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Réactions

Victimes de la révolution verte

A propos de votre compte rendu du livre de Vandana Shiva, Victimes delà Révolution verte (n° 140), il ne fait aucun doute, comme le remarque l'auteur, que la Révolution verte au Punjab a mené à un déséquilibre écologique et socio-politique dont l'importance excède de loin ce que l'on reconnaît publiquement. Elle a restreint le choix des cultures, pour n'en laisser que quelques-unes - blé, riz, coton, canne à sucre, colza, moutarde et maïs - et a éliminé du processus naturel et écologique certains systèmes culturaux équilibrés et diverses cultures qui demandaient peu d'eau. A présent, on pourrait caractériser l'agriculture du Punjab comme une agriculture à très haut rendement, basée sur l'utilisation d'engrais, de pesticides et d'herbicides chimiques. Les propriétaires terriens les plus riches ont rafle tous les bénéfices de la Révolution verte, aux forts apports de capitaux, et ont laissé en chemin les petits paysans, les sans-terre et les marginaux. L'ensemble de l'aide, des crédits, de l'éducation et de la distribution des ressources est destinée aux patrons sur qui l'on peut miser parce qu'ils sont déjà économiquement sains! Ainsi, au fil des années, le fossé s'est élargi entre les riches et les pauvres.

Les rapides progrès de la révolution ont également anéanti les aspirations des jeunes envers davantage de bienfaits économiques; il existe donc d'un côté une classe de paysans "nouveaux riches" et de l'autre ceux qui n'ont rien, qui aimeraient eux aussi jouir des bienfaits économiques engendrés par les changements rapides de la société et qui nourrissent de violents sentiments d'envie et de revanche. Le refus des solutions habituelles pour canaliser l'énergie des jeunes, comme l'émigration ou l'armée, en même temps qu'on leur refuse toute possibilité de professions techniques de pointe, n'a fait qu'accélérer davantage les disparités.

La peur de perdre l'eau des rivières, la véritable base de l'agriculture, est ainsi devenue essentielle et cette psychose a mené au type de conflit dont la dernière décade a été le témoin. Tant que cette menace latente persistera, il ne pourra y avoir de solution durable aux conflits nés de la Révolution verte.

Celle-ci est l'une des causes, mais elle n'est pas l'unique coupable; le remède consiste d'abord à accélérer le développement économique et l'industrialisation, sur la base d'une répartition équitable de la richesse, de façon à sortir les gens de leur dépendance à la terre comme seule source de richesse; ensuite, il faut rassurer les paysans qui craignent de perdre l'eau des rivières. Plus vite on prendra des mesures pour combattre ces craintes et offrir d'autres ressources financières, mieux ce sera pour restaurer la paix dans les zones concernées par la Révolution verte.

R.S. Narang
Punjab Agricultural University
Ludhiana, Inde

Bravo, Bubalis!

Cérès a rendu un grand service au Bubalis bubalis, en publiant "Le retour du buffle" et "Un membre de la famille" dans le n° 141. Malgré les doutes de certains de vos experts, B. Bubalis jouit du statut favorisé de bête laitière au Pakistan; on compte ainsi 15 millions trois cent mille buffles, sur les 17,78 millions de têtes de bétail dans le pays, et 71 pour cent du lait consommé provient des buffles. Le Pakistan présente ainsi le rapport le plus élevé entre nombre d'hommes et nombre de buffles: 1 pour 6, contre 1 pour 10 en Inde et 1 pour 25 en Chine.

Je relève en outre une erreur dans la légende de la photo parue en page 38: elle représente des zébus, non des buffles; il s'agit sans doute là d'une inattention.

Ashiq H. Cheema
Directeur, Animal Sciences Institute
Islamabad, Pakistan

N.D.L.R.: Le Pakistan mérite sans aucun doute des compliments pour le succès de ses élevages de buffles. Quant à la photo, c'est vrai, ce sont des zébus; Cérès vous prie d'excuser cette erreur.

Réforme agraire en Afrique

Les articles sur la réforme agraire du n° 139 m'ont paru très intéressants; j'aimerais néanmoins reprendre à ce sujet l'article de A.B.M. Mafeje, "Quand la théorie échoue".

Mafeje note que les tentatives pour imposer la pleine propriété, ou propriété privée de la terre, peuvent être prématurées au stade actuel de développement de l'Afrique, alors que la possibilité de tenure, la reconnaissance des petits exploitants potentiels et une révision des droits des femmes sur la terre peuvent constituer les éléments importants d'une stratégie de réforme agraire pour lutter contre la pauvreté. Je suis assez d'accord sur ce point, et je pense que le système de la tenure peut représenter une étape intermédiaire avant d'instaurer la propriété privée.

Répartition des champs selon le statut de tenure

Statut de tenure

pourcentage par rapport à la surface

Nigeria

Cameroun

Togo

Moyenne

Achat/donation

5,7

10,0

11,1

9,4

Héritage divis

48,6

56,0

25,2

37,3

Héritage indivis

33,8

33,6

32,8

33,2

Accès secondaire

11,9

0,4

30,9

20,1


100,0

100,0

100,0

100,0

Nombre de champs

654

411

1240

2305

Cependant, certaines des affirmations de Mafeje sont sans fondements; par exemple, il affirme que les paysans africains résistent à l'appropriation individuelle de la terre, et que ceci est une preuve de leur confiance dans les systèmes coutumiers; il dit également que les paysans africains ont choisi de prévenir le développement d'un marché de la terre, en conservant les systèmes traditionnels de tenure, et que les gouvernements qui ont adopté la tenure étaient de cet avis.

La réalité semble dire le contraire; une étude récente effectuée au sud du Nigeria, du Togo et dans le centre et sud du Cameroun a montré que la propriété de la terre peut être divisée en quatre catégories: achat ou donation, héritage divis, héritage indivis et accès secondaire. L'héritage divis signifie que la terre est partagée entre les héritiers, chacun ayant tout pouvoir sur sa parcelle, ce qui n'implique pas toujours la pleine propriété ou propriété privée. L'héritage indivis signifie que la terre passe aux héritiers collectivement, ainsi aucun d'eux n'a le contrôle absolu d'une quelconque parcelle. L'accès secondaire signifie généralement que l'on a passé un contrat de location, d'emprunt ou de gage.

Le tableau montre la répartition des champs (avec une certaine approximation pour les surfaces, qui ne pouvaient être calculées très précisément), en fonction du statut de la tenure. La prédominance de l'héritage divis au Cameroun et au Nigeria et son importance au Togo réfutent clairement l'assertion de l'auteur sur la résistance des Africains à une appropriation individuelle de la terre.

En fait, on a observé dans les trois pays qu'avec la pression démographique croissante et l'urbanisation, la surface de terre sous contrôle lignage le plus coercitif est en train de diminuer et que l'on loue, prête, engage et vend la terre même si certaines de ces transactions ne sont pas sanctionnées par la loi.

M.A. Jabbar
International Livestock Center for Africa
Ibadan, Nigeria

Paysans africains "exploités jusqu'à l'os"

A la lecture de l'article de Ruth E. Gruber, "Ramer à contre-courant" (n° 139), je me suis rendu compte que souvent, en Pologne, les partis politiques semblent se battre pour améliorer les conditions de vie des paysans pauvres. En Afrique, seul quelques partis isolés combattent pour un avenir meilleur pour les paysans; et si un parti décide de défendre les intérêts de la paysannerie, il est rapidement taxé de subversif, accusé de troubler l'ordre public, etc. Les masses paysannes représentent la majorité de la population dans la plupart des pays africains; pourtant, les dirigeants africains semblent n'avoir pour but que d'exploiter le paysan jusqu'à l'os. 1

Victor Kinmagbahohoue
Ouesse, Bénin

Rêve en vert, Cérès

Je désirerais exprimer ici la gratitude de nombreux écoliers et étudiants de notre ville pour Cérès, qui est également très populaire parmi des universitaires dont la spécialité n'a rien à voir avec l'agriculture.

Nous projetons de monter une exposition des numéros de la revue, sous le titre "Rêve en vert, Cérès"; nous espérons la porter au niveau national, pour faire prendre davantage conscience de ce qui se passe dans le monde. Pourriez-vous nous dire comment nous procurer des numéros de la revue pour cette exposition?

Sanjay Misra
Allahabad, Inde

N.D.L.R.: Merci pour vos encouragements; nous vous faisons parvenir les numéros de Cérès parus depuis la reprise de sa publication, en 1990.


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