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Éditorial

La foresterie dans les pays en transition

Ces dernières années, les anciens pays à économie planifiée ont engagé des réformes profondes de leur système économique et redistribué les responsabilités des différents agents du développement national. La réforme macro-économique visant à passer de l'ancienne économie planifiée, dominée par l'Etat, à une économie de marché constitue un bouleversement qui a de nombreuses répercussions sur les plans social, culturel, politique et économique.

Dans tous les cas, la démocratisation et la rentabilité accrue de l'économie sont les moteurs du processus de réforme. Toutefois, à court terme, la transition - notamment la rapidité de sa mise en oeuvre - engendre de graves difficultés pour les gouvernements et la population des pays concernés. La récession économique généralisée constitue un dénominateur commun, et la libération des prix nuit aussi bien à l'industrie nationale qu'aux consommateurs.

La foresterie et l'industrie forestière sont prises dans ce vaste processus de réforme. Ce numéro d'Unasylva analyse l'expérience vécue par les pays en transition dans le secteur de la foresterie.

K. Prions et A. Korotkov, donnent un aperçu général des répercussions du processus de transition sur la foresterie en Europe centrale et orientale. Des articles rédigés par des experts nationaux s'intéressent plus étroitement aux défis posés par la transition en Hongrie (P. Csóka), dans la Fédération de Russie (D. Lipman) et en Pologne (W. Strykowski). Dans un article bref, T. Marghescu souligne qu'il est nécessaire de réduire au minimum les risques de surexploitation à court terme des ressources forestières pendant la transition.

P.A. Barresi examine comment les réformes législatives permettent de redéfinir les systèmes de tenure et le modèle économique dans le secteur forestier, en étudiant plus particulièrement les approches très différentes adoptées par la Pologne et l'Albanie. C. Upton démontre l'utilité d'une évaluation économique minutieuse des produits non ligneux et des services pour atteindre l'équilibre souhaitable entre les demandes écologiques et économiques qui pèsent sur les ressources forestières avec, à l'appui, des exemples pris en Slovaquie et en Pologne.

Ces articles sur l'Europe centrale et orientale donnent l'image de pays dotés de capacités techniques de pointe en matière d'aménagement des forêts, qui luttent pour s'adapter à l'évolution de la situation et de la demande - notamment à la modification des modes de propriété et d'exploitation et à la nécessité d'un aménagement polyvalent englobant les préoccupations écologiques, sociales et économiques. On assiste parallèlement à la privatisation et à la modernisation rapides d'industries forestières dépassées et non rentables. Les questions clés sont notamment les suivantes: privatisation d'une partie des ressources forestières, principalement du fait de la restitution des terres à leurs anciens propriétaires; privatisation des activités forestières menées dans les forêts publiques; nécessité de fournir des services de vulgarisation et des mesures d'incitation aux nouveaux petits propriétaires privés; privatisation et modernisation des industries forestières; adaptation des politiques, de la législation et des responsabilités des gouvernements aux nouveaux objectifs et défis; nécessité de disposer de données fiables et actualisées sur les ressources forestières, ainsi que sur la production, le commerce et les prix des produits de la forêt; nécessité de parvenir à un équilibre entre la protection de l'environnement et l'exploitation économique; nécessité de veiller à ce que la foresterie continue d'offrir des possibilités de développement à la population rurale pauvre; investissements nationaux et étrangers dans la foresterie; nécessité d'une coopération internationale, notamment entre les pays en transition eux-mêmes.

L'ajustement économique et structural touche aussi la foresterie dans d'autres régions du globe; dans ce numéro d'Unasylva, A. Cuco examine l'évolution du secteur forestier au Mozambique depuis le démarrage de l'ajustement structural en 1987. L.J. Castaños analyse le lien entre la révolte indigène du Chiapas (Mexique) en janvier 1994 et l'ajustement structural national et la réforme de la foresterie. Enfin, ce numéro présente une synthèse des conclusions d'un atelier de la FAO qui s'est tenu à Fuzhou (Chine) en mars 1994, où ont été examinées les possibilités de réforme de la foresterie en Asie dans une optique commerciale.

Un message se dégage nettement de ce numéro d'Unasylva, à savoir que l'échange des données d'expérience et des compétences entre les pays en transition est plus précieux que «l'importation» de «solutions» en provenance des pays dits industrialisés. Les pays où l'économie de marché est bien enracinée, ainsi que les organisations internationales, ont effectivement un rôle à jouer: ils doivent faciliter ou coordonner ce processus d'échange. Il convient toutefois d'être prudent: le processus doit être progressif (malgré les pressions en faveur d'un changement radical) et il faut évaluer les incidences, l'efficacité et la perennité des réformes. Enfin, il faut souligner que la réforme de la foresterie est influencée par des politiques plus vastes dans le domaine de l'agriculture et de la propriété foncière, de l'investissement et des régimes fiscaux, etc., d'où l'impossibilité de l'isoler des autres secteurs de l'économie nationale, ou du contexte économique et écologique international.


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