DÉVELOPPEMENT FORESTIER
ET GRANDS DILEMMES
IV. Forêts, échanges et environnement
La question de l'impact du commerce international sur le milieu divise les responsables nationaux. Pour certains groupes écologistes, pour ceux qui préconisent des débats sur ce thème, toute libéralisation ultérieure des échanges finirait par augmenter la demande de bois tropicaux. Aussi la méfiance de ces groupes à l'égard de tout accord commercial, à caractère régional ou mondial, visant à supprimer les barrières commerciales, n'est-elle pas surprenante. Ils sont nombreux à recommander au contraire l'adoption, lors des négociations multilatérales, de mesures plus restrictives en matière d'échanges, pour stopper le déboisement, promouvoir l'exploitation durable des ressources en bois d'uvre et relever le montant des financements compensatoires accordés aux pays producteurs de bois qui révisent leurs politiques forestières, ce qui entraîne pour eux un manque à gagner et des frais supplémentaires.
Le débat sur le commerce et l'environnement porte essentiellement sur trois points: i) l'abattage des forêts anciennes dans certaines régions de la planète; ii) les effets des distorsions politiques et commerciales sur les mesures d'incitation au commerce du bois; et iii) l'incapacité de bon nombre de pays de passer, de façon viable, de la dépendance à l'égard des forêts anciennes à l'exploitation des forêts secondaires et d'adapter leur capacité nationale de transformation aux disponibilités effectives de bois d'uvre.
Après un bref aperçu de la structure du commerce international des produits forestiers, cette section se penche sur la question des barrières commerciales, des restrictions sur les exportations et les importations de bois d'uvre, des interdictions d'importer des bois tropicaux et de la réglementation des échanges à des fins écologiques, notamment par l'introduction d'un label garantissant le respect du milieu et la certification du bois d'uvre.
Cette section analysera les divers aspects du débat sur le commerce et l'environnement ayant trait à la foresterie, sans négliger pour autant un certain nombre d'autres questions importantes, par exemple l'impact de la libéralisation des échanges sur la répartition sociale des richesses, des ressources et des revenus. L'ouverture des marchés tend en effet à concentrer les richesses et à les redistribuer aux groupes économiquement actifs, et ce au détriment des couches moins favorisées et moins efficaces de la société. Une intervention des pouvoirs publics s'avère donc nécessaire pour corriger la concurrence imparfaite et les défaillances du marché. Comment assurer la distribution durable de la production et régler les conflits relatifs aux ressources forestières, tels sont les problèmes qui se posent dans un contexte d'échanges commerciaux libéralisés que les nations sont maintenant appelées à affronter, dans toute leur complexité.
Tableau 14 | ||||
Commerce mondial des produits forestiers | ||||
Région |
1961 |
1992 | ||
Total |
Bois rond |
Total |
Bois rond | |
(........................................... millions de dollars ...........................................) | ||||
Monde |
6 039 |
708 |
103 331 |
9 876 |
Pays développés |
5 493 |
408 |
86 455 |
6 402 |
Pays en développement |
546 |
300 |
16 876 |
3 474 |
COMMERCE MONDIAL DES PRODUITS FORESTIERS
Un quart environ de la production mondiale de bois d'uvre entre dans le commerce international; il représentait plus de 102 milliards de dollars en 1992, soit environ 3 pour cent des échanges mondiaux de marchandises (voir tableau 14). Le commerce des produits dérivés du bois progresse plus rapidement que la production. Les pays développés, qui assurent plus de 80 pour cent des échanges internationaux, dominent le marché, qui est entre les mains de quelques pays: les cinq principaux importateurs (indiqués à la figure 12) assurent 50 pour cent des importations mondiales, et plus de la moitié des exportations mondiales sont assurées par cinq pays. Le Brésil, l'Indonésie et la Malaisie assurent 10 pour cent des exportations mondiales et 50 pour cent des exportations des pays en développement.
Les produits forestiers sont une composante importante du commerce extérieur de bon nombre des grands pays exportateurs; les produits ligneux représentent plus de 20 pour cent des exportations totales du Cambodge, de la Finlande, de la Guinée équatoriale, du Laos, du Libéria, du Myanmar, de la République centrafricaine et des îles Salomon; et plus de 10 pour cent de celles des pays suivants: Cameroun, Canada, Congo, Côte d'Ivoire, Fidji, Finlande, Gabon, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Suède et Swaziland. Le Canada exporte près de la moitié de sa production, tandis que d'autres pays sont fortement tributaires des importations, notamment de papier. Quelque 80 pays en développement doivent en effet importer pour couvrir plus de la moitié de leurs besoins en papier, et les Etats-Unis, pourtant premier producteur et deuxième exportateur mondial de produits forestiers, en sont également le principal importateur.
Une caractéristique importante des exportations des pays en développement est la place croissante occupée par les produits manufacturés. Ainsi, le bois rond brut, qui en 1961 représentait 54 pour cent de la valeur des exportations, ne représentait plus en 1991 que 20 pour cent d'une valeur totale bien supérieure.
Si les bois tropicaux ne représentent qu'une part limitée de la production mondiale de bois et du commerce international, il s'agit néanmoins d'un produit important pour bon nombre de pays. En Malaisie, les exportations de sciages et de panneaux à base de bois ont représenté en 1991 et 1992 plus de 60 pour cent de la production. L'Indonésie exporte plus de 80 pour cent de sa production de panneaux et contreplaqués. Le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Ghana, le Libéria et la Papouasie-Nouvelle-Guinée exportent également une bonne partie de leur production.
Quatre pays d'Asie - la Chine, le Japon, la Thaïlande et la République de Corée - importent près de 80 pour cent de la production de bois rond industriel des pays tropicaux. Le Japon est le premier importateur, avec 45 pour cent des importations en 1992.
POLITIQUES COMMERCIALES ET GESTION DES FORÊTS
Les pays peuvent adopter des politiques restrictives en matière de commerce, non seulement dans un souci de rentabilité ou pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations, mais aussi pour protéger leurs industries forestières, encourager la transformation des produits, source de valeur ajoutée, ou encore réduire la part des grumes dans leurs exportations de bois. Les droits de douane, le contingentement et les autres restrictions sont autant de barrières commerciales qui limitent le type et le volume des produits forestiers commercialisés par rapport au niveau qui serait effectivement atteint dans un contexte de libre-échange. L'imposition de droits de douane et le contingentement des importations de produits forestiers permettent de protéger les industries forestières nationales. Les subventions et les normes de produits peuvent servir de mesures discriminatoires à l'égard des produits forestiers d'importation. Les taxes et l'interdiction des exportations de grumes permettent à la fois d'encourager la transformation des produits, qui est source de valeur ajoutée, et de limiter la récolte du bois.
Depuis une quarantaine d'années, on s'efforce, dans le cadre de négociations commerciales internationales, de réduire les restrictions commerciales sur une vaste gamme de biens et services, et notamment les produits d'exploitation forestière.
A cet égard, des instances telles que le GATT constituent un bon mécanisme pour parvenir à des accords sur les réglementations commerciales, régler les différends et réduire les barrières.
L'interdiction d'exporter des grumes et d'autres restrictions sont souvent imposées par les pays producteurs pour permettre aux industries nationales de transformation de se procurer la matière première (les grumes) à moindre coût, pour développer des activités dégageant une valeur ajoutée et promouvoir la création d'emplois. Les partisans de ces mesures soutiennent que les interdictions d'exporter ont également des retombées positives pour l'environnement, et ce pour plusieurs raisons: le recul de la demande extérieure permet de limiter l'abattage; l'essor des industries de transformation, qui ont besoin d'un approvisionnement régulier en bois, favorise les investissements et la mise en valeur des ressources forestières; enfin, l'interdiction des exportations de grumes est nécessaire pour faire face aux droits de douane élevés que les pays industriels imposent souvent aux produits ligneux finis.
La question est certes complexe, mais les faits n'étayent pas actuellement ces arguments; les interdictions d'exporter des grumes n'ont entraîné ni une meilleure conservation des forêts ni le développement d'industries de transformation performantes. L'interdiction ne réduit pas la demande globale de grumes, mais déplace les sites de transformation. Si, à court terme, les restrictions à l'exportation de grumes peuvent stimuler la croissance et la création d'emplois dans les industries nationales de transformation, avec le temps, elles finissent par entraîner une dépréciation des grumes, des pertes de valeur ajoutée et de revenus, une surcapacité de transformation, et par favoriser des procédés de production inefficaces63.
De plus, comme la demande intérieure de grumes en tant que matière première est souple, il est probable que le taux de déboisement augmentera64. Ainsi, lorsque le prix des grumes baisse sous l'effet d'une interdiction d'exporter, les forêts tropicales sont considérées comme un mode d'utilisation des terres mineur et le bois d'uvre comme un produit abondant. Si les restrictions à l'exportation entraînent une surcapacité, la pression en faveur de l'abattage augmente à moyen et à long terme. En Indonésie, la politique gouvernementale de promotion des exportations de produits ligneux transformés, par opposition aux grumes, s'est traduite par des pertes économiques, des opérations de transformation non rentables et une accélération du déboisement65. Néanmoins, ce pays a multiplié par deux en 10 ans la valeur de ses exportations tandis que sa part dans les échanges internationaux de panneaux à base de bois est passée de 0 à 30 pour cent. La production de bois rond industriel a progressé de 50 pour cent, mais les exportations sont tombées de 20 millions de m3 à pratiquement zéro.
Si les droits de douane appliqués aux importations de produits forestiers tropicaux sont généralement assez bas, voire en diminution sur les principaux marchés des pays développés, l'incidence des mesures non tarifaires (MNT) peut être forte et tend même à s'accentuer66. Certains pays gros importateurs ont renforcé les MNT (alors qu'ils s'étaient engagés à réduire les droits de douane) afin de maintenir une certaine protection de leurs industries nationales, en particulier de contreplaqué. Dans de nombreux pays développés, le renforcement des MNT est peut-être le fruit de la pression croissante des groupes qui prônent la réduction de la consommation de bois tropicaux dont la production se fait, selon eux (à tort ou à raison), dans des conditions néfastes pour l'environnement.
La limitation des importations affecte l'exploitation des ressources forestières, car elle réduit la demande mondiale de produits dérivés des bois tropicaux, dévalorise le bois sur pied dans les pays producteurs, décourage les investissements qui permettraient d'améliorer les opérations de transformation, voire élimine toute motivation de mieux gérer les forêts. En outre, les restrictions à l'importation de produits ligneux transformés incitent les pays producteurs à subventionner et à limiter les importations de grumes pour compenser les industries locales de transformation.
Interdictions d'importer des bois tropicaux
Certains pays industriels ont adopté des mesures visant à interdire l'importation des produits à base de bois tropicaux ou ont opté pour une interdiction sélective ne concernant que les produits dont la production ne répond pas à un critère de durabilité. Quelque 450 conseils municipaux allemands et plus de 90 pour cent des conseils municipaux hollandais ont interdit l'utilisation de bois tropicaux. Aux Etats-Unis, l'Arizona et l'Etat de New York interdisent l'utilisation d'essences tropicales dans les chantiers publics67. Toutefois, en dépit de leur popularité, il est peu probable que ces interdictions encouragent les pays exportateurs à exploiter les forêts tropicales de façon durable, et ce pour plusieurs raisons.
Les pays producteurs dénoncent le caractère discriminatoire des barrières commerciales appliquées aux produits à base de bois tropicaux, puisque ce type de mesures visant à promouvoir l'adoption de pratiques durables ne concerne pas les producteurs d'essences tempérées et boréales. De plus, pour que des accords commerciaux multilatéraux puissent sanctionner une interdiction, il est nécessaire qu'à la fois les producteurs des pays tropicaux et ceux des pays tempérés y adhèrent. D'autre part, étendre l'interdiction au commerce des produits à base d'essences tempérées est encore moins réalisable. Le marché des produits ligneux tempérés étant bien plus vaste que celui des produits tropicaux, les gouvernements refuseront de nuire à leurs propres industries forestières en élargissant l'interdiction au commerce de tous les produits ligneux. L'encadré 22 analyse la question sous un autre angle, en montrant comment les responsables politiques des pays tempérés tentent d'influencer les politiques forestières des pays tropicaux.
ENCADRÉ 22 Dans les pays tempérés, les forêts tropicales sont au centre d'un grand nombre de recherches, de débats et de controverses à caractère international. La plupart des controverses portent précisément sur les conséquences économiques, au niveau régional et mondial, du défrichage, de l'abattage ou de la fragmentation des forêts tropicales. Nombreux sont ceux, dans les groupes écologistes et la communauté scientifique, qui affirment que les coûts économiques, écologiques et sociaux de la conversion, dans les années 80, de 154 millions d'hectares de forêts tropicales ont largement dépassé les bénéfices réalisés. Les programmes d'aide au développement préconisent - et telle est également l'orientation politique actuelle - à la fois l'arrêt du processus de destruction des forêts tropicales et leur aménagement durable. Le Fonds pour la protection de l'environnement, l'OIBT, la Banque mondiale, l'Institut mondial pour les ressources, le Fonds mondial pour la nature (WWF), les banques régionales de développement, les activités de suivi de la CNUED et le Programme d'action forestier tropical, ainsi qu'un grand nombre d'ONG et de donateurs bilatéraux invitent les pays tropicaux à adopter des pratiques durables d'exploitation forestière. Pour bon nombre de pays tropicaux, les objectifs des donateurs, à savoir la protection de l'environnement, sont en conflit avec leurs propres objectifs de développement économique. Récemment, à l'occasion de réunions internationales, les représentants des pays producteurs de bois tropicaux ont fait remarquer que les abattages annuels de forêts primaires sont plus importants en Amérique du Nord que dans la plupart des pays tropicaux; ils ont en outre affirmé que les forêts protégées et les réserves étaient souvent bien plus vastes dans les pays en développement que dans les régions boréales et tempérées et que les pays dont les superficies forestières sont très réduites, à la suite du déboisement considérable pratiqué dans le passé, se procurent le bois d'uvre dans d'autres pays, sans tenir compte des critères de durabilité. Bref, le Sud accuse le Nord d'hypocrisie. Les propositions relatives à l'introduction de normes de production et de barrières commerciales, ainsi qu'à l'attribution d'un label écologique (voir Label écologique, certification et exploitation durable, p. 326), sont considérées comme discriminatoires uniquement à l'encontre des producteurs de bois tropicaux. Certains estiment que les pays tempérés exportateurs ont recours à ces expédients pour conserver leur part du marché mondial de bois d'uvre, tout en se posant en partisans - par respect de l'environnement - du commerce de bois d'uvre produit selon des critères de durabilité. Certains pays préfèrent contre-attaquer ainsi pour détourner l'attention de leurs propres pratiques dangereuses pour l'environnement. Accusé du déboisement de l'Amazonie, le Brésil a ainsi détourné l'attention sur la destruction de la forêt nationale de Tongass en Alaska et des forêts canadiennes1. A l'occasion d'un atelier international sur l'exploitation des forêts dans le monde, organisé à Bangkok en 1991, la représentante de la Malaisie a manifesté son désarroi face à l'attention, à son avis excessive, qui est accordée aux forêts tropicales et a invité à procéder à une analyse approfondie des problèmes qui affligent les forêts de la planète2. Elle a également fait sienne la proposition de quantifier la valeur des forêts dans les différentes zones, en termes tant de services écologiques que d'échanges internationaux. Une telle évaluation est un préalable nécessaire pour l'établissement d'objectifs nationaux dans l'intérêt de tous, comme les peuplements réservoirs à carbone. (Elle pourrait également permettre de déterminer la dotation du Fonds pour la protection de l'environnement.) Si la requête avancée par la Malaisie concernant la fixation de niveaux minimaux de couvert forestier devait être acceptée, notamment par les pays développés, il faudrait mettre au point des critères de développement durable. Les difficultés inhérentes à cette approche globale n'ont pas tardé à apparaître. Les pays développés et en développement ont signé, en janvier 1994, le texte révisé de l'Accord international sur les bois tropicaux, visant à promouvoir l'adoption dans le monde entier de pratiques de foresterie durables. Au cours des négociations, les pays en développement ont tenté d'atténuer l'importance accordée dans le texte aux forêts tropicales, en insistant pour que les pays industriels soient tenus de respecter des normes de durabilité similaires, comme proposé dans le texte original de l'Accord de 1983 pour les producteurs tropicaux. Les pays industriels ne souhaitaient s'engager qu'à adopter des directives et des critères appropriés pour l'aménagement durable de leurs forêts3. 1 N. Dudley, J.-P. Jeanrenaud et S. Stolton. 1993. Towards a definition of forest quality. WWF, Royaume-Uni. 2 W.L. He Ting. 1991. Intervention de l'Ambasseur de Malaisie en Italie. Dans Proceedings of Technical Workshop to Explore Options for Global Forestry Management. IIED, Londres. 3 Cutter Information Corp. 1994. Global Environmental Change Report, 6(2), Arlington. |
En outre, et c'est là un élément plus important, il est prouvé qu'une interdiction frappant les produits ligneux tropicaux ne permettrait ni de freiner le déboisement des forêts tropicales, ni d'empêcher la commercialisation d'une production non durable de produits ligneux. Seulement une proportion limitée, et de plus en baisse, de la production de bois tropicaux est destinée à l'exportation, tandis que la part des exportations d'essences tropicales absorbées par les échanges Sud-Sud est en pleine expansion. En réponse à une interdiction sur les bois tropicaux qui serait imposée par les importateurs actuels, les principaux exportateurs d'essences tropicales pourraient destiner une partie de leur production à la consommation intérieure ou bien à de nouveaux marchés d'exportation. L'impact d'une éventuelle interdiction sur l'aménagement des forêts ou sur le déboisement global serait également très limité dans les pays tropicaux dont les exportations de bois d'uvre restent faibles et ne constituent pas un facteur de déboisement (comme les pays d'Amérique latine). En outre, tout embargo à l'importation de bois tropicaux n'aurait guère d'incidence sur les incitations économiques à respecter des critères d'aménagement durable au niveau des concessions et pourrait même encourager des formes d'exploitation peu judicieuses. Ce sont les politiques nationales qui déterminent l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et qui, pour la plupart, orientent les décisions des utilisateurs.
Les partisans du libre-échange affirment que, supprimant les profits, toute interdiction d'importer des bois tropicaux dévaloriserait de ce fait la production de bois d'uvre, de sorte que les pays tropicaux n'auraient plus aucun intérêt à entretenir des forêts de production permanente. Face à une telle perspective, à savoir la réduction des exportations de produits forestiers tropicaux et donc des recettes, ces pays pourraient décider de convertir davantage de forêts à d'autres usages. Ainsi, alors que son objectif pourrait être de limiter la production et les exportations de grumes, l'interdiction pourrait entraîner, à moyen et à long terme, un accroissement du déboisement global.
Bon nombre des problèmes que comporte l'interdiction totale des importations de produits forestiers tropicaux s'appliquent également à une interdiction sélective d'importer du bois d'uvre (tropical ou tempéré) produit dans des conditions ne répondant pas à des critères de durabilité. Une interdiction à caractère sélectif pourrait avoir un effet contraire à celui recherché, et ce pour les mêmes raisons:
COMMERCE DES PRODUITS FORESTIERS ET POLITIQUES RELATIVES À L'ENVIRONNEMENT
L'industrie du bois est directement touchée par les conditions de concession qui prévoient le reboisement ou la remise en état des forêts abattues. Le secteur forestier peut être soumis à toutes sortes de contraintes: limites quant à l'intensité et au type d'abattage; création ou agrandissement de parcs nationaux et de réserves; protection juridique offerte à certaines espèces en danger, végétales ou animales; zones forestières réservées en exclusivité aux populations autochtones. Toutes ces initiatives des pouvoirs publics peuvent se traduire concrètement par une limitation des activités forestières, tant en étendue qu'en rentabilité.
D'un point de vue économique général, les changements sont justifiés si le bénéfice net qui en est dégagé est supérieur aux coûts que représente le manque à gagner sur le bois d'uvre. (Les problèmes de répartition sont un autre aspect de la question.) Les différentes utilisations des terres forestières - destinées à la production de bois d'uvre, converties à d'autres usages ou considérées comme des zones protégées - doivent être analysées afin de comparer les avantages et les coûts de chaque option69. Dans la pratique, ce type d'analyse coûts-avantages (préalable ou à postériori), qui vise à déterminer le bien-fondé d'une norme d'environnement ou d'un mode d'utilisation du sol, est rarement effectué. Un rapport concernant le nord-est de l'Australie a confirmé que les procédures d'abattage à impact réduit, introduites au début des années 80, avaient entraîné une augmentation de moins de 3 pour cent des coûts marginaux70. Confirmant une étude effectuée précédemment par la FAO dans le Sarawak, une enquête réalisée en Malaisie a montré que l'exploitation des forêts naturelles conduite selon des critères d'abattage à impact réduit avait un rendement économique supérieur aux pratiques habituelles et aux autres modes d'utilisation des terres71.
Sans analyse coûts-avantages, on risque de sous-estimer les effets des politiques environnementales sur la production et les échanges, ou même d'aller à l'encontre des objectifs poursuivis. Cela est apparu clairement dans les pays en développement, où depuis quelques années des normes de plus en plus restrictives, répondant à un souci de protection de l'environnement, régissent l'aménagement des forêts et les opérations d'abattage.
Aux Etats-Unis, de récentes études ont montré que la combinaison de restrictions de nature commerciale et écologique à l'abattage avait un impact considérable dans la région du Pacifique Nord-Ouest sur la production de bois d'uvre ainsi que sur les prix, sur le marché intérieur comme à l'étranger. Trois normes restrictives (concernant principalement la récolte du sapin de Douglas) sont en vigueur dans la région:
Libéralisation des échanges et environnement
Il est difficile de déterminer l'incidence sur l'environnement de la suppression des restrictions sur les importations et/ou les exportations. Une étude conduite aux Philippines s'est penchée sur certains rapports possibles entre la libéralisation générale des exportations (c'est-à-dire la suppression de toutes restrictions sur les exportations) et le déboisement en zones tropicales74. Elle est parvenue à la conclusion que la libéralisation des échanges augmenterait les abattages de 6,5 pour cent, les exportations de produits ligneux de 28,5 pour cent, les investissements dans l'industrie du bois de 2,8 pour cent, et l'emploi forestier de 13 pour cent. Cette étude indique également que l'industrie de transformation du bois, secteur orienté vers l'exportation et ne bénéficiant d'aucune protection douanière spécifique, serait le principal bénéficiaire d'une libéralisation des échanges.
L'OIBT a conduit récemment une étude sur les implications d'une réduction générale de 10 pour cent des coûts de transfert (c'est-à-dire la différence entre les prix à l'exportation et les prix à l'importation), ce qui correspond à la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires appliquées aux produits ligneux tropicaux. Ce rapport étudie également par simulation la suppression totale des interdictions d'exporter des grumes en Malaisie, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux Philippines et en Afrique de l'Ouest75.
D'après les résultats obtenus, la libéralisation des échanges devrait se traduire par des avantages non négligeables pour les pays importateurs, notamment pour ceux qui sont dotés d'une industrie de transformation des grumes. Par contre, pour les pays exportateurs de bois tropicaux, il pourrait y avoir deux sortes de répercussions. Sur la base du scénario politique retenu dans la simulation, la hausse des prix à la production des grumes constituerait une bonne motivation pour une exploitation durable des ressources ligneuses - mais ce scénario suppose la mise en place d'ici 2005 de politiques favorisant l'abattage selon des critères de durabilité. Dans le cas contraire, la hausse des prix se traduirait probablement dans ces pays par une intensification des abattages dans les dernières réserves de bois commerciaux.
Les différentes études conduites à ce jour ont montré que, pour tirer pleinement profit des stratégies de développement commercial, les pays doivent au préalable redresser les politiques et s'attaquer aux facteurs favorisant le déboisement, par exemple en internalisant les externalités, en facilitant l'accès aux terres agricoles, en créant des emplois et en améliorant la sécurité d'occupation des terres communes et privées.
Une libéralisation générale du commerce des produits ligneux tropicaux pourrait toutefois ne pas être politiquement réaliste dans le contexte commercial actuel. Les pays exportateurs et les pays importateurs ont souvent du mal à trouver un terrain d'entente lorsqu'il s'agit de réduire sensiblement les barrières commerciales existantes. Citons comme exemple l'échec des négociations du GATT en vue de la suppression d'une seule de ces restrictions à l'importation - en l'occurrence le contingentement des contreplaqués appliqué par la CE. Les pays exportateurs sont peu disposés à supprimer les restrictions à l'exportation de grumes, surtout si cela revient à céder la capacité de transformation aux pays importateurs.
Il est probablement aussi peu réaliste d'espérer éliminer ne serait-ce que les restrictions quantitatives et les droits de douane les plus visibles. Les pays importateurs comme les pays exportateurs continueront sans doute à se servir des barrières commerciales pour promouvoir, dans le cadre de leurs stratégies nationales, l'industrialisation du secteur forestier et protéger les industries nationales. Peut-être n'existe-t-il aucune volonté politique réelle de procéder à une libéralisation générale du commerce des bois tropicaux.
Il apparaît donc plus réalisable de libéraliser les échanges de façon sélective et par étapes, par exemple de la manière suivante:
En encourageant les pays importateurs à corriger les politiques manifestement discriminatoires à l'égard des exportateurs de bois tropicaux, comme les contingents tarifaires ou le système de plafonnement que l'Europe et le Japon appliquent aux exportations de contreplaqués de feuillus.
En encourageant les pays exportateurs à mesurer l'impact de leurs politiques restrictives des échanges sur l'exploitation durable des ressources ligneuses, et notamment à analyser dans quelle mesure ces restrictions aggravent encore les problèmes liés à l'application de réglementations et de politiques forestières nationales mal conçues. Il conviendra de ne maintenir les barrières commerciales que: i) si elles ne contribuent pas à aggraver le déboisement, et ii) si le pays exportateur démontre que des progrès ont été faits en matière d'exploitation durable des ressources ligneuses, en particulier grâce à l'application rigoureuse de réglementations et de politiques de mise en valeur durable des forêts.
Label écologique, certification et exploitation durable
Le label écologique est à la fois un outil écologique et un instrument de politique commerciale. Une des formes de label écologique est la certification du bois, qui témoigne de la bonne exécution des opérations forestières. Quatre systèmes de certification sont actuellement opérationnels; ils ont couvert en 1993, selon les estimations, 1,5 million de m3 de bois et de produits ligneux, soit moins de 1 pour cent du commerce mondial du bois76.
Divers autres systèmes de certification sont actuellement à l'étude: la CE envisage d'établir des critères uniformes pour un certain nombre de produits (ligneux et autres) et un label unique applicable dans toute l'Europe; le WWF a lancé au Royaume-Uni un «Club 1995» auquel ont adhéré 24 négociants qui se sont engagés à vendre du bois produit selon des critères de durabilité; enfin, l'Organisation africaine du bois (OAB) a proposé un programme régional d'éco-label pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale77. Une organisation non gouvernementale écologiste, le Forest Stewardship Council (FSC), constituée vers la fin de 1993, dont le but est de promouvoir une gestion appropriée des forêts dans le monde entier, donne son agrément aux divers systèmes et organismes de certification privés pour attester l'authenticité de leurs exigences. Le FSC a établi en juin 1994 une série de principes et de critères à appliquer à toutes les forêts tropicales, tempérées et boréales. Toutes les procédures d'évaluation aux fins de certification tiennent compte de l'importance et de l'intensité des opérations forestières, de l'unicité des ressources concernées et de la fragilité écologique relative des forêts78.
Les programmes d'éco-label doivent compléter les orientations politiques commerciales qui favorisent l'aménagement durable des forêts; leur principal objectif est de faciliter, et non de limiter, la circulation des produits ligneux tout en encourageant l'exploitation durable des forêts.
La certification peut prendre plusieurs formes:
Le label des produits requiert une procédure complexe et difficile à vérifier, en raison de la grande diversité des produits forestiers commercialisés et de la complexité du processus de transformation qui aboutit au produit fini. Ainsi, il arrive souvent que le bois parvienne à son utilisation finale sous forme non d'un produit particulier, mais d'élément d'un produit ou d'un ensemble, ou fasse partie intégrante d'infrastructures ou d'installations fixes. Selon les partisans du libre-échange, le label des produits pourrait constituer une puissante barrière non tarifaire contre les importations de bois tropicaux en général.
Le certificat de concession exige un contrôle triple; il faut: i) établir que la concession forestière respecte des principes d'aménagement durable; ii) suivre le déroulement des opérations forestières dans la concession, en contrôlant entre autres les volumes vendus et leur destination, et ce jusqu'à la vente au détail; et iii) s'assurer que chaque produit dérivé du bois provenant de la concession est accompagné d'un certificat d'origine.
La délivrance du certificat de concession semble un moyen efficace de garantir que le bois provient bien d'une exploitation forestière respectant des principes de durabilité. La certification permet aux négociants et aux compagnies forestières d'obtenir la reconnaissance de leur marque. C'est là un argument de vente important sur les marchés de consommation où le fait de provenir d'une production biologique, respectant l'environnement, justifie une majoration
du prix des produits.
Les avantages de la certification de concession (ou de compagnie) incitent les compagnies à promouvoir leurs produits par le truchement de systèmes de labels volontaires. Des groupes de pays consommateurs et producteurs peuvent également mettre au point des systèmes communs de labels. Ces mesures s'inscrivent dans des stratégies efficaces de promotion des ventes et des exportations.
Un tel système se heurte toutefois à un certain nombre d'obstacles, en premier lieu le coût potentiel élevé des opérations de suivi, de mise en application et de vérification. Il s'avère en outre particulièrement difficile de déterminer qui devra couvrir les frais supplémentaires, comment réunir les fonds nécessaires et comment mettre en uvre un tel mécanisme, notamment si les concessionnaires des pays producteurs n'acceptent pas à l'unanimité de se soumettre à un système obligatoire.
Deuxième obstacle: les pays producteurs et les compagnies pourraient s'opposer à un suivi aussi intensif de toutes les phases de leur production forestière industrielle. Il est peu probable qu'une équipe d'inspecteurs internationaux soit autorisée à contrôler toute la chaîne de production du bois dans tous les pays producteurs.
Troisièmement, la certification de concession ou de compagnie ne constitue pas en soi un appui pour l'administration et les services forestiers des pays producteurs. Qui plus est, un système général obligatoire entraînerait peut-être des dépenses supplémentaires pour les services forestiers.
Enfin, la vérification au niveau de la concession suppose un examen attentif des produits au niveau de la vente au détail. Ce contrôle est assez simple lorsqu'il s'agit de biens de consommation composés d'un seul type de bois provenant d'une unique source. Mais la procédure est bien plus complexe dans le cas de produits composites contenant au moins deux éléments ligneux différents, ou lorsque le bois entre dans la composition d'infrastructures ou d'installations fixes.
La certification nationale vise à assurer la mise en uvre, dans le pays concerné, de politiques, de réglementations et de plans d'aménagement répondant à des critères de durabilité. En contrepartie, les produits ligneux tropicaux de ces pays reçoivent un certificat attestant qu'ils proviennent d'une forêt exploitée de façon appropriée, ce qui leur permet d'accéder plus aisément aux marchés d'importation des pays développés.
Les partisans de la certification nationale estiment que ce système est beaucoup plus efficace que les autres, car il est moins coûteux, plus facile à gérer, plus acceptable pour les pays producteurs et plus simple pour les pays consommateurs (voir encadré 23, p. 330). Divers problèmes se posent cependant: si un pays certifié devait par la suite être critiqué à propos de telle ou telle concession forestière, c'est la crédibilité de l'ensemble du système qui serait remise en question; aucune organisation internationale n'est en mesure de délivrer des certificats aux pays forestiers tempérés et tropicaux; enfin, conformément aux normes internationales en matière de certification en vigueur, établies par l'Organisation internationale de normalisation, seule une compagnie ou une exploitation peut être certifiée, c'est-à-dire qu'il n'existe aucun précédent de certification d'un pays.
Concilier le commerce et l'environnement
Une récente étude sur les multiples questions qui sont au cur du débat sur le commerce et l'environnement propose quatre principes pour un équilibre idéal entre politiques de l'environnement et politiques commerciales79. Dans la réalité, toutefois, les choses se compliquent si les politiques commerciales ont des effets néfastes sur l'environnement ou si les règles en matière d'environnement imposent des entraves au commerce. Aussi faut-il plutôt considérer ces principes comme un thème de discussion et une base de réforme. Le premier établit logiquement la nécessité d'adapter les instruments aux objectifs visés; les deux suivants concernent respectivement les politiques commerciales et les politiques de l'environnement et soulignent la nécessité de délimiter raisonnablement leur domaine respectif; le quatrième principe étend cette logique au contexte international.
Principe 1. En règle générale, les objectifs commerciaux devraient être associés à des instruments commerciaux, tout comme les objectifs en matière d'environnement devraient être assortis d'instruments écologiques.
Principe 2. Les politiques commerciales devraient généralement avoir pour but de réduire les barrières commerciales tout en restant neutres du point de vue de l'environnement.
Principe 3. Les politiques de l'environnement devraient en général avoir pour objectif de conserver les ressources naturelles et d'améliorer la qualité de l'écosystème tout en restant commercialement neutres.
Principe 4. Les gouvernements des pays devraient être encouragés à poursuivre, en matière de commerce et d'environnement, des objectifs similaires, c'est-à-dire qu'il convient de coordonner les politiques commerciales et les politiques de l'environnement au niveau international.
Une autre étude sur les forêts indique comment les politiques commerciales peuvent être harmonisées avec ces principes et devenir un facteur d'aménagement durable80. Pour avoir une efficacité optimale, les politiques commerciales doivent:
Dans le premier cas, il est nécessaire que les pays producteurs procèdent à un examen de leurs politiques forestières afin de savoir comment les politiques intérieures et commerciales existantes influent sur l'exploitation des forêts. Il est essentiel de corriger toutes les distorsions politiques susceptibles d'entraver le développement durable du secteur forestier.
Dans le deuxième cas, l'objectif est la suppression des barrières aux importations de produits forestiers sur les marchés consommateurs, notamment pour les pays producteurs engagés sur la voie de l'aménagement durable des forêts et des réformes politiques. Il s'agira d'abolir certaines barrières tarifaires et non tarifaires aux importations, et ce au coup par coup, sur la base des progrès vérifiables réalisés par chaque pays exportateur, dans le cadre par exemple de négociations commerciales bilatérales ordinaires ou d'organisations et de conventions multilatérales.
La dernière condition soulève des questions difficiles concernant la souveraineté, la nécessité d'une compensation internationale, l'ampleur des transferts de ressources nécessaires et les mécanismes de mise en uvre possibles.
ENCADRÉ 23 Les études conduites récemment sur la certification au niveau national ont permis de mettre en évidence divers avantages d'une telle procédure: i) La certification au niveau national est moins coûteuse et plus facile à mettre en pratique. Pour garantir l'efficacité du système, il devrait être suffisant de prévoir des contrôles périodiques, à confier à des équi-pes internationales agréées, de procéder à des vérifications en douane et d'analyser les politiques forestières et les plans d'aménagement des forêts. ii) Pour les pays producteurs, la certification nationale serait politiquement plus acceptable si les conditions suivantes étaient remplies: iii) Pour les pays consommateurs, le système de certification nationale pourrait être le plus simple à réaliser, pour les raisons suivantes: Source: E.B. Barbier. 1993. Policy issues and options concerning linkages between the tropical timber trade and sustainable forest management. Document présenté à la 14e session du Conseil international des bois tropicaux, Kuala Lumpur, Malaisie. |
Les mesures d'ordre commercial ne constituent pas toujours le meilleur moyen de résoudre les problèmes de déboisement et de dégradation, et ce pour plusieurs raisons: en premier lieu, le commerce du bois peut déjà présenter des distorsions substantielles, dont les effets sur l'environnement ne sont pas encore bien connus; or, une intervention supplémentaire à des fins écologiques pourrait ajouter à ces incertitudes et finir par produire des effets indésirables, voire contre-productifs.
Ensuite, les insuffisances des marchés et des politiques ont des répercussions sensibles sur la gestion des forêts. Les politiques internes d'environnement peuvent avoir des effets marqués sur la production, le commerce et le prix du bois. En revanche, les interventions commerciales ne touchent qu'indirectement ces problèmes, dans le meilleur des cas. Toute mesure d'ordre commercial qui serait imposée unilatéralement par les pays importateurs resterait sans effet sur les politiques intérieures des pays producteurs.
Troisièmement, diverses études empiriques ont montré que, contrairement aux apparences, l'exploitation des forêts pour l'exportation de bois d'uvre n'est pas une des principales causes du déboisement et de la dégradation du milieu82. Il semble que, dans bon nombre de pays, une grande partie de la récolte de bois est destinée à la consommation intérieure. Comme la plupart des forêts tropicales sont défrichées pour cultiver les terres et que le bois est surtout utilisé pour produire de l'énergie, les échanges internationaux de bois ne représentent qu'environ 6 pour cent du volume total abattu dans les pays tropicaux83. De plus, des études de cas conduites dans certains pays indiquent que les mesures adoptées avec les meilleures intentions pour la protection des ressources forestières, par exemple les interdictions d'abattre, peuvent avoir des effets contraires au but recherché, et se traduire par un accroissement des coûts pour l'économie et l'environnement.
Enfin, les mesures commerciales produisent leurs effets les plus directs sur la circulation des produits à travers les frontières et sur leur prix. Or, comme on l'a vu, les changements enregistrés par ces flux internationaux n'ont qu'un effet très limité sur les principales causes du déboisement et de la dégradation des forêts dans les pays producteurs. Même en ce qui concerne les opérations forestières, il est sans doute très difficile d'influer sur l'effet de ces retombées sur les incitations économiques au niveau des peuplements forestiers.
Néanmoins, les politiques commerciales peuvent s'avérer utiles dans la mesure où elles sont propres à favoriser l'aménagement durable des forêts. Elles devraient cependant accompagner et compléter les politiques et réglementations forestières axées sur la mise en valeur des forêts. Bien entendu, il ne faut négliger en aucun cas toutes les autres politiques sectorielles et macroéconomiques susceptibles d'exercer une influence sur le déboisement et l'utilisation des terres forestières.
63 Voir par exemple: J.R. Vincent. 1992. A simple nonspatial modelling approach for analysing a country's forest-products trade policies. In R. Haynes, P. Harou et J. Mikowski, eds. Forestry sector analysis for developing countries. Compte rendu des groupes de travail sur l'utilisation intégrée des terres et l'analyse des politiques forestières et du secteur forestier, 10e Congrès forestier mondial, Paris; J.R. Vincent. 1992. The tropical timber trade and sustainable development. Science, 256: 1651-1655; et L.F. Constantino et D. Ingram. 1990. Supply-demand projections for the Indonesian forest sector. Ministère indonésien des forêts, Jakarta et FAO.
64 P.N. Varangis, C.A. Primo Braga et K. Takeuchi. 1993. Tropical timber trade policies: what impact will eco-labelling have? Policy Research Working Paper WPS 1156. Banque mondiale, Washington.
65 Voir Repetto et Gillis, eds, op.cit., note 46, p. 304; et Barbier, Burgess, Bishop, Aylward et Bann, op. cit., note 46, p. 304.
66 I.J. Bourke. 1988. Dans Trade in forest products: a study of the barriers faced by the developing countries. FAO Forestry Paper No. 83. Rome; et I.J. Bourke. 1992. Restrictions on trade in tropical timber. Document préparé pour la Commission des forêts et de la faune sauvage pour l'Afrique, Rwanda.
67 Cutter Information Corp. 1991. Global Environmental Change Report, 3(16), Arlington.
68 On trouvera des exemples d'élasticité dans le chapitre 4 de l'ouvrage de Barbier, Burgess, Bishop, Aylward et Bann, op. cit., note 46, p. 304.
69 Pour plus de détails sur la méthodologie employée pour ce faire, voir LEEC. 1993. The economics of tropical forest land use options: methodology and valuation techniques. Rapport préparé pour la Division des ressources naturelles et de l'environnement de l'Overseas Administration Development, Londres.
70 D.S. Cassells. 1994. Considerations for effective international cooperation in tropical forest conservation and management. Document présenté à la Conférence sur l'aménagement de la forêt pluviale en Asie, organisée en mars 1994 par l'Université d'Oslo.
71 Ibid.
72 D.F. Flora et W.J. McGinnis. 1991. Effects of spotted-owl reservations, the state log embargo, forest replanning, and recession on timber flows and prices in the Pacific Northwest and abroad. Version provisoire. Trade Research, Pacific Northwest Research Station, Seattle, et Service des forêts, Département de l'agriculture des Etats-Unis, Washington.
73 J.M. Perez-García. 1991. An assessment of the impacts of recent environmental and trade restrictions on timber harvests and exports. CINTRAFOR Working Paper 33. Center for International Trade in Forest Products, Seattle, et University of Washington.
74 R. Boyd, W.F. Hyde et K. Krutilla. 1991. Trade policy and environmental accounting: a case study of structural adjustment and deforestation in the Philippines. Department of Economics, Ohio State University, Columbus.
75 Cette simulation a été conduite sur la base du modèle commercial mondial (CGTM) élaboré par le Centre CINTRAFOR pour les produits forestiers, qui figure dans l'annexe K de l'ouvrage de Barbier, Burgess, Bishop, Aylward et Bann, op. cit., note 46, p. 304.
76 B.H. Ghazali et M. Simula. 1994. Certification schemes for all timber and timber products. OIBT, Yokohama, Japon.
77 Varangis, Primo Braga et Takeuchi, op. cit., note 64, p. 319.
78 FSC. 1994. Principles and criteria for natural forest management. Oaxaca, Mexique.
79 C. Ford Runge, F. Ortalo-Magne et P. Vande Kamp. 1994. Freer trade, protected environment. Council on Foreign Relations, New York.
80 Barbier, Burgess, Bishop, Aylward et Bann, op. cit., note 46, p. 304.
81 Il y a probablement des limites au recours, pour ce faire, à des interventions intéressant directement le commerce, comme les surtaxes à l'importation ou à l'exportation.
82 Voir note 46, p. 304.
83 FAO, op. cit., note 5, p. 252.