Page précédente Table des matières Page suivante


PROGRAMME NATIONAL DE SEMENCES FORESTIERES DE TANZANIE

par

Per Rasmussen1
Tanzania National Tree Seed Centre
P.O. Box 4012, Morogoro, Tanzanie

INTRODUCTION

Au cours des dernières décennies, les plantations forestières se sont imposées comme une priorité dans les régions tropicales et subtropicales. Alors que naguère la plupart de ces plantations étaient des reboisements industriels, faisant appel à un nombre limité d'essences, dans les années quatre-vingts et le début des années quatre-vingt-dix l'intérêt s'est porté de plus en plus vers des plantations utilisant une plus grande variété d'essences et associant les arbres à des cultures agricoles. En même temps, la préférence donnée à un petit nombre d'essences exotiques bien connues a fait place à une conception plus équilibrée, prenant en considération la stabilité écologique à long terme et la diversité biologique et favorisant un emploi accru d'essences indigfènes.

L'accroissement d'ampleur et de complexité des programmes de plantations forestières qui en résulte engendre une demande croissante de matériel de plantation, et notamment de semences de haute qualité physiologique et génétique tant d'essences indigènes que d'exotiques. En conséquence, dans de nombreux cas, les systèmes existants d'approvisionnement en semences ne suffisent plus à la demande, aussi un certain nombre de pays des régions tropicales et subtropicales se sont-ils engagés dans des programmes nationaux de semences forestières, ou ont renforcé les programmes existants.

HISTORIQUE

La fourniture de semences forestières à l'échelle nationale en Tanzanie était autrefois la responsabilité de la Station de recherche sylvicole de Lushoto (LSRS), située dans les Monts Usambara. En outre, des quantités appréciables étaient fournies au niveau régional et local par les autorités forestières de district et de région, et par de grands projets de reboisement. Très peu de semences, apparemment, étaient récoltées par les agriculteurs privés. En revanche, ceux-ci épargnaient les arbres utiles lors des défrichements agricoles, et lorsqu'ils plantaient des arbres ils utilisaient de préférence des semis naturels.

Au cours des années quatre-vingts la quantité et la qualité des semences fournies par la Station de Lushoto s'abaissèrent progressivement. Les raisons en étaient pour une bonne part l'insuffisance de financement et l'absence de priorité politique. Le service forestier, faute d'approvisionnement centralisé, devait se rabattre sur des récoltes locales, qui étaient menées sans connaissance suffisante des sources de semences et des techniques à appliquer. En conséquence, les plants produits dans les pépinières du service forestier, qui étaient distribués gratuitement aux agriculteurs à titre d'encouragement, ne représentaient qu'un petit nombre d'essences exotiques bien connues.

En 1989 le Gouvernement tanzanien arrêta, dans le cadre du Plan d'action forestier tropical (PAFT), un plan directeur pour le secteur forestier, intitulé Tanzania Forestry Action Plan. Ce plan proposait un accroissement important des plantations forestières, notamment reboisements industriels, plantations agroforestières, plantations urbaines, et plantations d'enrichissement en forêt humide. Plus tard dans cette même année, le Gouvernement entreprit, avec une assistance technique et financière du Danemark, la mise en place d'un Programme national de semences forestières (NTSP). L'appui technique fut confié au Centre DANIDA de semences forestières de Humlebaek (Danemark). Le programme couvre l'ensemble du territoire tanzanien. Un financement a été accordé pour une première phase de 3½ ans s'achevant en décembre 1992. Au plan institutionnel, le NTSP est placé sous la tutelle de la Division des forêts et de l'apiculture, qui est le service étatique chargé des forêts en Tanzanie. Les activités de fourniture de semences de la Station de Lushoto furent interrompues, et une nouvelle infrastructure comprenant un centre national et trois centres régionaux de semences forestières fut projetée.

LE PROGRAMME

Le NTSP est conçu comme un programme intégré, associant la fourniture de semences à des éléments d'amélioration des arbres et de conservation des ressources génétiques, considérant que ce n'est qu'en combinant ces éléments dans une stratégie équilibrée que l'on pourra réaliser un approvisionnement durable de semences forestières de haute qualité physiologique et génétique.

Lors de la première phase, les efforts ont porté surtout sur la mise en place de l'organisation. Le pays a été divisé en 7 grandes zones écologiques. L'intention était d'établir dans chaque zone des centres de semences semi-autonomes afin de réaliser une structure décentralisée. Cette décentralisation était considérée comme préférable en raison de l'étendue du pays, des difficultés de transport, et de la diversité de conditions écologiques.

Lors de la phase I, des centres régionaux de semences furent établis dans trois zones, et le centre national fut établi en liaison avec l'un de ces centres régionaux. Chaque centre est pourvu des équipements, matériels et véhicules nécessaires, et du personnel a été recruté et formé. Les centres régionaux sont en mesure de mener de manière indépendante toutes les activités relatives aux semences, telles que gestion des peuplements semenciers, récolte, traitement, essais, entreposage et distribution des semences.

Chaque centre régional emploie trois techniciens forestiers: un technicien responsable de toutes les activités de terrain, un responsable des activités du centre, et un chef de centre chargé de l'administration et de la gestion du centre ainsi que d'autres responsabilités telles que création de pépinières et vente de semences. Ces trois techniciens sont encouragés à échanger leurs rôles de temps à autre afin d'éviter l'instauration d'une hiérarchie rigide et de favoriser une organisation horizontale. Pour l'exécution des travaux, chaque centre régional emploie 15 ouvriers, dont cinq sont formés spécialement aux techniques d'escalade d'arbres et de récolte de semences, cinq aux techniques de traitement des graines, les cinq autres travaillant à la production de plants dans la pépinière du centre régional.

Le centre national planifie et coordonne les activités à l'échelon national. Il est chargé de la gestion et de l'administration générales du programme, de la supervision et du suivi, de la formation et de la recherche appliquée. Il est divisé en six sections:

  1. Gestion et administration
  2. Finances et comptabilité
  3. Fourniture de semences
  4. Amélioration génétique des arbres
  5. Botanique et conservation des ressources génétiques
  6. Recherche-développement sur les semences

Un Directeur de programme national, responsable devant le Directeur du Service forestier, est chargé de l'exécution du programme. Chaque section comprend un chef de section et un assistant, le premier étant un ingénieur forestier et le second un technicien forestier. L'emploi de nombreux techniciens forestiers souligne la nature essentiellement pratique d'un programme de fourniture de semences.

Dans les centres régionaux, les semences sont entreposées dans des récipients hermétiques en conditions ambiantes. Le centre national dispose de deux chambres froides pour la conservation de longue durée et l'entreposage de semences exigeant une température basse. Les graines périssables ou récalcitrantes ne sont récoltées que sur demande particulière, et sont distribuées aux clients immédiatement après traitement.

LES REALISATIONS DU PROGRAMME

A la fin de la phase I, la mise en place du NTSP était terminée. Quatre centres de semences avaient été construits, équipés et pourvus de personnel. Les trois centres régionaux avaient mis en place chacun une pépinière, et au centre national un arboretum d'essences indigènes est en cours d'établissement. Les rouages administratifs sont en place, et l'organisation est pleinement opérationnelle. Tous les membres du personnel ont été formés sur le tas ainsi que par des stages dans le service ou à l'extérieur, et par la participation à des séminaires, colloques et voyages d'étude internationaux. Le Centre DANIDA de semences forestières, par son programme de base et un certain nombre de missions de consultants de courte durée, a aidé à la formation du personnel et fourni un apport technique important sous forme de recommandations relatives aux constructions et à l'achat et l'utilisation d'équipements.

Au cours de ses trois premières années de fonctionnement, le NTSP a identifié et décrit quelque 120 sources de semences. Certaines ont été retenues, mais pour la majorité il reste à faire une évaluation comparative de qualité. Plus de 20 tonnes de graines de plus de 60 essences différentes ont été récoltées et en partie distribuées à des acheteurs en Tanzanie et à l'étranger. L'accent a été mis sur les essences indigènes, dont l'emploi a été encouragé lors de séminaires, journées d'étude et contacts directs avec les utilisateurs.

Une recherche appliquée a été lancée dans le but de résoudre les problèmes relatifs à l'obtention de semences, en particulier d'essences indigènes pour lesquelles on n'a que très peu de connaissance sur les techniques de traitement et de pépinière. Ce travail se fait au laboratoire du centre national ou dans les centres régionaux. Les activités d'amélioration des arbres se sont jusqu'à présent bornées à la gestion des peuplements semenciers, en particulier de Tectona grandis et Grevillea robusta. Un peuplement semencier de Pithecelobium dulce a été mis en place. En ce qui concerne la conservation des ressources génétiques, un beau peuplement naturel de Dalbergia melanoxylon a été délimité et fait l'objet d'une protection par des patrouilles fréquentes.

La constitution de réseaux avec d'autres centres de semences de la région est une priorité, et le NTSP joue un rôle important au sein du réseau de centres de semences forestières de la SADCC. Une collaboration a été établie avec le Centre de semences forestières du Kenya, et des contacts ont été pris avec des programmes de semences devant démarrer prochainement au Soudan, en Ethiopie et en Ouganda.

Dans de nombreux cas, les opérations de récolte de semences se sont avérées être d'un coût prohibitif. La raison en est pour partie la distance des centres aux zones de récolte, et pour partie les taux élevés d'indemnités de déplacement payés aux fonctionnaires. D'un autre côté, il n'a jamais été prévu que le NTSP doive fournir toutes les semences nécessaires en Tanzanie. La récolte de semences offrant peu de possibilités d'amélioration, faciles à traiter et à multiplier, et facilement accessibles, doit être laissée aux utilisateurs.

II faudra pour cela un effort de vulgarisation, tâche qui sera assurée au mieux par les services de vulgarisation agricole et forestière existants. La formation de personnel autre que celui du NTSP a à ce jour été limitée à la participation à deux stages nationaux sur des essences proritaires et sur la récolte de semences, et à un colloque sur les sources de semences. En outre, un nombre limité de personnes n'appartenant pas au NTSP ont participé à divers stages de formation du NTSP.

Des semences ont été vendues en Tanzanie et au dehors. Les acheteurs de Tanzanie comprennent des projets forestiers ayant une composante de plantations forestières, mais aussi des ONG, des services forestiers de région et de district, des entreprises étatiques, des sociétés privées, et dans une mesure moindre des personnes privées. La majorité des ventes extérieures étaient destinées à l'Afrique occidentale, mais il a également été vendu des semences pour l'Australie et l'Amérique Latine. Les semences de Tectona grandis constituent le gros des exportations. Le NTSP publie un catalogue de semences trimestriel, des notes de recherche, des brochures sur les semences, et un bulletin d'information forestier périodique. Ces publications sont gratuites, et les personnes intéressées peuvent sur leur demande être inscrites sur la liste de distribution. Actuellement, il y a en stock 5 900 kg de semences représentant 57 essences différentes.

STRATEGIE ET EVOLUTION FUTURES

Une deuxième phase de 3 ans est prévue. Les points critiques du projet sont les suivants:

En ce qui concerne la pérennité du NTSP, il a été proposé qu'il soit transformé en département semi-autonome rattaché au ministère, et relevant d'un conseil d'administration. Le président du conseil d'administration serait le Directeur des forêts, afin d'assurer la liaison indispensable avec la pratique forestière. Cette organisation proposée permettrait au NTSP d'avoir une politique indépendante concernant son personnel, et les revenus provenant de la vente de semences et de services (tels que stages de formation) pourraient lui être réaffectés en tout ou partie afin d'assurer la viabilité financière du programme.

Pour assurer une approche décentralisée, on a proposé que les programmes futurs dans d'autres zones de Tanzanie soient strictement liés à la demande, et que l'ampleur et la complexité des opérations soient conditionnées par cette demande. Une telle approche pourrait aboutir à des centres de semences régionaux totalement autonomes, à condition qu'il y ait une demande de semences, cependant un centre de semences régional pourrait aussi, dans sa forme la plus simple, comprendre un seul agent, formé et pourvu d'outils et équipements simples, et fournissant une assistance pour les activités en cours dans sa zone.

Afin de mieux atteindre les groupes visés, un vaste programme de formation, associé à la production et à la diffusion de matériel de vulgarisation, est proposé. Le NTSP devrait apporter une assistance dans des domaines tels qu'identification et gestion de sources de semences, récolte et traitement des graines, production de plants.

Les plans pour une deuxième phase du projet seront achevés cette année, et si elle est approuvée cette phase démarrera en janvier 1994. Le Gouvernement tanzanien accorde une haute priorité au développement du NTSP, considéré comme une condition essentielle de la poursuite du Plan d'action forestier tanzanien. Il sera intéressant de suivre son évolution, et les changements de stratégie et d'approche pour l'adapter aux nouveaux besoins et répondre aux nouvelles sollicitations.

Figure 1. Séchage de graines de teck sur l'aire de séchage du Centre régional de semences forestières de Morogoro

Figure 1

Informations sur les Resources Génétiques Forestières No 21. FAO, Rome (1994)

1 Per Rasmussen est maintenant affecté au Projet de développement de sources de semences forestières en Indonésie.


Page précédente Début de page Page suivante