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Éditorial: Voir la forêt à travers les arbres

Tout au cours de l'histoire, les forêts ont été estimées pour l'abondance des biens qu'elles prodiguent: produits de subsistance et produits d'échange, aliments, remèdes, épices, résines, gommes, latex, gibier, bois de feu et, naturellement, bois d'œuvre avec tous ses dérivés. Les textes foisonnent d'exemples de commerce international de produits forestiers remontant pour beaucoup à des milliers d'années. Il est d'ailleurs intéressant de noter que ces échanges portaient davantage sur les résines, les huiles et les épices que sur le bois.

A l'époque moderne, toutefois, les forêts ont été surtout considérées, dans le contexte du développement, comme source d'une seule richesse: le bois.

Cette attitude a souvent eu pour conséquence l'exploitation intensive et inconsidérée du bois au détriment du reste de l'écosystème forestier, et parfois sa destruction. Les habitants de la forêt, tributaires de ses ressources ainsi délapidées, et qui ont eu en général si peu de part aux bénéfices provenant de l'exploitation du bois, ont été le plus durement touchés.

Depuis quelque temps, toutefois, la conviction que les forêts n'ont de valeur que par la production de bois dans un contexte macro-économique a peu à peu changé: l'éclatante évidence du contraire, jointe au souci croissant de se procurer des profits durables à l'échelle locale autant que nationale, en a eu raison. On s'est aperçu désormais que la forêt fournit une gamme entière d'autres produits et d'autres biens dont la plupart sont connus depuis longtemps des populations locales, qui en dépendent d'ailleurs encore largement pour leur subsistance. Le défi consiste à mieux en définir la quantité et la valeur, puis à réorienter en vue du développement, et non plus de la subsistance, l'usage de ceux d'entre eux qui sont commercialement, socialement et écologiquement viables. Il faut donc leur donner une place entière dans la planification et la politique du sous-secteur des produits forestiers aux côtés des produits déjà bien établis dans le commerce national et international, tout en garantissant aux populations locales des profits durables. Ces efforts doivent s'intégrer dans un système global et réaliste d'exploitation de la totalité du potentiel de la forêt, afin d'assurer un développement durable.

Dans le premier article de ce numéro d'Unasylva, G.E. Wickens, ancien directeur de la section d'économie et de conservation du Royal Botanical Gardens de Kew, passe en revue certains problèmes d'aménagement fondamentaux pour le développement durable des produits forestiers autres que le bois. Ouvrir les marchés internationaux aux produits forestiers exploités localement est l'une des façons d'en accroître la valeur. P. May, de la Division des produits forestiers de la FAO, expose en détail tout un enchaînement de relations commerciales institutionnelles entre habitants de la forêt brésilienne et entrepreneurs du Nord.

Les forêts constituent une réserve de nourriture importante. Mais la poussée démographique croissante et la réduction de la base de ressources créent des problèmes d'approvisionnement en l'absence de traitement d'amélioration. J.C. Okafor présente son travail sur l'accroissement de la productivité des produits forestiers comestibles en Afrique. A partir d'une recherche dans le Pacifique Sud effectuée dans le cadre d'un projet forestier soutenu par la FAO, G. Olsson étudie l'importance socio-économique des produits forestiers non ligneux au Vanuatu, et propose des solutions pour un développement durable.

Les artisanats traditionnels basés sur les ressources forestières constituent un potentiel important d'emploi, de petites entreprises, de commerce et de tourisme. Ils permettraient d'accroître le bien-être des populations locales sans dégrader les ressources naturelles. K. Kerr étudie les efforts entrepris en Indonésie pour développer ce potentiel.

Il est humain de vouloir définir et cataloguer toutes choses. Mais réserver exclusivement au bois et à ses produits l'appellation «produits forestiers» est un abus générateur de sérieux problèmes. Au début, l'expression «menus produits» ou «produits secondaires» était utilisée pour désigner les autres ressources de la forêt. Mais, si ces produits peuvent parfois être qualifiés de «menus» à cause de leur taille, il est absurde de les considérer comme secondaires. Par leur variété et leur volume, ils dépassent en importance les produits ligneux traditionnels. Quant à leur valeur, calculée correctement, elle excède presque certainement celle du bois.

Une autre expression a parfois été suggérée: celle de «produits forestiers non ligneux». Mais elle n'est pas non plus satisfaisante dans la mesure où elle exclut des ressources importantes comme le bois de feu ou le bois de construction. De même «produits autres que le bois» risque de prêter à contresens si on y inclut par exemple la pâte à papier. En dernière analyse, on ne pourra trouver de formule unique et suffisante pour désigner les produits de la forêt autres que le bois que lorsque l'exploitation des espaces boisés, d'une part, et les politiques et pratiques du développement, d'autre part, seront adaptées de façon que ces produits reçoivent l'attention qu'ils méritent. Alors, et seulement alors, l'expression «produits forestiers» pourra être appliquée à la totalité de la ressource forestière et des profits qui en découlent. La FAO s'y emploie vigoureusement. La récente réorganisation du Département des forêts comporte la création d'une Division des produits forestiers, avec une sous-division chargée des questions relatives au développement des produits autres que le bois.


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