La transformation des aliments améliore leur digestibilité et augmente leur attrait auprès du consommateur. Elle permet en outre détendre leur disponibilité audelà de la zone et de la saison de production, et dobtenir un effet stabilisateur sur les approvisionnements, donc un renforcement de la sécurité alimentaire du pays et des ménages. La transformation est importante car elle contribue à diversifier les régimes alimentaires puisquelle élargit la gamme des denrées accessibles aux consommateurs; elle met ainsi à leur disposition un choix de vitamines et de minéraux plus vaste. Le niveau de base de la transformation des aliments consiste en leur conservation, que les familles des sociétés traditionnelles réalisent de différentes façons depuis des générations, afin de disposer de vivres quand les aliments frais sont rares. Cependant, dans de nombreuses sociétés, par exemple les villes dAfrique, beaucoup de personnes ont désormais accès aux aliments transformés du commerce, qui sont plus commodes, de sorte que de multiples manières traditionnelles de contribuer à la sécurité alimentaire des ménages tombent dans loubli. Il nest pas sûr que cette tendance soit la meilleure.
Les procédés villageois de transformation comprennent des pratiques de base, comme la mouture, et la confection de préparations pour lesquelles il existe un marché potentiel. La mise en oeuvre individuelle ou collective de ces procédés donne du travail à des millions dhabitants des campagnes et constitue souvent lune des sources de revenu des femmes rurales. La préparation du gari, dérivé sec du manioc fermenté en Afrique de lOuest, et le séchage du poisson au Ghana sont des exemples de procédés par lesquels des produits hautement périssables sont transformés en denrées qui supportent le transport à grande distance et le stockage. Certains groupements villageois, souvent avec le soutien de donateurs et dorganisations non gouvernementales (ONG), ont entrepris de transformer eux-mêmes des fruits et des légumes. Lorsque de pareilles initiatives sont prises pour conserver et consommer après la saison fraîche le produit de récoltes quil aurait fallu sans cela mettre au rebut, peu de problèmes surviennent. Toutefois, si la transformation villageoise vise surtout la création dun revenu financier, des problèmes de commercialisation risquent de se produire, à cause des erreurs de gestion ou dune mauvaise évaluation des marchés potentiels.
ENCADRÉ 34 |
La prévention des attaques par les champignons, les insectes et autres ravageurs des produits emmagasinés revêt une importance exceptionnelle pendant le stockage. Lentreposage des céréales répond à des principes relativement simples. En premier lieu, le produit à stocker doit être conditionné de manière à atteindre un état stable, dans lequel la respiration des semences et des microorganismes est réduite au minimum. On y parvient en maintenant à un niveau très faible la teneur en eau des graines et lhumidité ambiante. En second lieu, le produit doit être placé dans un conteneur ou autre structure apte à maintenir un environnement approprié et à empêcher ou limiter lentrée des insectes et des animaux nuisibles. Enfin, les céréales doivent rester accessibles pendant toute la durée de leur entreposage pour un traitement supplémentaire si besoin est, afin dentretenir de bonnes conditions, notamment en ce qui concerne labsorption dhumidité. Comme bien souvent les cultures sont saisonnières, elles doivent être entreposées dune saison sur lautre. En zone rurale, les cultivateurs possèdent leurs propres installations dentreposage. Ces structures varient quant à leur type de construction, leurs dimensions et les matériaux utilisés. Les structures au-dessus du sol vont de la cellule au grand entrepôt. Dans les pays en développement, on emploie des silos en maçonnerie ou en bois, des constructions en paille et en bambou, et des silos en argile, cuite ou non. Pour lentreposage commercial, il peut sagir délévateurs de type «silo», de magasins pour lemmagasinage en vrac ou dentrepôts pour lemmagasinage en sacs. Pour prévenir les pertes tant en qualité quen quantité, le produit doit être protégé contre les insectes, les rongeurs, les moisissures et toute détérioration biochimique. La protection contre les moisissures a pris une importance considérable à la suite dune prise de conscience accrue des dangers des mycotoxines pour la santé humaine et animale. Le contrôle de la température et de lhumidité est un élément important de la prévention des moisissures. La lutte contre les insectes est non moins utile car ceux-ci peuvent créer des poches dhumidité élevée dans le produit entreposé. Les produits traités, comme la farine, les farines grossières et les tourteaux darachide, doivent être protégés pendant lentreposage, étant donné la présence de spores de moisissures viables et capables de produire des mycotoxines dès que les conditions sy prêtent. |
Source: FAO/PNUE, 1979. |
Opérant à plus grande échelle, lindustrie agro-alimentaire convertit les produits en aliments transformés, qui sont habituellement plus stables et plus faciles à vendre que les produits non traités. Lindustrie est donc en mesure de mettre sur les marchés, souvent à bas prix, certains produits alimentaires, par exemple les aliments protéiques dorigine animale, qui deviennent alors accessibles à de nouveaux consommateurs. Lindustrie peut assurer une disponibilité permanente de produits saisonniers périssables et fournir des denrées alimentaires sous une forme plus commode que le produit brut. Les procédés mécaniques à haut rendement sont généralement efficaces et rentables si lenvironnement urbain est preneur de très grandes quantités daliments transformés. En revanche, les populations dispersées seront sans doute mieux desservies par des technologies appropriées. Lindustrie alimentaire de transformation est souvent concentrée dans les centres urbains; elle peut aussi se disséminer parmi les communautés rurales quelle favorise alors doublement: en transformant les cultures périssables et les produits délevage près du lieu de production, et en créant une source de revenu pour la main-doeuvre locale.
Les étapes de la transformation
La transformation primaire concerne les manipulations qui suivent immédiatement la récolte. Pour les céréales et les légumineuses, ces activités comprennent le séchage, le battage ou le décortiquage. Ces opérations réduisent la proportion de fibres et peuvent améliorer la durée utile de stockage des grains et des fèves.
La transformation secondaire, à savoir la transformation proprement dite, implique dordinaire une certaine transformation de la forme du produit qui facilitera la suite des opérations. Les grains, les fèves et les pois peuvent être lavés, calibrés, ramollis ou étuvés, écossés et polis ou cassés. Les tubercules peuvent être pelés, tranchés et séchés au soleil. La plupart des grains sont broyés, pilés ou moulus et tamisés pour donner une farine plus ou moins blutée.
La transformation tertiaire comprend la conversion des matières premières crues en produits et préparations alimentaires destinés à la consommation humaine. Ces transformations sopèrent à léchelle commerciale, comme dans le cas de la cuisson-extrusion des mélanges de céréales et de légumineuses ou de la fabrication industrielle daliments de sevrage, ou bien à léchelle domestique pour la préparation des repas familiaux. Les méthodes de transformation de certains sous-produits des doliques préparés au Nigéria comme aliments de rue et de consommation familiale sont schématisées à la figure 25.
La conservation des aliments au village et dans les ménages
Il est possible de ralentir la détérioration des aliments en écartant leau des organismes responsables du problème et/ou en abaissant le pH des aliments (encadré 35). La technique de conservation le plus souvent utilisée dans les ménages est le séchage solaire; son importance dans le stockage des céréales a été soulignée ci-dessus. Le séchage peut aussi permettre de conserver la viande et le poisson, les fruits, les racines et les tubercules ainsi que les légumes à feuilles vertes. La préparation de la farine de manioc à partir des cossettes est décrite dans lencadré 36. La farine de banane peut être préparée de manière semblable.
FIGURE 25 |
Source: Akinyele, 1989. Reproduit avec laimable autorisation de Butterworth-Heinemann Journals, Elsevier Science Ltd, The Boulevard, Langford Lane, Kidlington 0X5 1GB, Royaume-Uni. |
ENCADRÉ 35 |
Les aliments se détériorent de bien des façons: par réaction interne entre leurs éléments constitutifs, par réaction de ces éléments à lair ou à leau, ou encore sous leffet enzymatique ou toxique de la prolifération de microorganismes. Lobjet de la conservation des aliments est de minimiser leur détérioration en contrecarrant ces réactions et en ralentissant la croissance des micro-organismes. On y parvient en élevant ou en abaissant la température ou le pH du substrat, et en limitant les contacts avec lair et leau. Le contrôle de la teneur en eau est lun des moyens les plus efficaces de réduire la détérioration. La méthode la plus simple consiste à sécher laliment et à réduire son activité aqueuse telle que mesurée par la pression relative de la vapeur. La pression de la vapeur est également réduite par laddition de sel ou de sucre. Quand lactivité aqueuse est faible, les réactions biochimiques et lactivité microbienne sont notablement restreintes; les extrêmes du pH ont un effet similaire, et bon nombre de méthodes traditionnelles de traitement se fondent sur un abaissement du pH du substrat, suivi dun réchauffement ou dun séchage. |
Source: FAO, 1990b. |
La conservation du manioc et des bananes peut également se faire par fermentation suivie de séchage. La préparation du gari est décrite dans lencadré 37 et la conservation de lensete, plante qui ressemble à la banane, dans lencadré 38. En Afrique de lEst, la farine de manioc peut être fermentée et nest pour ainsi dire jamais consommée seule. La pratique normale consiste à lincorporer, en proportions variables, au mil, au sorgho ou à dautres aliments à base de céréales.
Lencadré 39 explique comment conserver les légumes à feuilles par séchage solaire. Lemploi de séchoirs solaires est recommandé pour préserver au maximum le contenu vitaminique (voir aussi le chapitre 5, encadré 24). Blanchir les feuilles et les sécher à labri du soleil est également efficace.
ENCADRÉ 36 |
Manioc séché Les racines fraîches sont épluchées, abondamment lavées, coupées en lamelles dans le sens de la longueur, puis soigneusement séchées au soleil. Ces lamelles de manioc séché sont très prisées au Ghana, où on les vend sous le nom de kokonte. Cest un spectacle familier que de les voir sécher sur les toits, sur des claies, ou par terre le long des routes. On obtient un produit léger, plus ou moins blanc selon le soin apporté à sa confection. La surface en est parfois décolorée par la fermentation et par une attaque de moisissures pendant la phase initiale du séchage. Préparation de la farine de manioc On tire la farine de manioc de tranches de racines séchées, pilées au mortier ou moulues sur une pierre puis tamisées. Cette farine est dun blanc grisâtre; elle a fréquemment une saveur acide, légèrement âcre. Sa texture est fine ou grossière, selon la finesse de la mouture et du tamisage. On lapprête pour la consommation en la versant lentement dans un récipient deau bouillante posé sur le feu. La cuisson se poursuit jusquà obtention dune pâte glutineuse translucide, dont la couleur va du crème au brun verdâtre, selon limportance des moisissures. Produits à base de farine de manioc: ziga et mokalé Au Congo, une pâte de farine de manioc, le ziga, a une grande importance locale. On la laisse généralement refroidir et durcir avant de la consommer. Un traitement plus poussé consiste à la faire frire ou rôtir dans de lhuile de coco pour en tirer toutes sortes de collations. Le mokalé, par exemple, sobtient en mélangeant des farines de manioc et darachide. En Ouganda, on ajoute de la farine de banane à la farine de manioc pendant la préparation de la pâte. La farine de manioc en boulangerie On confectionne avec de la farine de manioc des pains plats et consistants, mais leur attrait dépend de la qualité de la farine utilisée. Si celle-ci contient beaucoup de fibres, la texture du produit sen trouvera affectée. Certaines variétés de manioc laissent dans la bouche un arrièregoût âcre et acide. |
Source: FAO, 1990c. |
ENCADRÉ 37 |
Production du gari au foyer Dans nombre de villages nigérians, on prépare le gari chez soi. La méthode la plus courante consiste à ramasser quelques racines à la fois, de manière à les traiter avant quelles ne se détériorent. Après les avoir nettoyées et épluchées, on les râpe à laide dun bout de tôle ondulée bien tranchant (une chute conservée lors de la pose dun toit) où lon a percé des trous à laide dun gros clou. Cette pulpe râpée, récoltée dans un sac de tissu bien tendu entre deux perches, ségoutte et fermente au soleil. On entasse ensuite sur le sac de grosses bûches ou des pierres pour exprimer leau. La pulpe ségouttant lentement, lopération prend trois ou quatre jours. De ce fait, le produit subit un certain degré de fermentation et dacidification, ce qui lui confère sa saveur particulière. Une fois le produit bien égoutté, on le retire du sac et on le place dans un tamis plat en fibres de palme. On verse - par petites quantités - la pulpe tamisée dans un large récipient métallique posé sur un feu de bois, en prenant soin de remuer constamment. Pour que le produit nattache pas, on ajoute un peu dhuile de palmiste. A laide dune spatule de bois, on écrase les grumeaux contre la paroi. Ce procédé donne un produit couleur crème, le gari blanc. Si lon a rajouté de lhuile de palmiste pendant la cuisson, on obtient un gari jaune aux meilleures qualités nutritionnelles. Soigneusement préparé, le produit se conserve des semaines, voire plusieurs mois, selon le soin apporté à son conditionnement. Production commerciale de gari Dans certains pays dAfrique de lOuest, notamment au Nigéria et au Togo, on a mécanisé la production de gari. Lutilisation de presses hydrauliques permet dexprimer tout le jus de la pulpe en quelques minutes, sans quelle ait le temps de fermenter. Le produit obtenu fut dabord considéré comme insipide et de texture trop homogène par les amateurs de gari traditionnel; on a donc modifié le processus. Inoculé avec une culture de démarrage, le produit subit désormais une fermentation rapide, ce qui le rend plus appétissant. |
Source: FAO, 1989d. |
ENCADRÉ 38 |
On ne cultive lensete (Ensete ventricosum) quen Ethiopie. Cest laliment de base des populations du Guraghé et du Sidamo, dans les hautes terres du sud. Laspect général de la plante évoque le bananier, mais elle ne donne pas de fruits comestibles. Selon les endroits, on mange telle ou telle partie de la plante. En général, on consomme la pulpe féculente de la pseudo-tige (que lon fait bouillir fraîche, comme un légume), la jeune pousse, le rhizome bulbeux, et parfois la partie supérieure de la racine. La jeune racine est souvent coupée et cuite comme une pomme de terre, mais les autres parties de la plante sont généralement réduites en poudre et mises à fermenter dans une sorte de silofosse pour une durée allant de quelques semaines à plusieurs mois. Ces fosses circulaires ont 1 m de diamètre et 1 m de profondeur. On les tapisse de feuilles densete et on y place les portions féculentes de la tige, que lon recouvre de feuilles sur lesquelles on dispose de lourdes pierres. Au bout de trois ou quatre semaines, on ouvre la fosse et, pour accélérer la fermentation, on y ajoute une culture de démarrage. Quelques semaines plus tard, on inspecte à nouveau le silo et on en brasse le contenu pour que la fermentation soit homogène. Lensete est prête à être consommée au bout de trois ou quatre mois, mais on peut la conserver pendant un an et plus. |
Source: FAO, 1990d. |
ENCADRÉ 39 |
En prévision de la saison sèche, certains légumes à feuilles vertes sont conservés par séchage au soleil. Les légumes visqueux, comme le gombo, ne sont jamais blanchis ni bouillis. Les feuilles sont simplement arrachées des tiges et mises à sécher au soleil. Dautres feuilles peuvent être blanchies ou étuvées. On peut également piler les feuilles darbre de façon à les attendrir avant de les faire sécher. Les feuilles de baobab séchées sont particulièrement appréciées. Les feuilles séchées peuvent être ajoutées directement aux potages ou aux ragoûts. Les feuilles de dolique séchées peuvent être frites ou bouillies. Le séchage entraîne souvent une déperdition importante déléments nutritifs. Lampleur de cette déperdition dépend du prétraitement, ainsi que de la température et de la durée du processus de séchage. |
Source: FAO, 1990f. |
La conservation de la viande et du poisson peut être faite par salage, fumage et séchage. Certains types de poisson peuvent être soumis à la fermentation. Le tableau 35 contient une liste des principaux produits de transformation du poisson au Sénégal, ainsi que leurs méthodes de préparation. Le produit fermenté guedj est préparé en empilant les poissons invendus, pour former des tas qui restent à lair libre pendant 24 heures. La fermentation sopère sous laction de certains enzymes des viscères des poissons et de la contamination bactérienne. Les poissons sont ensuite éviscérés, et les plus gros sont découpés en filets. La chair est alors mise à tremper dans des seaux de bois remplis deau de mer. Leau est changée chaque semaine, une fois quelle devient trouble. Enfin, le poisson partiellement fermenté est posé sur de la paille où il sèche au vent et au soleil pendant deux ou trois jours.
TABLEAU 35 |
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Principaux produits halieutiques traités aux fins de conservation au Sénégal |
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Produit |
Type de poisson |
Méthode de transformation |
Marché |
Poisson fermenté (guedi) |
requins, raies et gros maquereaux |
Fermentés, ouverts et séchés |
[Information non disponible] |
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Gros mollusques |
[Information non disponible] |
Exportation en Afrique de lOuest |
Mollusques fermentés (yete) |
Huîtres |
Salage abondant (souvent saumurage) et séchage |
Sénégal, surtout dans lest du pays |
Huîtres séchées (yokhoss) |
Requins, raies, thons |
Salage léger à moyen, saumurage et séchage |
Exportation en Afrique de lOuest |
Poisson ouvert, salé et séché (saly, salé-séché) |
Petites espèces pélagiques |
Fumage à très forte chaleur pour cuire les morceaux de poisson et les rendre étanches, suivi de fumage pour les sécher |
|
Poisson entier, salé et séché (tambadiang) |
Requins, raies |
|
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Morceaux de poisson fumés à chaud et séchés dans la fumée |
Petites espèces pélagiques, espèces démersales |
Fumage à chaud pour cuire le poisson, suivi de séchage à la fumée et/ou de séchage au soleil. Les gros poissons sont fendus, les petits sont traités tels quels |
Exportation en Afrique de lOuest, mais consommation aussi au Sénégal |
Poisson fumé et séché (methora) |
Petites espèces pélagiques Fermenté, ouvert et séché |
Fumé ou plus souvent braisé, pelé et séché Sénégal |
Sénégal, surtout dans le centre du pays |
Poisson braisé et séché (ketiakh) Principalement espèces démersales, mais aussi |
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Sénégal |
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Source: FAO, 1990g. |
Le procédé traditionnel de conservation de la viande par salage, fumage et séchage est décrit dans lencadré 40. Le lait peut être conservé selon diverses combinaisons de fermentation et de séchage (encadré 41).
ENCADRÉ 40 |
Séchage Bien que le consommateur préfère la viande fraîche quand il y en a, la viande séchée est préparée pour approvisionner les marchés éloignés et pour conserver la viande qui nest pas destinée à être consommée dans limmédiat. La technique la plus courante de conservation de la viande des animaux domestiques associe le séchage au soleil au séchage à lair. Le gibier et la viande des petits rongeurs sont souvent séchés et fumés sur place, sur un feu de bois. Préparation du biltong Le biltong est une viande séchée traditionnelle dAfrique australe préparée par séchage à lair de morceaux de viande salée. On coupe dans le fil la viande maigre, généralement de boeuf ou de gibier, prélevée sur les grands muscles des quartiers de larrière-train, de façon à obtenir des morceaux minces denviron 20 à 30 cm de longueur et 2,5 × 4 cm de section. On les frotte avec du sel sec (2,5 à 4 pour cent) mélangé à des épices: piment, coriandre, ail et poivre. On ajoute aussi du sucre pour atténuer leffet de durcissement provoqué par le sel. On laisse ensuite le sel pénétrer pendant plusieurs heures dans les morceaux ainsi préparés, puis ils sont séchés à lair durant une ou deux semaines, jusquà ce que la teneur en eau ne soit plus que de 10 à 15 pour cent. Le biltong maigre est microbiologiquement stable si la teneur en humidité est inférieure à 24 pour cent. La surface peut savarier si elle est contaminée par des moisissures et des levures, mais la production daflatoxines ne pose pas de problème car lactivité de leau est trop faible pour que Aspergillus flavus puisse se développer. Le fumage du biltong accroît sa résistance aux coléoptères pendant environ trois mois. Autres produits à base de viande séchée Dans certaines communautés dAfrique du Nord, la viande séchée de chameau est préparée selon un procédé analogue à celui quon utilise pour le biltong. Le fumage et le séchage sont souvent combinés. On fume la plupart des viandes séchées pour améliorer leur goût et leur aspect et augmenter leur durée de conservation. |
Source: FAO, 1990g. |
ENCADRÉ 41 |
Produits éthiopiens à base de lait fermenté En Ethiopie, on prépare une sorte de yaourt, appelé ergo, en laissant incuber le lait à la température ambiante pendant deux jours, dans un récipient dont lintérieur a été fumé au bois dolivier. On peut fabriquer du beurre et du babeurre en barattant lergo quon a laissé fermenter pendant quatre ou cinq jours. On réchauffe doucement pendant 30 minutes le liquide qui subsiste après élimination du beurre, pour obtenir un fromage appelé ayib. La caillebotte est égouttée, comprimée et servie avec un ragoût de poulet ou de légumes et de linjera. Le petit-lait provenant du fromage ayib sert de boisson. Préparation du wagashi Dans le nord du Ghana, on extrait le suc des feuilles de Calotropis procera quon utilise comme de la présure pour précipiter la caillebotte du lait de vache chaud. La caillebotte est égouttée, comprimée et séchée au soleil. On utilise un colorant rouge naturel extrait des feuilles de sorgho pour colorer le fromage, qui pourra ensuite être encore séché et fumé au-dessus dun feu. Ce fromage, appelé wagashi, est habituellement découpé en tranches quon fait frire dans lhuile et quon mange avec du piment. |
Source: FAO, 1990g. |
La transformation des aliments et le contenu nutritionnel
Divers procédés de transformation peuvent altérer le contenu nutritionnel des aliments (encadré 42). Par exemple, les nutriments sont dordinaire distribués inégalement dans les différentes parties des grains, de sorte quune perte considérable de nutriments survient au cours de la mouture. Lencadré 43 mentionne les effets de la transformation sur le contenu nutritionnel des céréales. Aux tableaux 36 et 37, on peut lire les résultats de divers taux dextraction sur la composition chimique de la farine de blé et linfluence des différentes méthodes de transformation sur le contenu nutritionnel du riz.
Bien que certains aliments à grains complets contiennent un pourcentage de nutriments plus élevé, cet avantage ne se traduit pas nécessairement par une plus grande quantité de nutriments pour le consommateur. Une forte proportion de fibres dans un régime alimentaire réduit lefficacité de la digestion des amidons, des lipides et des protéines. En outre, les phytates associés aux fibres de céréales peuvent interférer avec labsorption du calcium, du fer et du zinc. Cette considération vaut particulièrement pour les jeunes enfants, qui peuvent éprouver des difficultés à digérer et à assimiler les mets contenant des produits céréaliers épais et des fibres végétales. La composition et la fréquence des repas nécessaires aux enfants sont analysées au chapitre 7, ainsi que lintérêt des fibres dans lalimentation des adultes.
ENCADRÉ 42 |
Glucides, graisses et protéines La mouture peut réduire les quantités de graisses, de protéines et de fibres, et augmenter la proportion damidon. La fermentation et le maltage altèrent les proportions damidon et de sucre. La fermentation peut apporter de lalcool. La mise en bouteille ou en boîte peut apporter du sucre. La friture augmente la teneur en graisses. La cuisson à très haute température peut dégrader les graisses et les protéines. Vitamines La teneur en vitamine A diminue avec:
La teneur en vitamine A augmente avec lenrichissement. La teneur en thiamine diminue quand on lave le riz. La teneur en riboflavine diminue quand on laisse le lait à la lumière du jour. La teneur en folatee diminue avec:
La teneur en vitamine C diminue dans les racines fraîches, les légumes et les fruits pendant:
La teneur en vitamine C diminue également quand les aliments sont:
La teneur en vitamine C augmente avec la germination des graines. Minéraux Lenrichissement peut accroître la teneur en minéraux. Par exemple, le sel peut être enrichi avec de liode. La fermentation et la germination augmentent labsorption du fer non hématique et dautres minéraux. |
Source: Daprès King et Burgess, 1993. |
ENCADRÉ 43 |
Il faut veiller aux effets de la transformation sur la composition chimique des produits céréaliers et donc sur leur valeur nutritionnelle. Les différents nutriments se trouvent en quantités inégales dans le grain tout entier (germe, endosperme, enveloppe extérieure, parties charnues, etc.), et il existe aussi divers types de répartition selon les céréales. Il ny a donc pas de règle stricte en ce qui concerne la perte de nutriments lors de la transformation. Il convient toutefois de se rappeler que les effets les plus importants de la transformation sur la valeur nutritionnelle sont dus aux facteurs suivants:
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Source: Daprès UNIFEM, 1988. |
TABLEAU 36 |
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Composition nutritionnelle de la farine de blé à différents taux dextraction |
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Taux dextraction |
Protéines |
Graisses |
Cendres |
Fibres |
Vitamine B1 |
Acide nicotinique |
(g) |
(g) |
(g) |
(g) |
(g) |
(µg/g) |
(µg/g) |
100 |
13,6 |
2,5 |
1,50 |
2,20 |
4,00 |
50 |
85 |
12,5 |
1,5 |
0,92 |
0,33 |
3,42 |
30 |
80 |
12,0 |
1,4 |
0,72 |
0,20 |
2,67 |
19 |
70 |
11,4 |
1,2 |
0,44 |
0,10 |
0,10 |
10 |
Source: Daprès FAO, 1970.
TABLEAU 37 |
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Teneur en vitamines et minéraux du paddy et de ses fractions dusinage, à 14 pour cent dhumidité |
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Fraction de riz |
Thiamine |
Riboflavine |
Niacine |
Tocophérol-a |
Calcium |
Fer |
Zinc |
(mg) |
(mg) |
(mg) |
(mg) |
(mg) |
(mg) |
(mg) |
|
Paddy |
0,26-0,33 |
0,06-0,11 |
2,9-5,6 |
0,90-2,00 |
10-80 |
1,4-6,0 |
1,7-3,1 |
Riz cargo |
0,29-0,61 |
0,04-0,14 |
3,5-5,3 |
0,90-2,50 |
10-50 |
0,2-5,2 |
0,6-2,8 |
Riz usiné |
0,02-0,11 |
0,02-0,06 |
1,3-2,4 |
traces-0,30 |
10-30 |
0,2-2,8 |
0,6-2,3 |
Son de riz |
1,20-2,40 |
0,18-0,43 |
26,7-49,9 |
2,60-13,3 |
30-120 |
8,6-43,0 |
4,3-25,8 |
Source: FAO, 1994a.
La germination ou le maltage du grain offre une méthode commode pour augmenter la densité énergétique et la digestibilité des aliments pour enfants. Au cours de la germination, les amidons sont dégradés par lamylase en dextrine et maltose. Ces molécules plus petites absorbent et retiennent moins deau que les amidons. Un porridge préparé avec du grain broyé et malté présente une consistance plus fine quun porridge normal préparé avec la même concentration de farine non maltée. Il est donc possible daugmenter, sans trop lépaissir, le contenu énergétique dun porridge de grain malté, et les enfants pourront le digérer plus aisément.
Dans certaines préparations alimentaires, la germination est combinée avec la fermentation, ce qui leur donne un goût aigre, malté, très apprécié dans beaucoup de communautés (encadré 44).
Dans la plupart des pays dAfrique, les femmes ont une grande part de responsabilité dans la transformation des aliments. Au moment de la récolte, elles assurent le battage, le vannage, le séchage et le décortiquage nécessaires à la préparation du grain et, dans la plupart des contrées, elles portent seules la responsabilité du stockage du grain. Les grains entiers tiennent mieux au stockage que la farine, de sorte que les femmes pilent et broient de petites quantités de grain chaque jour pour la consommation familiale immédiate.
ENCADRÉ 44 |
En Afrique, les gruaux de céréales se préparent traditionnellement par germination et fermentation, ce qui améliore la saveur et la digestibilité du produit. En Ouganda, un gruau clair, lobushera, est très apprécié; on le prépare avec des graines germées. Le mil ou le sorgho est additionné de cendre et deau; on le laisse alors germer et fermenter, ce qui produit des enzymes qui décomposent partiellement lamidon du grain. Des bactéries productrices dacide apparaissent dans le substrat au cours de la fermentation. Les graines sont ensuite lavées, séchées et broyées en une fine farine que lon fait cuire avec de la banane écrasée, des graines de sésame moulues et du sucre. Données nutritionnelles Lassociation germination-fermentation améliore la digestibilité de toutes les céréales et augmente la teneur en vitamines des mets préparés. Les modifications enzymatiques initiales, qui précèdent la germination, ont pour double effet, dune part, de transférer et daugmenter la teneur en vitamines B et, dautre part, de dissocier les glucides et autres molécules de stockage, tel que le phytate de magnésium calcique. Ces modifications permettent de produire une farine plus nutritive contenant peu de fibres. Les bouillies fermentées et maltées de céréales sont moins glutineuses (collantes) que celles que lon obtient avec des grains maltés. Ce facteur a son importance dans la préparation daliments pour nourrissons. La capacité digestive des nourrissons étant limitée, il importe de leur offrir des aliments de sevrage hautement nutritifs. Lutilisation de grains maltés permet daugmenter la teneur en calories du gruau, sans pour autant augmenter sa viscosité dans les mêmes proportions. |
Source: FAO, 1990b. |
Le pilage, le vannage et le broyage sont souvent longs et fastidieux; le rendement est estimé à 1-3 kg de farine de sorgho ou de mil par femme et par heure (encadré 45). Létuvage, le vannage et la mouture du paddy sont décrits dans lencadré 46. Cest une méthode lente et laborieuse dont le rendement dépasse rarement 5 kg par personne et par heure. Le maïs peut être moulu sec ou humide; les techniques sont décrites dans lencadré 47.
ENCADRÉ 45 |
Les enveloppes extérieures de certaines variétés de grains de sorgho contiennent des tannins qui sont légèrement toxiques, ont un goût amer et empêchent la digestion des protéines. Cest pourquoi le sorgho est généralement décortiqué, puis réduit en farine par pilage. Bien quil existe des variétés blanches sans tannins, le sorgho rouge ou brun continue dêtre cultivé dans de nombreuses régions dAfrique, en raison de sa résistance aux attaques doiseaux. Le traitement traditionnel du sorgho et du mil seffectue en broyant le grain entier dans des moulins à bras ou entre deux pierres, ou en lécrasant à laide dun pilon et dun mortier. Ce dernier procédé est le plus courant pour le sorgho. Une fois les éléments étrangers éliminés par vannage, le grain est placé dans un grand mortier et mouillé. On le pile ensuite pour le débarrasser du son, qui est éliminé par vannage. Ces opérations sont répétées plusieurs fois jusquà ce que le décorticage soit jugé satisfaisant. On lave ensuite le grain à leau pour éliminer les petites particules de son, puis on le fait tremper pendant 24 heures. On le fait sécher pour réduire sa teneur en eau, puis on le pile de nouveau. Pour obtenir une farine de bonne qualité, il faut répéter à plusieurs reprises le tamisage et le pilonnage. La farine obtenue contient une grande partie du germe oléifère et des éléments nutritifs du grain. Les grains sont humidifiés pour faciliter lélimination du son, mais cette pratique peut donner une farine légèrement fermentée. Bien que la durée de conservation de ce type de farine peut être réduite à cause de la fermentation, cette dernière donne au produit un goût différent qui est souvent apprécié. Le but du pilonnage manuel est double: dans la première phase, éliminer le son et les enveloppes pigmentées; dans la seconde phase, piler et tamiser le grain plusieurs fois pour obtenir une farine qui se prête à la préparation de différents produits. |
Source: UNIFEM, 1988. |
De nombreuses tentatives dintroduction de technologies améliorées dans la transformation traditionnelle des aliments ont été faites dans le but de réduire le labeur des femmes. Dans certains cas, ces mesures ont aggravé la situation des femmes au lieu de laméliorer, car les hommes se sont emparés de la nouvelle technologie pour gagner de largent. Ainsi, ils ont non seulement privé les femmes dun revenu indispensable, mais ont aussi détourné une technologie de la finalité qui était la sienne. Cette dérive est particulièrement frappante dans le cas dappareils de moyenne puissance destinés
à lusage communautaire. Le récit de lencadré 48 montre comment une innovation technologique relative à la fabrication du gari à lintérieur du Nigéria na pas eu dautre résultat que déloigner les femmes de cette activité économique.
ENCADRÉ 46 |
Dans certains pays, le paddy est étuvé avant dêtre décortiqué. Létuvage est une cuisson partielle qui provoque la gélatinisation de lamidon, ce qui durcit le grain. Il entraîne également une modification du goût, que certains apprécient. Le grain durci est plus résistant aux attaques dinsectes et moins sensible à lécrasement pendant le décorticage; en outre, il absorbe moins lhumidité de lair. Le paddy étuvé a une valeur nutritionnelle supérieure, car les éléments nutritifs se déplacent vers le centre du grain lors de la transformation. Létuvage comporte trois phases:
Les techniques traditionnelles détuvage diffèrent considérablement dun pays à lautre. En Afrique de lOuest, le paddy est souvent étuvé par petites quantités, dans des pots en terre cuite ou des fûts, après avoir trempé une nuit dans leau froide. Parfois, leau de trempage est portée à ébullition, puis on éteint le feu et on laisse le riz dans le pot toute la nuit. Le lendemain, leau est éliminée, on rajoute un peu deau fraîche et on remet le récipient sur le feu jusquà évaporation complète de leau. Le paddy est ensuite séché au soleil. Les procédés traditionnels détuvage du paddy sont lents et ne permettent pas de traiter de grosses quantités à la fois. Lodeur désagréable qui se dégage pendant le trempage prolongé du paddy, lors de la première phase de létuvage, est un inconvénient. Pour éviter cette mauvaise odeur, due essentiellement à la fermentation microbienne, il existe deux solutions:
Il faut souligner quun séchage minutieux après létuvage est indispensable pour minimiser les pertes après récolte. Le décorticage du paddy, aussi appelé usinage, consiste à enlever lenveloppe extérieure. Le riz décortiqué sappelle riz brun. Lusinage plus poussé du riz brun permet dobtenir le riz blanc. Le procédé traditionnel le plus répandu consiste à utiliser un mortier et un pilon. Cette opération peut être effectuée par une femme travaillant seule, ou par plusieurs femmes opérant en cadence. Le pilonnage manuel donne un riz faiblement usiné, dont la valeur nutritionnelle est supérieure puisquil contient une partie du son qui a une forte teneur en thiamine et renferme également des protéines. Cependant, avec le procédé manuel, un pourcentage élevé de grains sont brisés. Le riz est vanné plusieurs fois au cours du pilonnage. |
Source: UNIFEM, 1988. |
ENCADRÉ 47 |
Le maïs peut être moulu sec ou humide. Quand la mouture est sèche, les grains sont généralement broyés entre deux pierres ou dans un petit moulin à disques actionné manuellement. Sinon, cette opération est effectuée dans des moulins à moteur à marteaux ou à disques appartenant à une coopérative. Parfois, le grain est moulu humide, après avoir trempé et légèrement fermenté, ce qui améliore le goût. En Amérique latine, on fait cuire partiellement le maïs dans une solution alcaline pour faciliter lélimination du son avant la mouture. [Comme on utilise le grain entier, le produit final est un peu plus riche en lipides et en protéines. De plus, en milieu alcalin, le traitement libère la niacine de sa forme liée, ce qui améliore sa biodisponibilité et réduit le risque de maladie par manque de niacine (la pellagre), que lon peut rencontrer dans les régimes à base de maïs]. Pour les très petites quantités, le maïs humide peut être moulu au foyer à laide dun mortier de pierre ou dun récipient similaire. Il est plus courant aujourdhui dutiliser des moulins à disques manuels ou à moteur, soit pour concasser le grain grossièrement, soit pour le moudre en une pâte plus lisse. Les grains de maïs sont pilés dans un mortier à laide dun pilon en bois, ou bien moulus sur une pierre dans un moulin à bras. Le maïs nécessaire à plusieurs repas est égrené et placé dans un mortier en bois. On ajoute une ou deux tasses deau et on pile le tout. Si la farine de maïs nest pas utilisée entière, on la met dans un panier plat et on secoue pour séparer le son de lendosperme farineux. La farine est alors remise dans le mortier et pilée de la même façon quauparavant mais plus brièvement, à trois ou quatre reprises, suivies chaque fois de la séparation traditionnelle du son. Le produit final est dit «pur». Une partie de cette farine pure peut être cuite telle quelle ou bien mélangée à des haricots, mais généralement elle subit une nouvelle transformation, qui commence par un trempage dans leau pendant un ou deux jours jusquà ce que se dégage une odeur due à la fermentation. Cette dernière acidifie le produit, ce qui arrête la croissance des bactéries indésirables. Leau est ensuite éliminée. La farine pure détrempée est rincée trois fois de suite à leau propre, puis décantée et enfin pilée de nouveau dans le mortier. Elle est ensuite filtrée comme précédemment. Les plus grosses particules sont mises de côté pour être de nouveau pilées jusquà ce que lensemble soit réduit en une farine ressemblant à de la semoule. Le produit peut alors servir à la préparation daliments comme luji ou lugali. Il ne se conserve pas plus dune journée, mais sil est séché on peut le garder plusieurs semaines. La durée de conservation de la farine de maïs est très brève en raison de son taux relativement élevé de lipides, doù un rancissement rapide du produit. |
Source: UNIFEM, 1988. |
ENCADRÉ 48 |
Dans certains villages de lEtat de Bendel, où la fabrication et la vente du gari constituent les principales sources de revenus des femmes, lintroduction de techniques améliorées pour la fabrication du gari à a eu de fortes répercussions sur les revenus des femmes. Traditionnellement, ce sont les hommes qui labourent, plantent et désherbent les champs de manioc. Peu de femmes cultivent leurs propres champs. La plupart du temps, elles achètent aux hommes le manioc sur pied, puis le récoltent elles-mêmes. Lépluchage et le grattage des racines se font à la main. Les grattoirs à moteur et les presses hydrauliques ont remplacé les méthodes manuelles de grattage et réduit le temps nécessaire au pressage. Seuls les hommes possèdent et utilisent ces machines qui coûtent cher. Ils appartiennent tous à un syndicat, qui fixe le tarif des opérations et organise le calendrier en fonction des machines disponibles dans chaque village et de la durée des jours de marché. Le grattoir mécanique et la presse hydraulique introduits dans les villages ont augmenté la productivité. Le temps de grattage, une des étapes les plus fatigantes du processus, a été fortement diminué. Lessorage, a été réduit à une demi-heure. Lintroduction de ces machines a eu plusieurs effets négatifs pour les femmes de la région. Avec le grattoir mécanique et la presse hydraulique, le travail traditionnellement réalisé par les femmes est devenu un travail dhomme, et ce transfert dactivité a entraîné un transfert de revenus. Les femmes ont perdu une importante source de revenus. Un ensemble de quatre machines pour la transformation du gari, fabriquées par une compagnie privée nigériane, a été installé dans un village de lEtat de Bendel. Il sagissait dun grattoir à manioc, dun tamis à pâte, dune presse mécanique et dun grilleur-séchoir. Lusine employait 48 ouvriers pour faire tourner les machines, et 11 femmes étaient chargées de peler à la main les racines de manioc et de nettoyer lusine. Le gari produit était de très bonne qualité et vendu uniquement sur les marchés urbains de Lagos et Ondo. La technologie de pointe utilisée par lusine permet dobtenir un gari dexcellente qualité. Le grilleur-séchoir effectue à lui seul les deux opérations, et la chaleur peut être modulée. Un cylindre muni de pointes remue la pâte, ce qui évite de se brûler et dêtre en contact avec la vapeur. Toutes les opérations mécanisées sont effectuées par les hommes. Les femmes ne soccupent que de lépluchage, seule tâche à ne pas être mécanisée, car on considère au Nigéria que les éplucheurs mécaniques ne sont pas assez efficaces et quen outre la main-doeuvre féminine revient meilleur marché. Lintroduction de technologies améliorées pour fabriquer le gari dans lEtat de Bendel a done été jugée plus profitable aux hommes quaux femmes. |
Source: Daprès Williams, 1982 |
Quand une intervention est projetée pour réduire la masse de travail quun procédé traditionnel exige, il faut considérer lactivité de transformation comme un élément particulier dans un ensemble de systèmes imbriqués les uns dans les autres: dabord, un système alimentaire qui comporte la production, la transformation et la commercialisation; puis, un système économique de production et déchange de biens de capital, dont le travail; enfin, un système social de tractations et de responsabilités au niveau des ménages et des communautés. Une évaluation de la situation réalisée selon cette approche permet didentifier avec plus de précision qui va perdre et qui va gagner à lintroduction du progrès technologique.
Les avantages et les inconvénients de lintroduction de moulins dans les communautés associées à cinq projets différents en Afrique, dans le cadre du Programme FAO daction spéciale pour la prévention des pertes de produits alimentaires, sont indiqués succintement dans lencadré 49. Tous les moulins étaient à moteur; dans trois projets, il sagissait de moulins à plateau et dans les deux autres, de moulins à marteau. Léventail des problèmes est allé des déficiences de lentretien et des pannes fréquentes jusquaux plaintes concernant la qualité de la farine obtenue, en passant par les problèmes sociaux concernant la gestion des moulins. La conclusion générale a été que, dun point de vue économique, ces moulins nétaient pas défendables, à moins dune utilisation supérieure à 300 heures par an. Un tel niveau dutilisation doit normalement sappuyer sur une population dutilisateurs dau moins 1 000 à 1 200 villageois, sur une disponibilité céréalière constante et sur labsence de sécheresses majeures qui affecteraient le système local de production.
Les études de cas examinées dans le présent chapitre montrent à quel point il est difficile de réduire la masse de travail quexigent les procédés traditionnels de transformation, mais elles illustrent aussi lintroduction réussie de certaines solutions aux problèmes qui se posent. Cependant, et bien que la transformation des aliments - spécialement le pilage, le broyage et la mouture - absorbe une part significative du temps de travail des femmes rurales, ce nest pas leur principale tâche journalière. Le temps et la fatigue des corvées de bois de feu et deau dominent les heures de veille de la plupart des femmes rurales. Une étude effectuée dans le sud de la République-Unie de Tanzanie a montré que plus de la moitié du tonnage annuel porté par les femmes consistait en charges de bois et deau pour la cuisine (figure 26). Le temps passé par les hommes à transporter des charges ne sélevait quà 25 pour cent de celui des femmes, pour un tonnage ne dépassant pas 11 pour cent de la performance de celles-ci. Ce pénible labeur pourrait être réduit grâce à ladduction deau potable, lintroduction de fourneaux plus efficaces et une éducation concernant les dangers quun excès de tâches ménagères de portage fait courir à la santé et à la sécurité des femmes. Des améliorations de ce type auraient un impact considérable sur le bien-être des femmes et de leurs enfants, en plus de valoriser leur emploi du temps en les libérant pour soccuper des enfants et mener des activités plus productives et rentables.
ENCADRÉ 49 |
La plupart du temps, cest un groupement dagriculteurs, et très souvent de femmes, qui est responsable du moulin à grains. Un comité de gestion dirige ces moulins, et un ouvrier spécialement recruté en assure le fonctionnement. Un moulin offre les avantages suivants:
Cependant, un moulin présente aussi des inconvénients:
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Source: FAO, 1993c. |
Dans le monde, 1,5 milliard dépisodes de diarrhée touchent chaque année les enfants de moins de cinq ans, et 3 millions dentre eux en meurent, selon les estimations. La gravité de la diarrhée dans la petite enfance est expliquée en détail au chapitre 7. La majorité des cas surviennent dans les pays en développement, où lon estime quils sont dorigine hydrique ou alimentaire à raison de 70 pour cent.
Les facteurs affectant la qualité et la salubrité des aliments dans les marchés, les boutiques et les ménages africains sont notamment les suivants:
mauvaise qualité physique;
contaminations chimiques;
contaminations bactériennes et parasitaires;
contaminations par mycotoxines;
pourriture précoce;
autres contaminations biologiques dues aux rongeurs, aux insectes, etc.;
contrôle défectueux de la qualité des produits alimentaires industriels et artisanaux.
Un élément important de la filière de commercialisation des aliments concerne les procédures de contrôle nécessaires à la garantie que tous les produits - crus, semi-transformés, manufacturés ou préparés - soient sains, de qualité (conformes aux normes officiellement établies et aux attentes des acheteurs) et nutritionnellement corrects. Il est donc très important dappliquer les procédures de contrôle de la qualité des aliments qui portent sur leur innocuité, leur qualité et leur valeur nutritionnelle. Le commerce international des denrées alimentaires doit se conformer aux normes internationales reconnues, qui ont été établies dans le cadre de la Commission du Codex Alimentarius (encadré 50).
FIGURE 26 |
Source: Barwell, Howe et Zille, 1987 (cité dans Bryceson et Howe, 1992). |
La salubrité des produits alimentaires relève pour une bonne part de la responsabilité des femmes, qui jouent un rôle majeur dans la production, lacquisition, la transformation, la préparation et la présentation des aliments sur les marchés et dans leur ménage. Les maladies dorigine alimentaire se transmettent souvent au sein du foyer, de sorte que léducation des personnes impliquées dans la préparation domestique des aliments revêt une importance capitale. Quelques règles fondamentales de linnocuité des aliments familiaux sont énumérées dans lencadré 51.
Lassainissement du milieu, et particulièrement les mesures en faveur de la salubrité des aliments, de leau potable, des installations sanitaires et du logis, sont des étapes importantes dans la prévention des infections. De telles améliorations peuvent être faites indépendamment de toute élévation du niveau socio-économique de la famille, mais il est peu probable que la santé et la nutrition présentent un mieux si le niveau socio-économique na pas été relevé. Léducation primaire peut jouer un rôle de premier plan dans lamélioration de létat nutritionnel, en ouvrant les yeux sur limportance des principes de base de la nutrition, de la diversification du régime alimentaire et des saines pratiques favorables à la salubrité des aliments.
ENCADRÉ 50 |
Des normes de composition, de qualité et dinnocuité des denrées alimentaires sont mises au point et appliquées depuis de nombreuses années pour protéger les consommateurs et faire disparaître les pratiques commerciales déloyales. La plupart de ces normes se trouvent dans le Codex alimentarius, qui réunit les normes alimentaires, les codes dusages en matière dhygiène et autres recommandations préparées par la FAO et lOMS par le biais de la Commission du Codex Alimentarius. Codex alimentarius signifie simplement «code alimentaire» en latin. Les normes dinnocuité et de qualité des aliments du Codex sont reconnues par lOrganisation mondiale du commerce comme points de référence pour le commerce international des denrées alimentaires. Les aliments conformes aux exigences du Codex peuvent circuler librement entre les pays. Les codes dusages en matière dhygiène développés par la Commission du Codex alimentarius protègent les consommateurs contre les mauvaises manipulations ou conditions de stockage. Ils peuvent aussi sappliquer à des denrées commercialisées localement. Un code spécial a été élaboré pour lAfrique. Les normes et les codes du Codex concernent lhygiène, létiquetage, les additifs chimiques, les résidus de pesticides et bien dautres domaines importants. Ils visent à protéger les consommateurs et à assurer des pratiques loyales dans le commerce des denrées alimentaires. |
ENCADRÉ 51 |
· Consommer les repas dès que possible après leur cuisson, de façon que les bactéries naient pas le temps de se multiplier. · Utiliser si possible de leau potable, sinon faire bouillir leau de boisson des jeunes enfants au moins trois minutes. Faire bouillir leau de boisson pour toute la famille sil y a une épidémie de diarrhée ou de choléra dans la région, ou si la qualité de leau laisse à désirer. · Se laver les mains avec de leau et du savon:
· Utiliser les cabinets et les garder propres. Si de jeunes enfants font leurs besoins par terre, jeter les fèces dans le WC et se laver les mains, afin que les mouches ou autres insectes ne puissent pas se poser sur les fèces et charger leurs pattes de bactéries. · Garder les aliments sous un couvercle, surtout les aliments cuits ou destinés aux enfants, de façon à éviter la poussière ou les mouches chargées de bactéries. · Bien faire cuire les aliments pour tuer les bactéries ou les vers qui pourraient sy trouver. · Si des restes doivent être gardés pour un autre repas:
· Nettoyer à fond les ustensiles de cuisine et la vaisselle:
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Source: King et Burgess, 1993. |
Les habitudes alimentaires courantes en milieu urbain comprennent une consommation plus importante daliments transformés, de mets et de snacks préparés et mis en vente dans de mauvaises conditions dhygiène qui ouvrent la porte aux contaminations. Les études sur les aliments de rue effectuées au Nigéria (FAO, 1991a), en Ouganda (FAO, 1992a) et dans quelques autres pays (FAO, 1992h) ont montré que les mets cuits depuis peu étaient généralement indemnes de contamination bactérienne, tandis que certains aliments cuits à lavance, par exemple les préparations de viande et de lait et les crèmes glacées, étaient souvent contaminés.
Le mauvais usage de leau contribuait peut-être aussi aux contaminations. Les aliments et les boissons pouvaient être contaminés au cours de la préparation, et les assiettes et plats pendant le lavage. Un environnement négligé, où lévacuation des eaux usées et des ordures était défectueuse, entraînait des risques supplémentaires de transmission de maladies dorigine alimentaire, tout autant que le manque dhygiène personnelle des cuisiniers et des vendeurs de rue.
Les producteurs et les consommateurs daliments de rue auraient intérêt à se former convenablement en hygiène alimentaire et assainissement. Un réseau dadduction deau potable, servant à la préparation des aliments et au lavage des ustensiles, ainsi que lassainissement du milieu sont indispensables pour garantir lamélioration de la qualité et de linnocuité des aliments de rue. Les améliorations apportées aux modes de préparation, de manipulation et de vente contribueront à prévenir la contamination des aliments et à protéger la santé des consommateurs. La reconnaissance officielle du commerce alimentaire de rue par les autorités locales et nationales encouragera le secteur concerné à sorganiser, fournira aux vendeurs les garanties légales et administratives nécessaires au développement de leurs affaires et entraînera ladoption de manipulations plus appropriées des produits alimentaires.
Les sections précédentes ont montré que, dans la filière agro-alimentaire, les aspects du stockage, de la transformation et de la commercialisation des aliments ne reçoivent pas toujours lattention quils méritent. Les gouvernements doivent
être amenés à mieux prendre conscience de limportance du secteur de laprèsrécolte et de son influence sur la sécurité alimentaire des ménages et sur la nutrition en milieu rural et en milieu urbain. Lefficacité du système de transformation, distribution et commercialisation des aliments dépend de la qualité et de lentretien des infrastructures - marchés et réseaux routiers compris - ainsi que de lexistence de services de vulgarisation capables de conseiller les agriculteurs sur des sujets aussi divers que les techniques de stockage ou les manières de réunir leur récolte à plusieurs pour réduire les frais. Tant les gouvernements que le secteur privé doivent intervenir pour installer des systèmes dinformation commerciale et pour former les personnes concernées aux méthodes appropriées de la commercialisation, de la comptabilité et de la gestion dentreprise. En ce qui concerne les besoins spécifiques des nombreuses femmes soccupant de la transformation et du commerce des aliments, les gouvernements peuvent apporter leur aide en offrant une information et une formation sur lusage des technologies appropriées, ainsi que les conseils des services de vulgarisation pour la vente des produits frais ou transformés.