Page précédente Table des matières Page suivante


3. Développement responsable de l'aquaculture, y compris de la pêche fondée sur l'élevage, dans les écosystèmes aquatiques transfrontières

(Article 9.2 du Code)

"Les Etats devraient protéger les écosystèmes aquatiques transfrontières en favorisant des pratiques d'aquaculture responsables à l'intérieur de leurs zones de juridiction nationale et en coopérant pour promouvoir des pratiques d'aquaculture durables."

(Article 9.2.1 du Code)

Protection des écosystèmes aquatiques transfrontières. Nombre de cours d'eau et de lacs - et leurs bassins versants respectifs - , certaines mers fermées et semi-fermées ainsi que d'autres eaux côtières et marines sont actuellement partagés entre deux ou plusieurs pays. Les conséquences des activités humaines, telles que la dégradation des habitats ou la pollution des eaux en question, sont souvent éprouvées non seulement à l'intérieur d'un pays donné, mais aussi hors de ses frontières dans les zones en aval, le long des côtes ou dans de grands plans d'eau continentaux ou marins. Par exemple, dans les eaux continentales de nombreux pays, la pêche par capture et la pêche fondée sur l'élevage ont souffert de la dégradation écologique des plans d'eau permanents et saisonniers. Des modifications de la qualité de l'eau, des changements de régime hydrologique (fluctuations excessives ou diminution nette des niveaux ou des volumes d'eau, aussi bien dans l'espace que dans le temps) et des modifications structurelles des habitats piscicoles ont eu un effet préjudiciable dans beaucoup de pêcheries continentales, en particulier dans les zones rurales où la pêche artisanale et de subsistance joue souvent un rôle dans la sécurité alimentaire.

De nombreux accords internationaux visant à assurer la protection environnementale d'écosystèmes aquatiques transfrontières sont actuellement en vigueur ou en préparation (réf. 58). Toutefois, parce que certaines pratiques d'aquaculture et de pêche fondée sur l'élevage peuvent être dommageables à des écosystèmes aquatiques transfrontières si leur gestion laisse à désirer, il importe que les pouvoirs publics, les spécialistes de la gestion des ressources halieutiques et les aquaculteurs soient conscients de ces risques potentiels.

Par exemple, les pouvoirs publics, les aquaculteurs et les spécialistes de la gestion des ressources halieutiques se doivent de réduire au minimum les risques associés à l'introduction, à des fins d'aquaculture ou de pêche fondée sur l'élevage, d'espèces non indigènes ou de stocks génétiquement modifiés dans des eaux d'où elles/ils pourraient facilement se propager dans les eaux d'autres Etats. Il convient d'éviter, dans la mesure du possible, d'introduire, de façon accidentelle ou intentionnelle, des espèces exotiques ou non indigènes dans un quelconque plan d'eau. Toutefois, si cette introduction est considérée comme souhaitable aux fins d'amélioration aquacole ou halieutique, elle devrait être précédée d'une étude approfondie des autres possibilités et des risques potentiels. A cet égard, il convient d'encourager les attitudes prudentes et les mesures de précaution, qu'il s'agisse d'écosystèmes aquatiques nationaux ou transfrontières. De plus, la collaboration active des pays concernés, et en particulier l'échange d'informations, peuvent s'avérer primordiaux pour empêcher les effets indésirables.

Appui et collaboration à une aquaculture durable. Si la responsabilisation des aquaculteurs doit être poursuivie au plan national, il existe aussi beaucoup de possibilités pour instituer une collaboration efficace en matière d'aquaculture durable entre les pays disposant en commun d'écosystèmes aquatiques transfrontières, par exemple à l'échelon sous-régional ou régional. Dans les divers pays concernés, les pouvoirs publics, des associations du secteur privé, des chercheurs et d'autres parties intéressées peuvent juger judicieux de joindre leurs efforts pour promouvoir un développement durable de l'aquaculture. Ces efforts peuvent porter sur la mise au point de techniques et le transfert de technologie, l'élaboration et l'application de mesures d'urgence, l'échange de renseignements en matière de commercialisation, le renforcement des capacités dans le secteur de l'aquaculture, la recherche appliquée concernant des questions socio-économiques et environnementales, etc. (réf. 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65).

"Les Etats devraient, avec le respect voulu pour les Etats voisins et conformément au droit international, assurer un choix responsable des espèces et une localisation et une gestion responsables des activités d'aquaculture susceptibles d'avoir des effets sur des systèmes aquatiques transfrontières."

(Article 9.2.2 du Code)

Responsabilités générales. Les Etats dont les activités aquacoles se déroulent en partie dans ou à la limite d'eaux internationales devraient s'efforcer, par obligation à l'égard des Etats voisins, d'imposer un choix responsable des espèces ainsi qu'une localisation et une gestion responsables de ces activités.

Choix des espèces. Pour l'aquaculture comme pour la pêche fondée sur l'élevage, le choix des espèces devrait être basé sur des critères biologiques, environnementaux et socio-économiques, compte tenu des ressources, des possibilités et des besoins locaux. La pêche fondée sur l'élevage mérite qu'on lui prête une attention particulière, du fait que l'aquaculture a pour objet de produire des organismes qui puissent survivre dans la nature. Il faut cependant noter que, même dans le cas de systèmes d'aquaculture en milieu fermé, des organismes parviennent généralement à s'échapper dans le milieu environnant.

Au cours de plusieurs forums, il a été recommandé d'utiliser en aquaculture des espèces indigènes de préférence à des espèces introduites et des programmes de propagation classiques plutôt que des techniques transgéniques. Les gouvernements devraient identifier parmi les ressources biologiques et les communautés humaines qui relèvent de leur responsabilité celles qui peuvent être affectées par l'utilisation d'un organisme introduit ou génétiquement modifié. Il importe aussi de connaître les voies probables ou possibles de dispersion des espèces aquatiques.

Contrôle de la distribution d'espèces introduites. Une fois une espèce introduite dans un pays, des efforts devraient être consentis à l'échelle nationale en vue de limiter ou de surveiller sa distribution géographique. Il existe parfois des zones écologiquement sensibles où l'élevage de l'espèce devrait être interdit, ou encore des zones où il y a de grandes chances que des spécimens de cette espèce s'échappent dans des eaux transfrontières. Ces zones devraient être clairement identifiées, et les administrations locales, les aquaculteurs et les entreprises devraient être tenus au courant des restrictions concernant propagation et utilisation. Ces considérations et restrictions devraient d'ailleurs être prises en considération dans l'évaluation préalable ainsi que dans l'estimation des risques.

Localisation et gestion. Les gouvernements devraient s'assurer que les exploitations aquacoles sont situées et gérées de façon à éviter tout effet néfaste sur l'environnement et les ressources d'autres Etats. Il faudrait particulièrement veiller à empêcher tout développement de maladie chez les espèces aquacoles qui pourrait affecter les ressources halieutiques et les activités aquacoles dans d'autres Etats. Les gouvernements devraient se tenir mutuellement informés dès l'apparition d'une maladie épizootique chez une espèce aquacole, qui pourrait se transmettre dans des écosystèmes transfrontières. Ils devraient en outre collaborer à l'élaboration de mesures d'urgence appropriées à l'échelon sous-régional et régional.

"Les Etats devraient consulter les Etats voisins, lorsqu'il y a lieu, avant d'introduire des espèces non indigènes dans des systèmes aquatiques transfrontières."

(Article 9.2.3 du Code)

Rôle des instances halieutiques régionales. Des pays voisins devraient s'employer à mettre en place des mécanismes et procédures efficaces de consultation au sujet des introductions d'espèces non indigènes. Toutefois, dans de nombreuses régions où se trouvent des plans d'eau partagés, des instances halieutiques régionales existent et peuvent très bien servir de cadre à l'échange d'informations, d'avis techniques et de personnel. En l'absence d'une instance ou d'un dispositif de ce genre, il est toujours possible d'en créer un (réf. 66). Des consultations sur l'introduction d'organismes génétiquement modifiés devraient être également organisées. La définition du terme "non indigène", dans son sens le plus large, devrait englober les organismes qui sont issus de la domestication, de la reproduction sélective, de la manipulation des chromosomes, de l'hybridation, de l'inversion des sexes et du transfert de gènes. Les consultations et les échanges entre Etats voisins devraient porter, entre autres, sur les points suivants:

"Les Etats devraient établir des mécanismes appropriés, tels que des bases de données et des réseaux d'information, pour recueillir, mettre en commun et diffuser des données sur leurs activités aquacoles, en vue de faciliter la coopération dans le domaine de la planification du développement de l'aquaculture aux niveaux national, sous-régional, régional et mondial."

(Article 9.2.4 du Code)

Echanges de l'information sur l'aquaculture. En particulier au cours de cette période de croissance globale de l'aquaculture, les Etats, en collaboration avec les autres parties intéressées, devraient se doter de moyens appropriés pour assurer le suivi des activités aquacoles relevant de leur compétence ainsi que pour faciliter la formulation de politiques et la planification du développement grâce à la collecte d'informations et de données relatives aux pratiques aquacoles adoptées et à la production réalisée, aux résultats économiques obtenus et aux effets positifs et négatifs de l'aquaculture sur les autres activités. A cet égard, il peut s'avérer nécessaire de renforcer la collaboration avec - et entre - les aquaculteurs, leurs associations, les fournisseurs d'intrants, les entreprises spécialisées dans la transformation et la commercialisation des produits, et autres initiatives privées s'intéressant à l'aquaculture. Ceci devrait faciliter l'acquisition et la collecte d'informations et de données ainsi que leur collationnement, analyse, interprétation, diffusion et utilisation appropriées (réf. 67). Fait notable, dans de nombreux pays, il importe de toute urgence de mettre en place des services de documentation convenables ou de renforcer les services existants. L'instauration de liens institutionnels adéquats peut contribuer à faciliter la circulation de l'information sur l'aquaculture entre les divers services et instances sectoriels, qu'ils soient concernés au premier chef ou en partie seulement à certains aspects du développement aquacole. Par l'intermédiaire des instances régionales et internationales appropriées dont ils sont membres, les Etats devraient communiquer les données pertinentes dont ils disposent et faciliter ainsi le suivi régional et global des progrès et des problèmes, l'élaboration des politiques et la prévision des perspectives et des besoins (réf. 68).

Encadré 6. Il existe un large éventail d'utilisateurs de données et d'informations sur l'aquaculture: aquaculteurs, décideurs, chercheurs, personnes travaillant dans l'industrie alimentaire, dans des entreprises produisant des aliments pour animaux et dans le secteur de la santé, ONG concernées, spécialistes de la sécurité alimentaires, du développement et de la planification des ressources, etc. La demande de données relatives à l'aquaculture à l'échelon mondial, régional et national connaît une progression rapide. Outre les statistiques concernant la production, l'on a besoin de données sur les particularités structurelles du secteur: superficies exploitées, types et capacités des systèmes de production, ressources utilisées (terres, eau, ingrédients alimentaires, juvéniles, etc.) ainsi que situation de l'emploi dans le secteur de l'aquaculture et les services apparentés. On s'intéresse également de plus en plus aux informations relatives à la demande nationale et internationale de produits aquacoles, et notamment aux habitudes de consommation, aux prix des produits, au commerce, aux débouchés possibles, etc.


Coopération régionale pour l'échange des connaissances sur l'aquaculture. Les institutions ou initiatives gouvernementales et autres devraient appuyer les efforts visant à accroître la coopération, en particulier à l'échelon régional et sous-régional, dans le domaine du renforcement des capacités et de la recherche sur les systèmes aquacoles les mieux adaptés à leurs régions ainsi que dans celui de l'élaboration de mécanismes et de protocoles d'échange pour ce qui concerne les connaissances, l'expérience acquise et l'assistance technique, à l'appui du développement durable des systèmes en question (réf. 69, 70, 71, 72, 73, 74).

"Les Etats devraient coopérer pour mettre au point, le cas échéant, des mécanismes appropriés pour surveiller en permanence l'impact des intrants utilisés en aquaculture."

(Article 9.2.5 du Code)

Collaboration à des échanges commerciaux équitables pour ce qui concerne matériel, aliments et autres intrants utilisés en aquaculture. En raison des besoins quelque peu particuliers de l'aquaculture en matière de matériel et fournitures et des quantités limitées actuellement nécessaires ou disponibles dans plusieurs régions, il importe d'améliorer la coopération en vue de l'établissement d'installations de production ainsi que de promouvoir le commerce de ce matériel et de ces fournitures au sein des régions et entre les régions. Parallèlement, il convient de mettre en place des dispositifs réglementaires permettant de contrôler et de garantir la conformité et la qualité du matériel produit et commercialisé. Les mesures connexes destinées à protéger la vie ou la santé des personnes et des organismes aquatiques ainsi que les intérêts des consommateurs devraient être non discriminatoires et conformes aux règles commerciales admises au niveau international, et notamment aux principes, droits et obligations établis dans l'Accord sur l'OMC. L'accès aux informations concernant l'efficacité et la sécurité des intrants utilisés en aquaculture ainsi que leur échange devraient être facilités aux plans local, national, régional et mondial.

Encadré 7. Les Etats et les autorités qui les représentent ont un rôle crucial à jouer dans la définition et la promotion de méthodes "saines" de production aquacole et, à cet effet, devraient collaborer avec d'autres Etats et institutions ou initiatives internationales. Cependant, il existe parfois une certaine incertitude au sujet des critères de validité des techniques importées et d'efficacité du matériel, des aliments et des autres intrants utilisés. Dans certains cas, il est apparu que des systèmes hautement perfectionnés utilisés pour la production d'œufs, de larves et d'alevins ou l'engraissement, des "ensembles" de production autonomes ou des "unités clés en main", des espèces mal connues ou autres éléments peu familiers créaient de grandes difficultés. Ces systèmes, dans la mesure où il est généralement nécessaire d'importer des pièces de rechange et des fournitures ou de faire venir des experts pour assurer leur bon fonctionnement, peuvent s'avérer non viables à long terme. Il faut souligner que, si l'utilisation d'espèces non indigènes aux fins d'élevage est une option qui doit être examinée avec grand soin, elle peut se justifier, par exemple si elle peut contribuer à la sécurité alimentaire; en ce cas, cela suppose que ces espèces soient facilement commercialisables, que leur élevage dans des systèmes d'exploitation adaptés aux particularités locales soit parfaitement maîtrisé et qu'il n'y ait pas d'espèces ou de variétés indigènes convenables.


Page précédente Début de page Page suivante