PROGRAMME DE RECHERCHE

L'objectif à long terme du projet, placé sous la direction du Département des forêts de Zambie, est d'élaborer des méthodes efficaces de gestion et de régénération des forêts de teck du Zambèze.

Le projet a en outre des objectifs définis susceptibles d'être atteints ou tout au moins amorcés au cours de ses trois années d'existence:

  1. mettre en place et aménager des unités de gestion du patrimoine génétique in situ au sein des forêts productives;

  2. étudier des méthodes de régénération artificielle tant in situ qu'ex situ;

  3. promouvoir des efforts nationaux et régionaux d'aménagement durable de ces écosystèmes.

ACTIVITES DU PROJET

Le projet a démarré fin 1987 par une réunion de travail des parties intéressées en vue d'exposer les recherches proposées. Des peuplements de conservation génétique ou de gestion du patrimoine génétique doivent être identifiés dans les forêts productives et désignés comme Aires naturelles dirigées selon les directives internationales (FAO, 1984). La coopération et l'appui actif des sociétés d'exploitation forestière locales sera indispensable, et plusieurs d'entre elles ont déjà manifesté leur intérêt. La délimitation de ces unités sera faite avec le concours des populations locales, afin d'éviter les conflits fonciers possibles. La taille envisagée de ces aires naturelles dirigées devrait être de 10 à 50 ha, afin de permettre la mise en place de parcelles jumelées; ce sera un compromis entre un idéal biologique et le souci de répondre aux besoins socio-économiques locaux. Les parcelles jumelées permettront une comparaison entre peuplements soumis à divers traitements et strictement conservés. Des interventions sylvicoles seront menées dans des sous-parcelles en vue de favoriser la conservation et la régénération des principales essences forestières; elles pourront comprendre le brûlage contrôlé destiné à réduire le sous-étage indésirable, l'extraction des sujets malades ou attaqués par des insectes, des éclaircies de différentes intensités, des semis directs et des plantations d'enrichissement. L'un des objectifs de ces aires naturelles dirigées est de fournir en définitive des sources de semences d'origine et de qualité connues, et en conséquence une zone tampon sera établie à leur périphérie afin de réduire la contamination par du pollen d'origine non locale.

Des plans d'aménagement seront établis pour chacune d'elles, dans le double but de maintenir la variation génétique tout en permettant une exploitation ordonnée par les collectivités rurales (bois de feu, menus-produits forestiers, pâturage limité par le bétail).

Des graines ou des matériels végétatifs, identifiés et caractérisés par l'unité d'origine, seront utilisés pour produire des plants destinés à des plantations d'enrichissement et à la création de peuplements de conservation ex situ. Des recherches sur toutes les essences importantes de ces écosystèmes seront entreprises par la Division de la recherche forestière du Département des forêts avec le concours du Département de biologie de l'Université de Zambie. On cherchera à stimuler le développement du système radiculaire en pépinière par le cernage des racines destiné à provoquer la formation de racines latérales, la taille destinée à améliorer le rapport racine:tige, l'emploi de mélanges de terre améliorés comprenant des polymères pour accroître le système radiculaire. S'il s'avère possible, le bouturage de tiges aidera à la conservation de matériel génétique, et sera utilisé pour la constitution de banques de clones ex situ pour des génotypes déterminés.

S'il bénéficie d'un effort de recherche et d'un appui technique et financier suffisants, et suscite un intérêt international, ce projet devrait avoir pour résultat la constitution d'un ensemble de peuplements de conservation in situ convenablement aménagés, qui fourniront un matériel de large base génétique en vue d'amélioration et d'étude scientifique. Les populations rurales devraient également bénéficier d'un approvisionnement assuré en bois de feu et autres biens et services fournis par la forêt, ainsi que d'un emploi régulier et permanent.

On escompte que ce projet servira en même temps de modèle pour d'autres pays engagés dans la conservation et l'utilisation de leurs ressources génétiques forestières (notamment les pays voisins où Baikiaea plurijuga est indigène).

Pour plus d'information, les lecteurs sont priés de contacter les auteurs de cet article.

REFERENCES

FAO 1984 Guide pour la conservation in situ des ressources génétiques d'essences forestières tropicales. FAO, Rome. FGR/Misc/84/2. (196 pp.)

FAO 1985 Peuplements de conservation génétique in situ: Réserves botaniques de Malavwe et de Kataba. In: Rapport final du Projet FAO/PNUE de conservation des ressources génétiques forestières, pp.18–28. FAO, Rome. (171 pp.)

FAO 1988 Conservation in situ des forêts de teck de Zambie. In: Ressources génétiques. Leur conservation in situ au service des besoins humains, p.12A. FAO, Rome. (sous presse)

Malaya, F.M. 1986 A Review of Silvicultural Research in the Zambian Teak Forests. pp. 167–177. In “The Zambezi Teak Forests” (G.D. Piearce, ed.). Zambia Forest Department. (535 pp.)

Musokotwane, I.E.O. & S.F. Kufakwandi. 1986 The Importance of the Teak Forests in the Zambian Economy. pp.375–383. In “The Zambezi Teak Forests” (G.D. Piearce, ed.). Zambia Forest Department. (535 pp.)

Piearce, G.D. 1986 Comment sauver les forêts de teck du Zambèze ?. Unasylva 38(152): pp.29–36.

ZFD 1986 “The Zambezi Teak Forests”. Proceedings of the First International Conference on the Teak Forests of Southern Africa, March 1984, Livingstone, Zambia. (G.D. Piearce, ed.). Zambia Forest Department (535 pp.)

1 Basé sur les manuscrits suivants:
(i) Article de R.D. Ayling pour IRGF, reçu en juin 1988.
(ii) Article de A.C. Mubita pour IRGF, reçu début 1986.

2 Senior Programme Officer, Centre de recherches pour le développement international, Nairobi, Kenya.

3 Chief Forest Research Officer, Forest Research Division, Ministry of Land and Natural Resources, P.O. Box 2099, Kitwe, Zambie.

4 Le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) a été créé en 1970 par le Parlement du Canada pour encourager et appuyer la recherche dans les pays en développement sur des questions d'importance nationale au bénéfice des populations, notamment des populations urbaines et rurales les plus démunies. Des bureaux régionaux du CRDI existent à Singapour, Bogota, New Delhi, Dakar, Le Caire et Nairobi. Son siège se trouve à Ottawa.


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