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Développement durable des forêts

J.S. Maini

J.S. Maini est Sous - Ministre adjoint pour l'environnement forestier, Ottawa (Canada).

Le présent article décrit brièvement le contexte dans lequel se déroulent les délibérations internationales sur la foresterie mondiale et propose un cadre conceptuel pour le développement durable des forêts. Le cadre et les objectifs proposés sont valables pour le développement durable de tous les types de forêts dans le monde, mais la mise en application pratique du développement forestier durable requiert la mise au point de techniques sylvicoles adaptées aux conditions écologiques et socio-économiques locales.

Les forêts: Un problème mondial

Les forêts sont les ressources naturelles renouvelables les plus abondantes et diversifiées, car elles fournissent simultanément une grande variété de richesses et de services économiques, sociaux, environnementaux et culturels. La demande mondiale de ressources forestières augmente avec la croissance démographique, tandis que ces mêmes ressources s'appauvrissent du fait de leur surexploitation, du déboisement et d'une conversion permanente des terres forestières à d'autres usages dans maintes régions tropicales, ou du dépérissement de la forêt par les pollutions aériennes dans les régions tempérées.

Les forêts occupent une place à part dans l'ensemble des problèmes d'environnement mondiaux. Elles sont situées sur le territoire d'Etats souverains, maïs leur rôle pour l'environnement transcende leurs frontières, et s'étend aux niveaux régional et mondial. Ainsi, la bonne ou la mauvaise gestion des forêts occupant les bassins versants de cours d'eau internationaux a des effets sur la conservation du sol et des eaux des pays voisins. De même, les pollutions aériennes d'un Etat peuvent être transportées au-delà de ses frontières et endommager les forêts d'autres pays. Le rôle des forêts dans les cycles écologiques mondiaux met en relief leur importance pour l'environnement au-delà des frontières des pays où elles sont situées. A cet égard, les forêts sont considérées comme un bien commun de l'humanité au même titre que l'atmosphère et les océans.

La conservation et le développement durable de tous les types de forêts de notre planète sont devenus une priorité des politiques internationales, notamment à la veille de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui se tiendra au Brésil en juin 1992. Les conventions sur la biodiversité et l'évolution du climat, en cours de négociation, accordent une attention particulière au rôle des forêts. Certains groupes d'intérêt spéciaux se spécialisent dans une fonction particulière des forêts (réservoir de biodiversité, cycle du carbone, développement économique, subsistance, combustible, etc.), tandis que les responsables nationaux et internationaux ont pour tâche de concilier le rôle des forêts dans le développement socio-économique et la préservation de l'environnement au niveau national, avec les intérêts écologiques et socio-économiques de la communauté des nations. De nos jours, les considérations écologiques ne sont plus secondaires, mais font partie intégrante des politiques économiques et de la planification (Ullsten, 1991).

Le développement forestier durable est également devenu un élément à prendre en considération dans le commerce international des produits forestiers. De nombreux consommateurs, individuellement et collectivement, préfèrent acheter des produits provenant de forêts aménagées dans le respect de la notion de développement durable et transformés selon des procédés acceptables pour l'environnement. Des consommateurs ont menacé de boycotter les produits du bois qui ne sont pas assez «écologiques» du point de vue des matières premières et des procédés de transformation.

Les personnes et les organismes qui s'occupent de questions transnationales et mondiales (gestion des oiseaux migrateurs et des pêches en mer; conservation des espèces menacées d'extinction; aménagement des cours d'eau internationaux; commerce international) ont une longue expérience des questions extraterritoriales. Par contre, la plupart des forestiers s'occupent depuis toujours de questions locales, leur rôle étant de livrer le bois aux scieries. La communauté forestière nationale et internationale est assez mal préparée, du point de vue technique et politique, à affronter la mondialisation des problèmes liés à la forêt. C'est pourquoi sa participation à ces délibérations et sa contribution à l'élaboration de l'ordre du jour forestier international sont restées marginales. La foresterie, qui est une œuvre de longue haleine, bénéficie généralement d'un engagement politique moindre que la plupart des autres questions socio-économiques, souvent limitées au court terme. Cette attention des divers responsables internationaux envers les problèmes de la forêt est une occasion unique de servir les intérêts secteur forestier en lui fournissant un soutien politique et en pratiquant le développement forestier durable, et de tirer parti des multiples ressources de la forêt. Ces ressources englobent aussi bien la satisfaction des besoins socio-économiques des habitants, des collectivités et des industries de la forêt que la conservation des bienfaits écologiques.

Il importe de comprendre l'évolution de la forme et du fond des délibérations internationales sur les forêts, les changements de valeurs et leur incidence sur les pratiques forestières. Les communautés forestière et scientifique doivent définir le développement forestier durable, formuler un cadre conceptuel et établir des critères et des solutions acceptables au plan international pour pratiquer le développement forestier durable en vue de satisfaire les besoins multiples de l'humanité.

Le développement forestier durable

Qu'est-ce que cela signifie?

Le terme «développement économique écologiquement durable», ou plus brièvement «développement durable», a été popularisé dans le monde entier par le rapport de la Commission mondiale de l'environnement et du développement (CMED) Notre avenir à tous. Ce rapport définit ainsi le développement durable: «Le développement durable répondrait aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.» (CMED, 1987). Le terme développement durable a conquis l'imagination du public ainsi que des hommes politiques aux niveaux local, national, régional et international, et il a fait couler beaucoup d'encre. Il représente un objectif souhaitable pour les individus, les institutions, les secteurs économiques, les sociétés et pour l'humanité tout entière. Par contre, on ne s'est guère intéressé à la manière de mettre ce concept en pratique. Pour comprendre le développement durable, il faut faire une distinction entre «croissance» et «développement». La croissance suppose une augmentation de taille par assimilation ou accroissement de biens matériels; le développement est une expansion ou une réalisation des potentialités, visant à compléter, accroître ou améliorer un état.

Le secteur forestier est sans doute mieux placé que tout autre pour prendre la tête d'un mouvement mondial de mise en pratique du développement durable. La communauté forestière est accoutumée au long terme; elle connaît assez bien la réaction des écosystèmes forestiers aux nuisances naturelles et humaines; elle est habituée au principe de rendement équilibré et, dans certains cas, elle a tenté de pratiquer l'utilisation multiple et intégrée des forêts.

Par rapport à de nombreux autres secteurs industriels, le secteur forestier peut assez facilement passer de la notion de rendement équilibré à celle de développement durable en remplaçant l'aménagement des forêts par l'aménagement de l'écosystème forestier.

Le rendement équilibré est un principe profondément ancré dans la collectivité forestière. Le rendement équilibré est-il l'équivalent du développement durable? Oui, mais partiellement. En foresterie, le rendement équilibré consiste à assurer de façon perpétuelle et régulière le flux annuel de bois nécessaire à la consommation humaine, tandis que le développement durable des forêts est beaucoup plus vaste et englobe l'aménagement forestier intégré, le maintien de l'intégrité écologique de l'environnement forestier et la préservation des options futures. Cela ne signifie pas que toutes les forêts, partout, doivent être aménagées pour toutes leurs ressources en même temps. En pratique, les forêts de certaines zones seront vouées à des usages prioritaires (production de bois industriel ou de bois de feu, protection des bassins versants, réserves écologiques, habitat de la faune sauvage, réservoirs de biodiversité, etc.), mais leurs avantages secondaires seront reconnus et conservés. Cette méthode permettrait d'exploiter périodiquement et sélectivement les forêts de bassins versants, si cela ne compromet pas leur objectif prioritaire qui est la conservation du sol et des eaux.

La définition ci-après du développement forestier durable est proposée pour tenir compte à la fois de la satisfaction des besoins présents et du devoir moral envers les générations futures (Maini, 1989a):

Le développement durable des terres forestières et de leur valeur économique et écologique multiple consiste à maintenir indéfiniment, sans détérioration inacceptable, la capacité de production et de renouvellement, ainsi que la diversité écologique et variétale des écosystèmes forestiers.

Le seuil acceptable de «détérioration» est déterminé par les choix et les décisions des individus, des institutions, des nations et de la communauté internationale; il dépend de notre conception des principes écologiques et des impératifs socio-économiques. Ce qui est acceptable dans une situation socio-économique et écologique déterminée peut être totalement inacceptable dans d'autres circonstances. Par conséquent, les choix et les compromis seront faits en fonction des risques encourus et du coût de l'inaction.

La formulation d'approches au développement durable des forêts nécessite une harmonisation des activités humaines et des aspects biologiques et physiques des écosystèmes forestiers. Les activités humaines et les écosystèmes forestiers, ainsi que leur interaction, sont un phénomène dynamique qui change avec le temps et l'endroit. La surveillance de ces systèmes et de leur interaction est donc cruciale pour le développement forestier durable et entraîne un certain nombre de considérations écologiques, socio-économiques, technologiques et politiques.

Du point de vue écologique, toutes les forêts se composent d'un assemblage d'essences diverses et d'un système vital capable dé se renouveler. Comme tous les écosystèmes de longue date relativement adaptables, la plupart des forêts ne sont pas écologiquement fragiles. Elles sont capables de surmonter remarquablement toute une série de perturbations naturelles: aléas climatiques (périodes de pluies et de sécheresse extrêmes), orages, incendies, insectes et maladies. Ces perturbations font partie intégrante du dynamisme des écosystèmes forestiers et jouent un rôle essentiel dans leur santé, leur biodiversité, leur renouvellement et leur rajeunissement, ainsi que dans leur évolution progressive. La structure en mosaïque des forêts naturelles des régions tropicales (Lamb, 1990) et tempérées (Suffling, Lihou et Morand, 1988) reflète souvent des perturbations passées attribuées à des causes naturelles.

Bien entendu, nos préoccupations concernant le potentiel de développement durable des forêts ne naissent pas des changements naturels intervenant avec le temps dans des forêts intactes, mais bien de l'incidence des activités humaines sur les ressources forestières. Dans le passé, les habitants des forêts du monde entier ont puisé dans les ressources forestières pour assurer leur subsistance, avec des effets permanents limités sur ces ressources, mais l'expansion du secteur agricole a entraîné une conversion permanente importante et toujours plus rapide des terres forestières à d'autres usages. La conversion permanente des terres forestières à un usage agricole, actuellement concentrée dans les régions en développement, est semblable à ce qu'ont connu, dans les siècles passés, les régions tempérées aujourd'hui industrialisées. Pour satisfaire les besoins d'une population en expansion constante, la plupart des pays en développement devront continuer à convertir une partie de leurs terres forestières à d'autres usages, notamment production agricole, habitations et infrastructure. L'essentiel est que cette conversion soit bien conçue et exécutée uniquement sur des terres ayant un potentiel d'utilisation non forestière durable. Toutefois, le présent article porte uniquement sur le développement durable des terres destinées de façon permanente à la foresterie.

La pratique du développement forestier durable

Les forêts sont des écosystèmes malléables, mais leur capacité d'adaptation aux changements de l'environnement est limitée et elles se dégradent quand cette limite est dépassée. La connaissance de ces limites nous permet d'exploiter au mieux, par la sylviculture, différentes ressources forestières. Il existe de nombreux exemples d'éclaircies, d'exploitation sélective et de manipulation des forêts de bassins versants pour améliorer les rendements en bois, eau et faune sauvage qui n'ont apparemment pas eu d'incidence néfaste sur l'environnement. Par contre, certaines activités industrielles ont provoqué des contraintes écologiques sur les écosystèmes forestiers: exploitation forestière, ouverture de routes, manipulation du couvert forestier et des essences par la sylviculture et le reboisement et par l'utilisation de méthodes mécaniques, biologiques et chimiques pour la protection contre les incendies, les insectes, les maladies et la végétation concurrentielle.

Les forêts sont également exposées à des contraintes écologiques provoquées par d'autres activités humaines telles que la transformation industrielle et l'utilisation des combustibles fossiles. L'incidence de certaines de ces contraintes reste limitée et localisée; d'autres répercussions sont mondiales. Par exemple, la dégradation de certaines forêts d'Europe est attribuée aux substances polluantes transportées par l'air, mais toutes les forêts du monde entier seraient exposées au réchauffement né de l'accroissement de la concentration de gaz créant un effet de serre dans l'atmosphère (Maini, 1989b). Une forêt naturelle aménagée, une plantation forestière ou une réserve écologique destinée à étudier les processus naturels n'auraient guère, ou pas, d'utilité si elles étaient situées à côté d'une usine émettant des substances polluantes.

Pratiquer le développement forestier durable signifie donc reconnaître les limites au-delà desquelles les forêts ne peuvent plus supporter les changements écologiques, individuellement et collectivement, et gérer les activités humaines de façon à obtenir le maximum d'avantages dans ces limites. Plusieurs paramètres peuvent être utilisés pour évaluer l'état des forêts, en ce qui concerne les espèces et les écosystèmes (Jordan, 1989; Rapport, Regier et Hutchison, 1985; Woodwell, 1970). La définition du développement forestier durable proposée plus haut reconnaît trois paramètres essentiels: capacité de production, capacité de renouvellement, biodiversité et diversité écologique.

Capacité de production. La productivité d'un site dépend de la variété des essences et du nombre d'arbres qui y poussent, de la fertilité du sol et du climat. Outre les sols, la biomasse forestière constitue un important réservoir des éléments fertilisants totaux d'une terre forestière donnée. La suppression de la biomasse par l'exploitation des forêts peut représenter une perte nette d'éléments fertilisants dans un site pendant la période de rotation. Dans les sites pauvres en éléments fertilisants, cela entraîne une réduction importante du rendement de la biomasse pendant la récolte suivante. Toutefois, on ne dispose que de peu d'informations sur le cycle des éléments fertilisants dans les forêts tempérées (Kuusela, 1990) et tropicales (Jordan, 1989; Lamb, 1990). Il nous faut donc chercher à mieux comprendre l'incidence de l'exploitation forestière sur la productivité du sol et les rendements futurs.

Capacité de renouvellement. Le renouvellement d'un écosystème forestier, après son exploitation ou d'autres perturbations, dépend de la nature et de l'intensité des perturbations et du mode de reproduction des essences de ce site. Dans beaucoup de forêts tropicales, le renouvellement de la végétation par les semences ou par reproduction végétative est rapide et s'achève en quelques mois avec une grande diversité d'essences (Lamb, 1990). Du point de vue industriel, il est utile de renouveler les forêts rapidement avec des essences intéressantes sur le plan économique, alors que les processus naturels de renouvellement de la végétation s'accompagnent généralement d'un mélange d'essences, certaines intéressantes et d'autres pas. Selon les objectifs de gestion, il importe de maintenir le processus de renouvellement des forêts par des moyens de régénération naturels et artificiels appropriés.

La sensibilité des écosystèmes forestiers aux contraintes dépend du type d'écosystème: adaptable ou fragile, et de la nature de la contrainte: type, durée et intensité. La figure ci-après illustre de façon générale la réponse des écosystèmes forestiers aux contraintes. Les forêts soumises à des contraintes dépassant leurs limites de tolérance peuvent suivre la trajectoire F1 - F2. Le mode de régénération des écosystèmes forestiers soumis à des perturbations et des contraintes - «trajectoire de dégradation des forêts» - peut se décomposer en trois niveaux.

· Autorenouvellement. A un niveau de dégradation modéré, après suppression de la contrainte, les écosystèmes forestiers sont capables de se renouveler eux-mêmes et de retrouver à peu près leur état initial, dans un temps assez court, sans intervention humaine.

· Remise en état. A un niveau de dégradation intermédiaire, l'écosystème forestier peut se rétablir naturellement au bout d'une longue période, mais cette période est souvent raccourcie par une intervention humaine.

· Restauration. Au-delà d'un certain niveau, la dégradation des forêts devient pratiquement irréversible, tout au moins d'après la conception humaine du temps, et se caractérise par une perte totale ou quasi totale du couvert forestier (déforestation) et de la diversité des essences, accompagnée d'une dégradation du sol, ce qui entraîne une réduction de la capacité de production totale du site. Dans ce cas, le processus de restauration peut prendre des siècles en laissant faire la nature ou des décennies avec une intervention de l'homme. Il n'est pas possible de recréer la forêt dans son état naturel original, mais il est possible de créer une forêt de diverses essences ou des plantations forestières.

Relation entre le niveau de dégradation des forêts, l'étendue de récupération et le coût des interventions

La figure permet de tirer plusieurs autres conclusions:

· il n'est possible d'intervenir avec un coût faible ou inexistant qu'aux premières étapes de la dégradation des forêts;

· sur le plan économique, le coût des interventions augmente en fonction de l'état de dégradation des forêts (trajectoire C1 - C2);

· il est essentiel d'apprendre à mieux reconnaître les signes avant-coureurs de façon à prévenir et à éviter les dégradations plutôt que de les laisser s'installer et d'y remédier;

· notre aptitude à pratiquer le développement forestier durable dépend de notre aptitude à prévoir l'incidence écologique des bouleversements naturels et des activités de l'homme sur les écosystèmes forestiers;

· l'expérience passée doit nous servir à définir des plans minutieux à long terme; ainsi, en comparant des terres forestières mal aménagées ou malmenées à d'autres bien aménagées et intactes, nous pourrons mieux prévoir l'avenir;

· il faut créer dans le monde entier des réserves écologiques de spécimens forestiers représentatifs et uniques, servant de base de référence écologique et de site de bio-surveillance, car cela fait partie intégrante du développement forestier durable.

Biodiversité et diversité écologique. Les forêts sont les dépositaires de l'héritage génétique de la planète. Les forêts tropicales détiennent plus de la moitié des espèces animales et végétales sur environ 6 pour cent de la surface terrestre (Poore et Sayer, 1991). La biodiversité diminue quand la latitude augmente. Contrairement aux forêts tropicales qui recèlent des centaines d'essences différentes, les terres forestières des régions boréales contiennent parfois une seule essence sur de vastes étendues. La biodiversité et la diversité écologique sont étroitement liées et leur préservation est essentielle pour l'avenir. Les délibérations en cours concernant une convention internationale sur la biodiversité envisagent de préserver un réseau d'écosystèmes forestiers uniques et représentatifs aux niveaux national, régional et mondial, et d'entretenir des banques de gènes et de semences.

L'enjeu futur

La communauté internationale est à présent sensibilisée au problème de l'utilisation durable des ressources naturelles et de la préservation de la qualité de l'environnement, pour les générations présentes et à venir. On assiste à la naissance d'une éthique de l'environnement qui suggère d'utiliser sans abuser, de réduire les contraintes environnementales, de recycler, et de faire plus avec moins. Le grand public, surtout dans les pays industrialisés, est très concerné par les pratiques forestières passées et présentes dans de nombreuses régions du monde, en particulier par la dégradation des forêts et la déforestation dans les pays tropicaux, par leur dépérissement dans les pays industrialisés et par la dégradation de l'environnement découlant de la transformation de certains produits forestiers. L'objectif du développement durable décrit plus haut peut être poursuivi par plusieurs moyens spécifiques: recherche, législation, politiques forestières et environnementales, pratiques forestières et aménagement des forêts, ainsi que par une coopération internationale pour la mise au point de critères de développement forestier durable, le transfert de technologies et l'assistance financière.

La pratique du développement forestier durable, par l'aménagement des écosystèmes forestiers en fonction de leurs multiples avantages et intérêts, sera relativement plus coûteuse à court terme que le simple aménagement forestier pour la production de bois. Cependant, si l'on néglige de mettre en pratique un aménagement forestier écologiquement viable, les coûts futurs risquent d'être prohibitifs. Comme il est de l'intérêt collectif - du point de vue économique et écologique de pratiquer le développement forestier durable aux niveaux national, régional et mondial, il faut mettre au point une politique internationale et un cadre institutionnel appropriés pour promouvoir la coopération technique et financière sur le plan mondial (Maini, 1991 a). Il faut aussi formuler une série de principes directeurs pour la conservation et le développement durable des forêts mondiales (Maini, 1991b; CNUED, 1991) et mettre au point des critères acceptés au niveau international concernant le développement forestier durable.

Mesures à prendre pour promouvoir le développement forestier durable

· Mieux utiliser les connaissances existantes pour pratiquer la gestion intégrée de l'écosystème forestier et établir un réseau international de zones de démonstration.

· Approfondir les recherchés pour prévoir la réaction des écosystèmes forestiers aux perturbations dues à des causes naturelles et aux activités humaines, mieux reconnaître les signes avant coureurs et indicateurs des contraintes de l'environnement et de la dégradation des écosystèmes forestiers.

· Accélérer la mise en place de systèmes de surveillance nationaux et internationaux fournissant en temps voulu des renseignements fiables sur l'état des forêts nationales et mondiales.

· Créer ou renforcer des réseaux nationaux de réserves écologiques contenant des types forestiers uniques et représentatifs, afin de protéger la biodiversité et la diversité écologique et de fournir une base de références permettant de déterminer les conséquences des activités humaines sur l'environnement.

· Accroître la productivité des terres forestières dans certaines régions par un aménagement amélioré des forêts et des plantations forestières et par la réduction des pertes dues aux incendies, aux insectes et aux maladies, afin de laisser davantage de terres forestières disponibles pour d'autres usages sans réduire le flux total de bois d'oeuvre.

· Limiter les pertes lors des opérations d'exploitation forestière et de transformation des produits forestiers; améliorer l'utilisation du bois pour toute une série d'usages; encourager le recyclage, le cas échéant, pour réduire la demande de matière première et «faire plus avec moins».

· Limiter les effluents de la transformation des produits forestiers à des niveaux acceptables pour l'environnement.

· Limiter les substances polluantes de l'industrie non forestière à des activités de consommation qui provoquent la dégradation des forêts par la réduction de la productivité, du renouvellement, de la biodiversité et de la diversité écologique.

· Consacrer davantage de ressources à la recherche systématique sur les politiques pour comprendre et influencer les prises de décision dans le secteur forestier, et mettre au point des approches novatrices afin d'harmoniser les différentes conceptions économiques, écologiques et politiques.

· Poursuivre les travaux de mise en place de cadres institutionnels et politiques internationaux appropriés pour favoriser la coopération internationale dans le domaine du transfert de technologies et de l'assistance financière, en vue de la conservation et du développement durable dés forêts.

· Formuler des critères de développement forestier durable pour renforcer les échanges internationaux de produits forestiers provenant de forêts aménagées selon les pratiques du développement durable.

· Diffuser plus largement l'engagement, les politiques et les programmes des diverses parties prenantes du secteur forestier pour atteindre les objectifs du développement durable.

Conclusion

Des problèmes mondiaux comme l'inégalité des ressources, la croissance démographique, la faim, l'analphabétisme, les logements insalubres et la dégradation de l'environnement amènent à s'inquiéter de l'avenir de notre planète et de ses habitants. Le développement économique durable écologiquement viable est considéré comme une valeur civique essentielle qui permettra, tout en satisfaisant la demande actuelle, de laisser en héritage aux générations à venir un environnement sain et des ressources naturelles suffisantes pour couvrir leurs besoins. Le développement forestier durable doit contribuer à résoudre une partie des problèmes mondiaux évoqués plus haut, en fournissant de la nourriture, des fibres et du bois, ainsi que des avantages écologiques multiples.

Les produits de la forêt ne sont pas nocifs pour l'environnement; ils sont biodégradables et obtenus à partir de ressources renouvelables. La communauté forestière mondiale doit faire face à deux enjeux majeurs: tout d'abord, compte tenu de la croissance démographique et de l'expansion prévue de la demande de bois et de produits non ligneux, comment satisfaire la demande future sans dégrader la base de ressources forestières et l'environnement forestier; deuxièmement, quels moyens techniques, financiers, institutionnels et politiques mobiliser pour promouvoir le développement durable de tous les types de forêts de la planète. La communauté forestière internationale doit s'occuper activement de définir l'agenda forestier national et international.

La gestion des forêts mondiales est une responsabilité à la fois nationale et internationale, servant les intérêts socio-économiques et écologiques collectifs. La communauté forestière accoutumée au long terme, qui possède les capacités techniques voulues et a fait preuve de l'engagement nécessaire en faveur du principe de production équilibrée, est très bien placée pour prendre la tête d'un mouvement national et international de mise en pratique du développement forestier durable. Cela nécessitera un engagement et une coopération de la communauté internationale, un cadre institutionnel et politique approprié et une évolution de l'aménagement forestier vers l'aménagement de l'écosystème forestier.

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