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7. PANEL DE DISCUSSION SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA RADIO RURALE

L'atelier a été introduit par une discussion, sous forme de panel, entre six spécialistes de la radio rurale en Afrique. Chacun de ces spécialistes a préparé un exposé introductif sur un des thèmes de discussion du panel.

On trouvera ci-après les textes de ces exposés introductifs en français ou en anglais.

Le rôle de service public des radios rurales

Exposé introductif, par M. Bernard Feller, Consultant de la Coopération suisse au développement (DDC)

Introduction

"Le rôle de service public de la radio rurale": le titre du sujet que la FAO m'a demandé de développer paraît innocent, mais il cache un piège.

A première vue, en effet, le rôle de service public de la radio rurale est une évidence.

Si les radios rurales africaines (comme c'est le cas de certains partenaires avec qui travaille la Coopération suisse):

c'est que tous les critères du service public sont réunis: intérêt général, égalité, qualité, continuité, ancrage social. La radio rurale n'a donc pas un rôle de service public, elle est, presque à elle seule, le service public dans des pays où les ruraux représentent la majorité de la population.

Pourtant, le rôle de service public des radios rurales mérite une réflexion puisque (et c'est là que se trouve le piège):

Il y a donc problème.

La thèse que je vais développer est la suivante: le contexte des médias africains est très favorable à un nouveau développement de la radio rurale et, en même temps, à l'émergence d'un véritable service public de radiodiffusion, différent de celui qui prévaut en Europe puisqu'il devra s'appuyer sur toutes les radios existantes, qu'elles soient publiques ou privées, commerciales ou associatives.

La notion de service public

La notion de service public en radiodiffusion est assez particulière et prête facilement à conclusion. Plutôt que d'en donner une définition rigide, nous allons essayer d'en montrer les contours par quelques brefs éclairages en la situant dans son contexte historique; en montrant à quoi elle s'oppose, en l'abordant enfin par le biais de ses contenus possibles, de son organisation et de son financement.

Le contexte historique

Dès les débuts de l'audiovisuel, deux approches différentes se sont développées. D'un côté celle des Etats-Unis, essentiellement commerciale, qui pour satisfaire les besoins du consommateur s'en est remis presque complètement au marché (le service public existe aussi aux Etats-Unis, modestement, mais le législateur ne lui attribue qu'une fonction régulatrice). D'un autre côté, l'approche du reste du monde qui a vu dans la production audiovisuelle un élément de culture lié à des questions d'intérêt général qui concernaient l'état.

L'approche essentiellement commerciale représente ce qu'un grand patron du service public canadien avait décrit comme "l'erreur historique des Etats-Unis". En effet, si l'audiovisuel des Etats-Unis s'était développé sous forme de service public, les séries télévisées, que nous regardons tous seraient sans doute différentes.

L'erreur historique du reste du monde, c'est la radio étatique, simple courroie de transmission du haut vers le bas, dont les pires exemples sont les radios de propagande soviétique et nazie.

Le service public est né de la prise de conscience, par quelques Etats éclairés, du fait que l'intérêt général serait mieux servi s'ils ne se mêlaient pas de la production des programmes. Le modèle pour tous les professionnels du service public, c'est la BBC britannique. D'autres pays tels que le Canada, la République fédérale allemande, la Hollande, les pays scandinaves, la Suisse ont une tradition bien établie de service public. La France a rejoint le club bien plus tard.

Le point faible du service public est qu'il s'est exercé longtemps dans une situation de monopole. Sans concurrence, il est resté probablement trop élitaire. Avec l'avènement du pluralisme, il a dû passer d'une logique de producteurs à une logique de consommateurs.

Le service public, par opposition

On saisit mieux le service public en disant à quoi il s'oppose. En général, on oppose la radio de service public aux radios privées, aux radios commerciales en particulier. A mon avis, il s'oppose bien davantage à la radio étatique.

Le service public n'est ni la radio de l'Etat, ni encore moins la radio du Gouvernement, ni encore moins la radio du préfet. I1 est la radio de tout le monde. Ce qui implique des exigences d'organisation, sur lesquelles je reviendrai, mais aussi une attention particulière pour les minorités et les faibles, un esprit de tolérance et d'ouverture démocratique.

Le service public par ses contenus

Le service public se définit souvent lui-même par l'attention qu'il voue à la culture. La question dès lors est: quelle culture? Par exemple, il a été reproché à la BBC, du temps de son monopole, d'être élitiste.

En Afrique, le service public reste pratiquement le seul, parmi les radios nationales, à faire de l'information nationale et internationale.

En Suisse, la loi demande au service public: de contribuer à la libre formation de l'opinion des auditeurs en fournissant une information générale, diversifiée et fidèle; de pourvoir à la formation générale et au divertissement, de développer les connaissances civiques; de tenir compte de la diversité des populations et de favoriser l'ouverture sur le monde, de donner la préférence à la production audiovisuelle suisse et européenne.

Le service public, à mon avis, se caractérise surtout par son respect des minorités et de tous les segments de son public. n est le média de tout le monde et non pas seulement des courants majoritaires. Ce qui implique un ton mesuré et une palette de programme étendue.

Quoiqu'il en soit, les contenus ne suffisent pas à définir le service public puisqu'il est toujours concevable qu'ils soient aussi ceux de telle ou telle radio privée.

Le service public par des critères d'organisation

C'est par son financement et par son organisation que se définit le mieux le service public:

L'organisation

La fin des monopoles a pour conséquence que les radios d'état doivent se transformer pour devenir, elles aussi, pluralistes. Pour passer du statut de radio gouvernementale ou de radio d'état à celui de radio de service public, quatre conditions au moins doivent être réunies:

Les radios rurales sont des radios de développement. Pour elles, l'autonomie (rédactionnelle, financière et administrative) est-elle aussi importante que pour les radios nationales? L'expérience a montré que oui.

Les collaborateurs foufouldophones des radios rurales, étudiant les raisons de l'échec des campagnes radiophoniques pour une meilleure maîtrise des feux de brousse, ont mis en évidence, en premier lieu, le manque d'autonomie des radios rurales. Effectivement, comment faire un travail en profondeur si les sorties de la radio rurale sont liées exclusivement à celles du préfet ou des services techniques et si les plans de campagne sont mis en échec par le manque de carburant?

Les rédacteurs en chef des radios nationales se sont réunis à Dakar en 1994, et à Madagascar en 1995, sous les auspices de 1'URTNA, pour réfléchir sur l'information en période de crise. Ils ont raisonné à partir d'études de cas. Concernant le conflit Sénégal-Mauritanie, ils ont constaté:

Avec une lucidité digne d'éloge, les confrères sénégalais ont eux-mêmes fait la démonstration qu'ils avaient, à tous les stades, réagi(aux propos de l'opposition, du gouvernement, d'une radio internationale) au lieu d'agir dans le sens de l'apaisement des émotions et de l'intérêt général.

Le financement

Le financement direct ou indirect par l'Etat constitue un des points communs des services publics de radiodiffusion. n peut s'agir d'une allocation budgétaire, d'une redevance que l'Etat prélève auprès des usagers ou d'un accès réglementé au marché publicitaire. Ces financements du service public relèvent de décisions politiques, quelque soit le statut juridique de la radiodiffusion. En Suisse, la forme juridique du service public de la radiotélévision est celui d'une simple association de droit privé.

Etat des lieux

Le modèle qui prédomine encore en Afrique francophone est celui de la radio rurale centralisée au sein d'une radio d'Etat. Par manque de moyens de déplacements et de moyens tout court, les animateurs en sont réduits à faire du prêchi-prêcha en studio, en attendant d'éventuelles sorties sur le terrain financées par telle ou telle organisation internationale. A devoir couvrir toutes les langues nationales du pays, ils n'en servent aucune correctement. Le principal mérite de ces radios, aujourd'hui, est d'exister et de se prêter à la décentralisation. Notons que malgré ce cadre contraignant, certaines émissions ont réussi à maintenir leur crédibilité. C'est le cas en particulier de Poi Kan Poi au Mali et de Dissoo au Sénégal.

La forme moderne de la radio rurale professionnelle, c'est la radio rurale régionale qui allie proximité et efficacité. n en existe en Guinée, au Niger et au Sénégal. Malheureusement ces radios qui emploient des journalistes ruraux professionnels et qui se déplacent dans les villages, qui font des reportages et des magazines, coûtent plus d'argent qu'elles n'en peuvent gagner par leurs propres moyens. Un appui de l'Etat est indispensable.

Avec ses partenaires, la Coopération suisse au développement a analysé très soigneusement le budget de fonctionnement des radios rurales régionales. Nous sommes arrivés à la conclusion que la capacité d'autofinancement de ce type de radio (avis et communiqués, disques de l'auditeur, publicité, budget EC des projets, etc.) ne saurait dépasser 20 pour-cent de l'ensemble des coûts de fonctionnement (amortissements y compris).

C'est pourtant à l'échelon régional que le rapport impact/prix de la radio rurale est potentiellement le meilleur. D'où son importance stratégique. Mais les Etats africains n'ont plus les moyens de maintenir leurs structures de communication dans les zones rurales et encore moins d'investir. Quant à la coopération internationale, elle s'enthousiasme pour les radios rurales privées, ce qui est très bien, mais elle tend à abandonner les radios rurales du secteur public, ce qui est dommage du point de vue de l'efficacité. Si vous m'autorisez une image routière: les pistes rurales sont très importantes, mais elles ne doivent pas nous faire oublier les routes départementales sur lesquelles elles débouchent.

Les radios locales de type communautaire, commercial, politique ou religieux sont la grande nouveauté qui apporte fraîcheur et dynamisme au paysage médiatique partout où le pluralisme radiophonique a déjà été introduit. Là où elles sont portées par une communauté motivée, elles ont de bonnes chances d'obtenir des contributions suffisantes, soit directement par les communautés de base, soit par l'intermédiaire des fils et filles du village qui ont créé des sociétés culturelles dans la capitale. Mais elles ont rarement les moyens d'employer des journalistes et animateurs ruraux formés ou de s'équiper pour faire des reportages. Leur apport au pluralisme est immense, mais leur impact est limité par leur manque de puissance de diffusion et de mobilité. I1 faudrait par exemple 350 radios de type communautaire pour couvrir un pays comme le Cameroun.

Les radios commerciales ne doivent pas être sous-estimées quant à leur potentiel de radios rurales. Tout d'abord, dans les capitales et dans les villes secondaires où elles sont implantées, elles ont su séduire un public proche de ses origines rurales. Elles débordent aussi sur les zones rurales, ce dont les projets qui ont des budgets de communication se sont aperçus.

Ma conviction est que dans une situation où l'Etat n'est pas en mesure de maintenir une structure de communication au profit de l'ensemble des populations - faut-il le rappeler: il y a encore beaucoup de zones rurales à ce jour qui ne reçoivent aucune radio de leur pays, il faut jouer les complémentarités et n'exclure aucune capacité. Je vais m'expliquer en prenant l'exemple du Mali.

Situation au Mali

J'ai eu l'occasion de visiter la plupart des radios rurales locales du Mali, c'est-à-dire celles implantées en dehors de Bamako. Certaines sont communautaires, certaines semi-publiques, certaines privées à connotations politiques ou religieuses. J'ai été surpris de constater que, malgré la diversité des entreprises:

Dès lors, sont-elles si différentes qu'il faille jeter l'ostracisme sur tel ou tel type de radio comme le font certains?

Au Mali, la FAO a appuyé une solution qui préfigure ce que pourraient être les nouvelles complémentarités en s'agissait d'apporter un appui communication aux chambres d'agriculture; celles-ci sont des organisations professionnelles privées et décentralisées qui en sont au stade de l'implantation. Avec l'aide de la FAO, les chambres d'agriculture ont financé dans les radios locales situées en dehors de Bamako, au même prix dans tout le pays, une ire de programme par mois co-produite par la chambre et la radio locales sur un sujet agréé commun. Mais pour être efficaces les chambres d'agriculture se devaient de toucher l'ensemble du pays. Or, les radios rurales locales ne forment qu'une quinzaine de petits arrosoirs médiatiques, autour de centres urbains secondaires. Autrement dit, quelques gouttes d'eau dans l'immense Mali.

Les chambres d'agriculture ont alors sponsorisé la meilleure émission de l'ORTM à destination du monde rural, Poi Kan Poi, dont je parlais tout à l'heure, ce qui leur a assuré la "visibilité" qu'elles recherchaient. En contrepartie, Poi Kan Poi s'est engagé à diffuser sur les antennes de la radio nationale les meilleurs éléments produits dans les radios locales. Cette solution donne satisfaction à tout le monde:

Ce cas particulier laisse entrevoir ce que pourrait être la radio diffusion de service public en Afrique.

Vers un service public élargi de la radio rurale

Dans une situation, comme c'est le cas en Afrique, où les moyens de diffusion et de production radiophoniques sont très insuffisants, il est dans l'intérêt général que tous les ruraux accèdent à une radio rurale. Et si l'Etat n'est pas en mesure de fournir lui-même une structure de communication adéquate, il faudrait servir l'intérêt général avec tous les moyens existants, donc aussi avec les radios privées.

Dans cette hypothèse, les radios rurales locales pourraient recevoir des mandats de service public partiels. Par exemple, l'autorisation de diffuser serait accordée si la radio s'engage à émettre quelques heures dans les langues minoritaires. et pas seulement dans la langue majoritaire, si elles acceptent de faire quelques programmes participatifs ou de diffuser aussi de la musique traditionnelle et pas seulement de la musique pour les jeunes.

I1 serait souhaitable que les radios privées, qui acceptent d'accomplir certaines tâches de service public, puisse accéder au financement de l'Etat. Hélas, la plupart du temps, celui-ci n'en a pas les moyens.

L'aide internationale pourrait-elle contribuer au financement du service public élargi tel que viens de le définir?

Personnellement je pense que ce serait une situation beaucoup plus saine que celle où des radios privées reçoivent des appuis extérieurs, au détriment d'autres, sans qu'on sache très bien pourquoi. Les autorités indépendantes de l'audiovisuel pourraient être chargées de la répartition de ces fonds extérieurs. Elles le feraient en examinant, de cas en cas, la part du service public dans chaque entreprise de radio rurale, publique ou privée.

Quelles radios rurales: publiques, communautaires, associatives, privées, locales, régionales, nationales?

Exposé introductif, par M. Samba Ousmane Toure, Directeur du CIERRO

Des émissions radiophoniques traitant des questions d'hygiène et de santé diffusées dans les années 50, en passant par les émissions agricoles et les radios club des années 1960, les radios rurales africaines en cette fin de 20ème siècle, malgré le manque de moyens et des structures peu adaptées, ont joué un rôle considérable au service du public en mobilisant les ressources humaines, en modifiant des conceptions solidement ancrées de travail par l'acquisition de techniques nouvelles et en suscitant un dialogue permanent entre tous les acteurs du développement. Plus concrètement, la radio rurale a considérablement contribué à l'augmentation de la production et de la productivité de toutes les activités du monde rural. Elle a aussi contribué à l'amélioration des conditions de vie de la population par l'adoption de nouvelles règles d'hygiène et de nutrition.

Les radios rurales ont également joué un rôle culturel par la valorisation des langues nationales et de certaines formes d'expressions culturelles telles que les contes, les légendes, le théâtre et la musique.

Face au nouveau défi qu'est la consolidation du processus démocratique, des programmes sont consacrés à l'éducation civique qui est une composante essentielle visant au développement de la citoyenneté, au respect des droits et devoirs de chacun.

La situation d'aujourd'hui

Dans un paysage médiatique en mutation avec la levée des monopoles, l'arrivée de nouveaux acteurs et en raison de projets d'ajustement structurels qui font de la rentabilité la référence fondamentale, les radios d'Etat pour leur propre survie sont en train de se restructurer. Ainsi, d'un statut de radio d'Etat avec un fonctionnement très centralisé, plusieurs radios se transforment en radios de service public avec des modifications de statut par la création d'offices, ou d'entreprises. Cette modification de statut s'accompagne d'une décentralisation des activités par la création de stations régionales, provinciales et locales pour mieux répondre, dans un environnement de concurrence, aux préoccupations des populations.

Les radios rurales elles aussi revendiquent légalement plus d'autonomie et des statuts leur permettant de générer des ressources par la vente de leurs produits radiophoniques et leurs prestations de service. n reste cependant que la recherche du profit ne devrait pas se faire au détriment de la mission de mobilisation du public pour atteindre les objectifs de développement.

Aujourd'hui, donc, le paysage radiophonique comprend dans plusieurs pays:

Pour compléter ce tableau, signalons la présence de radios internationales relayées à partir de certaines capitales par des émetteurs en FM.

L'analyse schématique des programmes de ces différents acteurs montre que les radios régionales et provinciales évoluent comme des radios de type classique et que ces programmes sont souvent des répliques de la radio nationale avec des émissions essentiellement destinées à l'élite. Ces radios devraient à notre avis retrouver leur vocation naturelle de radio rurale pour répondre aux préoccupations de son auditoire. Une exception toutefois: la Guinée, qui a réussi la décentralisation de sa radio par la création de stations régionales rurales autonomes, avec une structure souple de coordination dans la capitale.

Les radios rurales locales installées ou rénovées avec l'aide de l'ACCT

Ces radios sont implantées dans les zones rurales souvent très éloignées de la capitale. Ces radios après une période difficile de démarrage connaissent une dynamique nouvelle. Elle est essentiellement due à l'installation de l'énergie solaire qui diminue les charges récurrentes supportables par la communauté et par une meilleure formation des comités de gestion investis de la mission de générer des ressources. Ces radios retrouvent un peu partout leur vocation au service des communautés rurales.

Les radios associatives installées en zone rurale malgré un manque de formation de leurs agents ont des émissions essentiellement axées sur les préoccupations du monde rural.

Les radios confessionnelles et commerciales

En plus des émissions surtout de divertissement pour les radios commerciales, et religieuses pour les radios confessionnelles, ces radios consacrent plusieurs programmes à destination du monde rural en langues nationales. En effet, ces radios implantées dans les centres urbains ont un important auditoire périurbain dévalorisé vivant dans les mêmes conditions que le monde rural et partageant les mêmes préoccupations.

En conclusion

On peut dire que tous les acteurs du paysage radiophonique consacrent, à des degrés divers, des programmes à destination du monde rural qui constituent ou la totalité ou la bonne partie de leur auditoire. I1 est à notre avis urgent d'établir une cohérence et une synergie des actions actuellement dispersées de tous ces acteurs. Chacun en fonction de sa vocation, de ses préoccupations, devrait participer à l'élaboration d'un consensus national et placer ses efforts dans la voie qui sera acceptée par tous en fonction d'objectifs partagés pour un développement harmonieux de la nation.

Radio rurale, démocratie et pluralisme

Exposé introductif, par Mme Diana Senghor, PANOS Pans

En 1989, le CIERRO réalisait avec 1'AMARC une étude sur la radio rurale. Les résultats n'étaient pas très encourageants, ni sur l'état, ni sur l'avenir des radios.

L'état: des auditeurs, voire des animateurs en fuite; des programmes généralement en décalage par rapport à la demande des auditeurs, pour peu qu'on les écoutât. Quant à la viabilité économique de ces radios, elle semblait entièrement suspendue aux perfusions aléatoires d'une aide extérieure capricieuse.

Les perspectives, quant à elles, ne semblaient guère plus réjouissantes en dépit de la bonne volonté de quelques professionnels et de quelques donateurs. Les projets de décentralisation, avec les radios régionales puis les radios locales apparaissaient même à certains esprits chagrins comme la dernière ruse de gouvernements soucieux d'encaisser l'argent du beurre le transfert des charges aux communautés -, mais de garder le beurre, - le contrôle sur les ondes et le pouvoir sur les stations. En 1989, il n'existait aucune station privée à deux exceptions près. En 1995, selon une tentative de recensement que nous avons effectuée, à l'Institut Panos, avec l'appui de 1'ACCT, il en existait près de 70, dont plus de la moitié était installée en milieu rural.

Le propos de cet exposé est de tenter d'apporter quelques éléments de réponse à la question: Comment l'avènement d'un certain pluralisme de l'information a renouvelé la problématique de la radio rurale?

L'émergence des radios privées est une des formes du pluralisme de l'information, mais il y en a d'autres: le pluralisme de l'information se marque notamment par la garantie en termes juridiques du pluralisme d'expression politique avec l'égal accès des médias aux parus politiques, par la mise en place d'organes de régulation, et aussi par l'évolution des statuts et du rôle des radios publiques.

Mais ces innovations institutionnelles, si elles ont indubitablement fait progresser le pluralisme d'expression politique ont eu des effets beaucoup plus lents sur le pluralisme d'expression sociale et, dans certains cas, elles ont eu certains effets pervers. L'émergence des radios privées semble avoir entraîné des bouleversements plus spectaculaires, plus radicaux. Tout se passe comme si certaines radios privées étaient parvenues à relever certains défis sur lesquels il y a six ans on observait que les radios rurales se cassaient les dents.

Le défi de la popularité. n y a très peu de sondages sur les radios privées, mais les deux sondages que l'on a montrent leur popularité: un sondage réalisé par Sud FM au Sénégal qui montrait que 89% des auditeurs enquêtés écoutaient la radio. Un autre sondage, réalisé à Doueuza au Mali, qui montrait que le nombre des auditeurs, en six mois, avait doublé.

Les radios privées semblent avoir relevé le défi de la programmation. Les stations privées ont bousculé certaines traditions concernant à la fois les contenus et les genres des émissions radiophoniques. Les contenus qu'elles privilégient sont indubitablement les sujets de société. Une radio située à Sikasso, au Mali, consacre trois heures par jour, six j ours par semaine à une émission sur les relations communautaires, sur les relations entre sexes, sur la polygamie, sur les relations entre générations, entre groupes ethniques. La culture également se taille une place de choix, avec les contes, la musique, la médecine traditionnelle.

Ces émissions ne servent pas seulement à conserver et à entretenir un patrimoine culturel issu de la tradition, mais elles suscitent aussi de nouvelles créations populaires; comme les sketchs, sur radio Bamako, qui sont animés par un couple d'animateurs qui met en scène les problèmes des relations entre hommes et femmes, ou bien radio Banjul, qui s'est attachée une troupe de théâtre.

Une troisième caractéristique aussi de ces contenus, c'est que ce sont des informations de proximité, souvent parce que nécessité oblige. Mais de nécessité, les stations privées ont su faire vertu. Faute de moyens, il est plus facile de recueillir des informations locales que des informations nationales. Et puis, au bout du compte, ce sont les compétences locales, le vétérinaire de l'endroit ou le juriste, dont ces stations savent tirer parti. Les contenus techniques et même éducatifs ont donc tendance à s'effacer derrière les contenus informatifs ou distractifs, et n'est-ce pas ce que les auditeurs, interrogés dans l'enquête de 1989, demandaient. Les stations semblent subvertir la fonction traditionnellement dominante dans les radios rurales dans les années 90: instruire les auditeurs pour les rendre meilleurs producteurs ou meilleurs consommateurs, bref de meilleurs acteurs du développement. Si l'on considère les genres privilégiés par les stations, on peut se demander si le résultat n'est pas plutôt de faire des auditeurs des citoyens, des acteurs de la démocratie. Les genres privilégiés favorisent en effet très nettement l'interactivité. Ils sont eux aussi le produit d'une logique de pénurie. Si les interviews et les tables rondes sont adoptées, c'est qu'elles exigent moins de savoir-faire professionnel ou d'argent qu'un magazine ou qu'un reportage. En donnant beaucoup d'importance au direct avec les auditeurs, ces stations paraissent autoriser l'expression publique d'opinions qui jusque-là étaient chuchotées, notamment par des groupes, les jeunes, les femmes, qui n'avaient pas droit à la parole. Peut-être aussi à cause de l'anonymat qu'elles autorisent, il semble bien que les stations privées commencent à semer les graines d'une culture démocratique.

I1 y a deux autres défis que semblent avoir relevé les stations privées: c'est le défi de la motivation du personnel et le défi du financement.

Les radios privées, en général, dans les études que nous avons pu effectuer, utilisent un grand nombre de personnes, entre 10 et 40, qu'elles rémunèrent à des taux souvent très dérisoires, entre 1 500 et 10 000 francs CFA. Mais ces animateurs, que l'on appelle des pigistes ou des bénévoles restent Pourquoi? n est bien possible que les radios aient su faire jouer des leviers sociaux et psychologiques qu'on n'avait guère pensé à utiliser jusque la, en tous cas à la radio, comme le prestige, la notoriété et même simplement pour les jeunes sans emploi, une occupation.

Le financement Les coûts d'équipements ne sont pas très élevés, parfois 20 millions de FCFA, de 10 millions à 40 millions de FCFA avant la dévaluation du franc CFA pour quelques stations sur lesquelles nous avons fait porter l'enquête. Pourtant il faut trouver ces financements. Eh bien, les stations y arrivent. Comment? La floraison des radios privées révèle la capacité de leurs promoteurs à mobiliser des fonds locaux, assez rarement dans le secteur moderne des investissements (par exemple Sud FM a pu obtenir quelques crédits bancaires), et plus fréquemment dans le secteur informel, par exemple les commerçants.

Certains commerçants ont accepté pour des raisons de solidarité sociale, de prestige social, de financer certaines radios dans leur ville. Ces financements, il faut bien l'avouer, proviennent parfois de sources suspectes, notamment les partis politiques.

Et les radios associatives elles-mêmes, qui commencent à créer des radios locales, révèlent qu'elles ont une meilleure connaissance des circuits et des procédures de financement de la coopération internationale.

En résumé, l'expérience menée par des stations privées commencent à apporter quelques indications sur les différents rôles que les radios peuvent jouer. En participant, voire en suscitant la constitution d'opinions publiques, elles montrent qu'elles peuvent véritablement jouer un rôle civique. En provoquant, en encourageant de nouvelles formes d'expression et de créativité, elles jouent un rôle culturel, et enfin en exploitant des ressorts sociaux que l'on croyait inconnus ou oubliés, le mécénat, le bénévolat, elles suscitent des dynamiques économiques et sociales.

Ces radios privées ont donc en un temps très court, en moins de cinq ans, exploré des pistes nouvelles dans le domaine de la programmation, du financement, de la mobilisation des ressources humaines.

Leur émergence renouvelle non seulement la problématique des radios rurales dans la région, mais en 1996, en illumine le développement et les perspectives. Pourtant ces expériences ont des limites et se heurtent à des contraintes fortes.

Les limites: d'abord, il serait hâtif de tirer des conclusions générales à partir de quelques expériences menées par quelques radios. Les stations privées demeurent encore vraiment une terre inconnue.

D'autre part ces expériences sont souvent pleines d'ambiguïté et de risque. La popularité des stations ne se nourrit-elle pas et ne s'entretient-elle pas des penchants les moins recommandables de leurs publics: les replis identitaires, l'intolérance religieuse? Pourtant il faut reconnaître que les dérapages ont jusqu'à présent été exceptionnels dans les radios en Afrique de l'ouest et beaucoup plus exceptionnels, en tous cas, que dans les journaux privés de la région.

Certaines stations associatives, même en milieu rural, accordent une place que l'on pourra juger exorbitante à des musiques qui sont loin d'être des musiques du terroir. Ces stations seraient-elles les chevaux de Troie de la mondialisation culturelle? Ce que l'on observe pourtant, c'est que le marché, c'est-à-dire les annonceurs, et notamment les annonceurs institutionnels, et le public, sont finalement parvenus à modérer certaines overdoses dans les stations les plus anciennes. Si vous vous souvenez d'Horizon FM à ses débuts et prenez Horizon FM au Burkina maintenant, je crois que la quantité musicale a nettement diminué.

Mais le marché est-il de nature à assurer, à lui seul la participation du public à la confection d'une grille des programmes? C'est douteux. Enfin une troisième limite est constituée par le biais urbain. Ce biais urbain ne compromet-il pas l'extension des radios privées en milieu rural. En 1995, pourtant, le Mali et le Burkina étaient les seuls pays dont le nombre de stations privées installées en milieu rural dépassait le nombre de stations privées implantées en ville. Aujourd'hui, c'est aussi le cas pour la Guinée Bissau et pour la Côte d'Ivoire. La tendance semble donc au développement spontané de radios privées en zones rurales et cette tendance semble se maintenir.

Les stations se heurtent à des contraintes qui sont tout à fait réelles actuellement. Si la pénurie des ressources humaines et financières a provoqué des innovations fertiles et surprenantes, Elle compromet aussi la qualité des programmes, leur diversité et même la viabilité des stations.

Ces contraintes ne sont pas nouvelles. Alors, retour à la case départ du "radio pessimisme"? Non, parce que la libéralisation du paysage radiophonique ouest-africain a engendré ou mis à jour de nouvelles ressources locales. Des ressources institutionnelles d'abord: ainsi certains Etats ont-ils mis en place des fonds d'aide à la presse. Le gouvernement sénégalais ou le gouvernement malien qui viennent de mettre par exemple 200 millions de francs à la disposition de la presse. D'autre part la libéralisation du paysage médiatique a suscité ou renforcé la constitution d'organisations professionnelles.

Désormais, à côte des associations d'éditeurs, de journalistes, commencent à apparaître des associations de radiodiffuseurs, au Mali et au Burkina, à l'échelle régionale. En mai dernier s'est constituée à Baujul, Waba, la première organisation régionale des radiodiffuseurs privés, indépendants de l'ouest africain. Ces organisations commencent à s'attaquer à certaines des contraintes mentionnées plus haut. Par exemple au Sénégal, les éditeurs de presse se sont associés avec l'appui de PANOS, du Gouvernement canadien et du Gouvernement sénégalais, pour créer une coopérative d'achat7 pour le papier de presse, qui en réduirait le coût de 30%. On s'attaque au problème économique.

En Côte d'Ivoire, des rédacteurs en chef ont établit un observatoire de la déontologie. On s'attaque à la question des contenus d'information et à leur qualité. Au Mali, l'Union des radiodiffuseurs libres, 1'URTEL a organisé différents ateliers de formation pour leur personnel, et au Sénégal, la société des éditeurs de presse ouest-africaine a ouvert un centre de formation permanente pour le personnel de la presse écrite. On s'attaque à la formation. La légitimité et la pugnacité de ces nouvelles organisations professionnelles en font des acteurs dotés d'un pouvoir de négociation et de mobilisation avec lesquels il faut désormais compter.

L'émergence de ces nouveaux acteurs, la création de ces nouvelles institutions, ont alors des incidences sur les stratégies d'acteurs locaux plus anciens, mais aussi sur celles des instutions de coopération internationale. Pour les acteurs locaux traditionnels, tels que l'Etat, les radiodiffuseurs de stations publiques, les centres de formation, la nouvelle donne implique sans doute une redistribution des rôles. Des expériences, plutôt prometteuses sont déjà tentées par chacun de ces acteurs traditionnels locaux. L'Etat a commencé à renoncer à la stricte monogamie qu'il entretenait avec les médias publics pour jouer d'avantage un rôle de régulateur. Les radiodiffuseurs publics ont commencé à tisser des ambiances avec les radiodiffuseurs privés, notamment au Mali où 1'ORTM travaille avec les membres de l'URTEL. Les centres de formation publics s'ouvrent petit à petit au nouveau secteur radiophonique, je pense notamment au CIERRO, et adaptent leurs modules de formation à des besoins spécifiques comme les formations de courte durée sur le terrain, etc.

Pour les institutions d'appui à la presse et les organisations de coopération internationale, la nouvelle donne pluraliste implique peut-être un réaménagement des priorités.

En termes d'acteurs, d'abord: certaines coopérations ont longtemps privilégié la coopération avec le secteur public. De nouveaux acteurs sont maintenant pris en compte, par exemple par la coopération canadienne ou par la coopération danoise.

En tempes de modalités d'intervention, les priorités sont, elles aussi, à reconsidérer c'est avec beaucoup de réticence qu'un appui est apporté aux médias en tant que tels. Aux programmes oui; aux médias et à leur viabilité économique, c'est beaucoup plus difficile, et je pense que lé président des Groupements NAAM pourra dire quelque chose à ce sujet.

Enfin, les priorités sont sans doute à reconsidérer en ce qui concerne les domaines d'intervention. La formation, oui; maison a beaucoup insisté sur la recherche. C'est une priorité, notamment quand on considère le domaine des stations privées, ce dont il est porteur et la maigre connaissance que l'on en a.

Enfin, ce qui mérite d'être aussi reconsidéré, c'est l'échelle des interventions. Probablement une priorité plus forte doit être donnée à l'échelle régionale. L'apparition de nouvelles technologies de l'information (INTERNET, la radio digitale) risque d'écarter encore davantage l'Afrique d'une scène médiatique où elle est peu présente, à moins que des initiatives à caractère régional et même continental soient prises pour assurer non seulement l'accès des africains aux informations internationales mais aussi assurer une place internationale aux informations produites en Afrique. L'enjeu n'est pas seulement international. I1 est également local et concerne directement les radios rurales et les radios locales. La crédibilité de ces radios auprès de leur public passe par la production d'émissions maison et participatives mais elle passe aussi probablement par la diffusion de programmes de haute qualité que seuls des réseaux de producteurs africains, nationaux, régionaux, publics ou privés sont capables d'assurer. Sans doute est-ce là un des chantiers les plus urgents où peuvent se retrouver les radiodiffuseurs publics et privés mais aussi les institutions internationales soucieuses de promouvoir un deuxième ordre mondial dé l'information plus équitable. Merci.

Rural radio within an integrated media approach

Introductory statement by Mr Michael Laflin - EDC - Washington.

Rural radio has played many roles in mobilising communities, in informing people, leading them to take actions they would not otherwise have taken. One of their roles has been in learning, and that is what I want to focus very briefly on: the role rural radio has played, and can play, in providing people with learning opportunities.

People learn from many sources: school is actually probably a small part of where they get their information, particularly after they have left school. Most people spend de bulk of their lives not receiving any formal learning opportunities at all but simply learning from neighbours, from extension; if they can read, from printed materials; from movies. This is a statement of the obvious: we know this. We call it "multichannel" learning. I was asked to talk about multimedia but I prefer the word multichannel, and I want to look at rural radio as it fits into a system. How it can integrate itself into a system of multichannel learning to provide opportunities for people to learn.

What we know about the role that radio has played in providing learning opportunities is pretty limited. It is focused on social marketing campaigns where people have looked at the role radio has played as opposed to the role that other media, other influences, have played in achieving a particular behaviour change, for example. It tends to be focused in de areas where social marketing has been used most heavily: health and population - those areas where individual behaviour change is most important.

We also know a lithe bit about radio and its role in formal learning. I spent the last few years preoccupied with this area, not just learning using the radio in schools but also adult learning, and we know a little bit about how radio interacts with offer elements in the system. We know for example about the role that print materials play in different subjects: the role print materials play for example in people trying to learn mathematics is different from what they play in learning science or language for example. So we know something about the interaction between radio and print materials, we also know about how important teachers are or, in the context of adult education, de role of facilitators. We know how important it is not to rely soly on de radio and the print materials but to provide training for facilitators or teachers.

So we know something about those processes, those systems, and how radio is integrated into them, and we have results. We have results that shows that radio can be extremely influential and extremely successful. We've looked at studies that say what people can learn without the radio and we compare them with systems that add the radio. We have compared, for example, the results of adult education using radio, print materials and informal centres with facilitators with what kids 1earn at an equivalent level in primary schools. And when de programming is done well, radio can be enormously important, enormously influential.

And following from that I just want to raise a couple of questions for your consideration, really. Most of these examples have used radio, and used radio successfully and radio has been a willing partner in many cases. It seems to me that rural community radio is in a privileged and slightly different situation because rural radio is there every day in a way that most other influences are not. Extension is not there every day; print materials aren't available every day: the radio is. And so if one throughout of rural radio as part of a system but not simply as a support, but as an initiator, what could it do, and what would that look like? What is the role of a broadcast if rural radio stations have a bigger role than simply to report on what we see and to help people who come along with bright ideas, good ideas? What does that say about how we connect with people, the listeners? What does that say about how, whether, the radio responds to its own notions of supply as opposed to responding to demand?

If I can read this very briefly. I said it is in social marketing and in education that we know most, but I don't know how many of you have seen this (a quick promotion for the PAO) "Understanding farmers communication networks" - no. 14 in the case studies. It tasks in these terms: Three major lessons it says: the first one is (this is talking about farmers) mapping linkages in a knowledge system uncovers information exchange mechanisms. They are using different words from what I am calling multichannel learning, they are talking about information exchange mechanisms. Evaluating the performances of these linkages is a first step towards systematic linkage analysis. I don't think we've done much of that, and I think that that might be a very useful thing when we come to talk about research, that might be a very useful thing to concentrate on.

The other question I want to raise is, if the rural radio does say yes, we want to play a more activist role, what does that say about the bigger system, where rural radio stations, if they're going to respond to supply, get their information from? It implies a much bigger flow of information, information a broader range topics. Where is that information going to come from? Typically, broadcasters haven't been particularly connected to those sorts of systems unless it's through a project or something that somebody else has initiated. So what would a bigger system look like?

But the main idea is if rural radio takes up the challenge, how does it go back to individuals, rural learners, and recognise the opportunities that they are looking for, and recognise also the opportunities within any society, any small community, to link to learning (does that make sense?); the sorts of systems that are there already that rural radio can link onto, can expand and to which it can add value. And I think that, as a final thought, the adding of value is a two-way process; that by creating these greater links to multichannels, radio broadcasters can add greater value to what they do as well as their traditional role which is to add value to what others do.

Le point de vue des associations paysannes sur la radio rurale

Exposé introductif par M. Pierre Claver Tassembedo, Directeur de "La voix du paysan", Ouahigouya

Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,

Le Président-Fondateur de la Fédération des Unions des Groupements Naam, Monsieur Bernard Lédéa Ouedraogo, retenu par les obligations de sa charge, m'a fait l'honneur de le représenter à cet atelier international sur le développement de la radio rurale en Afrique. En son nom personnel et au mien propre, je voudrais vous remercier pour cette aimable invitation, Monsieur le président, et vous prier de bien vouloir transmettre aux délégations ici présentes mes sincères salutations et mes souhaits de voir nos travaux couronnés de succès.

Par ma présence à cet atelier, Monsieur le Président, je n'ai nullement la prétention de me substituer à ce grand homme de culture qu'est Monsieur Bernard Lédéa Ouedraogo, je suis convaincu qu'il aurait pu faire bénéficier de sa science (j'allais dire de sa grande expérience du développement et de la communication) à cette auguste assemblée, par un exposé magistral sur le thème qui nous réunit aujourd'hui à Ouagadougou à savoir: "Le développement de la radio rurale en Afrique". Permettez-moi d'être plus explicite: je suis là tout simplement pour apporter ma modeste contribution au succès des travaux de cet atelier international.

Ceci dit, je voudrais souligner que "La voix du paysan" de Ouahigouya (chef-lieu de la province du Yatenga) que j'ai l'insigne honneur de représenter ici aujourd'hui est, comme vous le savez, la dernière-née des radios privées du Burkina. Elle a vu le jour le 19 avril 1996. Elle existe donc depuis il y a exactement un mois et dix j ours. C'est une radio communautaire qui regroupe une dizaine d'associations privées, ONG et services étatiques dont:

"La voix du paysan" a une puissance de 500 watts (en voie d'extension). Elle émet sur la fréquence de 97 Mhz et sa couverture géographique est de 70 kilomètres. Mais l'on peut dire sans risque d'erreur que "La voix du paysan" peut atteindre 150 kilomètres. n'importe de remarquer que la Province du Yatenga ayant un relief plat, où l'arboriculture est pratiquée sur une basse échelle, "La voix du paysan" peut arroser grosso modo jusqu'à 250 kilomètres en hivernage. Et pourquoi? Eh bien tout simplement parce que c'est une période favorable à la propagation atmosphérique.

"La voix du paysan" est dirigée par un comité de gestion qui a eu à élaborer la grille de programme tout en privilégiant les langues nationales à 90 pour-cent. il s'agit du moré, du jula et du fufuldé. Les dix pour cent restant étant réservés au français.

Public cible: hommes, femmes, jeunes, personnes âgées du monde rural (notamment les paysans, agriculteurs, artisans éleveurs). Et comme je le disais tantôt, la plupart de nos émissions sont diffusées en langue nationale.

Ces grandes émissions sont:

"La voix du paysan" organisera très bientôt des tables rondes ou antennes directes avec les paysans pour connaître leurs préoccupations. C'est dire que nous irons vers eux pour qu'ils sachent que "La voix du paysan" est leur radio et qu'il faut qu'ils s'y intéressent, qu'il y prennent soin comme de la prunelle de leurs yeux.

En perspective, "La voix du paysan" synchronisera très bientôt avec la RNB (la radiodiffusion nationale du Burkina) et avec RFI (radio France internationale). Une convention a été signée dans ce sens, pour nous permettre d'avoir des informations fiables pour les auditeurs du nord du pays.

Le personnel comprend dix agents (animateurs-producteurs et techniciens confondus) dont quatre de sexe féminin.

Comment a germé l'idée de créer une station de radio à Ouahigouya? A ce propos, permettez-moi de me référer à un extrait de l'allocution prononcée par le Président-fondateur lors de notre cérémonie inaugurale, le 19 avril dernier. Je cite "Nous avons hésité entre le journal écrit et le journal parlé. Les ruraux ne savent pas tous lire, mais ils savent écouter. D'aucuns même savent parler mieux que nous dans la langue de leur univers culturel. Notre option privilégie donc l'outil pour tous, c'est-à-dire la radio. Car la radio est une école de la deuxième chance" (fin de citation). On ne peut être plus clair. Et le Président, Bernard Lédéa Ouedraogo, a vu juste dans ce choix en soulignant, je cite encore "La voix du paysan sera un outil efficace d'accompagnement de la construction de la démocratie afin d'éclairer mieux le chemin de nos ambitions" (fin de citation). C'est-à-dire que pour nous, "La voix du paysan" est l'Ïil et l'oreille du paysan. Elle est là pour appuyer notre lutte contre le phénomène de la désertification et pour l'éradication de la faim.

Comme vous l'avez aisément constaté tout au long de mon bref exposé, "La voix du paysan" manque énormément de moyens pour évoluer, pour pouvoir se mettre au diapason des radios sÏurs. Ces moyens qui nous font cruellement défaut se résument:

Dans l'espoir que nos travaux sortiront des résolutions pertinentes permettrait d'extirper tous les maux qui entravent le développement de la radio rurale en Afrique, je vous remercie de votre attention.

Concertation et coordination des partenaires: Vers un plan d'action pour le développement de la radio rurale en Afrique

Exposé introductif, par M. Dominique Hounkonnou, CTA

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d'abord remercier la FAO d'avoir invité le CTA à cet atelier. Notre centre avait lui-même organisé en septembre dernier une rencontre à laquelle la FAO avait activement participé. Certains de nos participants africains sont également là aujourd'hui pour faire le pont entre les deux réunions parce que, s'il est vrai que nous pouvons faire quelque chose au niveau du CTA, la FAO peut beaucoup plus. De plus, grâce au présent atelier, tous les partenaires nationaux et internationaux ici présents peuvent harmoniser leurs points de vue et coordonner leurs efforts dans la même direction.

Si je devais dire l'essentiel en quelques mots, je dirais d'abord, pour ce qui est du CTA, que c'est une institution qui joue un rôle de catalyseur. Nous nous situons entre les acteurs de base et les agences d'aide et de financement. S'agissant du partenariat, mon message principal pour cette audience aujourd'hui, c'est que nous devrions d'abord essayer d'analyser, chacun, le pourquoi de notre présence ici, pour en déduire les attitudes à tenir au cours de nos discussions, quitte à bousculer certaines de nos habitudes institutionnelles.

Je pense que cela est très important car beaucoup d'entre nous connais sent des représentants de bailleurs de fonds qui, en Europe ou ailleurs, se plaignent de ne pas avoir de bons projets à financer. Dans le même temps, comme nous le savons tous, il y a malheureusement beaucoup d'acteurs du Sud qui se plaignent du manque de ressources pour la mise en Ïuvre de leurs projets. Nous sommes là aujourd'hui, grâce à la FAO et à d'autres partenaires, pour renforcer les bases du dialogue indispensable entre ces deux groupes d'acteurs.

Jusqu'à vendredi, nous essayerons de réfléchir à un plan d'action concerté pour le développement de la radio rurale en Afrique, ne serait-ce que pour aboutir à une plate-forme commune, devant guider à l'avenir des activités à mettre en Ïuvre dans un système de partenariat.

La question se pose maintenant de savoir si nous nous considérons réellement comme des partenaires ou si nous voyons d'un côté, des bailleurs de fonds ou des agences de coopération et, de l'autre, des bénéficiaires. C'est une question essentielle. La position que je vous suggère est basée non seulement sur mes convictions personnelles mais aussi sur les résultats d'un atelier récemment organisé par le CTA dans le cadre du renforcement de son partenariat avec les institutions ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) en général, et celles du secteur indépendant en particulier: le partenariat est une option incontournable; nous sommes tous des partenaires, si nous sommes mus par le même objectif, à savoir le développement des populations rurales.

Mais tout partenariat comporte des devoirs et des droits. Tout d'abord on est partenaires parce que l'on a des objectifs communs, et les mêmes stratégies pour les atteindre. Que l'on soient des personnes physiques ou des personnes morales, donc des individus ou des institutions, on peut partager une plate-forme minimum d'objectifs ou d'intérêts. C'est une première condition.

Deuxièmement, le partenariat implique que nous sommes prêts à partager des risques et c'est pour cela que nous pouvons mettre des ressources ensemble, même si elles ne sont pas de même nature. Dans un système de partenariat réel, l'ACCT, le CTA, la FAO, l'Union Européenne, l'UNESCO, l'UNICEF et d'autres acteurs de la coopération bilatérale ou multilatérale peuvent apporter des ressources financières ou l'expertise internationale, et les partenaires du Sud, les ressources locales nécessaires et disponibles.

Nous sommes donc partenaires autour d'objectifs ou d'intérêts communs, et nous sommes prêts à partager les risques en mettant des ressources ensemble et pour cela nous pouvons partager ultérieurement les bénéfices: c'est cela le partenariat.

Il faut cependant reconnaître que bien que les changements socio-économiques actuellement en cours en Afrique - avec une implication de plus en plus forte de la société civile - contribuent progressivement au renforcement des bases d'un développement participatif et durable, il demeure difficile aujourd'hui de savoir qui est qui, ou qui fait quoi, qui est ONG, qui ne l'est pas. Une gestion transparente et efficace constitue donc, pour toute institution, un critère important de partenariat, de même que la durabilité: une institution, gouvernementale ou non-gouvernementale, recevant l'essentiel de son financement d'une source extérieure est difficilement viable, en tout cas pas autonome.

Après ces critères et principes de base, je voudrais suggérer quelques axes de partenariat en me basant sur les principaux résultats du bilan du CTA après dix années d'activités en matière de radio rurale. Comme l'a clairement affirmé l'un des experts africains ayant pris une part très active à notre atelier d'évaluation, Athanase Karayenga: "la radio rurale de papa est morte". Cela veut dire qu'il faut donner peau neuve à la radio en tenant compte des enjeux actuels qui sont liés, beaucoup l'ont dit, à la démocratisation, à la libéralisation économique, ce qui fait que de nouveaux acteurs émergent et que d'anciens acteurs qui étaient dans l'ombre sont reconnus officiellement comme des partenaires potentiels. n faut faire place aux jeunes et aux professionnels, il faut considérer que nous sommes désormais dans un village planétaire où les nouvelles technologies circulent partout. Comment prendre tout cela en compte dans un nouveau système de partenariat pour le développement de la radio rurale en Afrique? Par ailleurs, doit-on encore parier de radio rurale ou de "radio du terroir"? Enfin, comme l'a également souligné Athanase Karayenga "dis-moi qui tu écoutes, je te dirai qui tu es". Savons-nous réellement qui nous écoute? Connaissons-nous suffisamment les besoins des populations rudes afin de concevoir en conséquence nos programmes d'activités?

Pour revenir aux interventions que nous avons eues depuis hier, nous avons évoqué les études d'impact et d'audience nécessaires; compte tenu des moyens qu'elles exigent, il est préférable de les concevoir dans un système de partenariat. Nous avons parié de la nécessité de mettre en place des mécanismes de concertation entre les institutions gouvernementales, les ONG et le secteur associatif. Le groupe de travail sur le partenariat devrait faire des suggestions concrètes dans ces domaines.

Beaucoup d'intervenants ont rappelé qu'il est important d'adapter les programmes aux réalités culturelles. Cela ne peut se faire de Paris, ni même de Ouagadougou au nom de toute l'Afrique, comme quelques participants l'ont souligné. Je pense qu'il est indispensable d'associer les partenaires à la base dont le concours est irremplaçable dans ce cadre-là.

Mais avant tout cela, la condition la plus déterminante, c'est la définition des politiques nationales de communication. Très peu de pays l'ont déjà fait; on n'en a cité que deux ce matin. Je crois qu'il faut que les partenaires nationaux, régionaux et internationaux ici présents prennent cette question à cÏur et essaient de s'associer pour l'aborder. Des discussions sont en cours entre le CTA et la FAO pour initier une coopération dans ce domaine, de même que pour les études d'impact et d'audience. D'autres partenaires sont invités à s'y joindre.

Je me suis contenté d'évoquer à ce stade les grandes lignes, étant donné que les groupes de travail nous permettront de disposer de suggestions détaillées pour les axes d'activités devant faire l'objet de la plate-forme commune. Je voudrais néanmoins, avant de terminer, rappeler que, comme nous l'avons dit, le trinôme ACTION-RECHERCHE-FORMATION est indissociable, et que nos propositions pour le partenariat devraient en tenir compte. Nous le savons tous, les programmes de formation et de recherche, qui demandent beaucoup de ressources, se justifient davantage dans un système de partenariat que dans un cadre de relations institutionnelles isolées.

Enfin, j'emprunterai l'idée de ma conclusion au Secrétaire de 1'URTNA qui a exprimé, dans son discours introductif, une préoccupation centrale: un grand problème pour tous les acteurs, c'est la place de la communication dans les priorités nationales. Nous avons beau concevoir les programmes nécessaires et susciter l'intérêt des partenaires internationaux, la réussite dépend d'un engagement politique clair et d'un appui concret au niveau national. Un proverbe béninois - qui doit avoir des variantes dans d'autres pays ou dans d'autres cultures - illustre bien cette préoccupation: "Quand vous allez à la source, portez vous- même votre jarre d'eau jusqu'aux genoux avant de demander que l'on vous aide à la monter sur votre tête".

Je vous remercie.

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