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Les initiatives forestières des communautés en Amérique centrale et au Mexique: le rôle des organisations paysannes

M. Morell

Merilio Morell est forestier à la Sous-Division des politiques et des institutions forestières, au Département des forêts de la FAO.

La participations communautaire à la gestion des forêts est considérée indispensable pour assurer une exploitation durable des ressources forestières. En Amérique centrale et au Mexique, c'est surtout au niveau des localités rurales que cette participation est spontanément encouragée. Les communautés qui dépendent des forêts créent des ONG (dans le cadre de cet article, il s'agit d'organisations locales qui n'ont pas forcément d'existence officielle) par l'intermédiaire desquelles elles défendent activement leur droit à utiliser les forêts. Les activités entreprises par les ONG démontrent les bénéfices et le potentiel de cette approche. Les communautés mettent en pratique, grâce à ces organisations, des solutions de rechange qui répondent à leurs besoins et contribuent en même temps à la conservation des forêts.

Le présent article résume les expériences de 13 ONG du Mexique et d'Amérique centrale et analyse leur impact sur l'utilisation durable des forêts (voir encadré à la page 12). Bien que l'article se fonde sur l'opinion d'un groupe restreint de chefs de communautés villageoises, la régularité avec laquelle certaines questions sont identifiées comme prioritaires et la diversité des origines géographiques et sociales de ces différentes personnalités permettent d'appliquer les résultats de l'analyse à toute la région d'Amérique centrale et au Mexique.

L'article comprend trois parties. La première présente un profil des ONG créées par les communautés: leurs objectifs, leurs origines et les facteurs qui contribuent à leur succès. La deuxième partie décrit les stratégies utilisées par des ONG ayant donné de bons résultats. Dans la troisième partie, se trouvent exposés les points de vue des paysans sur les principaux obstacles au développement forestier et sur les politiques forestières et de développement économique. En conclusion sont présentées les principales leçons à tirer des expériences faites par les ONG locales.

Caractéristiques des ONG d'Amérique centrale et du Mexique

En Amérique centrale et au Mexique, les ONG qui remportent quelque succès auprès des communautés présentent diverses caractéristiques communes. Parmi celles-ci, on peut citer comme particulièrement importants du point de vue de la gestion durable des forêts les objectifs des organisations, leur origine et les facteurs qui contribuent à leur succès.

Objectifs

L'objectif final des organisations est d'améliorer les conditions matérielles dans lesquelles vivent les membres de leurs communautés, ce qui explique leur caractère productif et pratique. Les organisations défendent le droit des communautés à utiliser les ressources forestières, à jouir pleinement de ce droit, à prendre le contrôle de la prise de décision et à obtenir les moyens nécessaires pour augmenter la production forestière.

Les ONG s'intéressent essentiellement aux problèmes des gens, ce qu'illustrent précisément le statut et les activités d'organisations comme la Communauté autochtone de Leymus au Nicaragua, l'Ejido de Nohbec au Mexique, l'Association des petits producteurs de Talamanca au Costa Rica et la Communauté Paqui au Guatemala (voir encadrés).

Les objectifs de production et de satisfaction des besoins immédiats de la population n'entrent pas en conflit avec l'utilisation durable et la conservation des forêts. D'un côté, les communautés connaissent la mesure dans laquelle leur bien-être actuel dépend d'un flux permanent de biens et de services ayant leur origine dans les forêts et les arbres. De l'autre, leurs espoirs de progrès et les chances qu'elles laisseront à leurs enfants dépendent de la conservation de ces mêmes ressources. Ce dilemme constitue pour les communautés locales une raison suffisante de promouvoir la conservation des forêts. Leur souci de l'avenir de leurs enfants les oblige à s'intéresser à l'avenir des forêts. En gros, leur raisonnement est le suivant: la satisfaction des besoins de la population dépend de la conservation des forêts.

La perception qu'ont les communautés des objectifs de leurs organisations - les gens et la production d'abord - contraste avec l'approche adoptée communément par les agences gouvernementales, les organismes de développement et les ONG aux deuxième et troisième niveaux. Le raisonnement de ces dernières est exactement l'inverse: pour elles, c'est la conservation des forêts qui résoud les problèmes de la population. Telle est la conclusion qui découle de l'ample bibliographie et des nombreux documents de projet destinés à promouvoir la conservation et le développement rural. Ces documents signalent en général la dégradation des ressources naturelles et l'urgence de leur conservation. L'être humain reste au second plan.

PARTICIPATION DE LA POPULATION

Laissez parler ceux qui savent
Séminaire de participation paysanne, avril Costa Rica

Le séminaire «Participation paysanne au processus de prise de décisions et à la gestion des ressources forestières» a été conçu comme un moyen de consulter les représentants de groupes ruraux. Son objectif était double: connaître l'opinion de ces groupes sur la meilleure façon d'appuyer le processus de développement et promouvoir leur participation active à l'utilisation durable des ressources forestières. Le séminaire a donné l'occasion aux participants de discuter librement, et sans être influencés de l'extérieur, de leurs expériences et de leurs points de vue sur la question.

Le séminaire s'est tenu au Costa Rica entre le 18 et le 26 avril 1991. Y ont participé 31 représentants de 13 organisations forestières des pays ci-après: Mexique, Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua et Costa Rica. Les organisations invitées avaient pour caractéristique commune de posséder une expérience de l'aménagement des forêts au profit des communautés rurales et à des fins de conservation.

Le Comité national forestier paysan (JUNAFORCA) du Costa Rica était responsable de l'organisation du séminaire. Il a pu compter pour ce faire sur l'aide de la Direction générale de la foresterie du pays et sur l'assistance technique et financière de la FAO, fournie par le biais de la Division des politiques et de la planification forestières (FON) et du programme La forêt, les arbres et l'homme.

La préparation du séminaire s'est déroulée en trois étapes. Pendant la première, on a vérifié que le séminaire envisagé suscitait l'intérêt des ONG et on a fait un bilan général des expériences menées dans la région. Cette phase a été réalisée grâce à une mission organisée par la FAO qui s'est rendue dans 44 groupes en Amérique centrale et au Mexique. Elle a obtenu des informations sur les différentes formes d'organisation et sur l'expérience acquise en matière de gestion des ressources forestières et s'est fait une idée des questions que les ONG souhaitaient voir traiter. Les groupes visités ont approuvé la tenue de ce séminaire et ont exprimé un intérêt particulier pour ses éventuels résultats. La seconde étape a consisté à identifier une ONG - disposée à diriger l'organisation et les travaux du séminaire. Finalement, l'organisation proprement dite du séminaire a eu lieu en collaboration avec JUNAFORCA. On a tenu compte des caractéristiques des participants et de la nécessité de s'assurer qu'ils décideraient eux-mêmes des questions sur lesquelles porterait le séminaire.

Les représentants des ONG ont pris complètement en charge l'exécution du séminaire, depuis ses aspects administratifs jusqu'à l'organisation et la direction des travaux. Ils ont constitué à cet effet une commission de coordination chargée de veiller à l'exécution du programme, de prendre des décisions quant à sa mise en œuvre et d'élaborer les conclusions et les minutes du séminaire. Les techniciens de la Direction générale de la foresterie et de la FAO se sont chargés de résumer les aspects considérés comme les plus importants par les participants.

Le rapport officiel du séminaire a été établi par les participants. Il a été inclus dans le document publié par JUNAFORCA, intitulé Séminaire sur la participation paysanne au processus de prise de décisions et à la gestion des ressources forestières: synthèse, conclusions et recommandations. Des exemplaires peuvent être obtenus auprès du programme La forêt, les arbres et l'homme, FAO, Viale delle Terme di Caracalla, Rome.

On ne discutera pas ici le bien-fondé de l'approche adoptée par les promoteurs du développement extérieurs aux communautés; on se bornera à signaler deux conséquences importantes de cette situation. Tout d'abord, il existe une probable divergence entre les objectifs et les points de vue des communautés et de leurs organisations d'une part, et ceux que défendent les agences gouvernementales et les organisations de développement externes, d'autre part. Un tel désaccord peut conduire à l'inefficacité ou à l'échec des efforts en faveur du développement durable. En outre, les succès remportés par les ONG locales justifient une révision de l'approche adoptée jusqu'ici par les agents extérieurs aux communautés. Deuxièmement, les objectifs de développement seront d'autant plus faciles à atteindre que la question de la distribution et de la propriété des bénéfices, à court et à long termes, aura été plus clairement réglée.

Raisons incitant les communautés à créer leurs propres organisations

Beaucoup d'ONG créées par des communautés rurales ont leur origine dans les conflits relatifs au droit de propriété les interventions gouvernementales et les faiblesses institutionnelles. Les conflits relatifs aux droits de propriété se produisent dans ou entre les communautés. Toutefois, l'intention qu ont des agents économiques extérieurs de s'approprier les droits et les ressources appartenant traditionnellement aux communautés est l'une des causes les plus fréquentes de conflits. Dans ces situations, les communautés sentent que les institutions officielles ne défendent pas correctement leurs intérêts, et elles créent des ONG pour mieux se défendre.

Les interventions gouvernementales sont aussi à l'origine de la création de nombreuses ONG. En règle générale, les règlements restreignent le droit de propriété, soit en limitant l'accès à la terre, soit en fixant des normes et des conditions techniques à l'utilisation des forêts. Au Honduras, l'obligation aux communautés locales de se conformer à des plans de gestion pour exploiter la forêt explique en grande partie la création de la Coopérative agroforestière régionale de Colon-Atlàntida. En El Salvador, les règlements officiels concernant l'exploitation du baume ont suscité la création de l'Association coopérative de la réforme agraire El Balsamar.

Les incitations économiques contribuent aussi à la création des ONG. Au Costa Rica, les paysans ont voulu bénéficier d'un régime d'incitation qui n'avait pas été conçu pour eux et ont décidé de créer à cet effet plusieurs ONG et coalitions d'ONG.

Parmi les autres raisons importantes qui sont à l'origine de la création de telles organisations, il faut citer l'absence d'institutions ou leur mauvais fonctionnement. Les faiblesses institutionnelles les plus communes sont les marchés insuffisants ou inexistants, les systèmes bancaires inadaptés et l'absence de systèmes et de méthodes de vulgarisation. Ces faiblesses réduisent les marges bénéficiaires des communautés et leur accès aux capitaux et aux technologies. Il arrive même que des agences gouvernementales, pour augmenter l'efficacité de leurs activités, favorisent la création d'ONG au niveau communautaire.

Toutes ces raisons témoignent des difficultés auxquelles se heurtent les communautés qui gèrent les ressources forestières et des problèmes qu'elles jugent prioritaires. Elles révèlent des faiblesses dans les politiques sectorielles et extrasensorielles et indiquent également la façon dont les communautés conçoivent le type d'aide nécessaire et les inter ventions ayant le plus de chances d'aboutir. Pour prêter un appui efficace aux ONG locales, les gouvernements et les organismes de développement devraient s intéresser en priorité à ces causes. Leur prise en compte dans la conception des pro grammes visant à promouvoir le développement durable améliorerait les chance! de succès desdits programmes.

Le bureau de la Société de producteurs forestiers communaux du sud du Quintana Roo AI' Mexique

D'autre part, la création d'ONG augmente le coût de la gestion des forêts et des arbres. Ces dépenses supplémentaires peuvent être estimées en ter mes de coût d'opportunité du temps consacré aux organisations ou en fonction du coût de l'embauche de professionnels et du coût des services administratifs. D'un point de vue pratique, cela représente un impôt sur la gestion des forêts par le communautés. Celles-ci, outre qu'elle ne sont pas récompensées pour les effet induits positifs qu'elles suscitent, son obligées de payer de leur poche. Une telle situation justifierait un appui spécial de la part des gouvernements et des agences de développement au renforcement de ONG créées par les communautés qui gèrent les forêts

Raisons du succès des ONG en Amérique centrale

Les dirigeants des ONG locales considèrent que les organisations qui contribuent à améliorer les conditions de vie de la communauté remplissent leur mandat. L'amélioration en question se traduit par la création d'emplois, l'augmentation des revenus, le contrôle exercé sur les ressources et l'assurance de jouir à l'avenir de tous ces avantages. Les ONG qui réussissent possèdent certains aspects en commun. Les paragraphes ci-après décrivent ceux que les dirigeants des ONG considèrent comme les plus importants pour réaliser leurs objectifs.

ORGANISATIONS POPULAIRES

Ejido de Nohbec

Chetumal, Etat de Quintana Roo (Mexique)

Créé en 1936, l'ejido (commune) représente les intérêts de 200 membres. Les terres, enregistrées sous un titre de propriété collectif, embrassent une superficie de 23 000 ha, dont 20 000 ha de forêt. De 1936 à 1954, la principale activité a été l'extraction de la gomme. L'exploitation des forêts a ensuite été confiée à titre de concession à une entreprise gouvernementale jusqu'en 1982. En 1983, l'ejido a déclare ses terres zone forestière permanente et a lancé un plan pilote d'aménagement forestier. C'est de ce plan pilote que datent la participation directe de l'ejido aux bénéfices économiques tirés de la forêt et son intérêt pour l'utilisation durable de la forêt.

Communauté autochtone de San Juan Nuevo Etat de Michoacàn (Mexique)

La Comunidad Indígena de San Juan Nuevo a été créée en 1981 en tant qu'organisation de production collective. Elle compte 950 membres. Leurs terres, exploitées en vertu d'un titre de propriété semi-collectif, couvrent 18 300 ha, dont 11300 correspondent à des forêts naturelles de conifères L'histoire de cette communauté remonte à l'époque coloniale, puisque c'est en 1715 que lui ont été accordés ses premiers titres de propriété. De 1940 à 1950, elle s'est consacrée à l'extraction de la résine; de 1950 à 1973, la chasse en forêt a été interdite dans tout l'État de Michnacàn; de 1974 à 1978, seules les activités forestières ayant des objectifs sanitaires ont été autorisées: ce n'est qu'en 1983 que l'exploitation du bois commercial a commencé. A l'heure actuelle, les activités entrent dans le cadre de plans d'aménagement qui visent à assurer une utilisation durable des forêts; l'organisation possède du matériel d'exploitation forestière, une scierie, une fabrique de meubles, une déchiqueteuse et une usine de traitement de la résine.

ORGANISATIONS POPULAIRES

Société de producteurs forestiers communaux du sud du Quintana Roo (Mexique)

La Sociedad de productores forestales ejidales représente les intérêts de 10 ejidos, parmi lesquels Nohbec et San Juan Nuevo. Ses premières activités, qui visaient à faciliter l'établissement de plans d'aménagement forestier, datent de 1983. L'association a été reconnue officiellement en 1986. Elle offre des services en matière d'administration, de commercialisation, d'aménagement forestier, de démarches politiques et sur des aspects juridiques. Les ejidos représentés possèdent 330 000 ha, dont 130 000 sont occupés par une forêt tropicale humide. Les nouvel les activités comprennent la protection de la faune et le contrôle de la chasse.

Groupe résine et bois de Chagüite Grande Comayagua (Honduras)

Les premières tentatives du Grupo de Resina y Madera de Chagüite Grande ont eu lieu en 1974 avec la création d'une pré-coopérative agroforestière. Par la suite, l'aide du gouvernement et des organisations internationales a contribué à la création du Centre qui dirige cette organisation et qui a acquis la personnalité juridique en 1988. Une quarantaine de membres exploitent 1630 ha de terre, dont 1500 correspondent à des forêts de conifères. L'installation d'une scierie, un générateur d'électricité et des changements dans les méthodes de commercialisation ont considérablement amélioré la situation sociale et économique de la communauté et engendré chez les membres une perception claire des bénéfices à tirer d'une utilisation durable des forêts.

Femmes membres de la communauté autochtone de San Juan Nuevo, au Mexique

Tradition d'actions conjointes. L'expérience de l'action collective lice à la gestion d'un bien commun est une caractéristique commune à toutes les communautés autochtones (Guatemala, Mexique et Costa Rica). Dans le cas des communautés non autochtones (Groupe de résine et bois de Chagüite Grande au Honduras), il existait avant même que l'organisation ne soit créée une tradition d utilisation communautaire des forêts.

Persévérance dans l'effort d'organisation. Nombre de communautés connaissent des échecs lors de leurs premières tentatives pour créer des ONG. Seule la persévérance s'avère efficace; plusieurs des organisations qui fonctionnent bien aujourd'hui sont le résultat de tentatives répétées d'organisation.

Sens du droit à la propriété. Les communautés qui créent des ONG avec succès sont fermement convaincues d'avoir un droit de propriété sur leurs ressources. Ce sentiment existe tant dans les situations de propriété collective qu'en cas de propriété individuelle. L'organisation se crée pour défendre des droits que la communauté se reconnaît à elle-même et non pour demander une faveur. Le sentiment de propriété s'accompagne habituellement d'une conscience claire des limites et de notions approximatives sur les bénéfices potentiels. Chaque fois que ces conditions n'étaient pas réunies avant que l'organisation ne voie le jour, leur identification immédiate comme éléments prioritaires a été la clé du succès.

Contexte institutionnel favorable. Les ONG qui marchent sont presque toujours situées dans des pays où le système politique favorise la participation et la libre association et où les agences gouvernementales s'intéressent un tant soit peu au développement communautaire.

Existence de marchés. Cet aspect joue un rôle clé avant et après la création des organisations. La connaissance préalable des prix et de la demande permet aux communautés d'évaluer les bénéfices potentiels qu'elles peuvent tirer du plein accès aux ressources forestières et de la gestion de ces ressources. Une fois les ONG créées, les marchés permettent à la production améliorée des communautés organisées de se transformer en un flux important de revenus financiers.

Assistance extérieure aux communautés. L'assistance internationale, le secteur prive et les agences gouvernementales contribuent aussi au succès des ONG. L'aide accordée est la plus efficace lorsqu'elle est acheminée par le biais d'organisations bien acceptées par les communautés. Dans le cas du Groupe de la conservation des sols et du reboisement de Cambricán, les ressources ont été acheminées par le biais d'une organisation enracinée dans la tradition ancestrale de la communauté. A Hojancha (Costa Rica), la première aide dont ait bénéficié la communauté provenait de la Fondation panaméricaine par l'intermédiaire du Centre agricole cantonal, organisation qui était déjà bien acceptée par la communauté. Au Costa Rica également, DECAFOR et le Bureau national du Programme d'action forestier tropical ont agi par le biais d'une coalition d'ONG (le Comité national forestier paysan JUNAFORCA) bien acceptées dans les localités où elles sont implantées.

ORGANISATIONS POPULARES

Coopérative agroforestière régionale de Colón-Atlántida (Honduras)

Créée en 1976, cette organisation - également connue sous le sigle COATLAHL réunit 14 groupes de paysans qui se consacrent à l'exploitation de forêts appartenant à l'État. Son objectif est d'obtenir des crédits pour ses membres, d'améliorer la commercialisation du bois et de veiller à ce que l'exploitation tienne compte des exigences liées à une utilisation durable de la forêt. Depuis sa création, CONTLAHL est passée par diverses crises dues à un manque d'expérience administrative et à des faiblesses au niveau de la direction. A partir de 1988, l'organisation a largement contribué à l'amélioration des revenus de ses membres et joue un rôle important dans la gestion des forêts.

Communauté Paqui Totonicapán (Guatemala)

Avec une population de 3 000 habitants, la communauté Paquí considère les forêts locales comme sa propriété et les utilise depuis plus de 100 ans. Le bois de chauffage, le bois de construction et l'artisanat constituent l'essentiel de sa production. A l'heure actuelle, la communauté exploite une forêt de 470 ha. Elle a acquis la personnalité juridique et, en 1962, a commencé à agir en tant qu'organisation. Son objectif est de défendre le droit de propriété de la population sur la forêt et de veiller à ce que celle-ci reste propriété collective et fasse l'objet d'une utilisation durable.

Un membre de la coopérative agroforestière régionale de Colón-Atlántida, au Honduras

ORGANISATIONS POPULAIRES

Groupe de la conservation des sols et du reboisement de Cambricán Quetzaltenango (Guatemala)

Les 12 000 habitants de la commune de Cambricán vivent de l'agriculture et de l'artisanat. Ils exploitent 3 800 ha de terres agricoles et une forêt de 1300 ha. Le Grupo de conservación de suelos y de reforestación de Cambricán est né en partie de la nécessité de préserver la forêt pour éviter la dégradation des sols agricoles et en partie de l'intérêt que présentait l'utilisation de ces terres forestières comme garantie bancaire. Les activités concernant la conservation des sols ont dé, marré en 1960; en 1977, les groupes chargés de la conservation ont été constitués puis, en 1985, ceux chargés du reboisement. Les travaux de conservation du sol ont fait de grands progrès: construction de terrasses, assèchement des infiltrations, édification de haies mortes et contrôle des ravines. L'organisation a permis aux membres de la communauté de participer activement aux activités de vulgarisation forestière, grâce à une station émettrice de radio et à l'enseignement officiel. Bien que cette communauté ne soit pas tributaire de la forêt pour sa survie, les activités de l'organisation tournent toutes autour de cette ressource, l'utilisation de la forêt comme garantie bancaire a joué un rôle important dans le développement des activités industrielles et de transport.

Aucun des aspects susmentionnés déterminant à lui seul, mais leur action combinée explique en partie le succès de certaines entreprises. Plus que de leur assigner un ordre d'importance, il convient de mettre en relief les leçons que devraient en tirer les agences chargées de favoriser le développement durable et la participation communautaire.

L'importance des actions conjointes ne semble pas tenir à l'expérience que retirent les communautés de la gestion d'un bien collectif. Leur contribution au succès des ONG est davantage liée aux capacités que la gestion de ces ressources a suscitées dans les communautés: gestion administrative, formation de dirigeants et exercice de l'autorité, mécanismes internes de contrôle et d'évaluation de l'exécution, méthodes de négociation, capacités minimales de planification. Les efforts répétés d'organisation ont fourni une expérience analogue à celle qui a été obtenue par la gestion de la propriété commune.

Le sens du droit à la propriété, la sensibilité aux marchés et à des contextes institutionnels favorables ainsi que l'assistance extérieure sont des aspects qui montrent clairement que les communautés, à travers leurs organisations, se comportent comme des agents économiques rationnels. Elles planifient sur la base des ressources concrètes dont elles disposent. Elles réagissent aux signaux du marché: prix et demande. Elles prennent en considération les risques et les incertitudes. Elles répondent aux incitations économiques et à l'augmentation de l'investissement. Ces variables externes déterminent le niveau de production de biens et services privés et publics

On peut tirer plusieurs leçons du comportement des ONG locales en Amérique centrale. Tout d'abord, leur efficacité justifie que les gouvernements et les agences de développement prêtent une attention accrue au rôle potentiel des communautés locales dans la gestion des ressources forestières. Deuxièmement, l'état initial de développement des organisations permet de prévoir que l'aide consacrée à leur modernisation aura un impact appréciable sur la production de biens et services privés et publics. Troisièmement, le cas des communautés et des ressources forestières ne doit plus être présenté comme autrefois sous une forme émotionnelle et descriptive, mais faire l'objet d'une description analytique et bien documentée. Pour effectuer ce changement, les communautés et leurs organisations constituent les meilleures sources d'information.

Stratégies opérationnelles

Les stratégies adoptées par les ONG visent à réaliser les objectifs ci-après: production, accès aux ressources et bien-être permanent des communautés. Les résultats positifs que les organisations obtiennent reposent sur la mise en œuvre de stratégies risque partagé, l'éducation et la formation, la diversification de la production forestière, le réinvestissement et la capitalisation, la distribution des revenus et l'augmentation de la productivité grâce à l'adoption de nouvelles technologies.

Activités de conservation des terres d'altitude entreprises par le Groupe de la conservation des sols et du reboisement de la commune de Cambricán, au Guatemala, pour assurer une production durable de maïs dans la vallée

Risque partagé. La création de toute nouvelle entreprise, ou l'adoption d'innovations, s'accompagne toujours d'un certain niveau de risque et d'incertitude. Les particuliers qui constituent les communautés ne peuvent assumer le risque implicite lié à la création de nouvelles entreprises ou à la mise en place d'innovations car un échec éventuel mettrait en danger la survie même de la cellule familiale. Les organisations facilitent les investissements collectifs et contribuent à réduire le risque individuel qui retombe sur chacun de leurs membres. Grâce à cette stratégie, les ONG remplissent dans les régions rurales les fonctions qu'ont les marchés financiers dans l'économie moderne en permettant aux communautés d'assumer les risques qui accompagnent les efforts de développement.

Education et formation. L'éducation et la formation de dirigeants accélèrent l'adoption de technologies, l'apprentissage des procédures administratives et les changements d'attitude en matière d'utilisation des ressources naturelles. Les principaux succès sont obtenus lorsque des membres de la communauté ont accès à l'éducation et deviennent moniteurs ou agents de vulgarisation. Dans le cas de l'ejido de Nohbec, au début, les membres de la communauté n'étaient employés qu'aux travaux des champs. L'entretien et l'utilisation du matériel de la scierie étaient confiés à des professionnels et à des ouvriers spécialisés recrutés à l'extérieur. L'engagement d'un membre de la communauté ayant acquis une expérience dans des entreprises forestières a été un événement décisif, qui a permis à la communauté d'exercer enfin un véritable contrôle sur l'exploitation de ces forêts. A Cambricán, les membres de la communauté ont, grâce à l'enseignement et à un poste émetteur radio, renforcé la confiance de la communauté dans sa capacité d'organisation et d'action. A Hojancha, les enfants de certains membres de la communauté ont suivi des études d'ingénierie forestière. La réintégration de ces spécialistes dans la communauté et le fait qu'ils aient assumé des fonctions de chefs et de techniciens ont facilité l'acceptation des programmes de reboisement, la mise au point d'innovations en matière de techniques de plantation et de gestion des semences, l'obtention d'une meilleure assistance financière et technique, ainsi que l'accès à de nouveaux marches.

Les pépinières gérées par le centre agricole cantonal de Hojancha, au Costa Rica, sont une source importante de revenus et d'emplois pour la communauté

ORGANISATIONS POPULAIRES

Centre agricole cantonal le Hojancha Guanacaste (Costa Rica)

La communauté de Hojancha compte 6 000 membres qui possèdent 20 000 ha de terres divisés en 500 exploitations. Le Centro agrícola cantonal de Hojancha est essentiellement une organisation de vulgarisation rurale parrainée par le gouvernement, et à la direction de laquelle participent [es représentants de la communauté. Pendant les années 70, et compte tenu de la chute les prix du bétail, le Centre agricole cantonal t commencé à promouvoir le reboisement comme activité économique de substitution pour la région. Les stratégies utilisées ont permis aux activités forestières entreprises le devenir l'une des principales activités économiques de Hojancha.

Comité national forestier paysan (JUNAFORCA) San José (Costa Rica)

JUNAFORCA est une coalition d'ONG de base. Sa création a été proposée en novembre 1989 au cours de la première Rencontre de foresterie communautaire à San José. Les ONG de base ont estimé qu'il leur était nécessaire de disposer d'un mécanisme pour détendre leurs intérêts au plus haut niveau gouvernemental. JUNAFORCA vise les objectifs ci-après: promouvoir des politiques forestières qui correspondent aux besoins et aux ressources des paysans; suggérer des changements à apporter aux plans nationaux de développement; montrer que l'activité forestière est un complément naturel des activités paysannes, du moment qu'on offre aux paysans des incitations appropriées; et, en règle générale, servir d'organisme de communication entre le gouvernement et la communauté des ONG constituées par les paysans du Costa Rica. JUNAFORCA est composée de 50 ONG réparties sur tout le territoire national, qui sont regroupées par régions, lesquelles envoient des représentants au comité directeur national.

Diversification de la production forestière. Les communautés utilisent dans des mesures diverses les multiples options que leur offrent les forêts en matière de production. Ces usages sont déterminés par les intérêts et la spécialisation des différents groupes sociaux qui forment ces communautés. Les ONG qui réussissent identifient les différentes demandes de leurs membres et y répondent. A l'ejido de Nohbec, la production de bois scié est la principale source de revenus. Mais on tient compte également de la nécessité de réserver des terres à l'agriculture et de la demande de bois des artisans locaux. A Chagüite Grande (Honduras), l'extraction de la résine n'a pas été incluse dans le projet initial d'aménagement forestier. Cependant, les membres de la communauté, considérant qu'il s'agit là d'une activité importante pour certains d'entre eux, ont créé leurs propres mécanismes pour réglementer l'extraction de la résine et promouvoir sa commercialisation.

L'objectif de la communauté autochtone de Leymus, au Nicaragua, est d'améliorer l'exploitation de la forêt de conifères au profit de la population locale

Epargne et capitalisation. Les bénéfices financiers nets obtenus par les organisations sont systématiquement réinvestis dans l'amélioration des installations industrielles, a construction d'ouvrages à usage collectif et la création de fonds de réserve. Cette tendance à l'épargne accélère à son tour la croissance et l'extension des activités des ONG qui réussissent.

ORGANISATIONS POPULAIRES

Communauté autochtone de Leymus Rio Coco, région autonome de l'Atlantique nord (Nicaragua)

Située à 568 km de Managua, la communauté de Leymus est constituée de Nicaraguayens appartenant à l'ethnie miskita. La population de 700 habitants est regroupée en 142 familles. La communauté compte 6 900 ha de terres agricoles et forestières. Elle estime que depuis 1922 les forêts de conifères ont été exploitées par des entreprises étrangères et qu'elle n'a pas profité économiquement de cette exploitation. En 1989, avec «les anciens et les chefs» de la communauté, est née la Commission forestière communautaire. Son principal objectif est d'assurer à la communauté la propriété de la forêt et d'apprendre à ses membres les techniques d'exploitation et de conservation. La commission forestière est divisée en groupes de travail à qui sont confiées des taches diverses, comme l'exploitation de la résine et l'intégration de la femme. Mais l'organisation sert aussi à analyser et à débattre les problèmes de communication et d'éducation et les politiques de développement du pays.

Club conservationniste Amis du canton de Rojas Municipalité de Sensuntepeque, Cabañas (El Salvador)

Le club Amigos del Cantón Rojas a été constitué par les agriculteurs dans le but de mieux profiter de l'aide offerte dans le cadre d'un projet agroforestier parrainé par le Programme des Nations Unies pour le développement et la FAO. Le club est représentatif d'organisations créées dans 24 autres cantons couverts par le même projet. Ces organisations sont constituées d'hommes et de femmes du canton, avec ou sans terres. Bien qu'elles aient été surtout crées pour faciliter l'accès aux crédits offerts par le projet, elles ont aussi servi à faire connaître aux autorités les besoins en matière d'éducation et de services publics, à négocier les conditions d'affermage de la terre et à réaliser des activités lucratives de façon à réunir un certain capital à investir dans les activités agricoles. La principale leçon que les agriculteurs ont tirée de cette expérience est qu'en s'organisant ils ont de meilleures chances de résoudre leurs problèmes.

Distribution des revenus. Les ONG les plus dynamiques et les plus soutenues par leurs membres sont celles qui prennent un soin particulier à mettre en œuvre une gamme d'activités qui rendent service à divers groupes de la communauté, même si elles ne sont pas directement lices à la gestion forestière. La fourniture de bois aux artisans et la création d'emplois à l'ejido de Nohbec, ainsi que la construction de chemins et d'un centre communautaire à Chagüite Grande, sont le fruit de cette stratégie.

Les stratégies qui donnent de bons résultats corroborent notre affirmation que les ONG se comportent comme des agents économiques rationnels: minimisation des risques, diversification du portefeuille, épargne et capitalisation. Mais plus frappante encore est la similitude des objectifs des ONG avec ceux formulés dans les programmes de réajustement économique - plus grande efficacité des procédés de production, création d'emplois, épargne et croissance économique. Outre qu'ils correspondent à ces objectifs, les exemples précités suggèrent que les petits investissements ont un rendement élevé (du point de vue social) et une efficacité probablement supérieure à celle des secteurs traditionnels.

Café cultivé sous les balsamiers (Myroxylon balsamum) par l'Association coopérative de réforme agraire El Balsamar, à Sonsonate, en El Salvador

ORGANISATIONS POPULAIRES

Association coopérative de la réforme agraire El Balsamar Sonsonate, Cantón Cuisnahuat (El Salvador)

L'Asociación cooperative de la reforma agraria El Balsamar a vu le jour en mars 1980. D'après ses membres, la faim et le chômage sont à l'origine de sa création. Grâce à la constitution de la coopérative, ils ont pu avoir accès à quelque 600 ha de terres placées sous la tutelle du gouvernement. Au départ, 65 membres ont constitué un conseil d'administration et quatre comités pour les activités lices à l'exploitation du café, du bétail, des céréales et du baume, ce dernier étant exploité dans la perspective d'une utilisation durable. Les principaux obstacles rencontrés par le groupe sont la méconnaissance des méthodes d'organisation et de gestion, le manque de connaissances techniques pour améliorer les travaux agricoles et le manque d'appui financier. L'organisation a servi à obtenir un appui gouvernemental et à répartir équitablement entre tous les membres les ressources et les responsabilités.

Coopérative de production agricole Cruz Urrutia Centeno Jalapa, Nueva Segovia (Nicaragua)

La coopérative a acquis la personnalité juridique en mars 1990, mais ses origines remontent à l'organisation de la communauté en 1984. Par son intermédiaire, 56 membres, dont 14 femmes, ont obtenu le droit d'exploiter quelque 350 ha. L'organisation a été créée dans le but de résoudre les difficultés politiques et économiques que le conflit nicaraguayen créait pour les habitants des campagnes. La situation qui, au départ, a présidé à la création de cette organisation n'est plus la même, mais la coopérative est toujours un moyen d'affronter les problèmes que posent le manque de crédits, le coût des intrants et les politiques de développement agricole. Les activités forestières complètent les opérations agricoles que promeut la coopération. Elles visent à réduire les dépenses de bois de l'usine sucrière artisanale que possèdent les membres et à installer des haies vives. Elles contribuent aussi à la conservation des sources d'eau et de la faune qu'utilise la communauté.

Point de vue des ONG sur les politiques et institutions nationales

Les ONG reconnaissent que les agences gouvernementales et leurs politiques concernant les communautés et les ressources forestières vont en s'améliorant. Dans la région, de plus en plus de techniciens travaillant pour des agences gouvernementales s'intéressent aux problèmes des communautés et cherchent à les résoudre. Grâce à des accords de collaboration, plusieurs ONG reçoivent une aide spécifique d'agences gouvernementales chargées des questions forestières. Dans certains pays, l'accès à l'information s'est amélioré et le dialogue avec les autorités est plus fréquent. On peut citer à cet égard le Département du développement rural de la Direction générale forestière du Costa Rica. Ce département a mis au point un programme visant à faciliter la communication et la fourniture aux ONG de fonds destinés à être investis dans des activités forestières.

Malgré cela, les ONG d'Amérique centrale considèrent que les politiques forestières et de développement économique ne correspondent toujours pas à leurs besoins particuliers. Elles estiment que les règlements qui limitent l'accès aux ressources forestières constituent l'une des principales faiblesses de la politique sectorielle. Pour les ONG, les règlements non seulement font obstacle au développement potentiel, mais mettent en danger la survie même des communautés. Ils limitent, entre autres préjudices, le nombre d'emplois et l'accès à des produits comme le bois de feu et le bois d'œuvre.

En règle générale, les ONG ont une confiance très limitée dans les mécanismes institutionnels. Elles estiment que les lois ne défendent pas correctement leurs intérêts face aux manœuvre d'agents extérieurs cherchant à s'approprier des ressources qu'elles ont toujours utilisées. Selon elles, dans la quasi-totalité des cas, les politiques sectorielles favorisent la mainmise sur les ressources d'investisseurs externes, notamment lorsqu'il s'agit de bois commercial.

Dans l'exercice de leurs activités productives, les ONG estiment qu'elles ne bénéficient pas d'un appui suffisant et qu'on ne tient pas compte de leurs particularités. Le crédit, l'assistance technique, les services de vulgarisation et la formation à la gestion sont insuffisants. Pire encore, les démarches administratives que nécessitent beaucoup de programmes de développement forestier augmentent les coûts, ou ne peuvent être accomplies par ceux qui vivent dans des zones éloignées, mal reliées au centre du pays. Dans d'autres cas, les conditions fixées ne sont pas compatibles avec le régime général d'occupation du sol ou exigent des garanties que les bénéficiaires ne peuvent pas fournir.

Les ONG jugent les politiques de développement en fonction de leur impact sur leur économie. Les aspects monétaires sont critiqués en raison des restrictions qu'imposent les délais et les intérêts dont sont assortis les crédits. L'accent est mis sur la production pour l'exportation, au détriment de la production d'aliments de base traditionnels. Des aspects importants pour les communautés, comme les programmes de logement et de loisir, sont rarement envisagés. Le secteur forestier ne bénéficie pas des facilités qui ont été accordées à des activités comme l'élevage et «l'agriculture de substitution». Les ONG affirment que ces politiques ne comprennent pas de programmes spécifiques de promotion des activités et des produits forestiers.

Conclusion

Les communautés rurales créent des ONG à des fins utilitaires, mais les activités qu'elles organisent pour satisfaire la demande peuvent aussi promouvoir la conservation des forêts. Les expériences analysées suggèrent que les communautés et leurs organisations se comportent de la même manière que les consommateurs et les producteurs du secteur avancé de l'économie; elles réagissent aux signaux du marché et aux incitations économiques. Il faut donc que plusieurs éléments clés soient présents pour que les communautés, en plus de satisfaire leurs besoins, contribuent à la conservation des forêts. Une expérience minimale du fonctionnement des organisations, la possibilité de bénéficier des avantages engendrés, la sécurité en matière de droits de propriété à long terme et des marchés fonctionnels sont quelques-uns de ces éléments clés. Lorsqu'un minimum de conditions sont réunies, notamment en ce qui concerne le droit de propriété et l'existence de marchés, les ONG mettent au point des stratégies efficaces. Leur application permet à la communauté d'améliorer son niveau de vie et de conserver les forêts.

Le succès n'est pas toujours la règle pour les ONG d'Amérique centrale et du Mexique. Leurs dirigeants ont identifié un nombre considérable de situations et de conditions qui font obstacle à la création des ONG et à leurs activités. Les politiques forestières et de développement économique conçues sans tenir suffisamment compte des particularités des communautés et des ressources forestières figurent parmi les obstacles les plus importants.

Ce qui précède contient certaines leçons pour les gouvernements et les agences intéressés par l'utilisation durable des ressources forestières. Tout d'abord, pour que les programmes visant à promouvoir le développement forestier réussissent, ils doivent avant tout être acceptés par les communautés. Les gouvernements et les agences de développement peuvent renforcer l'efficacité des programmes en harmonisant leurs objectifs avec ceux des communautés. L'approche adoptée par les communautés: «Les gens et les communautés d'abord» conduit naturellement à la préservation des forêts. Le discours des agences de développement et du gouvernement est difficilement accepté par les sociétés qui doivent le mettre en pratique.

Deuxièmement, l'expérience et les vues des communautés sont une source précieuse d'information en vue de la reformulation des programmes de développement forestier. L'expérience acquise par les ONG est fondée en effet sur un ensemble de stratégies qui ont fonctionné. Les raisons qui conduisent les communautés à créer des ONG laissent entrevoir les principaux obstacles qu'elles doivent surmonter. Les ONG apparaissent comme les points d'intervention effectifs et constituent pour les agences de développement l'intermédiaire idéal pour exécuter des activités de terrain. Il faudrait donc tenir compte des facteurs qui contribuent au succès des ONG dans la conception des programmes d'aide à d'autres ONG.

Enfin, le comportement des ONG comme agents économiques rationnels, leur contribution spontanée à la réalisation des objectifs des réformes macro-économiques, leurs fonctions financières, leur influence sur l'épargne et les preuves de leur efficacité en matière de développement devraient conduire les gouvernements et les organismes de financement internationaux à être plus attentifs au potentiel et aux avantages comparatifs de ce secteur.


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