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Le soleil, astre souverain au pouvoir réfrigérant: évaluation de l'impact de l'activité solaire sur le climat

G. Windelius, en collaboration avec P. Tucker

Göran Windelius, chercheur interdisciplinaire, travaille à Hagfors (Suède).
Peter Tucker est illustrateur et éditeur indépendant, à Stockholm (Suède).

L'auteur défend un point de vue radicalement opposé à l'hypothèse du réchauffement de notre planète et prédit que, par suite des modifications de l'activité solaire, nous allons connaître une période caractérisée par un climat nettement plus froid, accompagné d'une activité sismique et volcanique plus intense.

Bon nombre de météorologues (spécialistes, pour la plupart, de la chimie de l'atmosphère) croient que le climat de notre planète va bientôt être soumis à une puissante force de réchauffement, du moins si l'homme continue à brûler les combustibles fossiles et à abattre les forêts tropicales au rythme actuel. On a ainsi prédit que la température augmenterait de 2,5 à 4,5 °C au cours des 50 prochaines années, ce qui ferait fondre les calottes glaciaires et monter le niveau de la mer, de sorte que dans le monde entier beaucoup de villes et de terres agricoles productives situées sur le littoral disparaîtraient sous les flots. L'hypothèse d'un réchauffement est toutefois entachée d'un certain nombre de faiblesses scientifiques. Pour pouvoir avancer des hypothèses raisonnables quant au climat futur, il faut commencer par avoir une idée suffisamment claire des facteurs primaires de forçage qui sont à l'origine des changements du climat.

Ce n'est pas facile car ces facteurs tendent à être occultés par des facteurs réactifs secondaires, plus apparents, dont l'un pourrait bien être l'action des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Les recherches déjà effectuées ou en cours dans des domaines autres que la chimie de l'atmosphère donnent de bonnes raisons de supposer que d'autres mécanismes naturels jouent un plus grand rôle dans les changements de climat que l'effet de serre - même si ce dernier est accentué par l'action de l'homme.

Nous ne pouvons évidemment pas vérifier nos hypothèses par une expérimentation directe sur le système climatique. Il nous faut recourir à des simulations en laboratoire, par exemple avec les modèles de circulation générale de l'atmosphère. Pour être crédibles, ces simulations doivent tenir dûment compte des nombreux mécanismes de rétroaction, tant positive que négative. Par exemple, l'effet de refroidissement provoqué par une augmentation de la couverture nuageuse pourrait bien être plus important que le réchauffement dû à l'effet de serre entraîne par l'augmentation concomitante de la quantité de vapeur d'eau.

Ce genre de rétroaction négative peut avoir plus de poids que nous ne l'imaginons. Par exemple, des carottes de glace prélevées dans l'Antarctique (base de Vostok) montrent que, du moins durant les 160000 dernières années, des périodes caractérisées par une hausse de la température et par une forte teneur de l'atmosphère en gaz carbonique (CO2) se sont invariablement accompagnées d'une expansion de la calotte glaciaire. Dans ces cas, le CO2 n'a évidemment pas pu être un facteur primaire de forçage.

Expliquer les changements de la teneur en CO2 de l'atmosphère comme un effet indirect (et non une cause) des variations de la température de l'air n'est pas difficile. La réduction du couvert végétal en période de refroidissement du climat ne peut qu'affaiblir un des principaux mécanismes d'absorption du CO2. Par ailleurs, le rafraîchissement du climat devrait entraîner une extinction massive de beaucoup de micro-organismes du sol, réduisant ainsi les émissions de CO2.

D'un autre côté, on pourrait s'attendre que la baisse des températures fasse beaucoup augmenter la quantité de CO2 absorbée par les océans, d'une part à cause de la solubilité accrue du CO2 dans une eau plus froide et, d'autre part, à cause de l'augmentation de la houle qui devrait accroître la superficie d'absorption à la surface des océans.

Il est donc possible que les calculs actuels se trompent sur la tendance à un réchauffement de notre planète par un facteur de 10-20, à la fois en surestimant la capacité de forçage des gaz à effet de serre et en sous-estimant l'importance des mécanismes de rétroaction négative qui pourraient faire varier le système climatique dans la direction opposée. Nous nous empresserons d'ajouter que la réfutation de l'hypothèse d'un réchauffement par effet de serre ne saurait en aucun cas justifier que l'on continue à surexploiter les forêts tropicales.

Y a-t-il des raisons de supposer que la terre pourrait bientôt être soumise à une puissante force de refroidissement? Je pense qu'il y en a et que ce «coup de froid» annulera probablement tout réchauffement qui pourrait être attribuable à une intensification de l'effet de serre.

La nature cyclique des changements de climat

Premièrement, il est certain que les phénomènes fondamentaux qui gouvernent le système solaire sont de nature cyclique. Les planètes et autres corps célestes suivent tous une orbite et tournent tous autour de leurs axes respectifs; ces facteurs astronomiques régissent la récurrence cyclique des âges glaciaires. En ce qui concerne les fluctuations à plus court terme, le climat de la terre a toujours été marqué par une alternance de périodes chaudes et de périodes froides à intervalles réguliers. Les caractéristiques intrinsèques des fluctuations passées du climat et l'état actuel des températures de notre planète donnent toute raison de s'attendre à un nouveau «mini-âge glaciaire», analogue à celui du 17e siècle. La vraie question est celle de savoir quand cela se produira et de combien baissera la température.

Pour répondre à la question «quand», il faut comprendre le pourquoi. Pourquoi le climat devrait-il fluctuer de cette manière? Quel est ou quels sont les mécanismes cycliquement variables probablement à l'origine des changements constants de la température et des conditions météorologiques qui, nous le savons, se sont produits durant les 12000 dernières années?

L'influence du soleil dans le changement du climat

Le soleil est évidemment un suspect tout désigné. Cet astre central est certainement une force fondamentale dans le système climatique et on sait que son activité énergétique est variable. L'activité électromagnétique du soleil varie selon un mode cyclique qui trouve son expression la plus claire dans le cycle des taches solaires (environ 11 ans).

Si l'on examine l'activité des taches solaires depuis 1700 (voir figure 1), on constate que des cycles d'hyperactivité sont bientôt suivis de cycles d'hypoactivité. Les cycles d'hyperactivité observés entre 1770 et 1800 ont été suivis de trois cycles d'hypoactivité entre 1800 et 1830. De même, les cycles d'hyperactivité des années 1830 à 1870 ont été suivis par des cycles d'hypoactivité de 1880 à 1910. Selon les archives, le climat de l'hémisphère Nord a réagi systématiquement à ce phénomène durant toute la période; l'alternance de périodes plus chaudes et de périodes plus fraîches a suivi de prés les variations de l'activité des taches solaires.

Les auteurs prédisent une période de refroidissement du globe

Le soleil est capable de réduire son activité beaucoup plus que cela n'a été le cas au cours des 200 dernières années. Au 17e siècle, on n'a pas observé la moindre tache solaire pendant une période de 70 à 80 ans. Cette diminution de l'activité solaire a coïncidé exactement avec le «mini-âge glaciaire» de la deuxième moitié du 17e siècle. Durant cette période, la croissance des forêts a considérablement ralenti en altitude et il y a eu toute une série de récoltes désastreuses qui ont engendré des dizaines d'années de misère et de désordre en Europe.

La production par le soleil de rayonnements lumineux et thermiques varie en fonction de l'activité électromagnétique solaire. Les mesures prises par satellite durant la mission organisée dans les années 80 pour étudier le maximum de l'activité solaire en apportent la preuve. On peut donc conclure avec une certaine certitude que l'interruption de l'activité solaire a été le principal facteur responsable du refroidissement observé au 17e siècle et, sans nul doute aussi, du refroidissement précédent, au 14e siècle. Il n'y a pas de relevés fiables de l'activité des taches solaires pour le «mini-âge glaciaire» précédent, mais les études dendrochronologiques (mesure des isotopes de C 14 dans les cernes des arbres) font clairement apparaître une réduction analogue de l'activité électromagnétique solaire.

FIGURE 1 Nombre annuel moyen de taches solaires, 1700-1990

Pour ces raisons, il y a lieu de s'alarmer que le soleil ait connu cinq cycles d'hyperactivité depuis 1940. Le dernier cycle, qui a probablement culminé en 1989, a atteint un sommet exceptionnel bien supérieur à 200 en moyenne annuelle, soit plus du double du maximum observé en moyenne pour l'ensemble de la période depuis le 17e siècle (un facteur auquel nous devons certainement pour une bonne part le temps exceptionnellement chaud qui a régné sous les latitudes nord durant les 18 derniers mois). Sur la base des observations passées, on s'attendrait que la succession actuelle de cycles d'hyperactivité soit suivie d'une succession de cycles d'hypoactivité, accompagnée d'un rafraîchissement du climat de notre planète. En examinant les mécanismes à l'origine de l'activité des taches solaires, nous pouvons obtenir certaines indications sur le cours probable des événements pendant les quelques prochaines années.

L'importance de l'oscillation solaire

Il est désormais bien établi qu'au lieu de rester en position fixe le soleil se déplace, en oscillant autour du centre de masse du système solaire. Isaac Newton a été le premier à donner une explication théorique de ce phénomène (Principia mathematica, 1687). Beaucoup plus tard, en 1965, P.D. Jose, de la NASA, a formulé les équations planétaires qui permettent de reproduire exactement le mouvement du soleil dans le temps et dans l'espace. Même si la communauté scientifique prise dans son ensemble n'en fait pas toujours suffisamment cas, les astronomes savent désormais que la trajectoire du centre solaire à travers la galaxie a la forme d'une spirale qui peut être reproduite avec précision par ordinateur.

Il importe de comprendre que l'oscillation solaire est déterminée par le mouvement des planètes et notamment par le mouvement des deux planètes qui sont les plus grandes et qui ont la plus grande masse, à savoir Jupiter et Saturne. Le soleil change de position par rapport au centre de masse du système solaire par suite des variations constantes de la force et de l'alignement du vecteur planétaire commun, assurant ainsi en permanence la stabilité et l'équilibre du système dans son ensemble (voir figure 2).

Il n'est donc pas surprenant de constater que la période des conjonctions et oppositions Jupiter/Saturne (9,93 ans) coïncide étroitement avec l'intervalle médian du cycle des taches solaires (10 ans). Si la longueur moyenne du cycle au cours des 300 dernières années est légèrement inférieure à 11 ans, cela peut s'expliquer par le degré variable de renforcement dû aux deux planètes les plus grandes après Jupiter et Saturne, à savoir Uranus et Neptune. En d'autres termes, le rythme du cycle des taches solaires est essentiellement régi par le mouvement orbital du soleil et, finalement, par le mouvement des planètes.

Comment cela se fait-il? T. Landscheidt a été le premier à faire observer, en 1981, qu'il est probable que le mouvement orbital du soleil entraîne des variations à long terme du flux des courants de convention sous la surface du soleil - la «dynamo» du champ solaire (voir figure 3). On peut s'attendre que des modifications de cet élément capital du mécanisme solaire aient un effet sur les rayonnements du soleil tout en laissant une empreinte sur le cycle solaire qu'il s'agisse de l'intensité de l'activité des taches solaires ou des changements de polarité qui déterminent le caractère magnétique de ces taches.

Des découvertes récentes viennent étayer solidement ce modèle explicatif. Une équipe de climatologues du Massachusetts Institute of Technology (Newell et al., 1989) a démontré que les fluctuations des températures nocturnes de l'air marin entre 1855 et 1985 ont suivi un cycle bien défini de 21,8 années, soit environ le double du cycle des taches solaires (2 x 11 ans). Ce qui est peut-être encore plus révélateur, c'est que le rythme de variation des températures suit, avec un décalage qui ne dépasse jamais 1 à 3 ans, les phases à l'origine des changements du rythme solaire.

Cette coïncidence donne de bonnes raisons de penser que le mouvement du soleil doit désormais être considéré comme un facteur primaire de changement du climat terrestre. Sur la base de corrélations incontestables qui ont été établies entre les tendances du climat pendant des décennies et les changements du niveau global de l'activité solaire (Eddy, 1975), il semblerait que jusqu'à 80-85 pour cent des variations du climat terrestre depuis quelques milliers d'années soient régis par le soleil (provoquant une alternance de réchauffements et de rafraîchissements du climat couvrant des périodes d'environ 70-90 ans). L'activité volcanique serait apparemment responsable d'environ 10 à 15 pour cent de ces variations (provoquant un rafraîchissement du climat pendant des périodes de 10 à 20 ans. c'est-à-dire lorsqu'il y a des «pointes» volcaniques), tandis que les gaz à effet de serre n'entrent probablement que pour 5 pour cent au maximum dans la variation du climat (soit un réchauffement, soit un refroidissement - la tendance est difficile à déterminer avec certitude).

FIGURE 2 Représentation schématique de l'effet des planètes sur l'oscillation du soleil

Passage solaire anormal

Ce qui est plus important, toutefois, c'est qu'en de rares occasions il y a des passages particulièrement perturbants du soleil par rapport au centre de masse du système solaire, quand une disposition exceptionnelle du vecteur planétaire force le centre solaire à passer du «mauvais» côté (Jupiter) durant une opposition Jupiter/ Saturne.

FIGURE 3 Soleil fluide, en rotation et en oscillation

Bien que seuls deux passages anormaux aient été répertoriés durant l'histoire récente, l'un en 1632 et l'autre en 1811, on connaît suffisamment les événements entraînés par des passages analogues antérieurs pour conclure que ce type de phénomène est particulièrement critique d'un point de vue sismique/volcanique. L'encadré ci-contre récapitule certaines des répercussions les plus dramatiques des passages de 1632 et de 1811. Il faut souligner que rien de comparable à ces deux explosions brutales de l'activité sismique et volcanique ne s'est produit durant la période séparant les deux passages anormaux.

Cette relation apparente entre des phases extrêmes des mouvements du soleil et un volcanisme exceptionnel peut s'expliquer par la perturbation plus ou moins accentuée de la vitesse de rotation du soleil et des planètes qui se produit en cas de passages solaires anormaux (Eddy et al., 1977; Landscheidt, 1988). Dans le cas du soleil, ces changements sont causés par le choc du passage et, dans le cas des planètes, par des perturbations orbitales qui s'expliquent par la nécessité de rétablir l'équilibre du système dans son ensemble.

Les perturbations de la vitesse de rotation des planètes ont toutes chances d'avoir des effets directs sur leur surface. Dans le cas de la terre, des variations de la vitesse de rotation - entraînant des changements infimes mais importants de la longueur du jour accroissent les tensions dans la lithosphère (croûte extérieure de la terre), ce qui est suivi invariablement par une intensification considérable de l'activité sismique et volcanique. On peut aussi montrer que ces événements coïncident avec une modification de la force et de la direction des courants océaniques et par un accroissement des turbulences dans l'atmosphère, ce qui donne souvent naissance à des ouragans exceptionnels.

Le passage anormal de 1990

Ces observations n'auraient qu'un intérêt académique si, au moment d'écrire cet article, c'est-à-dire en mars 1990, le soleil n'était pas à mi-parcours d'un passage anormal. Ce n'est qu'en décembre 1990 que la trajectoire du soleil redeviendra plus normale. Les catastrophes naturelles qui se sont produites dans des circonstances analogues devraient donner à réfléchir. A quoi pouvons-nous nous attendre cette fois? Y a-t-il eu ces derniers mois des indications des mêmes types de perturbations dans le système solaire?

Le nombre exceptionnel de tremblements de terre signalés depuis 12 mois semble bien indiquer qu'il y a des forces inhabituelles à l'oeuvre dans le système terrestre, même si la période critique se situera entre octobre 1990 et la fin de 1991. Des changements de mauvais augure ont été observés à la surface de Jupiter. La fameuse tache rouge (on pense qu'il s'agit d'un énorme phénomène cyclonique) a changé de position. Son déplacement suppose un changement de la vitesse de rotation de la planète d'environ 1,5 seconde par révolution. Pour avoir une idée de l'importance de ce changement et des énergies en jeu, on notera que les modifications de la rotation de la terre ne sont en général pas supérieures à quelques millisecondes par révolution et qu'elles peuvent pourtant provoquer des réactions considérables à la surface de notre planète. Il ne serait pas surprenant que la rotation de la terre change elle aussi.

Le passage solaire de 1990 pourrait être à l'origine d'effets plus durables et encore plus désastreux que des tempêtes ou des tremblements de terre isolés. C'est l'effet du soleil lui-même qui est le plus alarmant. La conjonction d'un maximum exceptionnel de l'activité solaire et d'un passage anormal devrait engendrer des réactions extraordinaires. Pour comprendre pourquoi, il faut examiner de plus près la situation durant les deux précédents passages anormaux.

Répercussions des passages solaires anormaux observés en 1632 et 1811

PASSAGE DE 1632

Grandes éruptions volcaniques: Etna (Italie): cinq éruptions - 1630-1640; Vésuve (Italie): éruption exceptionnelle après 600 ans d'inactivité - 1631; Öraefajökull (Islande): plus de 10 km de débris - 1632; Hekla (Islande): éruptions incessantes de mai à septembre 1636; Gamkunoro (Indonésie): 3000 morts - 1638; Kamagatake (Japon): 700 morts - 1640.

Grands tremblements de terre: Tokyo: destruction totale - 1633; Kongsberg (Norvège): destruction totale d'un ensemble minier à proximité d'Oslo - 1633.

Grandes tempêtes: Non documentées mais probables

PASSAGE DE 1811

Grandes éruptions volcaniques: La Soufrière (Sainte-Lucie) - 1812; Awu (Indonésie): 953 morts - 1812; Mayón (Philippines): 300 morts - 1814; Tambora (Indonésie): la plus grande éruption de toute l'histoire - de 100 à 150 km débris - 56000 morts - 1815; Kawah Idjen (Indonésie): 200 morts - 1817; Eyjafjallajökull (Islande) - 1820; Galunggung (Indonésie): 4011 morts - 1822; Vésuve (Italie) - 1822.

Grands tremblements de terre: Trois mégatremblements de terre (8,5-9,0 sur l'échelle de Richter) dans la région de New Madrid, aux Etats-Unis, qui a touché 20 pour cent de la superficie terrestre de Etats-Unis - 1811-1812; trois grands tremblements de terre (environ 8 sur l'échelle de Richter) en Californie - 1812; un mégatremblement de terre à Caracas (Venezuela), qui a détruit totalement la ville - 1812.

Grandes tempêtes: Ouragan exceptionnel en juillet 1811 en mer du Nord: des centaines de navires marchands sombrent, entraînant la mort de milliers de marins.

Le «stress» auquel a été soumis le soleil durant le passage de 1632 pourrait bien être responsable de la disparition des taches solaires après 1640. Le passage anormal s'est produit alors que le soleil se trouvait en pleine montée d'un cycle solaire qui a culminé en 1634-1635 et qui est retombé aux environs de 1638-1639. On peut soupçonner que le choc du passage a perturbé l'activité électromagnétique du soleil, ce qui a entraîné une très forte réduction de l'activité solaire, une disparition des taches solaires au cours des cycles suivants et un rafraîchissement du climat de notre planète durant la deuxième moitié du 17e siècle.

Aucun refroidissement d'ampleur comparable ne s'est produit à la suite du passage de 1811 mais, en fait, cela ne fait que confirmer, et non infirmer, le mécanisme décrit plus haut. En 1811, l'activité solaire a été particulièrement faible; on n'a observé aucune tache solaire cette année-là Les perturbations de la vitesse de rotation du soleil entraînées par le passage n'ont donc pas eu un effet aussi profond et durable sur l'activité électromagnétique du soleil et n'ont provoqué qu'une réduction mineure du maximum de l'activité solaire en 1816-1817.

En revanche, les perturbations de la rotation de la terre en 1811 semblent avoir eu un effet prononcé sur la circulation atmosphérique. Les modifications du rythme de rotation de la terre ont probablement aussi été responsables de la violente réaction sismique observée durant les années qui ont immédiatement suivi le passage anormal.

La réaction volcanique n'a pas été moins marquée mais elle a été répartie sur l'ensemble de la décennie suivante. Les émissions constantes de poussière volcanique dans l'atmosphère ont probablement contribué à la réduction générale des températures observée entre 1810 et 1830. Il est certain que l'énorme éruption du Tambora en 1815 a entraîné une forte baisse des températures dans l'hémisphère Nord en 1816 - «l'année sans été» - provoquant famine et misère des deux côtés de l'Atlantique.

Quel sera l'avenir?

Sur la base de cette analyse et d'études plus poussées qu'il n'est pas possible de présenter dans le cadre de cet article, il y a de bonnes raisons de penser que le passage solaire de 1990 sera suivi du même type de phénomènes que ceux qui se sont produits à la suite des passages de 1632 et 1811. D'une part, il faut nous attendre à un certain nombre de tremblements de terre particulièrement violents (8-9 sur l'échelle de Richter) dans différentes parties du monde en 1990-1991. Avec un décalage de quelques années peut-être, il faut aussi nous attendre à toute une série d'éruptions volcaniques impressionnantes.

D'autre part, on peut s'attendre à des températures réellement froides dès le milieu des années 90, en partie à cause de l'intensification de l'activité volcanique mais surtout à cause d'une réduction prononcée de l'activité solaire, qui sera confirmée par un manque de taches solaires au moment du prochain maximum prévu de l'activité solaire, vers l'an 2000. Ensuite, il ne serait pas surprenant que les taches solaires restent complètement invisibles pendant plusieurs décennies, comme cela a été le cas entre 1640 et 1715.

D'autres chercheurs ont fait des prévisions analogues ces dernières années. Ainsi, on peut lire dans le numéro du 8 janvier 1990 de US Finances:

M. Iben Browning est l'un des climatologues les plus respectés du pays. Ses prévisions se fondent dans une grande mesure sur le cycle des forces génératrices de grandes marées. Le travail de M. Browning a été en tout point remarquable. Il indique que le monde est en train d'entrer dans un cycle de temps froid de 90 ans (thèse diamétralement opposée à celle de la plupart des climatologues). Selon lui, le temps de l'hémisphère Nord deviendra irrégulièrement plus froid jusque vers 2010 et restera froid jusqu'aux environs de 2070... Si l'avenir ressemble au passé, déclare M. Browning, il faut s'attendre à des temps difficiles.

Un mot pour les forestiers

Pour le forestier, qu'il travaille dans des zones tropicales, tempérées ou marginales de montagne, cette perspective a de quoi inquiéter. Il faut s'attendre que les turbulences atmosphériques durant la période de transition vers un climat plus froid provoquent de violents orages qui occasionneront de graves dégâts aux forêts durant la décennie à venir. Des catastrophes du genre de celle qui a frappé le Nicaragua en octobre 1988, quand l'ouragan «Joan» a détruit une grande partie du patrimoine forestier, risquent fort de se répéter dans beaucoup de parties du monde tropical. Les mêmes problèmes se présenteront dans des zones plus tempérées, partout où le système climatique est propice aux ouragans. L'Europe du Nord-Ouest par exemple - le Royaume-Uni en particulier - peut s'attendre que la fréquence et l'intensité des tempêtes venant de l'Atlantique Nord soient encore plus fortes qu'en 1989-1990. Si l'on en juge d'après les recherches de H.H. Lamb qui a étudié les conditions climatiques au 17e siècle, les rafales pourraient atteindre 80-100 m/seconde.

Outre les effets de ces vents violents, les forêts souffriraient de la baisse rapide des températures (par exemple, mort prématurée des arbres, problèmes de régénération). Sur ce plan, les forêts marginales de montagne de toutes les parties du monde sont particulièrement vulnérables, de sorte que les forestiers doivent s'en préoccuper tout spécialement.

Beaucoup d'autres secteurs d'activité se ressentiraient d'une baisse des températures. L'agriculture, en particulier, serait durement touchée, victime d'une sécheresse persistante dans certaines zones, et des pluies torrentielles, de la neige et du gel dans d'autres. Ces derniers phénomènes seraient particulièrement marqués sous les hautes latitudes des deux hémisphères, où la baisse de la température serait la plus prononcée. Au-dessus de 60° de latitude Nord, la moyenne pourrait diminuer de 1,5 à 2,5 °C, ce qui entraînerait un déplacement temporaire mais considérable des zones climatiques et une redistribution des limites géographiques imposées à tous les types de végétaux, naturels ou cultivés. Dans ces zones marginales, il faudrait donc investir massivement dans le développement des cultures «climatisées» - un effet de serre d'un autre genre, bien plus bénéfique.

L'augmentation de l'activité volcanique, avec les dommages généralisés qu'elle cause aux forêts, a peut-être pour origine le passage solaire anormal

A ce stade, il est impossible de faire des prévisions plus détaillées car la fascination qu'exerce sur les climatologues l'hypothèse du réchauffement de la planète a entraîné une redistribution des ressources, aux dépens de l'étude des climats froids. Un tableau relativement détaillé des événements probables au niveau des grandes régions en cas de réchauffement est en train de s'esquisser, mais on n'a guère travaillé au scénario inverse. C'est une lacune grave. Si l'on n'examine pas les conséquences que pourrait avoir un refroidissement du climat au niveau régional et si l'on n'étudie pas les moyens de résoudre les problèmes qui se poseraient alors, il sera difficile d'établir des plans, même très provisoires, pour y faire face, que ce soit dans le secteur forestier ou dans n'importe quel autre secteur d'importance aussi capitale.

Bibliographie

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Landscheidt, T. 1981. Swinging sun 79-year cycle and climatic change. J. Interdisc. Cycle Res. 12: 3-19.

Landscheidt, T. 1988. Solar rotation impulses of torque in the sun's motion and climatic variations. Climatic Change, 12: 265-295.

Newell, N.E. et al. 1989. Global marine temperature variation and the solar magnetic cycle. Geophys. Res. Lett., 16: 311-314


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