P. WardlePhilip Wardle est économiste principal au Département des forêts de la FAO.
Aperçu général de la collecte, de l'analyse et de l'utilisation des statistiques forestières internationales
Quand les gens parlent de forêts et d'industrie forestière ils aiment à citer de temps en temps une statistique pour étaler leurs connaissances, ou pour impressionner et intéresser leur auditoire. Cependant, l'utilisation de statistiques est chose sérieuse lorsqu'il s'agit de déterminer une politique ou de prendre une décision comportant des investissements, et que les décisions prises auront une incidence sur l'environnement, l'économie, l'approvisionnement en matières premières et en produits et, en fin de compte, sur le revenu, la sécurité et la qualité de la vie d'un très grand nombre de personnes.
Publications traitant de statistiques forestières
Les statistiques forestières essentielles à la prise de décisions économiques...
Les forêts couvrent près de 30 pour cent des terres émergées du monde. Les produits forestiers contribuent pour plus de 2 pour cent à la production économique mondiale; ils sont particulièrement importants comme source d'emploi, de revenu et de biens dont la population rurale a besoin. Ils fournissent 17 pour cent de l'énergie consommée dans l'ensemble des pays en développement et un pourcentage beaucoup plus élevé dans bien des pays pauvres.
Les produits forestiers sont un élément non négligeable du commerce international; ils représentent 3 pour cent, en valeur, des échanges mondiaux. Pour de nombreux pays, tant industrialisés qu'en développement, les ventes à l'exportation de produits forestiers sont une composante significative du commerce global; la Finlande, par exemple, tire des forêts 60 pour cent de ses recettes extérieures. Des renseignements commerciaux sont nécessaires aux marchands et aux importateurs, de même qu'aux maisons de transport et pour l'organisation des installations portuaires. Un grand nombre de facteurs de production - machines destinées à l'industrie et à l'exploitation forestières, engrais, produits chimiques, et même plants et graines - font l'objet d'échanges importants, et les décisions en matière de commercialisation et de production qui les concernent dépendent des informations sur le secteur forestier.
La connaissance de l'ampleur et de la structure des opérations de l'exploitation des forêts et de l'industrie forestière est importante lorsqu'il faut prendre des décisions concernant l'éducation, la formation et la recherche. Par exemple, les statistiques relatives au volume par espèces aident à axer la recherche sur les caractéristiques du bois et la technologie de sa transformation, ainsi qu'à diriger les investissements industriels vers l'équipement et les techniques appropriés.
Lorsque les statistiques font défaut, la prise de décision efficace devient hasardeuse. Il en est ainsi, par exemple, pour les produits forestiers non ligneux. Certes, on dispose de données concernant des produits significatifs dans le commerce international, tels que liège, rotin, bambou, gomme arabique et produits résiniers, mais il n'en existe pas pour la myriade des produits d'origine locale consommés dans les ménages ou échangés uniquement sur des marchés locaux. Il en résulte que l'importance de ces produits est souvent sous-estimée, ce qui a des conséquences négatives pour les communautés locales. Heureusement, on cherche maintenant avec énergie à identifier et à évaluer le rôle des produits non
Capacité des pays à contribuer aux statistiques forestières internationales
... et à des discussions constructives sur l'environnement
Les renseignements sur les ressources forestières et sur les activités et produits du secteur forestier sont extrêmement utiles pour le déroulement des discussions portant sur l'environnement et le développement durable, aux niveaux local, national, régional et mondial. En fait, l'importance fondamentale des données et des renseignements est soulignée dans l'énoncé des éléments de base d'un grand nombre des domaines d'activité du programme d'Action 21 qui a été adopté par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED).
Au niveau international, par exemple, il est indispensable de disposer de bonnes statistiques sur l'utilisation des forêts et des produits forestiers pour en comprendre l'interdépendance complexe dans le cycle global du carbone et la conservation du patrimoine mondial de la diversité écologique et génétique. Cette compréhension est essentielle pour la mise en œuvre rationnelle des conventions internationales récemment établies sur les changements climatiques et la diversité biologique. Des renseignements concernant l'incidence de l'exploitation forestière, par exemple les superficies de forêts exploitées annuellement, les superficies de forêts secondaires, l'intensité des prélèvements et le volume moyen de bois enlevé chaque année par unité de surface, sont cruciaux lorsqu'il faut prendre des décisions en matière de gestion viables du point de vue écologique.
Les statistiques forestières internationales sont essentiellement conçues comme des collections objectives de données sur les ressources forestières, l'industrie du secteur forestier et les produits forestiers primaires de tous les pays, en vue de les analyser et de les interpréter de façon comparable.
D'où proviennent, dans la communauté internationale, les statistiques forestières?
La FAO est le principal centre de collecte et d'analyse de données ainsi que de diffusion de statistiques internationales sur les forêts et l'industrie forestière. Les statistiques couvrent les ressources forestières, la production et le commerce des produits forestiers, les prix et la capacité industrielle.
En fait, la première fonction de l'Organisation, aux termes de son Acte constitutif, est de réunir, analyser, interpréter et diffuser des statistiques. La FAO collabore avec la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (CEE) aux fins de l'information de ses Etats Membres. Le Bureau de statistique de l'ONU établit des statistiques commerciales globales dont la FAO se sert pour dresser celles du commerce des produits forestiers.
Les principales publications sur les statistiques forestières de la FAO sont les rapports sur l'évaluation périodique des ressources des forêts (dont la plus récente constitue le sujet principal d'autres articles du présent numéro d'Unasylva), l'Annuaire des produits forestiers, Prix des produits forestiers (publié tous les deux ans) et Capacités de la pâte et du papier (publié chaque année). La CEE publie des statistiques à l'intention de ses Etats Membres dans le Bulletin du bois pour l'Europe. La FAO diffuse également des statistiques forestières exploitables par ordinateur dans son système AGROSTAT PC; les données du Bulletin du bois pour l'Europe sont elles aussi disponibles sur disquette.
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Classification et définitions Des organisations internationales ont établi une classification type et des définitions des forêts et des produits forestiers en se fondant sur des consultations approfondies avec des experts des Etats Membres. Le Conseil de coopération douanière (CCD) a mis au point le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (SH), accord contractuel sur la classification et la définition des marchandises entrant dans le commerce international, qui est utilisé par 109 pays. L'édition courante de la Classification type pour le commerce international de l'ONU (CTCI, Révision 3) correspond exactement au Système harmonisé pour la classification des produits; un certain nombre de pays qui n'ont pas adopté le Système harmonisé l'utilisent. Ces différentes classifications constituent un cadre excellent et efficace pour l'établissement de statistiques commerciales. Elles sont cependant limitatives sur le plan du détail. En élaborant le Système harmonisé, le Conseil de coopération douanière a prêté peu d'attention aux préoccupations des forestiers pour ce qui est de la classification commerciale des bois ronds. La FAO a établi la Classification et définition des produits forestiers, qui est conforme aux classifications pour le commerce international, mais poussée plus loin dans le détail afin de répondre aux besoins de l'exploitation forestière, de l'industrie et de la commercialisation. L'emploi est aussi un domaine où des statistiques sont nécessaires. Le Bureau international du travail a préparé la Classification internationale type des professions; mais, comme elle est fondée sur le niveau de classement et non sur le secteur productif, il est difficile de recueillir des informations de caractère national ou international concernant l'emploi dans les forêts ou l'industrie forestière. |
Des séries statistiques concernant divers produits forestiers figurent dans l'Annuaire statistique de l'ONU, dans les Statistiques de l'industrie de l'ONU et dans les annuaires de l'Unesco et de la CNUCED. L'Annuaire statistique de l'énergie de l'ONU comprend des séries sur le bois de feu et le charbon de bois. Toutes ces statistiques sont établies à partir des données rassemblées à la FAO. La Banque mondiale se sert également des données de la FAO pour ce secteur.
L'Institut mondial pour les ressources publie un guide intitulé World resources - a guide to the global environments, qui contient toute une gamme de statistiques par pays (provenant de la FAO) sur les ressources forestières, la production et le commerce du bois, ainsi que sur la protection des zones naturelles et leur gestion et sur les espèces rares et menacées. Il se fonde sur des données rassemblées par le Centre mondial de surveillance de la conservation et d'autres organisations internationales.
L'Organisation internationale des bois tropicaux (ITTO) et plusieurs organisations gouvernementales et non gouvernementales régionales rassemblent et publient des statistiques sur les bois tropicaux.
Il existe également un grand nombre d'organisations industrielles et commerciales régionales et de revues commerciales qui réunissent et publient des statistiques très détaillées concernant leur part du secteur. La gamme des sources de statistiques forestières internationales système des Nations Unies et institutions non gouvernementales - est donc extrêmement large.
D'où proviennent les renseignements de base?
En fin de compte, la seule source de données concernant un pays est le pays même. Des organisations internationales telles que la FAO dépendent des informations que leurs Etats Membres veulent bien leur fournir car ce sont eux uniquement, en tant que pays, qui sont à même de les rassembler. Les données collectées sont ordinairement très détaillées car elles sont importantes pour les décisions à prendre en matière de politique, surveillance et contrôle dans chaque pays. Les pays rassemblent et communiquent uniquement les renseignements qui présentent de l'intérêt pour eux. C'est pourquoi les séries statistiques réunies sur le plan international font d'abord l'objet d'un accord avec les pays concernés. Un aspect à souligner de cet accord est qu'il reconnaît l'importance et la valeur de ces statistiques aussi bien pour les pays que dans les séries internationales. La sélection d'une série statistique aux fins de son insertion dans une statistique internationale aide les pays à centrer leurs efforts sur les renseignements prioritaires et les incite à les réunir, les diffuser et les utiliser valablement au niveau national également.
Les données sont-elles complètes?
L'établissement de statistiques nationales complètes sur les forêts et l'industrie forestière dépend du nombre des sources dont la qualité des données peut beaucoup varier. Dans de nombreux pays, par exemple, de grosses quantités de bois de feu sont prélevées directement par les ménages qui les consomment. D'importantes quantités font également l'objet d'un commerce, mais seule une petite fraction du total récolté est mise sur le marché par des voies formelles. Il n'y a donc que peu ou point de registre officiel, et les estimations doivent être obtenues par des méthodes de sondage telles que les enquêtes sur la consommation des ménages effectuées par le bureau central de statistique ou d'autres enquêtes spéciales.
L'enregistrement des ventes de bois rond industriel par des organisations forestières publiques est ordinairement bien fait et exact, mais, dans de nombreux pays développés et en développement, il n'existe pas d'équivalent pour le bois provenant de sources privées. Des estimations doivent être établies à partir des rapports sur les quantités de bois absorbées par les principales industries ou des besoins en bois correspondant au volume des produits. Dans certains pays, les industries sont tenues de déclarer leur consommation de bois et leur production; dans d'autres, ces données figurent dans le recensement des industries. Dans de nombreux pays, les associations industrielles réunissent ce type de renseignements. Les statistiques concernant les grandes industries telles que celles de la pâte et du papier et des panneaux dérivés du bois sont ordinairement exhaustives, mais les données relatives au secteur de la scierie, qui englobe un grand nombre de petites scieries et de scieurs en long travaillant en fosse, ne sont souvent pas aussi complètes. Par conséquent, il est très important, lorsque l'on établit des statistiques nationales et internationales, de mettre à contribution toutes les sources potentielles d'informations statistiques et en particulier de veiller à enregistrer de façon appropriée, au moyen d'enquêtes par sondage et de techniques d'estimation appropriées, la production du secteur non structuré et des petites entreprises.
En général, les statistiques du commerce des principaux produits industriels sont convenablement établies par la douane, qui les communique régulièrement à la banque centrale du pays ou au bureau central de statistique. Dans certains pays, l'administration forestière responsable du contrôle de la récolte de bois fait partie intégrante du système d'enregistrement, ce qui permet de disposer de renseignements très détaillés sur le volume par espèces et par qualités. Cependant, même dans le cas des échanges commerciaux, il peut y avoir des problèmes en ce qui concerne le commerce transfrontière non officiel qui n'est pas enregistré.
Les données sont-elles fiables?
On s'interroge souvent sur la fiabilité des statistiques forestières internationales. Elle dépend en premier lieu de l'existence et de l'exactitude des données nationales. En général, en raison de la force des conventions internationales et de l'importance des données pour la gestion économique nationale, et du fait que deux agents d'enregistrement - l'importateur et l'exportateur - sont en cause, les statistiques commerciales sont celles qui sont le plus disponibles et le plus fiables. Les statistiques de la production des grandes industries, par exemple de la pâte et du papier, sont généralement bonnes, mais celles des scieries sont plus difficiles à collecter parce que les entreprises concernées sont bien plus nombreuses et de petites dimensions. La production industrielle de bois rond peut être estimée avec une exactitude raisonnable, mais les renseignements concernant le bois de feu et le charbon de bois dépendent fortement des informations limitées provenant d'enquêtes par sondage.
Renforcer les capacités et les moyens des pays
La mission de la FAO dans le domaine des statistiques forestières englobe la fourniture d'une assistance technique destinée à aider les Etats Membres à déterminer, établir et diffuser les statistiques prioritaires sur le secteur forestier. Ces dernières années, dans le cadre du Programme de formation à la statistique forestière de la FAO, des stagiaires venus de 70 pays ont participé aux séminaires régionaux de statistique forestière de l'Organisation en Afrique, en Asie et en Amérique latine. En Europe, 30 pays sont membres du Groupe de travail mixte CEE/FAO de l'économie forestière et des statistiques des forêts, qui se réunit tous les deux ans pour examiner des problèmes d'intérêt commun.
Le Sommet de la planète Terre (CNUED) a enjoint aux Etats et aux peuples de collaborer de bonne foi et dans un esprit de partenariat à la réalisation des objectifs de la Déclaration de Rio sur l'environnement. Une coopération pleine et entière à la préparation de statistiques forestières internationales exactes et globales, si elle ne constitue pas une fin en soi, serait certainement un progrès dans la bonne voie. De plus, elle permettrait de disposer de la base solide nécessaire pour aller de l'avant, afin de répondre aux aspirations plus vastes exprimées à la conférence de Rio de Janeiro.
