9.2 Techniques de lutte contre les ravageurs

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9.2.1 Mesures d'hygiène. Il est capital de réduire la population initiale de ravageurs et d'empêcher la propagation de tout insecte. Avant d'engranger une nouvelle récolte, il faut:

Figure 9.1 Nettoyage de l'entrepôt.

Figure 9.2 Désinfection des sacs.

- balayer tous résidus de grains répandus, de poussière, etc.;
- dépoussiérer le matériel de manutention et l'outillage;
- désinfecter les sacs et les paniers en les exposant au soleil ou en les traitant chimiquement.

Il faut également savoir que les grandes installations exigent généralement un traitement chimique et que pour les petites structures rurales, on utilise la fumée, le soleil ou la pluie; au bout d'un certain temps, les insectes quittent un crib ou un rumbu propre et vide.

Des mesures de lutte doivent être prises rapidement afin de prévenir l'infestation des cultures qui sont en train de mûrir dans les champs.

9.2.2 Résistance naturelle. Les variétés culturales réagissent différemment aux attaques des ravageurs d'entreposage. En règle générale, les variétés traditionnelles sont plus résistantes que les nouvelles. Si l'on introduit de nouvelles variétés, il faut prendre des mesures pour améliorer les techniques d'entreposage et de lutte contre les ravageurs.

Certaines variétés nouvelles de mais et de doliques font actuellement l'objet de travaux de sélection en vue d'améliorer leur résistance à l'entreposage et l'on commence à les trouver dans le commerce.

Certaines caractéristiques botaniques favorisent la résistance à l'entreposage des variétés culturales suivantes.

Mais. Des spathes bien enveloppantes peuvent atténuer l'infestation dans le champ, et également réduire la prolifération des ravageurs si le mais est stocké en spathes.

Sorgho. Les variétés dont les glumes recouvrent le grain tendent à être plus résistantes avant le battage.

Riz. Le paddy est considérablement plus résistant aux ravageurs que le riz usiné.

Doliques. Les gousses sèches intactes assurent une bonne protection contre les bruches; s'il n'est pas possible de faire une fumigation ou d'assurer l'étanchéité de l'entrepôt, il vaut mieux stocker les doliques sans les battre.

Céréales. La dureté du grain augmente sa résistance.

9.2.3 Entreposage hermétique ou scellé. L'étanchéité à l'air, qui permet de réduire la quantité d'oxygène et d'augmenter la teneur en dioxyde de carbone, arrête le développement des insectes et des moisissures.

Le grain utilisé pour la consommation humaine ou comme semence doit être sec; dans les grains humides, l'action des bactéries et des enzymes continue, provoquant une altération et une perte de viabilité.

Les denrées ensachées doivent être protégées; si les sacs ne ferment plus (du fait des insectes, des rongeurs ou d'une mauvaise manutention), le grain n'est plus protégé; il prend de l'air et peut subir des pertes importantes. Dans le nord du Nigéria (zone aride), on emploie un procédé satisfaisant qui consiste à stocker des doliques battus dans des sacs en plastique scellés doublés de coton; le coton empêche les insectes de perforer le sac en plastique.

9.2.4 Techniques chimiques. Les insecticides employés sur les produits entreposés peuvent se présenter sous la forme de:

- poudres
- aérosols
- fumigants

Les insecticides présentent généralement une certaine toxicité pour l'homme, les animaux domestiques, la volaille, etc., aussi faut-il les utiliser avec précaution et notamment:

En général. les insecticides ne tuent pas tous les insectes et les acariens. Il faut donc choisir un produit chimique ayant soit un « large spectre », soit une toxicité spécifique pour les lépidoptères et les coléoptères. Les acariens peuvent exiger un traitement spécial.

Les insecticides tendent à perdre de leur action sous l'effet:

- d'une forte humidité
- de températures élevées
- de la lumière du soleil
- du temps

En magasin, les produits chimiques doivent être à l'abri de ces facteurs si l'on veut qu'ils conservent leur efficacité. Dans les produits entreposés, les insecticides à rémanence prolongée agissent plus longtemps contre les ravageurs, mais augmentent le risque pour le consommateur. Les insecticides ont une rémanence très variable Il convient de choisir l'insecticide approprié à l'objectif visé; par exemple, on emploiera des produits rémanents pour traiter les structures d'entreposage et des produits non rémanents pour des pulvérisations dans l'air ambiant.

Les insectes peuvent acquérir une résistance physiologique et développer un comportement de défense à l'égard des insecticides. Un emploi excessif ou inapproprié de produits chimiques rendra les insectes résistants. Il faut donc veiller à utiliser la juste dose et à n'employer les insecticides qu'en cas de nécessité.

9.2.5 Fumigation. Les produits chimiques qui attaquent l'appareil respiratoire des insectes sont appelés fumigants.

Les fumigants peuvent se présenter en formules:

- sulfure de carbone
- tétrachlorure de carbone
- dichloroéthane
- dibromoéthane

- gaz cyanhydrique
- bromure de méthyle
- phosphine

On exprime la concentration d'un fumigant en milligrammes par litre d'espace occupé.

La CT du produit est la concentration du fumigant multipliée par le temps en heures qui supprimera 99 pour cent des ravageurs visés. Le tableau cidessous fournit des détails sur la CI' de quelques produits pour des fumigants couramment utilisés; ces chiffres ne sont donnés qu'à titre indicatif, car divers facteurs peuvent entrer en jeu.

TABLEAU. CT du produit en mg/litre/heure à appliquer à quelques Insectes nuisibles

 

Eepèce d'insecte

Composé chimique Rhyzopertha Sitophitus Tribolium Trogoderma
Sulfure de carbone 294 325 560 700
Tétrachlorure de carbone - 4 500 2 000  
Dichloroéthane 636 1200 365 2080
Bromure de méthyle 0,60 1,0 0,50 331

Quelques caractéristiques des fumigants les plus courants sont mentionnées ci-après.

Le sulfure de carbone peut être considéré à juste titre comme un bon fumigant, mais il est très inflammable; une étincelle provenant du choc d'un clou sur une pierre peut le faire exploser. c'est pourquoi il est rarement utilisé de nos jours.

Le tétrachlorure de carbone semble être un fumigant médiocre, mais, en fait, il a un haut pouvoir de pénétration; on le mélange souvent avec d'autres fumigants moins pénétrants pour faciliter la distribution de ces derniers dans le produit. Il est ininflammable, mais utilisé pendant une période prolongée il peut provoquer chez ceux qui l'emploient des lésions hépatiques.

Le dibromoéthane semble efficace, mais il est vite absorbé et par conséquent pénètre très mal dans le grain.

Le dichloroéthane est inflammable et ne pénètre pas bien. Son utilisation n'est pas recommandée.

Le bromure de méthyle est un fumigant excellent, mais il est inodore et très toxique, aussi ne doit-il être utilisé que par des équipes expérimentées.

La phosphine est également un fumigant excellent et relativement facile à utiliser. Elle est employée sous la forme d'un mélange de phosphore d'aluminium et de carbamate d'ammonium. Ces éléments sont stables tant qu'ils restent contenus dans des récipients hermétiques; par contre, exposés à l'air, ils absorbent de l'eau et libèrent de la phosphine, de l'ammoniac et de l'acide carbonique. La phosphine contient normalement des impuretés qui la rendent spontanément inflammable, mais la présence d'ammoniac et d'acide carbonique élimine ce danger. Grâce à sa formule chimique particulière, on dispose de 30 minutes pour répartir le mélange avant que le gaz se libère. Ce gaz a une odeur forte et désagréable qui le rend facile à détecter. La phosphine est le seul fumigant qui n'interfère pas avec la germination si le grain doit être utilisé comme semence. Les autres fumigants peuvent influer sur la germination si les grains sont exposés trop longtemps à leur action.

En pratique, pour effectuer une fumigation, il faut tenir compte de l'échelle des opérations et de la sécurité.

Lors de fumigations à petite échelle, les céréales et autres denrées peuvent être traitées au tétrachlorure de carbone dans un bidon ou fût de 150 litres. On verse environ 150 ml de produit à la surface du grain, on assure ensuite l'étanchéité du bidon en collant une bande adhésive à la jonction du couvercle et du corps du fût et on laisse le grain pendant 14 jours. Si ce grain est destiné à l'ensemencement, il faut l'aérer après la fumigation, sinon la germination risque d'être difficile.

Pour les opérations à grande échelle, la fumigation à la phosphine peut se faire au moyen de différentes formules: tablettes, pastilles ou poudre en sachets. Les fabricants fournissent des instructions sur les quantités à employer. La fumigation des sacs de grain peut se faire sous des bâches en plastique; le grain est mis en tas sur une bâche de plastique, puis recouvert d'une autre bâche; après insertion du fumigant, les deux bâches sont bordées ensemble et des sacs de sable sont posés sur les bords pour empêcher l'air de pénétrer.

S'il n'est pas possible de recouvrir le tas de grain, il faut fermer hermétiquement le bâtiment avant de procéder à la fumigation. Une autre méthode, encore faut-il qu'elle soit réalisable, consiste à envelopper d'une bâche toute la structure avant la fumigation.

La sécurité est primordiale. Les fumigants peuvent tuer aussi bien les hommes que les insectes et certains d'entre eux peuvent provoquer des désordres graves chez les personnes qui sont exposées à de faibles concen trations de ces produits pendant une période prolongée. En conséquence, les réserves de fumigants ne doivent pas être entreposées dans des bureaux ou des magasins où des gens travaillent.

Un accident peut arriver, c'est pourquoi deux personnes doivent toujours être présentes au moment de la fumigation. C'est une opération qui ne doit être effectuée que par un personnel qualifié travaillant sous la supervision de personnes compétentes.

Si l'on se sert de la phosphine, l'opérateur doit porter un masque à gaz pourvu de la cartouche appropriée. La fumigation à la phosphine est si facile à effectuer que de plus en plus de personnes utilisent ce procédé sans vraiment en connaître les dangers. Certains fumigants sont contenus dans des récipients que l'on ne peut reboucher, au risque qu'un reste de produit demeure dans un bureau ou même dans une maison. Quand on ôte le couvercle ou la bâche de couverture après une fumigation, une forte concentration de gaz persiste pendant un bref moment; là encore il y a danger. En principe, ce fumigant ne devrait être manipulé que par des spécialistes de la protection des végétaux, mais ils sont si rares et les résultats de la fumigation sont si bons que les commerçants s'emploient à répandre ces produits. Etant donné qu'il semble inévitable que la phosphine tombe entre les mains de personnes inexpérimentées, il faut inciter les médias (presse, radio, télévision) à donner le plus d'informations possible sur son mode d'emploi.

9.2.6 Techniques biologiques de lutte contre les ravageurs. Ces méthodes sont efficaces dans certains cas. On a utilisé Bacillus thuringiensis pour éliminer certaines espèces d'insectes infestant les céréales entreposées. Les chats sont très efficaces contre les rongeurs à l'intérieur et autour du périmètre de l'exploitation, mais ils ne doivent pas être introduits dans les entrepôts.

9.3 Lutte chimique: méthodes spécifiques

9.3.1 Poudres insecticides. La méthode consiste habituellement à mélanger au produit une poudre diluée à 2,5-15 ppm d'ingrédient actif selon l'insecticide au moment du chargement et de l'ensachage.

La quantité appropriée de poudre est mesurée et versée dans une boite percée, ou un sac en plastique perforé, et saupoudrée sur le produit, couche après couche.

Quand il s'agit de grain en vrac, il est plus efficace de mélanger la poudre avec le produit en les secouant dans un récipient de métal, en les remuant à l'aide d'une pelle sur une toile posée sur le sol ou dans un tambour pivotant. Des appareils spéciaux sont vendus dans le commerce pour les gros volumes.

Figure 9.3 Comment mélanger la poudre insecticide et le grain.

Figure 9.4 Traitement du mais en épis.

Ce type d'insecticide pose plusieurs problèmes.

Les applications sont appropriées aux cribs et à l'entreposage en vrac, mais sont plus efficaces dans ce dernier cas. Elles ne conviennent qu'en milieu sec. Les produits chimiques recommandés et éprouvés sont le malathion et le lindane/Gamma BHC; les produits potentiellement meilleurs sont le pirimiphos-méthyl et les pyréthrines synthétiques.

9.3.2 Aérosols insecticides. La méthode consiste à verser 10-15 ppm d'ingrédient actif dans le minimum d'eau nécessaire pour avoir une couverture uniforme d'environ 0,3-2 litres/tonne, selon l'applicateur. Une si petite quantité d'eau ne peut pas provoquer de moisissures. L'insecticide peut être appliqué au moyen d'un applicateur d'usage ménager courant du type Shelltox, mais un pulvérisateur porté sur le dos requiert moins de main d'ceuvre. L'application des aérosols diffère selon le type de stockage. Dans les entrepôts, les procédures suivantes sont appliquées.

Dans les cribs, l'application se fait directement sur le produit. Si l'infestation a commencé dans le champ et si elle est importante, il est avantageux de vaporiser le contenu de chaque panier pendant le chargement; autrement, on applique l'insecticide sur le pourtour du crib après chargement; on répète l'opération aussi souvent que cela est nécessaire, si possible chaque mois.

Les aérosols comportent certains problèmes, notamment:

Les produits chimiques convenant à cet usage sont les pyréthrines synthétiques généralement employées pour les pulvérisations dans l'atmosphère ou pour lutter contre les grands foreurs des grains, le dichlorvos utilisé pour une brumisation automatique (à noter la forte toxicité pour les mammifères), et le malathion ou le pirimiphos-méthyl à usage général (peu coûteux et peu toxiques).

9.3.3 Fumigations. Les méthodes comprennent la fumigation du produit dans les conteneurs ou la fumigation des surfaces. On place le produit dans des tambours, des sacs en plastique, sous des bâches ou des feuilles de plastique. Après application du fumigant, il faut tenir le produit à l'abri de l'air pendant au moins trois jours pour la Phostoxin, ou à peu près un jour pour le DBE, selon les doses employées. Lorsqu'on effectue la fumigation de piles dans des entrepôts, il faut vaporiser le toit et les murs en même temps pour prévenir une réinfestation. Les grains doivent être protégés contre une réinfestation ultérieure.

Les applications de fumigants différent selon le type de culture. Elles sont indispensables pour les cultures d'exportation - arachide, café, cacao. Au niveau de la petite exploitation, la fumigation peut se justifier pour les semences de cultures de grande valeur, comme les légumineuses à graines.

Les fumigants sont très dangereux s'ils sont mal employés; il ne faut pas les utiliser dans les lieux d'habitation. Un autre problème est leur manque d'effet résiduel.

Il existe deux types de formules pour les composés chimiques servant aux fumigations.

9.4 Toxicité

Tous les insecticides sont aussi, dans une certaine mesure, toxiques pour les mammifères.

La toxicité est généralement exprimée en fonction de la DL50. Techniquement, c'est la dose requise en mg d'ingrédient actif (ia) par kg du poids du consommateur pour tuer, dans des conditions déterminées (mode et durée de l'applications, 50 pour cent de la population test, habituellement des rats.

On pourra raisonnablement se fonder sur la DL50 d'un composé chimique pour évaluer sa toxicité pour l'homme, et donc les risques que comporte son emploi. Il faut néanmoins signaler que quelques composés ont une action puissante sur certaines sortes d'animaux - par exemple, les insecticides organophosphorés comme le fenitrothion sont très toxiques pour les oiseaux, y compris les poulets.

Au sujet de la toxicité des insecticides recommandés, se reporter à la section 9.6.

9.5 Formules et dosages

Les insecticides que l'on trouve dans le commerce consistent en une quantité, généralement faible. d'un composant toxique, l'ingrédient actif, combiné à d'autres substances telles que:

C'est ce mélange que l'on appelle la formule et qui possède des caractéristiques particulières:

- poudres à utiliser à sec;
- poudres à diluer, à mélanger à de l'eau pour pulvérisation;
- concentré émulsifiable (ce) pour pulvérisation.

La concentration de l'ingrédient actif dans la formule est toujours précisée, soit directement: «Malathion, poudre à 5 pour cent », c'est-à-dire 5 pour cent d'ingrédient actif, soit indirectement: «Actellic 25 ce », ce qui signifie 25 pour cent d'ingrédient actif en solution.

Les dosages peuvent indiquer:

Il est important d'être capable de convertir les indications d'un système à un autre. Par exemple, a appliquer Actellic à raison de 15 ppm d'ingrédient actif » signifie qu'il faut 15 g d'ingrédient actif pour I million de grammes de produit - soit 1 tonne.

La quantité d'insecticide requise pour une pulvérisation peut être mélangée au volume d'eau approprié; par exemple, si l'on emploie Actellic 25 ce pour pulvériser un crib, on peut utiliser soit une pompe manuelle du type Shelltox, auquel cas il faudra mélanger 60 ml de solution à 250 ml d'eau, soit un pulvérisateur pb3 à dos, et il faudra mélanger 60 ml de solution à 5 litres d'eau. Dans les deux cas, la totalité de la solution sera pulvérisée sur I tonne de produit.

S'il est recommandé d'employer une concentration particulière de solution, les calculs seront les mêmes.

(Note: 300 ml de pb + 700 ml d'eau donnent 1 litre de liquide à pulvériser.)

9.6 Quelques insecticides à utiliser sur les produits entreposés - résumé des propriétés

Gamma BHC/lindane

- produit organochloré
- très stable
- effet oral aigu, DL50 sur les rats 88 mg/kg
- nocif pour le bétail et les poissons
- éviter de l'appliquer sur des céréales alimentaires
- certains insectes résistent à ce composé

Malathion

- produit organaphosphoré
- rémanence limitée
- DL50 2 800 mg/kg
- à usage général, poudre ou pulvérisation lodofenphos (Nuvanol, Elocril)
- produit organophosphoré
- rémanence limitée
- DL50 2100 mg/kg
- à usage général, poudre ou pulvérisation

Pyréthrines synthétiques (Perméthrine)

- rémanence limitée
- DL50 3 000 mg/kg
- poudre ou pulvérisation; coûteux

Pirimiphos-méthyl (Actellic)

- produit organophosphoré
- rémanence limitée
- DL50 800 mg/g
- à usage général, poudre ou pulvérisation

Dichlorvos (Nuvan)

- produit organophosphoré
- effet de courte durée
- DL50 80 mg/kg
- utilisé en brumisation dans les entrepôts

Propoxur (Baygon)

- carbamate
- très rémanent
- DL50 100 mg/kg
- pour les structures d'entreposage
- peu efficace contre les coléoptères


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