De nombreuses espèces de calmars existent dans les différents océans du monde et leur pêche à la turlutte peut très bien constituer une activité saisonnière d'appoint pour des pêcheurs familiers de la ligne à main ou de toute autre pêcherie traditionnelle du même genre, les techniques de base mises en oeuvre étant très voisines. Le calmar étant par ailleurs un excellent appât pour la pêche à la ligne, nous croyons utile d'inclure des considérations sur la pêche à la turlutte dans la présente brochure.
La pêche à la turlutte se pratique le plus souvent de nuit, avec des lumières brillantes suspendues au-dessus de l'eau pour attirer les calmars.
Des turluttes de différents types, différents aspects et différentes couleurs sont montées sur la ligne verticale, espacées les unes des autres d'environ 70 à 90 cm. On en monte souvent jusqu'à 8 à 12 sur une même ligne à main, beaucoup plus lorsqu'on utilise des moulinets mécanisés.
Les lignes sont descendues jusqu'à 30 à 100 m de profondeur, selon l'intensité des lampes attractives utilisées; cette profondeur est cependant bien moindre dans le cas de petits bateaux n'utilisant qu'une ou deux lampes.
Il est nécessaire que les turluttes soient constamment en mouvement dans l'eau; cela se pratique généralement de la façon suivante: on tire sur la ligne par saccades répétées dirigées de bas en haut et on la relève ainsi progressivement en rattrapant le mou entre les saccades successives, jusqu'à ce que la turlutte la plus basse soit parvenue à la surface (figure 60). La ligne est alors refilée jusqu'à la profondeur voulue et l'opération de relevage recommence de la même manière.
Le calmar est une espèce très vorace qui grandit done très rapidement. Il mange pratiquement de tout: crabes, crevettes, petits poissons et même autres calmars. Ce mollusque nage très vite et se propulse en projetant un jet d'eau; il est pourtant souvent mangé par des cétacés, phoques, oiseaux et gros poissons. Il dispose d'une poche d'encre qui lui permet de produire un nuage noir dans lequel il peut se dissimuler lorsqu'il est effrayé. Il peut aussi changer de couleur pour se confondre avec un environnement clair ou sombre et il est par conséquent difficile à repérer. Cela explique pourquoi il est difficilement capturable avec d'autres engins et pourquoi la pêche à la turlutte est souvent la meilleure technique.
Figure 60 Pratique de la pêche à la turlutte à bord d'un petit bateau: le pêcheur tire sur sa ligne par à-coups dirigés de bas en haut tout en rattrapant le mou entre deux à-coups successifs
Les turluttes à calmars peuvent être achetées (figure 61); mais vous pouvez aussi les fabriquer vous-même. Vous aurez pour cela besoin de:
Figure 61 Petite turlutte à calmars que l'on trouve dans le commerce
Figure 62 Matériel nécessaire pour fabriquer une turlutte à calmars: (a) tige d'acier ou boulon fin et long; (b) morceaux de fil de fer tordus en forme de J; (c) fil; (d) morceaux de peau de calmar ou de seiche
Prenez du fil fin et ligaturez les «hameçons» (fils de fer tordus en J) tout autour du filetage du boulon (figure 63).
Ensuite enroulez la peau autour de la tige et ligaturez-la bien avec du fil fin; profitez-en pour faire, avec le même fil, une boucle à chaque extrémité de la turlutte pour pouvoir y fixer votre ligne.
Vous pouvez, le cas échéant, remplacer la tige métallique centrale par un morceau de bambou fin (figure 64a). La suite du montage (figure 64b) est, dans le cas du bambou, la même que celle décrite précédemment. La peau de mollusque, peut éventuellement être remplacée par des bouts de plastique colorés, autour de la tige (figure 64c).
Si vous utilisez du bambou en guise de tige, faites en sorte que votre turlutte soit assez lourde pour couler. Vous pourrez pour cela soit lester votre bas de ligne, soit enrouler autour de la tige en bambou de votre turlutte une fine lamelle de plomb avant de la garnir de peau ou de plastique coloré.
Figure 63 Ligature des hameçons autour de la tige
Figure 64 Utilisation de bambou en guise de tige
Vous pouvez utiliser le même moulinet que celui décrit précédemment pour la ligne à main, mais vous avez intérêt à en construire un spécialement pour la pêche à la turlutte, avec un tambour non plus cylindrique mais de forme ovale ou elliptique, de telle façon que sa rotation produise les saccades indispensables pour cette pêche. Le tambour du moulinet à turlutte sera également un peu plus large que celui de la figure 50 afin qu'on puisse y bobiner les turluttes elles-mêmes.
Figure 65 Tambour du moulinet à turlutte
Le nouveau tambour (figure 65) devra avoir 140 mm d'épaisseur au lieu de 70 mm; il aura toujours 300 mm au plus fort diamètre et 200 au plus faible, étant de forme ovale.
L'axe du moulinet (figure 66) aura ici 230 mm de long et non plus 160.
L'axe de la poignée fera 324 mm de long au lieu de 254 mm, mais ce sont les seules modifications à apporter à la conception du moulinet lui-même.
Figure 66 Moulinet à turlutte prêt pour le montage
Pour faciliter et optimiser la pêche à la turlutte, on peut installer, débordé du pavois du bateau, un rouleau guide-ligne monté sur un cadre d'acier tendu de grillage sur lequel tomberont les calmars décrochés des turluttes; le cadre grillagé étant incliné vers l'intérieur du bateau, les calmars pêchés retomberont dans celui-ci après avoir glissé sur le grillage.
Le cadre est fabriqué avec de la cornière métallique de 40 mm de large et 3.5 à 4 mm d'épaisseur, la longueur totale nécessaire étant de 1 850 mm ou 185 cm. Trois pièces (figure 67), deux de 750 cm (A) et une de 350 cm (B) seront coupées dans cette cornière.
On découpera, à une extrémité de chacune des deux pièces (A), un des côtés de la cornière sur 30 cm de long (C); les chutes, après y avoir percé un trou de 9 mm de diamètre, serviront à fabriquer les supports du rouleau guide-ligne.
Vous pourrez alors cintrer à chaud les extrémités des cornières rendues plates par les découpes de 30 cm en ajustant la position du cintrage en fonction de l'épaisseur du bordé ou de la lisse de votre bateau. Après le cintrage, vous percerez des trous sur un côté et l'autre de l'équerre ainsi formée afin de permettre la fixation du cadre sur le bord du bateau (figure 67). La taille et le nombre des trous de fixation de l'ensemble cadre-rouleau guide au bateau dépendront des caractéristiques de ce dernier.
Découpez alors un rectangle de grillage métallique à petites mailles aux dimensions du cadre puis soudez ensemble tous les éléments ainsi préparés, comme le montre la figure 68.
Le réa du rouleau guide-ligne devrait de préférence être fabriqué dans du bois dur mais vous pourrez également utiliser un réa de plastique ou de métal si ses dimensions sont convenables. Ce réa devra avoir un diamètre de 250 mm et une épaisseur de 150 mm et être muni d'une gorge, comme le montre la figure 69.
La figure 70 montre comment le rouleau est fixé au cadre. Le réa sera percé en son centre d'un trou de 9 mm de diamètre et son axe sera constitué d'un boulon (avec écrou) en bronze ou en acier galvanisé de 180 mm de long et 8 mm de diamètre. Placez des rondelles en fibre de verre ou en plastique de chaque côté du réa et ne serrez pas l'écrou trop fort. Bloquez si nécessaire avec un contre-écrou.
Figure 67 Mesure et coupe du fer en U pour la réalisation du cadre grillagé
Figure 68 Assemblage du cadre grillagé
Figure 69 Taille et forme du réa
Figure 70 Fixation du rouleau guide-ligne sur le cadre grillagé
Figure 71 Détermination de la hauteur du guide-ligne
La hauteur du rouleau guide au-dessus du cadre grillagé dépendra du type de montage de votre ligne. Si les extrémités de vos turluttes sont reliées entre elles par la ligne (montage de bout en bout, figure 71a), la hauteur du guide importe peu; si, au contraire, chacune de vos turluttes est montée sur un avançon (figure 71b), le guide devra être surélevé afin d'éviter que les piquants des turluttes ne s'accrochent dans le grillage du cadre.
Installez maintenant correctement à bord votre système complet moulinet-cadre-davier et vous serez prêt à partir pêcher les calmars à la turlutte (figure 72).
Figure 72 Pêche des calmars à la turlutte avec moulinet manuel
Par vent fort, la pêche à main devient souvent peu productive en raison de la dérive rapide et du roulis important du bateau. L'utilisation d'une simple ancre flottante peut minimiser ces inconvénients.
Vous aurez besoin du matériel suivant (figure 73):
Figure 73 Matériel nécessaire à la construction d'une ancre flottante
Figure 74 Construction d'une ancre flottante
Commencez par piquer, sur l'un des côtés du triangle en toile, un ourlet suffisamment large pour pouvoir y glisser ensuite la tige de fer de 10 mm de diamètre (figure 74a). Une fois cette tige en place, recourbez-en les deux extrémités pour former un anneau à chaque bout (figure 74b). Cousez ensuite une ralingue sur chacun des deux côtés libres du triangle (figure 74c) en laissant dépasser suffisamment de cordage à chaque bout pour pouvoir amarrer ces ralingues aux anneaux de la barre métallique en bas et les épisser en oeil entre elles au sommet du triangle (figure 74d). Pour pouvoir utiliser votre ancre flottante, il ne reste plus qu'à y ajouter une patte d'oie et un flotteur.
Pour gréer l'ancre flottante (figure 75) vous aurez besoin du matériel suivant:
Les trois brins de la patte d'oie auront chacun de 7 à 8 m de long et seront, ensemble, amarrés à un gros émerillon sur lequel sera capelé le câblot de l'ancre flottante. Vous devrez également placer un émerillon sur l'orin du flotteur.
Quand vous n'utiliserez pas votre ancre flottante, vous la rangerez après en avoir enroulé la toile autour de la barre; embarquez-la toujours car elle peut éventuellement vous servir de voile.
Figure 75 Gréement et utilisation de l'ancre flottante
Les calmars peuvent quelquefois être pêchés à la turlutte de jour, en particulier lorsqu'ils sont regroupés en bancs sur les frayères, mais leur capture se fait surtout de nuit, à l'aide de lampes.
Il existe une autre brochure de la collection FAO Formation intitulée: Attraction du poisson par la lumière. Nous vous recommandons de lire cette brochure qui vous apportera de nombreuses connaissances en matière de pêche à la lumière, du mode de fonctionnement de cette technique, de la préparation de vos propres lampes, etc.
Figure 76 Pêche à la lumière à bord d'une petite embarcation
A bord d'une petite embarcation munie, par exemple, d'une ou deux lampes (figure 76), vous pourrez fixer celles-ci sur une lisse de plat-bord ou les déborder d'un côté (voir figure 78) et créer ainsi une zone d'ombre sous le bateau. A bord de bateaux plus grands, et avec une intensité lumineuse plus puissante, les lampes devront toujours être positionnées au-dessus du pont et assez haut. (Voir fig. 77). A bord de gros bateaux, on utilise parfois des lampes immergées; elles sont alors descendues aussi profondément que possible puis remontées doucement vers la surface (figure 78). On essaie ainsi d'attirer les calmars depuis le fond jusque vers les zones de contact entre ombre et lumière créées sous le bateau par les lampes de pont.
Figure 77 Lampes placées juste au-dessus du pont d'un plus gros bateau
Figure 78 Utilisation de lampes immergées pour faire remonter les calmars des eaux profondes vers la surface
