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Valeurs, opinions et aménagement des forêts domaniales en occident à la fin du XXe siècle

J.J. Kennedy, M.P. Dombeck et N.E. Koch

James J. Kennedy est professeur au College of Natural Resources de l'Université d'Etat de l'Utah, Logan, UT 84322-5215, Etats - Unis.

Michael P. Dombeck est Chef du Service forestier du Département de l'agriculture des Etats - Unis (USDA). Washington (Etats - Unis).

Niels Elers Koch est professeur et directeur de l'Institut danois de recherche sur les forêts et les sites, Hoersholm (Danemark).

Note: Cet article est tiré d'un rapport de Kennedy et Dombeck intitulé The evolution of public agency beliefs and behaviour towards ecosystem - based stewardship, qui a été présenté à la Conférence sur la mise en place d'un cadre scientifique et social pour la gestion des terres et des eaux fédérales basée sur les écosystèmes, 7-14 décembre 1995, Tucson, Arizona (Etats-Unis). Il a été financé par le Bureau of Land Management de l'USDA, dont M.P. Dombeck était, à l'époque, directeur par intérim et J.J. Kennedy, son assistant spécial (en congé sabbatique de l'Université d'Etat de l'Utah) et par la station d'expérimentation agricole de l'Université d'Etat de l'Utah (projet 712 McIntire - Stennis), ainsi que par des subventions du Service forestier de l'USDA.

Analyse des concepts existants et émergents à la base des politiques de gestion des forêts domaniales.

Les forestiers et autres professionnels de formation scientifique ont héroïquement commencé le XXe siècle en se faisant les gardiens publics de la planète dans les sociétés industrielles émergentes d'Europe et des Etats - Unis (Weber, 1947; Veblen, 1963). Les forestiers aux Etats - Unis et leur leader charismatique, Gifford Pinot, ont pris pour modèle leurs collègues européens. Ils ont joué un rôle important dans le mouvement progressiste des Etats - Unis, aspirant à un pouvoir et à une pureté scientifiques au-dessus de tout intérêt personnel et politique, et recherchant louablement le bien public dans les forêts comme leurs collègues progressistes l'ont fait dans les hôpitaux, les écoles et les laboratoires (Hais, 1959; Forme, 1962).

Vers le milieu du XXe siècle, les forestiers en Europe et aux Etats - Unis étaient convaincus et fiers à juste titre de leur contribution aux économies et aux écosystèmes de leurs nations (Greeley, 1951; Hasel, 1971; Steen, 1976; FAO, 1989). Ils offraient au monde des valeurs, des convictions et des systèmes de gestion axés sur la conservation à rendement soutenu visant à fournir des apports sûrs en bois et autres ressources aux pays industriels et urbanisés en plein essor (Hays, 1959; Hummel, 1984; Wiersum, 1995).

Alors que notre siècle touche à sa fin, le monde occidental est à nouveau engagé dans une grande transition socio-économique qui le portera vers une économie et une société urbaines et postindustrielles globales (Drucker, 1986; Reich, 1991). Contrairement au début de ce siècle, il règne un scepticisme considérable parmi le public qui réévalue la position noble et idéaliste des professionnels des forêts, de la justice ou de la médecine - en particulier aux Etats - Unis (Rolston et Coufal, 1991; Nelson, 1995; Hess, 1996). Nombreuses sont les politiques et pratiques traditionnelles de gestion des forêts domaniales et des ressources naturelles remises en question. On exige des personnes s'occupant de l'administration des écosystèmes forestiers (en particulier de ceux du domaine public) qu'elles adaptent leurs valeurs professionnelles et concepts de gestion à la diversité, la complexité et l'interdépendance grandissantes des systèmes écologiques et humains, afin d'être aussi efficaces sur le plan sociopolitique et environnemental que par le passé (Knight et Bates, 1995).

Le présent article offre un vaste tableau des concepts clés existants et de ceux naissant à la base de la gestion des forêts domaniales (et de multiples autres ressources naturelles). Bien qu'axées sur l'aménagement des forêts publiques et sur les forestiers, nombre des observations exposées dans cet article s'appliquent également à la gestion publique et privée de la faune et de la flore sauvages, des bassins versants, des parcours, à l'aménagement des fonctions récréatives ou de l'environnement en général, et aux professionnels qui s'en occupent (Kennedy, Fox et Osent, 1995).

Modification des perceptions et des paradigmes dans les concepts traditionnels de gestion des forets et des ressources naturelles

L'évolution des rôles de protecteurs et de fournisseurs des administrateurs des forêts domaniales

Une raison pour laquelle les forestiers et les autres professionnels s'occupant de ressources naturelles sont si sensibles à la critique sociale dépend de leurs rôles souvent conflictuels dans l'aménagement polyvalent des terres domaniales. En effet, ils sont à la fois des protecteurs des ressources à long terme et des fournisseurs de biens et de services (Koch et Kennedy, 1991; Hytoenen, 1995). La figure illustre l'évolution générale des rôles des responsables des forêts publiques en Europe et aux Etats - Unis et les concepts de gestion (par exemple à rendement soutenu ou basée sur l'écosystème) qui s'efforcent de relier et d'équilibrer ces tâches souvent en conflit.

Logo du United States Bureau of Land Management dans les années 50

FIGURE Evolution des rôles des administrateurs de ressources publiques et concepts de gestion fondamentaux - accent sur les forêts et les parcours

Le rôle de protecteur (voir figure, en haut) consiste à assurer une production maximale du site à long terme (c'est-à-dire le débit maximal de biens et de services), dans les limites des contraintes du rendement soutenu. Ce rôle se réoriente aujourd'hui vers une gestion s'inscrivant dans une optique plus intégrée et axée sur des écosystèmes forestiers durables et sains, prenant en compte les avantages polyvalents, c'est-à-dire le rôle de fournisseur (figure, en bas) qu'ils peuvent offrir aux générations actuelles.

Le concept de rendement soutenu était à la base des premiers mouvements de conservation du monde occidental (Wiersum, 1995); ce rôle prônait une utilisation de la forêt par la société en fonction du maintien de la productivité de la ressource à long terme pour les générations futures (figure, au milieu). En 1804, Hartig (chef de l'Administration forestière prussienne, Berlin) ordonnait à ses forestiers de gérer les forêts afin de «... les exploiter au maximum, tout en s'assurant que les générations à venir puissent en tirer au moins les mêmes avantages que la génération actuelle» (Schmutzenhofer, 1992, p. 3). «La nouvelle foresterie» (Kessler et al., 1992) et la gestion durable basée sur l'écosystème aux Etats - Unis (Bureau of Land Management, 1994b; USDA, 1994; Council for Environmental Quality, 1995) et l'administration polyvalente intégrée du même ordre (Saastamoinen et al., 1994; Hytoenen, 1995), ainsi que la gestion durable des écosystèmes forestiers en Europe (Koch, 1991; ONU, 1993. Gouvernement danois, 1994) vont désormais au-delà de ce concept central de production à rendement soutenu. Garantir des écosystèmes forestiers sains et durables est désormais considéré comme un point focal du processus de gestion, plutôt que comme une restriction des flux de production à rendement soutenu (Kennedy et Quigley, 1993).

Les forêts du monde occidental ont généralement été considérées du point de vue de leur gestion comme des objets de production de biens et services pour leurs propriétaires/utilisateurs - en Europe, elles appartenaient initialement à la noblesse, avant de s'étendre à de plus vastes catégories de la société (Fritzboeger et Soendergaard, 1995; Stridsberg, 1984). Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, commencent à se rendre compte que nous dépendons tous des écosystèmes forestiers pour toute une série de biens et services utilitaires, tout comme en dépendent notre identité sociale et spirituelle (en tant que bûcherons, randonneurs, ornithologues amateurs, chasseurs ou forestiers) et autres valeurs sociales (Koch et Kennedy, 1991) moyennant des relations culturelles variées et changeantes entre la forêt et l'homme (Harrison, 1992, Fernand, 1995). Pourtant, la gestion durable des écosystèmes forestiers est lois d'être un concept communément admis et réalisable (Dixon et Fallon, 1989; Conseil du Président sur le développement durable, 1996). Nous estimons que la nécessité d'un développement économique et d'une gestion des écosystèmes - en théorie et en pratique - évoluant de concert dans cette direction au XXIe siècle est moins contestable (Shearman, 1990). Le monde occidental doit intensifier et améliorer ces nouvelles relations et ces nouvelles valeurs par la pensée, les enseignements à tirer d'autres cultures, les débats publics et l'engagement forestier sur place. Il s'agit d'un processus de sensibilisation en évolution, et nous espérons avoir atteint une maturité telle que la forêt peut être à la fois notre sujet d'enseignement et l'objet d'une gestion et d'une protection judicieuses de notre part.

Le rôle de l'administrateur des terres domaniales en tant que fournisseur de biens et services a lui aussi évolué et dépassé le stade des quantités produites. Aujourd'hui, on prend davantage en considération les résultats directs et indirecte et le service clients (par exemple, comment les qualités du produit et les résultats sont perçus par la population et quelle incidence ils ont sur elle). Aux Etats - Unis, à l'époque du mouvement de conservation des années 50, la plupart des «clients» des terres domaniales étaient des visiteurs rares et distants - en particulier à l'ouest et en Alaska. Les responsables des forêts contribuaient à fournir eau, grumes, saumons, bovins ou canards aux «clients» éloignés de «leurs» bases de ressources. Cette distance - voire parfois aliénation - des consommateurs a facilité une pensée de production mécaniste et une gestion orientée vers la ressource plutôt que vers le service aux clients ou la valeur sociale (Gluck, 1987; Koch et Kennedy, 1991; Kennedy et Thomas, 1995). La gestion des ressources naturelles de nos jours est bien plus un «sport de contact», car un nombre de plus en plus important et diversifié de consommateurs participe directement à l'utilisation et à la gestion des terres domaniales - ceux-ci viennent de plus en plus vers «nos» forêts et mettent à l'épreuve nos valeurs et notre gestion traditionnelles. Le chemin a été long et ardu pour les nombreux administrateurs publics qui sont passés du statut de protecteurs de ressources isolés à celui d'animateurs et de négociateurs ayant un engagement vis-à-vis de la clientèle (Fairfax et Achterman, 1977; Magill, 1988).

Nous imaginons que le rôle de fournisseur évoluera vers l'incorporation des concepts de résultats et de service clients dans une perspective de valeur sociale à court et à long termes (Kennedy et Thomas, 1995).

Plus que des opérateurs de ressources matérielles, les gérants des terres domaniales sont souvent des courtiers de valeurs sociales à même d'arbitrer les conflits - et ils le seront de plus en plus à l'avenir (Hytoenen, 1995; Kennedy, Fox et Osen, 1995). Plutôt qu'une simple administration d'écosystèmes, la gestion des terres publiques doit s'inscrire dans une perspective plus vaste de gestion durable et collaborative des systèmes (y compris les relations réciproques écologiques, socioculturelles et économiques). Le texte et les tableaux qui suivent approfondissent le thème de l'évolution de ces rôles et de ces concepts.

Transition du concept modèle - machine au concept organique d'aménagement forestier

Nombre de professionnels et d'organismes occidentaux de gestion des ressources naturelles ont du mal à adapter leurs valeurs et leur gestion au passage vers le XXIe siècle, précisément à cause des succès remportés durant le présent siècle (Clarke et McCool, 1985; Nelson, 1995; FAO, 1988; FAO, 1989). Ils sont généralement parvenus à garantir sur les terres domaniales des flux soutenus de bois, d'eau, de services récréatifs ou de biens et services de la faune et de la flore sauvages. Des organismes comme le Service forestier du Département de l'agriculture des Etats - Unis (USDA) n'ont cessé de se développer au cours des 80 premières années de ce siècle (taille, budget et appui sociopolitique). Il tout naturel qu'un organisme aussi fructueux durant l'ère industrielle ait développé une perspective de «modèle - machine» dans la conception et la gestion de ses forêts (et de leurs utilisateurs) et de ses employés (Taylor, 1957; Schiff, 1966).

TABLEAU 1. Comparaison entre le modèle - machine et le modèle organique

MODÈLE-MACHINE
Les 75 premières années du XXe siècle

MODÈLE ORGANIQUE
Fin du XXe siècle

Perspective: monde composé de systèmes simples et Indépendants

Perspective: monde composé de systèmes complexes, autonomes et hautement intégrés

Objectif: réduire la complexité des systèmes en isolant et en séparant las sous systèmes

Objectif: comprendre l'organisation et les processus Intégrés et interdépendants

Propose une perspective linéaire et de cause à effet do l'organisation des systèmes et processus

Etablit des systèmes de relations systémiques multiformes, a effets cumulés, cycliques et synergiques

Recourt à la logique déductive et à des modèles simples d'optimisation de l'efficacité

Recourt a une logique inductive et intégrative des modèles de simulation complexes et ouverts

Caractéristiques du modèle - machine

Le concept de modèle - machine envisage l'aménagement d'un point de vue plutôt simple, linéaire et segmenté, contrairement à la perspective émergente de modèle organique (Capra, 1983; Kennedy et Quigley, 1993):

De nombreux forestiers et autres gestionnaires de ressources naturelles formés durant les 75 premières années de ce siècle ont suivi le modèle - machine en s'efforçant de devenir des adultes et des professionnels respectés et rationnels. Ils ont appris à maîtriser un monde complexe et désordonné en l'éclatant en sous - systèmes distincts, rationnels et gérables.

Dans des organismes tels que le Service forestier de l'USDA, le concept de modèle - machine s'est manifesté de plusieurs façons, notamment:

· perception limitée des écosystèmes forestiers (par exemple, modèles de productivité et gestion simples des sites d'exploitation);

· gestion des forêts ou des feux (par exemple, plantations intensives, lutte contre les ravageurs des forêts ou engagement à «maîtriser les incendies avant 10 heures du matin.» [Schiff, 1962]);

· modélisation (par exemple, fascination pour la programmation linéaire qui a atteint son point culminant avec les modèles nationaux de planification forestière FORPLAN des années 80);

· concept dichotomique (par exemple, bois contre ressources non ligneuses, valeurs économiques opposées aux valeurs non économiques);

· structures organisationnelles des organismes (par exemple, hiérarchies du personnel ou responsabilités fonctionnelles à définition étroite);

· comportement organisationnel (par exemple, loyauté incontestée envers les supérieurs hiérarchiques, transferts fréquents des employés du Service forestier de l'USDA, sans trop d'égards pour le contexte familial [Kennedy et Thomas 1992]);

· relations avec le public (par exemple, «sensibiliser» le public non informé à l'aménagement rationnel et scientifique des forêts nationales [Brunson, 1992]);

· considérations simples sur les économies rurales et le rôle de la foresterie publique (par exemple, un flux soutenu de grumes fournira une stabilité de l'emploi à la communauté [Schallau, Maki et Beuter, 1969; Gomoll et Richardson, 1996]);

· scientifiques trop étroitement ciblés sur des recherches et projets souvent sans rapport avec les besoins de la société ou de l'aménagement (National Research Council, 1990).

Les forêts (et autres écosystèmes naturels) en Europe et aux Etats - Unis ont souvent été conçus et administrés comme les chaînes de production du premier modèle d'automobile d'Henry Ford (modèle T) (McGee, 1910). Des professionnels de plus en plus spécialisés recherchaient des relations et des solutions unifactorielles de cause à effet. On voyait généralement d'un mauvais œil la complexité et la diversité. A force de volonté et de rationalisation, les forestiers se sont efforcés de simplifier de façon déductive, de compartimenter et de dominer la nature (voir tableau 2). Avec les meilleures intentions, les forestiers ont souvent été formés à la rationalisation, l'objectivité et l'indépendance d'esprit pour être des «forestiers tout-puissants» (Behan, 1966) et des administrateurs passés maîtres en fait de modèle - machine - de même que de nombreux ingénieurs, physiciens et autres professionnels de l'époque.

Par exemple, la méfiance à l'égard de la complexité et de la diversité des écosystèmes forestiers concourait à une perspective de forêts assiégées par de multiples forces hostiles telles que le feu, les insectes, les animaux (daims ou bétail), voire l'utilisation humaine. Les forestiers se sont sentis appelés à protéger les forêts contre certaines de leurs dynamiques internes à l'écosystème et des forces externes d'entropie. Avec ces manières de voir simplistes, mécanistes et combatives, les forestiers ont souvent pensé être capables de maîtriser le chaos des incendies de forêt, les insectes et les maladies (et même les nombres et typologies croissants d'excursionnistes). Les nouveaux progrès technologiques et génétiques des années 50 sont venus s'ajouter à cette illusion. La forêt (et le reste du monde) semblait prévisible, gérable, nécessitant une main ferme. Les forestiers du milieu du siècle étaient en outre largement autorisés à fixer des objectifs et à choisir des options (moyens) de gestion en administrant les forêts d'Europe et des Etats - Unis pour le compte de la population. Etant donné les valeurs sociales de l'époque, leur administration était tout à fait satisfaisante, ce qui leur a valu le respect du public (Frome, 1962; Clarke et McCool, 1985).

Des modèles organiques plus complexes, variés et étroitement imbriqués sont nécessaires pour comprendre et pénétrer le monde global d'aujourd'hui qu'il soit écologique, économique ou sociopolitique. Cela ne veut pas dire qu'une pensée et une gestion ciblées, compartimentées, fondées sur un modèle - machine ne trouvent pas une utilisation quotidienne appropriée. Mais cette segmentée doit s'inscrire dans un contexte spatial et temporel de modèle organique plus englobant, qui intègre l'aménagement des forêts, de la faune et de la flore sauvages ou des activités récréatives dans un cadre écologique, socio-économique et politique de plus grande envergure et à plus longue échéance. L'élaboration et l'adoption de cette logique de modèle organique ne se produit pas sans embûches, périls ou incertitude - en particulier compte tenu du profil de nombreux décideurs forestiers (Magill, 1988; Kennedy, Fox et Osen, 1995). Mais, à moins d'être proches de la retraite leur devoir est de relever le défi.

TABLEAU 2. Écosystèmes forestiers et apparentés aux Etats - Unis et en Europe: du modèle - machine au modèle organique

MODÈLE - MACHINE
Les 75 premières années du XXe siècle

MODÈLE ORGANIQUE
Fin du XXe siècle

Les forêts (arbustes, vie sauvage ou rivières) sont souvent considérées et gérées comme des systèmes mécanistes

Les écosystèmes forestiers sont considérés davantage comme une «grande idée» plutôt que comme une «grande machine»

Les forêts sont composées de parties distinctes identifiables, aux dimensions et aux frontières claires

Les écosystèmes forestiers sont composés de sous systèmes interactifs, interdépendants aux contours flous(Roberts, 1995)

Accent d'abord sur la structure, puis sur les fonctions ou les forces interactives de la forêt

Ce qui était traditionnellement classé comme structure d'un écosystème revient fréquemment comme éléments d'un réseau de relations croisées dans l'écosystème Accent sur les fonctions et les forces interactives

Comprendre les différentes composantes de la forêt revient à comprendre le système enfler

Comprendre les interactions et les relations d'adaptation(réseaux et processus) Les modèles dynamiques, synergiques se rapprochent davantage des écosystèmes forestiers

Méfiance à l'égard de la complexité, de la diversité et de l'adaptabilité de la nature

Appréciation, respect et collaboration dans les desseins et les forces de la nature

Une foule de forces hostiles et chaotiques se cache dans et autour des forêts (bu, insectes, excursionnistes, barbares et prédateurs)

Les écosystèmes forestiers sont des systèmes ouverts qui se renouvellent automatiquement, habitués eux nombreuses forces que l'on pourrait percevoir initialement comme perturbantes et chaotiques

Les forestiers peuvent parfaitement comprendre et maîtriser les forêts (ainsi que leur population naturelle, les incendies ou les groupes d'utilisateurs).

L'écosystème et les systèmes sociopolitique et économique doivent taire partie intégrante de la formation des forestiers

Dans les années 90, la dynamique de questions d'environnement complexes et concomitantes (par exemple, le du Pacifique dans les bassins versants forestiers, le dépérissement terminal des forêts en Europe et le réchauffement de la planète) et la mise au point de nouveaux concepts et disciplines intégrateurs (par exemple, protection des sites [Botkin, 1990; ONU, 1987]) ont contribué à élargir et à assouplir les frontières traditionnelles de la foresterie, des ressources naturelles et de la gestion de l'environnement.

Le tableau 2 résume et compare les écosystèmes forestiers selon le modèle - machine et le modèle organique. Le tableau 3 applique les retombées de ces perspectives à l'aménagement forestier et aux rôles des administrateurs de forêts domaniales. Ces deux tableaux ne sont pas censés représenter des dichotomies polaires, mais ne tracer qu'une partie du continuum de la gestion publique des forêts. Ils constituent un cheminement vers une prise de conscience et une confiance accrue parmi les responsables forestiers sur leur capacité d'honorer et d'englober des systèmes écologiques plus complexes et variés et des systèmes socio-économiques ou politiques étroitement liés.

Évolution des rôles et des relations d'aménagement des ressources forestières publiques: les organismes et les forestiers

La plupart des services forestiers publics en Europe sont nés dans le cadre de l'armée du roi qui protégeait la chasse et les droits fonciers de la noblesse (Fritzboeger et Soendergaard, 1995). Le Service forestier de l'USDA, fortement influencé par le Service des forêts prussiennes, a absorbé une grande partie de ses valeurs, de son organisation et de son fonctionnement (Twight, 1983; 1985). Premier grand organisme américain de conservation, il a servi de modèle d'organisation général pour la conception future du National Park Service ou du United States Fish and Wildlife Service (Clarke et McCool, 1985).

Durant les deux premiers tiers de ce siècle, les organismes de gestion des forêts et des ressources naturelles aux Etats - Unis se sont généralement concentrés sur les lois et réglementations, le transfert de technologie, le contrôle des conditions d'utilisation, le développement des infrastructures et la planification stratégique ou le perfectionnement des compétences technologiques pour gérer les forces d'entropie externes. Les hiérarchies patriarcales du personnel d'exécution, les classifications des postes et les critères de promotion rigides, l'autorité centralisée ou l'austérité budgétaire ont été des moyens de combattre l'entropie organisationnelle interne (Schiff, 1966). Cet héritage de valeurs et de convictions a souvent donné naissance à des cultures d'organisation très ciblées, concertées et réussies - selon les paramètres traditionnels des années 50 et 60 (voir tableau 4). Le Service forestier de l'USDA, par exemple, a rédigé l'essentiel de sa propre législation jusqu'à la promulgation du Wilderness Act de 1964 et du National Environmental Policy Act de 1969. D'après ces indices de référence des résultats organisationnels, que ce soit le respect du public (Frome, 1962), la loyauté et la cohésion des employés (Kaufman, 1960; Kennedy et Thomas, 1992), l'influence politique (Gulick, 1951; Culhane, 1981; Clarke et McCool, 1985) et l'efficacité (Gold, 1982), le Service forestier de l'USDA a obtenu un succès confirmé. Il en a été de même pour d'autres organismes de gestion des ressources forestières d'Europe et des Etats - Unis, tels le Bureau of Land Management, la Commission forestière du Royaume-Uni et les Services forestiers suédois ou danois à la fin de l'ère industrielle occidentale (vers 1970). Pourtant le revers de cette efficacité fondée sur un modèle - machine devait être une grande difficulté à reconnaître et à s'adapter aux nombreuses transformations sociopolitiques qui ne tarderaient pas à se produire lors de la transition socio-économique urbaine, postindustrielle (Reich, 1962; Hultman, 1984; Brunson et Kennedy, 1995). Occupés à combattre les forces hostiles internes et externes, les administrateurs de ressources naturelles se détachaient parfois de la terre, de leurs collègues, et des utilisateurs ou autres segments de la société. Aujourd'hui, nombre de ces hypothèses, valeurs et opinions traditionnelles sont remises en question.

TABLEAU 3. La gestion et les administrateurs des forêts en Europe et aux Etats - Unis: du modèle - machine au modèle organique


MODÈLE-MACHINE
Les 75 premières du XXe siècle

MODÈLE ORGANIQUE
Fin du XXe siècle

Perspective d'aménagement commune

Optimisation à rendement soutenu (axée sur les résultats) du bois, du gibier ou du fourrage et efficacité économique sont la norme (Wiersum, 1995)

Systèmes forestiers et sains (axés sur les méthodes) au service de valeurs sociales internes et externes au marché en pleine évolution (Dixon et Fallon, 1989)

Les plantations de conifères à gestion intensive sont le summum du contrôle et de l'efficience

Forêts diversifiées, multiformes et polyvalentes (y compris les plantations), bassins versants et écorégions pour des valeurs sociales différentes en évolution

Le forestier doit héroïquement protéger les forêts des forces hostiles d'entropie (feu, insectes, compétition végétative, politique ou usages récréatifs), aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la forêt

Les forestiers et autres administrateurs des forêts peuvent faire en sorte que les écosystèmes soient suffisamment sains et robustes pour s'adapter aux nombreuses utilisations et forces

Les forêts sont des objets à utiliser, à contrôler et à aménager pour la production de biens/services pour l'homme

Ecosystèmes durables et sains comme objets de valeur et de respect dans les relations utilitaires, symboliques et d'identité avec les êtres humains et leurs cultures

Fascination des technologies de la nouvelle ère industrielle (machines, produits chimiques, programmation linéaire, génétique, etc.)

Reconsidérer l'équilibre technologique dans l'innovation, l'efficacité de gestion et l'utilisation des ressources

Ere d'aménagement: flux paternaliste principalement à sens unique de contrôle des forestiers sur la forêt et autres forces «externes» (y compris les utilisateurs)

Les forestiers en partenariat (avec les forêts, avec des collègues de toutes disciplines et avec le public) dans une gestion collaborative socio-économique, écologique

Le monde est prévisible: il faut être brillant, rationnel, planifier, modéliser et exercer l'autorité

Le monde n'est pas si prévisible: il faut être ouvert, conscient, expansif adaptable

Modèle de croissance économique/développement: multiplier le capital, accroître l'utilisation des ressources, produire davantage (Rasker, 1994)

Evolution vers des perspectives de durabilité et de qualité de la vie de la communauté (Hyman, 1994)

Image du forestier qui se respecte

Ere des forestiers durs, indépendants, tout-puissants (Behan, 1968) et autres héros professionnels (Hess, 1996)

Ere des équipes interdisciplinaires partage du pouvoir et diversité des forestiers reflétant la diversité nationale

Gestion paternaliste: le responsable est un expert forestier attentionné, bien informé et bienveillant

Gestion en collaboration: les forestiers facilitent un processus démocratique plus ouvert de participation populaire, de service clients et de collaborations vastes et diverses Gérer les écosystèmes forestiers en collaboration avec la forêt et les habitants

Professionnel objectif, formé aux sciences naturelles et, éventuellement, à l'économie

Sciences naturelles traditionnelles équilibrées et renforcées avec philosophie, sciences sociales ou sciences de la communication

Tendance à se spécialiser dans des sous-systèmes écologiques ou forestiers, souvent dans des organismes distincts

Spécialisation doit être reliée et validée dans des systèmes opérationnels écologiques, politiques et socio-économiques de plus grande envergure

Perspective temporelle

Objectifs d'exercices financiers, horizons de projets ou rotation des peuplements

Comprend perspective plus vaste, à plus longue échéance, des conditions futures souhaitées

Perspective spatiale

Accent sur les peuplements forestiers

Essor vers des dimensions spatiales d'écosystème, de cadre naturel et d'écorégion

Accent local et régional

Perspective régionale, nationale, mondiale

Les changements intervenus dans les organes de gestion des ressources naturelles en Europe et aux Etats - Unis ressortent aujourd'hui clairement dans de nouvelles manières d'envisager ces organismes (Bureau of Land Management, 1994a; Gouvernement danois, 1994; USDA, 1994): un fonctionnalisme réduit de la structure, des systèmes budgétaires ou des critères de promotion; des employés publics plus nombreux et plus diversifiés participant à la planification, à la gestion et à la surveillance forestières; et des évaluations des valeurs environnementales et sociales comprises dans les écosystèmes forestiers appartenant à plusieurs régions ou à plusieurs Etats (ONU, 1987; 1993).

L'ouvrage pionnier de Wheatley (1992) est une bonne base de départ pour imaginer de nouvelles orientations pour les cultures des organismes de gestion des ressources naturelles au cours du prochain siècle. Senge (1990) et Kofman et Senge (1995) offrent une application pragmatique élargie de ce nouveau mode de pensée organisationnelle axée sur le système et sur un modèle organique. Le tableau 4 applique ce concept aux professionnels et aux organismes de gestion des ressources naturelles.

Les forestiers

En 1950, la quasi - totalité des administrateurs de forêts domaniales étaient des forestiers (voir section finale du tableau 4). Aux Etats - Unis et en Europe, on trouve, aujourd'hui, de nombreux types de spécialistes participant à la recherche, à la planification, à la gestion et à la surveillance (par exemple, pédologues, écologistes, architectes paysagistes, sociologues ou organisateurs de loisirs). Bien qu'une dynamique saine à la base de la diversification des effectifs (discipline, sexe ou origine ethnique) puisse aider à éviter la myopie et la rigidité de la «pensée de groupe» des organismes (Kennedy, 1987; 1988; Thomas et Mohai, 1995), il faut reconnaître les risques de mauvais fonctionnement inhérents à cette diversité. Aux Etats - Unis, dans les organismes polyvalents, les spécialistes du bois, des minéraux, des parcours ou des structures se retrouvent souvent à devoir combattre avec leurs collègues experts des espèces sauvages, des loisirs ou de l'écologie.

TABLEAU 4. Evolution des conceptions, valeurs, structures et comportement des organismes de gestion forestière (et autres ressources naturelles) en Europe et aux Etats - Unis


MODÈLE - MACHINE
Les 75 premières du XXe siècle

MODÈLE ORGANIQUE
Fin du XXe siècle

Conceptions, valeurs et opinions fondamentales

Impératif antientropie: élaboration, contrôle et gestion des forces perturbantes et chaotiques à l'intérieur et à l'extérieur des organismes de ressources forestières

Organisation ouverte, accueillante adaptative: personnes travaillant en tant que partenaires adaptables peuvent répondre à des mondes internes et externes légitimement complexes et changeants

Ere de conservation des forêts: peur de la vulnérabilité qui s'est souvent traduite par une attitude de combat «nous contre le reste du monde» envers la complexité et la dynamique de la nature humaine et du système naturel légitimes

Ere de conservation fondée sur la collaboration: respect, coopération et adaptation aux nombreuses forces externes(feu, insectes, utilisateurs ou politique locale) et internes(diversité professionnelle par sexe ou par groupe ethnique, réduction des budgets ou besoins de soins aux enfants)

Foi exagérée en la science et les scientifiques pour éclairer le chemin de la foresterie publique et faire apparaître des réponses menant aux objectifs fixés

Science et scientifiques représentent des valeurs et des compétences nécessaires pour tracer la perspective globale des organismes ou pour identifier, évaluer, appliquer et suivre la planification et la gestion

Avec des connaissances et des technologies adéquates, la plupart des forêts et du monde sont prévisibles: il faut être intelligent, rationnel, modéliser, planifier et exercer le contrôle

La nature et le monde moderne ne sont pas totalement prévisibles: il faut être ouvert, conscient, expansif et adaptable

Buts traditionnels de conservation: accent sur les résultats forestiers, sur le développement économique et les utilisateurs des produits (par exemple, bûcherons)

Vision et objectifs plus larges et plus englobants

Les organismes épousent les valeurs de conservation tout en récompensant la loyauté à l'organisation, la productivité et le comportement maintenant la hiérarchie(Kennedy et al., 1992)

Reconnaître et s'efforcer de récompenser la recherche des valeurs fondamentales des organismes (Farnham et Mohai, 1995)

Schéma et structure d'organisation

Organisation du personnel (Twight, 1985) et gestion scientifique (Schiff, 1966) rigides

Rigidité hiérarchique s'assouplit: partage du pouvoir avec des collègues et partenaires d'autres équipes(interinstitutions et public)

Ere de l'information et de la sensibilisation: contrôle à sens unique des supérieurs hiérarchiques sur les ressources, les employés et le public

Ere de gestion et facilitation: dialogue et planification/ gestion durable entre les collègues de diverses disciplines et le public (Shearman, 1990)

Seuls les forestiers doivent s'occuper de l'aménagement forestier

Les administrateurs des forêts sont un mélange de biologistes naturalistes, économistes, pédologues, écologistes, architectes paysagistes, forestiers ou autres.

Spécialisation grandissante et souvent, isolation et aliénation des spécialistes (par exemple, Kennedy, 1987)

Reconnaissance de vastes compétences en matière d'environnement, de différentes sciences sociales et d'aptitudes humaines, et intégration des spécialistes dans des équipes

Buts de production du sommet vers la base

Davantage d'autonomie au niveau de la communauté de la base vers le sommet dans la planification et la gestion

Modèles centralisés, techniques, de programmation linéaire entraînant priorités et planification

Consensus et résolution des conflits au niveau de la communauté dans les équipes de planification et de consultation

Processus et comportements organisationnels

Puissance mystique professionnelle: gérer «pour le bien de la ressource forestière» (Duerr et Duerr, 1975). Les forestiers reconnaissent «le bien» quand ils le voient

Courtier en valeurs sociales et animateur - gestion au nom des valeurs sociales à court et à long terme (Kennedy et Thomas, 1995) de systèmes écologiques, socioculturels et économiques durables

Gestion paternaliste: expert forestier (ou biologiste naturaliste, garde forestier ou autre expert) attentionné, conscient, sage, bienveillant qui administre les terres publiques pour la population

Gestion en partenariat: administrateurs facilitant un processus plus ouvert, démocratique de participation populaire, service clients et collaborations diverses

Mise en oeuvre de lois et de procédures bureaucratiques de plus en plus complexes

Exigence de simplifier, humaniser et faciliter les réglementations et les législateurs

Type de machine efficace pour l'exploitation des plantations forestières de pins exotiques qui était largement admis en Nouvelle - Zélande dans les années 70...

La première partie du tableau 4 fait remarquer la confiance exagérée accordée aux scientifiques et aux administrateurs à formation scientifique dans la conception à la fois des objectifs des forêts domaniales et des techniques de gestion efficaces pour les atteindre. Certaines organisations, notamment les services forestiers des Etats - Unis, de Suède ou de Grande-Bretagne, se sont souvent comportées comme des aristocraties scientifiques et technologiques, dotées de plans bien conçus assistés par ordinateur pour transformer les écosystèmes forestiers (et autres) en systèmes forestiers polyvalents, à gestion intensive, accessibles aux véhicules et producteurs de bois. Ces plans forestiers fondés sur le modèle - machine étaient adaptés aux valeurs sociales occidentales des années 50 et 60, mais ne l'étaient déjà plus dans les années 70 et 80, et ont contribué à provoquer de graves heurts entre les valeurs sociales de l'ère industrielle et postindustrielle.

... mais pas pour l'exploitation des forêts naturelles

Aujourd'hui, les forestiers et les responsables des écosystèmes forestiers adoptent un rôle plus orienté vers l'animation et la négociation pour aider les citoyens d'une démocratie à mettre au point des objectifs à long terme pour les forêts domaniales et des paramètres généraux de gestion (par exemple, normes claires de conception et d'exploitation) grâce auxquels les spécialistes prennent des décisions opérationnelles à court terme (par exemple, participation de conseils d'usagers, récemment institués dans tous les Districts forestiers danois). D'un mode traditionnel d'«information et de sensibilisation» par lequel ils géraient les forêts pour le public, les professionnels administrent désormais les écosystèmes forestiers et les communautés d'intérêts avec le public (tableau 4, sections 2-3). Les responsables des écosystèmes abandonnent leur position d'aristocrates spécialisés pour céder la place à celle de fonctionnaires au service du public (Magill, 1988), n'oubliant pas que la plupart des actionnaires des forêts domaniales doivent encore naître.

Conclusions

Pour obtenir de bons résultats au XXIe siècle, il ne suffira probablement pas aux spécialistes et aux organismes publics de gestion des écosystèmes forestiers de se réinventer sous de nouvelles formes et avec de nouvelles orientations de clientèle. Cela nécessitera une transformation plus profonde et plus radicale et une pensée mieux orientée vers les systèmes intégrés. Kofman et Senge (1995) ont constaté que pour provoquer des changements dans des entreprises comme Ford ou IBM, il faut qu'elles aillent puiser au plus profond d'elles-mêmes et dans leur héritage culturel occidental afin de créer des normes et des formes de pensée, d'entendement et de comportement organisationnels fondamentalement nouvelles. Ces auteurs sont d'avis qu'il faut adopter un nouveau mode de pensée et un comportement de modèle organique pour corriger les dysfonctionnements structurels naissant de: i) la pensée fragmentée et la résolution univalente des problèmes; ii) la glorification de la compétition; et iii) les comportements héroïques et réactionnaires des administrateurs.

La gestion durable des écosystèmes est une orientation prometteuse vers les terres et les eaux publiques de modèle organique que les Etats - Unis et l'Europe poursuivent sous différentes appellations et formes. Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une évolution logique et de la maturation des valeurs et des concepts traditionnels d'aménagement polyvalent à rendement soutenu (Wiersum, 1995). Cependant, la gestion durable des écosystèmes devrait être considérée comme une voie évolutionniste à long terme (et non pas un objectif fixe et défini). Ce mode de gestion basée sur l'écosystème s'établissant dans une perspective ouverte et à long terme est également compatible et concomitante avec la création des «organisations d'apprentissage» de Senge (1990).

Les nouveaux modèles que nous préconisons, avec Senge (1990) et d'autres, sont un changement énergique et fondamental de pensée et de comportement organisationnels. De même que pour la modification du paradigme de physique quantique dans l'ordre scientifique de Newton (Capra, 1983), ces changements sont si profonds qu'ils auront besoin d'une ou deux générations pour s'imposer. Comme dans la gestion fondée sur l'écosystème, la transition vers des cultures d'organismes à modèle organique nécessitera de la foi, de la persévérance et une capacité d'adaptation à mesure que les organismes d'aménagement des ressources forestières et naturelles s'orienteront:

· D'une conservation de protection vers... une conservation de collaboration;

· Des bureaucraties paternalistes vers... des organisations de partenariat;

· Des hiérarchies patriarcales vers... des équipes interdisciplinaires ouvertes et adaptatives;

· Des spécialistes de pensée linéaire vers... des intégrateurs synergiques;

· Des responsables axés sur les résultats vers... des administrateurs de valeurs sociales;

· Des fonctionnalistes techniques vers... des animateurs de gestion axée sur l'écosystème.

Nous estimons que les transformations socio-économiques et politiques (Bennis, 1966; ONU, 1987; 1993; Knight et Bates 1995) continueront à entraîner les valeurs et les opinions de conservation des forêts vers un modèle organique de pensée et d'application (telle la gestion axée sur l'écosystème), même s'il subsiste des résistances vigoureuses au processus, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des professions et des organismes publics d'aménagement des ressources naturelles. Il nous faut délibérément et ouvertement tester et adapter ces opinions émergentes de modèle organique aux voix et aux groupes dissidents - même si nous ne voyons aucun avenir au XXIe siècle pour un modèle - machine fermé, étroit, à court terme, opposé à un modèle organique ouvert, systématique et complet, à long terme, dans les organisations de gestion des ressources naturelles - sans tenir compte des anciennes formes de pensée qui nous apparaissent familières et rassurantes.

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