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Aménagement des zones protégées au royaume d'Arabie saoudite

M. Sulayem et E. Joubert

Mohammed Sulayem est directeur de la Commission nationale pour la conservation et le développement de la faune et de la flore sauvages d'Arabie saoudite et président de la commission de l'Alliance mondiale pour la nature chargée des parcs nationaux et des zones protégées du Proche-Orient.

Eugène Joubert est conseiller principal de l'Alliance mondiale pour la nature auprès de la Commission nationale pour la conservation et le développement de la faune et de la flore sauvages.

Cet article présente l'aménagement des zones protégées au Royaume d'Arabie saoudite comme exemple des efforts déployés en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Il expose les critères appliqués pour le choix des zones protégées; le processus de planification et de mise en œuvre de l'aménagement de ces zones suivi par la Commission nationale pour la conservation et le développement de la faune et de la flore sauvages (NCWCD); les programmes de recherche en cours ainsi que les opérations de sensibilisation du public.

La faune et la flore de l'Afrique du Nord et du Proche-Orient se sont adaptées aux caractéristiques climatiques, qui varient d'un régime méditerranéen à un régime aride en passant par un régime semi-aride. Les biomes et les écosystèmes sont particulièrement fragiles et, malgré des modes d'utilisation traditionnels viables, l'environnement a subi les effets de l'accroissement récent de la pression démographique et des besoins de l'homme.

La flore de la région a des affinités avec deux grandes entités floristiques: la région saharo-arabique et la région soudano-zambézienne, décrites par Takhtagan (1986). La première, avec ses zones désertiques et semi-désertiques, présente une diversité limitée à environ 1500 espèces seulement. La région floristique soudano-zambézienne couvre une vaste zone de l'Afrique et l'essentiel de l'Arabie saoudite extratropicale; elle se compose essentiellement de prairies de savane à forêts claires. Cette région est divisée par Takhtagan en quatre sous-régions et représentée en Arabie saoudite par la forme sudarabique de la sous-région érythréo-arabique. Cette zone présente une importante concentration d'espèces endémiques de genres tels que Acacia, Aloe, Cadaba, Ceropegia, Commiphora, Crotalaria et Indigofera. La flore de la forme sudarabique est la plus riche de la péninsule arabique et aussi la plus complexe, avec son zonage selon l'altitude et la diversité de ses espèces. Il convient de noter que plus de 1000 des quelque 3500 espèces végétales que compte l'Arabie saoudite ont des affinités méditerranéennes ou iraniennes. Les éléments méditerranéens sont surtout représentés aux altitudes supérieures des montagnes de l'escarpement occidental, tandis que les éléments irano-turaniens pénètrent les parties orientales de la péninsule.

La zoogéographie de la péninsule arabique a fait l'objet de nombreuses études. Vingt-quatre des espèces et sous-espèces de mammifères endémiques dans la péninsule arabique se rencontrent en Arabie saoudite. Les espèces particulièrement intéressantes, dont la conservation fait actuellement l'objet de la plus grande attention en Arabie saoudite, sont les cinq grands ongulés: oryx (Oryx leucoryx), bouquetin de Nubie (Capra ibex), gazelle idmi ou de montagne (Gazella gazella), gazelle reem ou gazelle des sables (Gazella subgutturosa) et gazelle dorcas africaine ou saoudienne (Dorcas gazella).

Cinq espèces de tortues de mer des eaux saoudiennes ont été décrites; parmi elles, on sait que les tortues vertes (Chelonia mydas) et les tortues à écailles (Eretmochelys imbricata) se reproduisent sur les plages de sable du pays. Le Dugong (Dugong dugon) se rencontre naturellement en grand nombre; la région d'Arabie saoudite est d'ailleurs l'une des plus importantes du monde pour cet animal. On connaît très mal la répartition des autres mammifères marins, mais on sait que plusieurs espèces de baleines et des espèces communes de dauphins fréquentent la mer Rouge et le golfe Persique.

Les côtes de la mer Rouge et du golfe Persique et les îles voisines sont globalement importantes pour les oiseaux, que ce soient des migrants paléoarctiques, des oiseaux qui séjournent en hiver, ou encore des oiseaux qui y résident et qui s'y reproduisent. Les cordons littoraux du golfe Persique sont parmi les zones d'hivernage les plus importantes du monde; ils accueillent chaque année entre 1 et 2 millions d'échassiers d'environ 125 espèces. Quatorze espèces au moins d'oiseaux marins se reproduisent le long de la côte de la mer Rouge, dont quatre espèces et deux sous-espèces sont endémiques dans la région.

Trois espèces d'oiseaux terrestres ont été identifiées comme espèces majeures: l'outarde de Houbara (Chlamydotis undulata), l'autruche (Strutho camelus syriacus) et l'outarde arabique (Ardeotus araba). Les deux premières espèces sont actuellement élevées et reproduites en captivité dans une station de recherche d'Arabie saoudite. Le programme de reproduction a donné de si bons résultats, en particulier pour l'outarde Houbara, qu'on la lâche maintenant dans certaines zones protégées.

L'oryx arabique (Oryx leucoryx) a été reproduit avec succès en captivité et réintroduit dans certaines zones du Royaume d'Arabie saoudite

Développement régional de l'aménagement de la conservation

La conservation de la nature dans cette région a un long passé. Il apparaît que les Egyptiens avaient déjà il y a 5000 ans une bonne connaissance de l'environnement. Etant donné l'aridité de celui-ci et la rareté des ressources qui en résulte, il n'est pas étonnant que des systèmes de répartition des droits de pacage et d'utilisation de l'eau se soient développés très tôt. Les forêts et les terres arables étaient elles aussi strictement contrôlées. Au Liban, on peut encore voir des bornes de pierre qui délimitaient un ancien domaine forestier et qui datent de 138 avant J.-C.

Dans la péninsule arabique, les zones protégées étaient essentiellement des réserves de pâturage connues sous le nom de himas. Pratiquement chaque village avait un ou plusieurs himas. Leur gestion était étroitement adaptée aux besoins particuliers du village et au potentiel de la zone. Ainsi, ils étaient gérés de façon à limiter le pacage tout en permettant le fauchage du fourrage; permettre le pâturage saisonnier et le fauchage du foin une fois que les plantes avaient fleuri, ce qui assurait un réensemencement naturel; limiter le pacage à certains types d'animaux ou protéger les ressources en arbres. Ce système a atteint un stade avancé de développement au début de l'ère islamique et aujourd'hui encore, en Arabie saoudite, les zones qui ont le mieux résisté aux ravages de l'homme sont les himas traditionnels.

TABLEAU 1. Récapitulatif du réseau de zones protégées d'Afrique du Nord et du Proche-Orient

Pays

Superficie du pays

Superficie des catégories I à V 1

Superficie des catégories VI à VIII 1

Superficie totale désigné

(km²)

(km²)

(%)

(km²)

(%)

(km²)

(%)

Afghanistan

652225

1834

0,3

0

0,0

1834

0,3

Algérie

2400900

211974

8,8

0

0,0

211974

8,8

Arabie saoudite, Royaume

2381745

126953

5,3

0

0,0

126953

5,3

Bahreïn

661

0

0,0

0

0,0

0

0,0

Chypre

9250

20

0,2

90

1,0

110

1,2

Egypte

1000250

8004

0,8

0

0,0

8004

0,8

Emirats arabes unis

75150

0

0,0

127

0,2

127

0,2

Iran, Rép. Islamique

1648000

79794

4,8

3199

0,2

82993

5,0

Iraq

438445

0

0,0

0

0,0

0

0,0

Israël

20770

2067

10,0

0

0,0

2067

10,0

Jamahiriya arabe libyenne

1759540

1550

0,1

170

0,0

1720

0,1

Jordanie

96000

1004

1,0

0

0,0

1004

1,0

Koweït

24280

300

1,2

0

0,0

300

1,2

Liban

10400

35

0,3

0

0,0

35

0,3

Maroc

458730

3621

0,8

156

0,0

3777

0,8

Oman

271950

540

0,2

27823

10,2

28363

10,4

Qatar

11435

0

0,0

0

0,0

0

0,0

République arabe syrienne

252120

0

0,0

0

0,0

0

0,0

Sahara occidental

185680

0

0,0

150

0,1

150

0,1

Tunisie

164150

444

0,3

1312

0,8

1756

1,1

Turquie

779450

2692

0,3

2123

0,3

4815

0,6

Yémen

477530

0

0,0

0

0,0

0

0,0

TOTAL

13118661

440832

3,4

35150

0,3

475982

3,6

1 Catégories de l'UICN; pour leur définition, voir le tableau 2.

L'enseignement islamique, dans sa grande sagesse, reconnaît l'importance des écosystèmes naturels et de leurs divers éléments pour le bien de la planète. Il souligne l'importance qu'il y a à préserver les ressources renouvelables et le rôle de l'homme en tant que leur gardien, pour les utiliser de façon à produire le maximum d'avantages sur la durée. Le non-respect de ces principes, en conduisant à des demandes excessives des biens et services produits par les écosystèmes naturels, a de tout temps été l'une des causes premières de lutte et de souffrance de l'homme. Il a contribué à l'effondrement d'empires et de régimes politiques tout entiers. Le Royaume d'Arabie saoudite est conscient du fait que les écosystèmes naturels des pays demeurent ses atouts les plus durables, à condition qu'ils soient correctement gérés. La création d'un réseau représentatif bien entretenu de zones protégées est un signe capital de la volonté du pays de préserver et de développer ses ressources renouvelables pour le bien de tous les citoyens d'aujourd'hui et de demain.

Zones protégées de la région

En raison des traditions et cultures locales, la situation juridique des zones protégées varie beaucoup selon les pays de la région. L'approche occidentale (très répandue également dans le reste du monde), selon laquelle une zone protégée n'obtient ce statut qu'une fois que ses limites ont été définies par une loi votée par le Parlement n'est pas toujours applicable à la région. Dans le monde islamique, la protection traditionnelle et culturelle dont bénéficient certaines zones n'est pas moins contraignante que la protection imposée par les lois occidentales. Malheureusement, beaucoup de ces zones ne sont pas reconnues par les autorités internationales compétentes en matière de conservation, qui sont très occidentalisées leur approche et dans les critères qu'elles appliquent. Quoi qu'il en soit, les dernières informations disponibles sur les zones protégées de la région sont constituées par la liste établie en 1990 par les Nations Unies - des parcs nationaux et des zones protégées, classés selon les paramètres de l'UICN. Cette liste indique que les zones protégées couvrent au total près de 48 millions d'ha, soit 3,6 pour cent de la superficie totale de la région (tableau 1). Quatre pays (Bahreïn, Iraq, Sahara occidental et Yémen) ne signalent aucune zone de conservation de la nature. Israël et Oman indiquent que 10 pour cent ou davantage de la superficie totale de leurs territoires sont protégés, alors que l'Arabie saoudite a pour l'instant classé 8,8 pour cent de son territoire national en zones protégées. Ce chiffre va passer à plus de 10 pour cent dans l'année qui vient, avec l'addition de nouvelles zones. La plupart des zones protégées des pays cités plus haut sont gérées par des organismes nationaux de conservation. Dans plusieurs de ces pays, les zones de sécurité situées le long des frontières internationales sont de facto des zones protégées, du moins dans la mesure où la présence humaine y est strictement limitée.

Plan d'ensemble pour les zones protégées d'Arabie Saoudite

Malgré les vastes réserves pétrolières et le développement industriel que leur exploitation a favorisé dans le pays, l'importance intrinsèque des écosystèmes naturels n'a jamais été ignorée. Dans le passé, c'était le Ministère de l'agriculture et de l'eau et l'Office de la météorologie et de la protection de l'environnement (MEPA) qui étaient chargés des questions de conservation. Il est toutefois apparu clairement que, pour créer un ensemble représentatif et bien entretenu de zones protégées et en développer les ressources renouvelables au profit de tous les citoyens, il fallait créer un organisme dont ce serait le principal mandat. C'est ainsi qu'en 1986 le Royaume d'Arabie saoudite a créé, par le décret royal M/22, la Commission nationale pour la conservation et le développement de la faune et de la flore sauvages (NCWCD).

L'un des objectifs fondamentaux de cette Commission est de créer et d'entretenir un ensemble représentatif de zones effectivement protégées dans le pays. Ce plan s'appuie sur l'ancienne tradition des himas, qui existent depuis des siècles en Arabie saoudite et servent encore à la conservation, à la répartition et à la bonne utilisation des ressources renouvelables. Ailleurs dans le monde, des zones protégées ont souvent été créées dans le passé pour protéger des caractéristiques naturelles spectaculaires ou uniques. Mais, avec l'extension du rôle pragmatique que les réserves naturelles sont désormais censées remplir à l'appui du développement durable, le choix de zones appropriées et la réalisation d'une couverture adéquate sont devenus un processus beaucoup plus objectif. Toutes choses égales par ailleurs, il est logique, lorsqu'on sélectionne des zones, d'assurer une couverture adéquate de types écologiques largement répandus et de leurs éléments de préférence à des types plus limités et moins représentatifs. Il faut que l'accroissement des superficies bénéficiant d'un haut niveau de protection soit un processus délibéré pour augmenter la couverture de la diversité biologique du pays selon un ensemble de priorités bien étudiées.

En Arabie saoudite, on applique les critères suivants:

· couverture représentative des unités physiographiques et biogéographiques du pays fondée sur des classifications fiables;

· reconnaissance de la nécessité de protéger des habitats appropriés pour un certain nombre d'espèces particulièrement intéressantes ou importantes sur lesquelles le programme de conservation des espèces de la NCWCD est spécialement axé;

· protection suffisante des habitats d'importance biologique clé;

· répartition géopolitique équitable des zones protégées à travers le pays, de façon à partager aussi justement que possible les avantages de la conservation.

Il importe de noter que l'objectif à long terme des efforts d'aménagement de la NCWCD est l'utilisation durable, c'est-à-dire que la préservation et la protection des ressources ne sont pas un but en soi, mais un moyen pour qu'on puisse les utiliser non seulement aujourd'hui mais aussi dans l'avenir. Malheureusement, surtout dans le cas de ressources en faune et flore sauvages, la faiblesse des densités de populations actuelles signifie qu'il faut en restreindre l'utilisation, pour parvenir à la deuxième phase du calendrier de conservation, qui est essentiellement l'utilisation durable. Au Farasan, cependant, où les ressources naturelles ont atteint des niveaux qui permettent l'utilisation, la NCWCD élabore actuellement un plan d'aménagement.

Avant la création de la NCWCD, le Ministère de l'agriculture et de l'eau a créé en 1981 le parc national de l'Asir, et dès 1977 l'île d'Umm Al-Qamari s'était vu attribuer de facto le statut de zone protégée. Le MEPA a également fait des propositions précises de protection de certaines zones maritimes et terrestres. Sur la base de ces propositions et d'enquêtes complémentaires effectuées par la NCWCD, 47 sites sont maintenant identifiés comme zones maritimes et côtières susceptibles d'être protégées. Ce sont des sites d'importance particulière dans la biologie des espèces marines les plus intéressantes, telles que le dugong, les tortues de mer et les oiseaux de mer.

Sur une base analogue, les zones suggérées par le MEPA et d'autres organismes, ou identifiées au cours des investigations de la NCWCD, ont été soumises à des analyses détaillées visant à en déterminer l'importance en termes de diversité biologique. Ainsi, 57 sites terrestres ont été identifiés comme pouvant éventuellement convenir pour la protection. Etant donné que la création d'un ensemble de zones protégées doit suivre une séquence logique, une procédure a été élaborée pour fixer les priorités, selon deux groupes de critères: les «valeurs naturelles» qui déterminent l'intérêt de protéger une zone; les «considérations pratiques» qui déterminent si cela est possible et, dans l'affirmative, quelle en est l'urgence.

Les critères naturels sont la valeur de l'espèce, les biomes, les considérations physiographiques, les processus écologiques et les caractéristiques esthétiques. Les critères pratiques sont les conflits possibles (par exemple avec le pâturage), les avantages à attendre, le soutien des populations locales, la configuration (proximité d'autres sites) et le risque de dégradation.

TABLEAU 2. Les différentes catégories de zones protégées utilisées en Arabie saoudite

Catégorie saoudite

Catégories équivalentes de l'UICN

Réserve naturelle spéciale

I

Réserve naturelle pure/réserve scientifique


II

Parc national


IV

Réserve de conservation de la nature ou réserve aménagée/sanctuaire de la faune et de la flore sauvages

Réserve naturelle

II

Parc national


IV

Réserve de conservation de la nature ou réserve aménagée/sanctuaire de la faune et de la flore sauvages

Réserve biologique

I

Réserve naturelle pure/réserve aménagée

Réserve d'utilisation des ressources

V

Paysage terrestre ou marin protégé


VI

Réserve de ressources


VIII

Zone d'aménagement polyvalent/zone de ressources aménagée


IX

Réserve de la biosphère

Réserve de chasse contrôlée aménagée

VIII

Zone de ressources aménagée

Sur la base de cette série de critères, un ordre de priorité a été affecté à chaque zone et, à ce jour, 11 d'entre elles ont été désignées par le conseil d'administration de la NCWCD comme étant prioritaires pour la protection. Alors que dans d'autres pays les zones protégées sont sous-divisées en plusieurs secteurs, le système utilisé en Arabie saoudite est différent. Ici, les objectifs du zonage sont atteints en regroupant différentes catégories de zones protégées. C'est une technique pratiquée dans l'aménagement des himas traditionnels, et le concept a déjà été mis en place dans plusieurs des zones protégées existantes.

Lorsqu'on a défini les cinq catégories à utiliser pour les zones protégées en Arabie saoudite, cela s'est fait selon une approche pragmatique et souple. Chacune des catégories correspond à peu près à plusieurs des catégories internationales adoptées par l'UICN (voir tableau 2). Les zones protégées créées par la NCWCD jusqu'à la fin de 1989 ont surtout été des réserves de gibier contrôlées, où toute chasse a été interdite. Dans le cas de Mahazat as-Sayd, la zone a été ceinte d'une clôture à mailles en losange de 2,5 m de haut et tout pâturage par les animaux domestiques a été exclu, ce qui s'est traduit par une amélioration notable de ce parcours jusque-là surpâturé. Des espèces reproduites en captivité (oryx, gazelle, reem, autruche et outarde Houbara) ont été introduites depuis 1990 dans cette réserve au fur et à mesure que des stocks devenaient disponibles.

Depuis cinq ans, les moutons et les chèvres sont exclus de la plus grande partie de la zone protégée de Harrat al-Harah, mais non les quelque 7000 chameaux, qui ont constitué un sérieux obstacle à la rénovation de l'habitat. La NCWCD a maintenant entrepris un programme visant à réduire sensiblement ces effectifs. L'élimination des chameaux (par l'implantation de clôtures) des zones centrales de la réserve nationale de bouquetins, où il n'y a pas de tradition de pâturage des moutons et des chèvres, semble avoir eu un effet bénéfique sur les rares populations de bouquetins qui subsistent. Les animaux sont beaucoup plus visibles, et il y a une bonne proportion de jeunes. On a signalé des troupeaux comptant jusqu'à 30 bêtes. Les gazelles idmi introduites réussissent aussi extrêmement bien et se sont répandues de façon naturelle dans la majeure partie de la zone protégée.

Aménagement pour la conservation de la nature en Arabie saoudite

Structure de la NCWCD

Comme on l'a déjà vu, la NCWCD, créée en 1986 par décret royal, a été chargée de conserver les ressources naturelles vivantes, aussi bien animales que végétales, de l'Arabie saoudite, et de créer et d'aménager des zones protégées pour assurer leur conservation. La NCWCD comporte un conseil d'administration présidé par le deuxième vice-premier ministre et constitué du ministre de l'intérieur, du ministre des affaires étrangères, du ministre de l'agriculture et de l'eau, du gouverneur de la région de l'Asir, du président de la Cité King Abdulaziz des sciences et de la technologie, du président du MEPA et du secrétaire général de la NCWCD. La structure de la Commission se compose du conseil d'administration, d'un directeur exécutif (ministre des affaires étrangères) et d'un comité consultatif auprès de ce dernier. Les opérations administratives sont divisées en affaires financières et administratives, conservation de la nature et recherche et études de terrain, avec chacune à sa tête un directeur général. La NCWCD gère également trois centres de recherche sur la nature et un centre de recherche marine.

Le budget de la NCWCD pour 1992 s'est élevé au total à 17,2 millions de dollars des Etats-Unis composés de crédits du budget national, des recettes qu'elle peut tirer des activités qui relèvent d'elle, des dons, aides, donations et legs approuvés selon les règles fixées par le conseil d'administration.

Personnel

La NCWCD emploie 319 personnes dont 163 sont des gardes. Pour pouvoir disposer d'un personnel et de gardes efficients et capables, elle attache une grande importance à la formation. La formation permanente des gardes vise à améliorer leur capacité d'observation et de notification du type de données biologiques nécessaires au personnel de recherche et de gestion de la conservation, c'est-à-dire les données climatologiques, l'état des zones de pâturage, l'état général des animaux, leurs déplacements et modes d'activité, les zones qu'ils préfèrent et les plantes qu'ils consomment, leurs activités de reproduction, etc. Une attention particulière est également accordée à l'application de la loi, aux relations publiques et à l'établissement de rapports de terrain, ainsi qu'aux questions pratiques telles que l'entretien des véhicules, les procédures radio, l'utilisation de boussoles, la lecture des cartes, les techniques de premiers secours et de survie de base.

La prise de conscience croissante de la vulnérabilité de certaines parties des écosystèmes ou de certaines espèces qui ne bénéficient pas encore du sanctuaire que constitue une zone protégée a conduit, en 1993, à créer un groupement coopératif de gardes. Il s'agit de sélectionner des personnes qui conviennent dans les collectivités locales et de les employer ensuite sur une base quasiment bénévole, pour surveiller les poches de faune et de flore sauvages en dehors des zones protégées. Ce système est appliqué avec la pleine et entière coopération des émirs et des cheiks locaux. Bien que ce système en soit encore à ses débuts, compte tenu de la prise de conscience croissante du public et de l'enthousiasme des communautés locales, il semble que ce sera un succès.

Gestion de la conservation de la nature

Les zones protégées ne peuvent répondre à leur but que si elles sont correctement aménagées et gérées. Il n'a jamais été et il n'est toujours pas facile de décider des objectifs d'aménagement et de la manière de les réaliser. Cela dit, si l'on prend comme base les documents et les cartes qui montrent la nécessité de protéger certaines zones, il est facile de les transformer en un cadre qui devient alors le plan initial d'aménagement de la zone. Cet ensemble d'objectifs préliminaires d'aménagement donne au personnel de terrain des orientations et soutient leur action par l'application de la loi.

Les opérations d'aménagement se dé roulent en général naturellement et logiquement après la désignation officielle d'une zone protégée. La première mesure consiste à en délimiter les frontières. La zone devient alors une entité juridique, et l'aménagement véritable peut commencer. Si la zone protégée n'est pas clôturée, comme c'est le cas dans la plupart des régions d'Arabie saoudite, les limites en sont marquées à de fréquents intervalles. Du personnel est en principe déployé dans la zone le plus tôt possible. Il importe qu'il soit totalement informé de ses responsabilités, de façon que l'aménagement soit mené de façon concrète et continue.

Lorsqu'on aménage une zone protégée, on prête beaucoup d'attention à l'implantation des bâtiments de travail et de logement des gardes. Lorsque cela est possible, ces bâtiments sont situés à la périphérie de la zone protégée ou juste en dehors de ses limites. On veille à ce qu'ils soient esthétiquement plaisants et se remarquent le moins possible. Les responsables doivent faire en sorte que leurs stations de terrain soient tenues propres et en ordre.

Les principales tâches à accomplir dans chaque zone protégée sont définies annuellement. Cela facilite l'établissement du budget et l'affectation des moyens en personnel et en matériel, mais permet surtout de mesurer les résultats obtenus, notamment en ce qui concerne les principales innovations ou acquisitions, l'exécution des activités de routine telles que patrouilles, collecte de données et entretien des biens ou dépense des crédits.

Recherches sur la conservation de la nature

Jusqu'à une date récente, la plus grande partie des travaux de recherche de la NCWCD a été axée sur les programmes de reproduction des espèces menacées. Des programmes réussis de reproduction en captivité ont permis à la NCWCD de réintroduire dans les zones protégées l'oryx arabique et les gazelles idmi et reem. Le troupeau lâché dans la zone protégée de Mahazat as-Sayd s'est transformé en une population viable qui compte maintenant 91 têtes. Les programmes permanents de suivi et de recherche sur les mammifères ainsi lâchés constituent une part importante des activités de recherche du personnel de la NCWCD ainsi que de scientifiques venus de l'extérieur.

La NCWCD participe aussi à un programme très actif de recherche et de surveillance de la faune aviaire. Le programme de conservation de l'outarde Houbara a recueilli des éloges de toutes parts. Au cours des cinq dernières années, le programme de reproduction en captivité a surmonté ses difficultés initiales, et un nombre toujours croissant d'oiseaux peut désormais être lâché. Ces oiseaux sont ensuite surveillés de façon à évaluer leur adaptation à la nature sauvage. Les déplacements de plusieurs individus sont suivis à l'aide de la radiotélémétrie. Un autre oiseau rare, l'outarde arabique, fait également partie du programme, ainsi que les rapaces et les charognards. Un projet a été lancé pour étudier l'importance des marécages pour le grand nombre d'espèces qui migrent annuellement à travers le pays. Des programmes intensifs d'études et de baguage d'oiseaux ont été entrepris sur les oiseaux de mer des îles situées au large de la côte du golfe Persique et de la mer Rouge. Les projets de recherche portent sur les espèces qui nichent sur les îles, par exemple plusieurs espèces de sternes, de cormorans et de fous.

Les capacités d'organisation et d'adaptation de la NCWCD ont été durement mises à l'épreuve au cours de la guerre du golfe Persique. Les nappes de pétrole qui se répandaient menaçaient tout le spectre écologique de la région. La NCWCD y a répondu en créant un centre de sauvetage de la faune sauvage. Elle a demandé une coopération internationale, et des programmes intensifs de remise en état de l'habitat été entrepris. Rétrospectivement, on peut dire qu'il s'est agi d'une opération très réussie qui, au-delà de ses avantages immédiats, a abouti à la création de la première zone marine protégée dans le golfe Persique. Les programmes de recherche et de surveillance de l'écologie marine du Golfe entrepris à l'époque se poursuivent aussi, en coopération avec la Communauté économique européenne. Aujourd'hui, plus de 19 grands projets de recherche sont en cours dans les zones littorales et intertidales.

La Commission porte aussi son attention sur divers programmes de recherche intensive dans la zone protégée de l'archipel des Farasan dans la mer Rouge. Ces projets comprennent notamment des recherches terrestres sur les oiseaux, les gazelles et la végétation des îles, ainsi que des projets marins parmi lesquels des études de l'écosystème de la mangrove. En dehors du personnel de la NCWCD et des universitaires saoudiens, des spécialistes japonais, australiens et anglais participent aussi à ces projets. L'opération présente la caractéristique particulière de faire également intervenir un socio-économiste. L'objectif final est de préparer, avec le concours des habitants, un plan d'aménagement qui assure l'utilisation durable des ressources naturelles de la zone protégée.

Programme de sensibilisation du public

La NCWCD a lancé à travers le pays un programme de sensibilisation du public à l'aide de divers matériels éducatifs, notamment une émission hebdomadaire de télévision. Elle a produit des documentaires de télévision sur des sujets relatifs à la conservation et édite régulièrement des plaquettes et des affiches. Le centre d'information des visiteurs situé au siège de la NCWCD à Riyadh abrite une exposition permanente sur la flore et la faune sauvages du pays.

La NCWCD possède une bibliothèque bien fournie, qui comprend également plus de 200 rapports internes sur divers projets de recherche, ainsi que ses propres publications sur les questions de conservation. Elle possède aussi une importante bibliothèque audiovisuelle, avec vidéo, radiocassette et diapositives. Des listes de ces matériels sont fournies sur demande aux autres organismes de conservation.

Conclusion

Etant donné les dimensions du pays et sa diversité biophysique, créer un réseau solide de zones protégées constitue une tâche redoutable, d'autant plus que ce réseau doit être adapté aux conditions socio-économiques qui règnent en Arabie saoudite et être admis par tous, surtout par les communautés rurales qui sont celles qui ont à supporter la majeure partie des coûts cachés - notamment la restriction des droits de pacage.

Pour réussir à long terme, l'action de conservation doit, dans la plupart des pays de la région, être adaptée de façon à constituer le fondement écologique d'un développement économique national durable dans un monde en rapide mutation. La réussite de l'aménagement des zones protégées en Arabie saoudite peut être attribuée au fait que l'initiative de conservation y est précisément guidée par ce principe.

Bibliographie

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