Previous PageTable Of ContentsNext Page

Synthèse de l'atelier

Introduction

L'objectif de l'atelier était de faire le point sur l'utilisation de l'information spatiale pour la gestion des ressources en eau dans les pays en développement arides et semi-arides. Les communications présentées dans ce recueil ne prétendent pas traiter de manière exhaustive tous les thèmes associant la gestion des ressources en eau dans les pays en développement et l'utilisation des outils de traitement de l'information spatiale. Cependant, la richesse et l'éventail de ces communications montrent bien, dans ces pays, l'intérêt suscité par les applications hydrologiques associées aux nouvelles technologies de traitement de l'information géographique.

Les communications et débats de cet atelier ont porté essentiellement sur l'utilisation des données spatiales proposées par la télédétection satellitaire (basse résolution NOAA, haute résolution SPOT et LANDSAT), les photos aériennes et les modèles numériques de terrain (MNT). Les systèmes d'information géographique (SIG) ont également fait l'objet de communications soit pour des utilisations spécifiques, soit comme base de travail pour l'analyse des données issues de la télédétection. Les SIG sont utilisés pour la gestion d'informations spatiales, mais aussi pour l'aide à la compréhension et à la décision à travers des opérations simples (mélange de données, fusion, intersection de plans) ou complexes (modélisations hydrologiques).

Le partage par objectifs recoupe sensiblement les grandes lignes du programme de l'atelier et correspond aux deux thèmes majeurs:

· objectifs de connaissance globale ou locale de la surface de la terre pour une meilleure gestion des ressources en eau, ce que l'on peut aussi présenter comme un souci de décrire pour mieux gérer, notamment à court terme

· objectifs de modélisation, de compréhension et d'analyse des phénomènes hydrologiques, à savoir décrire pour comprendre et prévoir: quantifier, schématiser, valider.

Thèmes

Nombre de communications

Gestion des ressources en eau  
· approche régionale 8
· approche locale 6
Modélisation hydrologique  
· Caractéristiques hydrologiques des sols 8
· Bilan hydrique: l'évapotranspiration 4
· Modèles hydrologiques d'écoulement superficiel 7
Total pour l'atelier 33

Ces deux grands axes sont discutés ci-dessous. Les limites actuelles et améliorations pos-sibles évoquées dans les différentes communications et au cours des débats sont également présentées. Le tableau montre la répartition des communications en fonction de ces deux thèmes.

Thème 1: Gestion des ressources en eau

Un premier groupe de communications a porté sur les applications de la télédétection et des SIG à une échelle régionale ou locale et a montré des exemples d'application de ces techniques dans un cadre opérationnel. Les exemples montrent une grande diversité de possibilités: connaissances globales (à l'échelon du continent africain), appui à la décision et à la préparation de schémas directeurs, suivi régulier de grandes zones d'étude, ou au contraire informations sur des zones restreintes pour lesquelles ces techniques apparaissent comme une option fiable et reproductible.

L'analyse des diverses communications révèle un certain nombre d'objectifs assignés à la télédétection et aux SIG, que l'on peut classer ainsi:

Cartographie (caractérisation qualitative ou quantitative):

· limites entre zones (outil de segmentation de l'espace),

· liaisons entre zones,

· éléments linéaires (drains, fractures) ou objets surfaciques,

· éléments caractéristiques stables dans le temps (relief, occupation du sol), ou variables (végétation saisonnière, humidité température, ETo).

Connaissance nouvelle et suivi:

· connaissance rapide: cartographie en relation avec les risques naturels,

· changement de point de vue pour la description de l'espace: passage d'une information ponctuelle à une information régionalisée,

· connaissance objective et synoptique : observations uniformes sur un vaste territoire,

· intérêt majeur en zones dépourvues de cartes de base détaillées,

· suivi de phénomènes évolutifs et des changements.

Régionalisation:

· calcul de bilan régional ou global,

· extrapolation de résultats locaux.

Planification et gestion:

· inventaires, aide à l'établissement de schémas directeurs,

· archive (mémoire des événements) et constitution de chroniques

· gestion de grands ensembles, gestion des conflits.

Approche régionale: description et gestion globale de grands espaces

La description des grands ensembles intéresse trois niveaux d'information (Lointier):

· la cartographie précise des limites et une segmentation du paysage en zones homogènes. C'est l'utilisation classique des images de télédétection pour une détermination des objets ayant une signification hydrologique;

· la cartographie qualitative sur les relations d'échange d'eaux superficielles et souterraines entre zones. C'est le niveau de caractérisation des objets par leurs relations de voisinage, leurs dispositions relatives et leurs liens thématiques;

· la cartographie événementielle des réponses du milieu à des événements particuliers, donc une problématique de suivi.

Une communication (Aouni) présente l'interprétation analogique d'images LANDSAT puis le traitement d'images sur SPOT comme outil d'inventaire cartographique de ressources en eau de surface en Tunisie: plans d'eau, barrages, réseau hydrographique, limites des bassins versants, zones humides, ressources agricoles. Dans les zones tropicales humides, pour pallier la présence continuelle de nuages, l'utilisation d'images Radar semble préférable, malgré les informations relativement pauvres contenues dans une seule image. Cette solution s'enrichit par des méthodes temporelles.

L'intérêt des images satellite peut être mesuré par une compétition entre l'apport fourni par les images et l'ensemble des autres documents disponibles. Dans le cas de zones tropicales aux cartes incertaines et peu précises, les données satellitaires, même de faible précision, atteignent vite un niveau d'intérêt suffisant pour dépasser celui des données existantes. Dans le contexte de zones aux contours flous et variables (par exemple en zones tropicales humides), on note la difficulté de classification et la nécessité absolue d'une bonne campagne de mesures de terrain (Lointier).

L'utilisation des SIG pour la description d'une information régionale en vue d'une meilleure connaissance et d'une meilleure gestion (y compris des conflits en cas de ressources limitées) a également fait l'objet de plusieurs communications (Bousquet et al., Faurès, Killmayer). Sont présentés notamment:

· l'utilisation de données issues de la télédétection ou de données élaborées issues de croisements de plans multiples au sein d'un SIG,

· la relation entre unités hydrologiques et unités territoriales (division administrative ou politique du territoire), et les échanges hydrauliques entre unités territoriales,

· l'intégration dans un SIG de données issues de sources diverses, y compris les données de télédétection. Une application pratique est montrée pour le Sénégal (Killmayer). Elle concerne la mise à jour de la cartographie de casiers rizicoles dans un objectif de suivi à grande échelle des cultures et des aménagements. L'approche est simple, opérationnelle, et propose une méthodologie désormais classique en télédétection: classification et intégration dans un SIG pour le suivi annuel des cultures. Ce qui est montré peut être considéré comme une première étape d'une gestion des ressources en eau, par la mise au point d'un système de suivi et de connaissance annuelle des cultures rizicoles. Dans ce cas précis, la télédétection ne représente que 10% du coût total de la prestation globale ce qui la rend facile à intégrer dans le projet.

Approche locale

Plusieurs applications pratiques au niveau local ont fait l'objet d'une communication:

La détection des plans d'eau

La détection d'un plan d'eau sur une image satellitaire optique (SPOT, Landsat) est une des applications les plus aisées en télédétection: la radiométrie très faible de l'eau libre, en particulier dans le proche infrarouge, lui confère une séparabilité marquée par rapport aux autres thèmes de l'image. Une communication (Ousmane) montre un exemple de cette détection en zones de mauvaise connaissance cartographique avec deux idées fortes:

- la télédétection peut être un outil puissant à condition de l'utiliser conjointement aux autres données topographiques locales et connaissances hydrologiques: dans l'exemple décrit, le mélange d'informations de télédétection (images SPOT), climatologie (réseau au sol), et de connaissance du relief de la zone donne une méthode simple et opérationnelle pour calculer les cubatures de plans d'eau;

- la télédétection peut être utilisée comme mémoire permettant de reconstituer des chroniques d'événements. C'est un objectif original qui devrait prendre plus d'intérêt avec l'allongement des chroniques d'images disponibles (pour les images passées) et la possibilité pour l'utilisateur de commander la prise de vue dans des délais relativement courts (pour les images à venir).

La détection des fractures et leur intérêt hydrogéologique

Deux communications montrent la recherche de linéaments sur les images, comme révélateur de fractures géologiques, donc de potentialité d'exploitation des eaux souterraines. Deux aspects sont abordés:

- un aspect de cartographie des linéaments par images LANDSAT pour une thématique géologique (fractures) et hydrogéologique (implantation des forages). La méthode est classique en zone de socle à partir de photographies aériennes mais l'utilisation d'images satellitaires numériques est relativement nouvelle. Le traitement numérique des images permet d'utiliser la puissance des algorithmes de recherche des linéaments et évite, au moins partiellement, le caractère subjectif de la photo-interprétation;

- un aspect d'analyse: étude des fréquences et des liens entre forages et fractures par l'analyse de la productivité des forages en fonction de leurs distances aux fractures (par SIG) et de la direction des fractures. La détection des accidents tectoniques les plus productifs permet de guider ultérieurement le choix des nouveaux emplacements de forage. Ce point est tout à fait intéressant car il montre comment ces analyses, utilisant des SIG, permettent une utilisation pratique des résultats pour l'alimentation en eau des populations en augmentant significativement les chances de succès dans la recherche des forages à gros débit.

La délimitation des bassins versants

L'utilisation des modèles numériques de terrain (MNT) pour la caractérisation hydrologique des bassins versants prend actuellement beaucoup d'importance du fait de la facilité récente d'obtenir des MNT à coût raisonnable et avec des caractéristiques de précision correspondant aux cartes topographiques actuellement disponibles. La majorité des applications hydrologiques de ces MNT concerne le domaine des algorithmes de calcul, notamment pour la caractérisation des réseaux hydrologiques, des limites des bassins versants, des pentes, etc. Ce domaine algorithmique est à la fois valorisant et d'approche relativement aisée, d'où la multiplication des logiciels de ce type. Une communication (Bergaoui et Camus) montre l'utilisation du logiciel DEMIURGE élaboré à l'ORSTOM pour une caractérisation des potentialités d'érosion et la modélisation hydrologique en Tunisie. Le MNT sert à définir les pentes, le réseau hydrographique et les indices de Beven. Dans le cas de bassins petits et plats, cependant, les diverses communications traitant du sujet s'accordent à dire qu'il est difficile d'extraire correctement le contour du bassin versant et le réseau hydrographique à partir du MNT.

L'importance d'adapter le capteur aux objectifs

Un exposé (Puech et Carette), qui montre des résultats obtenus à partir de capteurs multiples pour des études locales en Afrique, est illustré par trois exemples: photo aérienne amateur, utilisation des photographies aériennes classiques et images satellite SPOT. L'important est d'avoir une bonne adéquation entre l'objectif de l'application, l'échelle de travail et le capteur: éviter de privilégier l'outil par rapport à la thématique et éviter l'acharnement numérique sur les images si elles ne contiennent pas l'information nécessaire. Le facteur coût doit également être intégré dans le choix du capteur utilisé. Les photographies aériennes et les images satellite sont en général des sources d'informations complémentaires à utiliser avec discernement.

La télédétection et la gestion de l'espace rural

Une communication (Patrick) propose d'intégrer les connaissances sur l'environnement à partir de deux sources complémentaires: la télédétection et la connaissance indigène détenue par les populations locales. La télédétection donne une vision à un instant donné, tandis que les populations locales intègrent une connaissance du terrain sur plusieurs années. La communication propose d'intégrer la connaissance indigène dans un système expert. Cette méthodologie, originale car elle essaye de combiner les informations globales avec les connaissances des populations, doit encore être testée avant que l'on puisse juger de sa faisabilité.

Thème 2: modélisation hydrologique et détermination des paramètres

Dans cette section, deux étapes fondamentales peuvent être distinguées: une phase de description et de cartographie, suivie d'une phase de modélisation. Dans l'ensemble des communications les objectifs décrits sont les suivants:

Phase de description et de cartographie

· détermination des caractéristiques hydriques des sols: cartographie quantitative de paramètres peu variables dans le temps (types de sol, végétation, cultures, états de surface et indices de ruissellement);

· détermination d'éléments du bilan hydrique: cartographie quantitative de paramètres variables dans le temps (humidité, évapotranspiration, température);

· segmentation objective de l'espace en unités hydrologiques.

Phase de modélisation hydrologique et de compréhension

· obtention d'information spatialement distribuée et utilisation comme support de modélisation;

· analyse des liens entre environnement et fonctionnement: recherche des mécanismes descriptifs du fonctionnement de l'environnement,

· analyse fine des comportements hydrologiques: intérêt nouveau pour le fonctionnement hydrologique interne au bassin versant.

Phase de description et cartographie

Caractéristiques hydrologiques des sols

Plusieurs communications décrivent les travaux réalisés dans le cadre du projet FAO pour l'estimation des débits en zone sahélienne, et notamment les essais effectués dans le cadre de l'utilisation de la télédétection pour une meilleure estimation des débits des petits bassins versants ainsi que les travaux de cartographie des états de surface au Sahel (Lamachère et Puech). Ces travaux partent de l'hypothèse que la région sahélienne est a priori favorable à la mise au point d'outils issus de la télédétection pour la compréhension de la genèse des débits du fait de particularités multiples: absence de cartes de base précises, faible relief, saisons tranchées, ruissellement de surface prépondérant. Plusieurs essais de liaison entre télédétection et hydrologie ont été effectués dans cette zone depuis 1985. La méthode décrite au cours de l'atelier est basée sur les principes suivants:

· une connaissance hydrologique élémentaire donnée par les états de surface type du Sahel, d'après une synthèse de mesures sur l'appareil simulateur de pluie (cases de 1 m²);

· une cartographie de ces états de surface à partir d'images satellitaires (LANDSAT TM) et de données de terrain spécifiques;

· une validation hydrologique à l'aide d'observations de terrain sur un ensemble de petits bassins versants sahéliens.

Les résultats permettent une cartographie raisonnable des potentialités de ruissellement, c'est-à-dire des ruissellements élémentaires à attendre de chaque pixel. Cette cartographie est un atout sérieux pour la comparaison des bassins versants et la hiérarchisation éventuelle des ruissellements élémentaires en termes d'écoulements globaux. Cependant, pour quantifier les écoulements à l'exutoire d'un bassin versant, la carte des potentiels de ruissellement ne suffit pas et le transfert des ruissellements de l'amont vers l'aval ainsi que la modélisation des écoulements dans les cours d'eau posent encore des problèmes qui sont loin d'être résolus. Pour utiliser la carte des potentialités de ruissellement à l'échelle des bassins versants, il est en effet nécessaire dans l'état actuel des recherches d'utiliser une fonction de calage. Les paramètres de cette fonction de calage ont été estimés et peuvent être utilisés pour le calcul des crues de fréquence décennale sur les petits bassins versants d'Afrique de l'Ouest.

Une communication présente l'utilisation du modèle pluie-débit mis au point par le Service de conservation des sols du Département de l'agriculture des Etats-Unis (USDA-SCS) à travers des nombres guides (CN: runoff curve number) pour définir les conditions d'écoulement (Colombo et Sarfatti). C'est la méthode la plus classique et la plus simple d'utilisation de la télédétection pour l'estimation des conditions d'écoulement. Cette méthode, mise au point aux Etats-Unis, est testée ici en Erythrée pour l'estimation des débits de crue puis les écoulements annuels. La démarche est simple, séduisante et très adaptée aux possibilités de la télédétection. Elle comporte deux phases: une phase de segmentation de l'image basée sur la télédétection et une phase d'attribution d'un paramètre global de comportement hydrodynamique (coefficient de production) utilisé ensuite au prorata de l'occupation du sol. L'extrapolation des méthodes de calcul pose le problème du choix des coefficients CN dans la mesure où ces coefficients sont utilisés dans un contexte différent de celui dans lequel ils ont été établis initialement.

Une autre communication s'insère dans cette même problématique d'une réponse hydrologique par unités de paysage considérées comme homogènes du point de vue hydrologique (Viné). La phase de segmentation de l'espace fait référence à des "hydro-paysages", et insiste sur les hypothèses des modèles et du choix de la segmentation. L'espace est découpé en unités de paysage regroupées selon un nombre limité de catégories d'occupation du sol. Ces catégories sont définies à partir de l'image. Le choix des catégories repose sur l'hypothèse d'une contribution hydrologique spécifique à chacune. En mettant en relation des réponses hydrologiques globales sur plusieurs petits bassins versants (aux pas de temps annuel, trimestriel et mensuel) avec les différentes catégories d'occupation du sol, la réponse unitaire de chaque catégorie est retrouvée par un schéma de déconvolution numérique, selon une technique désagrégative. Cette méthode d'analyse originale semble adaptée à la valorisation de la télédétection pour fournir une valeur globalisée de la réponse hydrologique par unité de paysage.

Toutes ces approches mettent l'accent sur les utilisations de la télédétection comme outil de segmentation de l'espace et sur l'utilisation de cette segmentation de l'espace comme phase initiale à la modélisation permise par les outils spatiaux tels que la télédétection, les SIG et les MNT.

Cartographie de paramètres variables dans le temps (bilan hydrique)

La télédétection est également présentée comme outil de cartographie de paramètres variables dans le temps (température, humidité) difficilement obtenus à partie des réseaux habituels de mesures ponctuelles. Cet aspect est particulièrement intéressant dans la mesure où il pose le problème du changement de vision par lequel on passe des mesures ponctuelles à des informations surfaciques élémentaires.

Deux communications écrites (Hurtado Santi et al., Chehbouni et al.) partent d'une cartographie infrarouge thermique et montrent l'utilisation de modèles théoriques dans les bilans d'échanges pour approcher l'évapotranspiration réelle (ETR) en utilisant la différence entre température radiative et aérodynamique. Les travaux sont appliqués à des régions semi-arides de l'Arizona, du Sahel et du centre de l'Espagne. La télédétection y est décrite comme instrument de spatialisation de l'information, le but de l'opération étant ici de produire des cartes d'ETR au niveau régional.

Enfin, une communication (Gineste) présente la contribution des données radar ERS à l'estimation de l'humidité du sol sur un petit bassin versant en France. Les résultats ne permettent pas de dresser des cartes d'humidité du sol car la calibration des images reste un problème majeur. Par contre ils permettent d'obtenir une vision relative de la dynamique et de la distribution spatiale de l'humidité sur le bassin versant. L'intérêt d'une telle approche réside donc surtout dans une visualisation des variations spatiales et temporelles d'humidité de surface définies par les modèles hydrologiques. Ces résultats peuvent être utilisés comme outils de validation de ces modèles.

Segmentation objective de l'espace - référence à la notion de zones hydrologiquement homogènes

La modélisation des écoulements ou la simple compréhension de l'environnement hydrologique fait une référence quasi systématique à l'utilisation de données spatiales comme outil de segmentation en zones homogènes. Même si ce recours n'est pas toujours exprimé comme tel, il est cependant présent dans la plupart des communications.

La télédétection et les SIG apparaissent comme l'outil par excellence pour segmenter l'espace. Pratiquement toutes les communications qui parlent d'utilisation de l'occupation du sol intègrent cette étape de segmentation. Certaines se contentent de présenter la méthode de segmentation et les résultats cartographiques sans passer à la phase de modélisation, lien avec le fonctionnement environnemental étudié.

D'autres communications proposent des réflexions sur le choix et la signification des zones homogènes: ces zones, homogènes sur les images (selon un aspect de vision), doivent aussi correspondre à des fonctionnements semblables vis-à-vis du thème étudié. Or on constate (Viné) que l'homogénéité visuelle n'est pas le garant d'une homogénéité de comportement.

Les données segmentées peuvent ensuite être introduites dans une modélisation qui est généralement l'objectif final: la segmentation de l'espace n'est souvent que l'étape initiale des applications de la modélisation.

Phase de modélisation hydrologique

Dans l'approche spatiale de la modélisation des écoulements, la séparation en deux phases apparaît donc nettement: segmentation de l'espace puis modélisation proprement dite. Au-delà de la mise en oeuvre de ces deux phases fondamentales, certaines communications se sont penchées sur leur construction elle-même, présentant ainsi un caractère de recherche et de mise au point méthodologique. Segmentation de l'espace et modélisation distribuée posent en effet des problèmes aigus de validité et de signification, car elles manipulent des plans multiples, ce qui se révèle à la fois excessivement aisé du point de vue informatique et excessivement incertain du point de vue de la signification et de la cohérence des résultats.

Modélisations hors SIG

Il s'agit de calculs hors de tout environnement SIG mais pour lequel les données de base sont spatiales.

Quelques résultats ont été montrés et décrits plus haut: les applications les plus efficaces sont les plus simples et les plus classiques: modèles de bilan hydrologique ou modèles SCS (Soil Conservation Service USDA) où à chaque occupation du sol est associé un coefficient d'écoulement.

Deux communications (Nonguierma et Dautrebande, Colombo et Sarfatti) présentent l'application de modèles simples de type SCS. La télédétection sert pour la segmentation en zones homogènes: une évaluation du CN par zones est proposée, basée sur l'occupation moyenne du sol, la quantification de l'écoulement étant au prorata de chaque zone homogène.

Une autre communication (El Idrissi et Persoons) utilise un schéma conceptuel simple (linéarité, permanence durant une averse des fonctions de production et de transfert) et efficace pour simuler les hydrogrammes de crues exceptionnelles pour le dimensionnement d'ouvrages d'art : l'organisation du modèle distribué (MHM) permet un calcul accéléré par rapport aux modèles distribués classiques car il utilise des classes de pixels en position isochrone par rapport à l'exutoire. Son application consiste en scénarios testant l'influence de l'évolution de caractéristiques physiques des bassins sur la modification du régime des crues.

On pourra noter aussi la référence à la modélisation TOPMODEL sur la base de la connaissance spatiale du relief (Gineste). Il s'agit d'un modèle conceptuel simplifié de nappe aquifère qui propose, pour le calcul des crues, une transformation pluie-débit basée sur la notion d'aires contributives variables (au cours de l'averse). Ces aires sont repérables par leur indice de saturation qui est fonction de la pente et de la superficie drainée à l'amont du point considéré. A partir d'un modèle numérique de terrain (MNT), on peut cartographier cet indice puis calculer sa distribution qui entre ensuite directement dans la modélisation. L'accès de plus en plus aisé aux MNT encourage l'utilisation de ce type de modèle, et valorise la prise en compte du relief dans les modélisations hydrologiques. En raison des hypothèses sur les processus élémentaires d'écoulement, son application est a priori restreinte aux zones humides ou tempérées.

Modélisations sous SIG

Des exemples de modélisations à base de données spatiales gérées au moyen de SIG sont montrés en termes simples (modèle de bilan hydrique régional construit avec un SIG à l'échelle continentale, Bousquet et al.) ou plus complexes (modélisations incluant des fonctions de transfert et de production, Faurès). Une communication (Perez et al.) présente le test d'un outil de modélisation distribué événementiel, le modèle ANSWERS qui travaille sous environnement GRASS (logiciel de SIG en mode image pour définir l'écoulement et l'érosion dans un bassin agricole. Le modèle nécessite la connaissance initiale de nombreux paramètres, dont plusieurs obtenus à partir des informations recueillies sur le terrain ou des images de télédétection, quelques paramètres étant obtenus par calage. L'application est simplifiée par l'utilisation directe d'un certain nombre de plans d'informations (relief, occupation du sol) dans la modélisation.

Dans le cas de mélange de plans issus d'un SIG se posent des problèmes de signification des résultats cartographiques obtenus, en particulier à propos des limites entre zones homogènes. Ce problème a été soulevé par les participants au séminaire: à la jonction des zones, les variations peuvent apparaître artificiellement brutales, alors qu'elles sont normalement progressives dans la réalité.

Bien que de nombreuses questions liées à la précision, à la validation et à la signification des traitements cartographiques sous SIG restent à résoudre, les résultats obtenus sont généralement plus précis, plus exhaustifs et plus aisés à exploiter que la simple compilation de mesures ponctuelles non systématiques. Même si des difficultés de fond subsistent, l'utilisation des SIG constitue une option intéressante pour l'extension, l'interpolation et l'extrapolation des observations ou pour le croisement de plans d'information de nature différente.

Conclusions

Modélisation hydrologique

Au-delà des résultats proprement dits, certaines communications ouvrent une base de réflexion sur des questions plus fondamentales et se penchent sur le lien entre modèles hydrologiques et données spatiales. L'analyse des écarts des modèles aux observations en zone sahélienne met en évidence la faible précision de ces dernières. Les outils spatiaux permettent de mieux prendre en compte les disparités locales. En particulier, la télédétection au sens large peut être utilisée comme une source explicative des écarts entre bassins versants à travers des représentations de l'occupation du sol ou du drainage. Elle permet d'étudier les bassins versants dans leurs détails. Toutefois, la plupart des modélisations hydrologiques utilisant la télédétection supposent l'invariance et la linéarité des processus, ce qui est loin d'être admis.

La télédétection est présentée comme outil de validation d'hypothèses. Les images radar, par exemple, peuvent aider à valider ou invalider les hypothèses sur la dynamique de l'humidité dans le bassin versant. Les comportements internes au bassin versant peuvent être expliqués par deux éléments spatiaux: la morphologie (d'où l'intérêt de l'utilisation des MNT en modélisation) et l'occupation du sol (d'où l'intérêt de la télédétection). De nombreux modèles utilisant soit l'un soit l'autre de ces outils ont été développés à différentes échelles.

Le lien entre paramètres descripteurs de l'espace et indicateurs hydrologiques est également un sujet d'importance. Il montre la difficulté d'association entre des objets visuels disponibles dans l'image et des objets requis par l'hydrologie car leur liaison est soumise à des exigences d'échelle: la description des processus hydrologiques change avec l'échelle. Ainsi, le choix des objets hydrologiques (zones homogènes) ne saurait être unique. Leur taille dépend des objectifs de l'étude et doit reposer sur un compromis entre la prise en compte des phénomènes physiques à la base de la compréhension des processus hydrologiques et les données de terrain disponibles pour le calage des modèles.

Dans le contexte sahélien, chaque échelle doit avoir son approche particulière. La cartographie des potentialités d'écoulement est possible à l'échelle du pixel en zones d'écoulement superficiel prépondérant (c'est le cas du Sahel) et permet une bonne comparaison des bassins versants entre eux. Mais en raison de la non linéarité des processus hydrologiques et de la difficulté relative à leur représentation à différentes échelles, le débit à l'exutoire d'un bassin versant ne peut être obtenu par simple sommation des ruissellements élémentaires obtenus sur les pixels: il faut alors travailler sur des objets hydrologiques de plus grande taille pour lesquels les mesures de ruissellement n'existent pas.

Les données issues de la télédétection et des MNT procurent désormais des descriptions spatiales presque continues, ce qui permet de s'intéresser à la variabilité interne au bassin versant et donc d'utiliser des modèles distribués pour simuler son fonctionnement hydrologique. Cependant, ceci met en évidence les difficultés de mise en oeuvre de ces modèles distribués: la connaissance actuelle des processus internes au bassin versant est insuffisamment développée pour que les données issues de la télédétection et les MNT puissent être pris en compte de façon véritablement utile. En effet, l'hydrologie dont le développement est antérieur à celui des technologies de collecte et d'analyse de l'information spatiale est maintenant mal adaptée à l'utilisation optimale des potentialités que représentent la télédétection et les SIG. Les méthodes empiriques développées pour l'estimation des débits de crues et des apports annuels utilisent à peine, et généralement sous une forme statistique, l'information spatialement distribuée. Un important travail de mise au point de nouvelles méthodes hydrologiques devrait être entrepris si l'on veut espérer pouvoir utiliser de la meilleure façon possible l'information géoréférencée.

Parallèlement se pose le problème du choix du modèle: modèle physique alimenté par les données spatiales, au calage difficile et donc fondamentalement instable, ou modèle conceptuel paramétrique avec calage plus aisé mais une difficulté plus grande d'expliquer le sens physique de ces paramètres.

Dans tout ce qui précède, des résultats positifs, plutôt encourageants, ont été présentés. Cependant, les techniques spatiales révèlent aussi un certain nombre de blocages, voire d'échecs. L'analyse de ces échecs est souvent très riche en enseignements. Elle alimente la réflexion et permet de mieux identifier les raisons de ces blocages. Les diverses communications et discussions ont ainsi évoqué plusieurs raisons qui peuvent être à la base de ces difficultés:

Des raisons techniques:

· vision limitée aux couches supérieures du terrain.

Des raisons liées à l'utilisation inadaptée des outils:

· désir de mettre au point des outils universels qui butte contre l'impossibilité de modéliser correctement les phénomènes naturels dans leur variabilité géographique;

· sous-estimation du rôle de la validation et des mesures de terrain;

· utilisation d'une technique en substitution d'une autre sans rechercher la complémentarité.

Des raisons de limitation méthodologique:

· développement rapide de l'informatique, associé à une avancée plus lente des méthodologies et des réflexions thématiques;

· approche surfacique qui correspond à des schémas de pensée nouveaux auxquels ne sont pas adaptées les méthodes traditionnelles de calcul;

· problèmes d'échelle et changement d'échelle aux conséquences mal gérées: sensibilité extrême des indicateurs aux échelles spatiales et temporelles, mélange abusif de documents d'échelles multiples;

· mauvais choix des indicateurs dits utiles.

Résultats opérationnels

Les diverses communications de l'atelier présentent d'une part des résultats opérationnels et d'autre part des réflexions générales sur les méthodes de traitement de l'information spatiale dans l'étude et la gestion des ressources en eau. Parmi les résultats opérationnels, on trouve essentiellement des applications cartographiques simples, la télédétection et les MNT procurant des informations cartographiques nouvelles, pertinentes et de qualité mesurable. On en déduit des possibilités énormes en terme de connaissance de l'environnement et de quantification surfacique de paramètres spécifiques. Beaucoup d'espoirs se portent également vers l'utilisation des SIG pour la gestion intégrée des nombreuses données spatiales. Par contre, les modélisations qui leur sont associées en sont encore au stade de la recherche.

L'opérationnalité des démarches est de ce fait très variable et peut être jugée à travers une grille de critères tels que:

· la région de travail (valorisation d'autant plus aisée que le milieu est peu ou mal connu);

· la connaissance préalable thématique pour la validation (importance des mesures de terrain, des observations sur bassins expérimentaux);

· la précision requise, déterminée par l'objectif de l'application;

· la simplicité de l'utilisation (simple vs complexe, opérationnel vs recherche);

· l'utilisation conjointe de la télédétection et des SIG des sources d'information classiques.

Blocages méthodologiques

La difficulté d'utilisation de ces nouveaux outils et de ces nouvelles données apparaît comme de moins en moins liée à la technique elle-même. Par l'évolution spectaculaire des outils, des données numériques et des logiciels disponibles, la cartographie et les traitements numériques ont connu un développement remarquable. La cartographie numérique conduit à des documents de qualité certaine avec des progrès suffisants pour ressentir un déséquilibre croissant entre technique et réflexions. La difficulté principale ne réside pas dans la production des cartes mais dans leur analyse, leur exploitation et leur interprétation en liaison avec des objectifs thématiques.

L'utilisation de la télédétection et des SIG pour l'étude des ressources en eau permet d'intégrer de façon de plus en plus détaillée les éléments du paysage dans les algorithmes de calculs. Leur utilisation efficace ne peut être obtenue que par une schématisation du réel. Aujourd'hui, les difficultés essentielles résident principalement dans cette schématisation ou modélisation. Il faut désormais orienter la recherche sur l'utilisation de l'espace à travers les notions d'objet et de liaisons entre objets.

Pour ce qui est de la télédétection par elle même, l'amélioration de l'utilisation ne doit pas seulement être attendue de meilleures spécifications techniques (une meilleure résolution par exemple) mais surtout d'une meilleure utilisation de l'information disponible. Bien souvent les résolutions potentielles deviennent trop fines par rapport à l'objectif et il faut envisager des dégradations d'images pour mieux atteindre l'objectif souhaité. La recherche de la résolution optimale, en relation avec l'objet d'étude, devrait être une préoccupation plus systématique et fondamentale et intervenir en préalable à l'application.

Beaucoup de travaux partent du postulat que l'on peut délimiter des zones homogènes du point de vue de leur comportement hydrologique. La difficulté réside non seulement dans le tracé des limites de ces zones mais également dans leur définition. En effet, il n'est pas aisé de choisir les critères à utiliser pour définir ces zones, sachant que l'homogénéité ne correspond pas à la réalité. Ainsi, à chaque type d'image on peut faire correspondre une segmentation de l'espace selon des unités homogènes définies sur des caractéristiques visuelles mais il faudrait s'assurer que cette segmentation de l'espace a également une signification fonctionnelle en liaison avec les processus étudiés.

D'autre part, la très grande facilité d'utilisation des logiciels de traitement d'image et des outils qui leur sont associés constitue un certain danger. Il est désormais possible de procéder à des classifications d'images de manière anarchique, sans vérification sur le terrain, sans contrôle et sans lien avec l'objectif thématique. Il est possible de croiser rapidement et de mélanger sans validation, sans contrôle ni réflexion, un grand nombre de plans de base ayant des échelles et des significations différentes. Un réel danger existe de se laisser emporter par la facilité des cartographies numériques et de ne pas avancer dans le champ de leur utilisation raisonnée.

Applications prometteuses

Parmi les applications les plus opérationnelles de l'utilisation des données issues de la télédétection figure leur intégration avec les SIG qui semble actuellement se répandre le plus vite, que ce soit pour le croisement de plans, comme outil de gestion spatiale de données multiples, ou pour l'aide à la gestion hydraulique d'une zone définie. Ces applications devraient continuer à se développer dans les prochaines années car les SIG permettent d'élaborer des documents cartographiques synthétiques, base de discussions entre acteurs et donc outils essentiels, par exemple, pour la gestion des conflits d'usages. Or, on sait qu'avec l'augmentation des usages de l'eau, le nombre de régions où cette denrée devient rare s'accroît également. Plusieurs communications sont témoins de ces préoccupations et présentent des exemples de mise en oeuvre d'un SIG pour la gestion des ressources en eau sur des bassins soudano-sahéliens (Traoré).

L'intérêt des données issues de la télédétection est aussi nettement affirmé pour la cartographie des paramètres variables des modèles hydrologiques, là où seules des données ponctuelles étaient disponibles autrefois (humidité, évapotranspiration, température). Il y a donc là, pour certains paramètres, une évolution dans la méthodologie de prise des données. D'autres exemples de modélisation de ruissellements à travers des modèles spatialisés donnent des résultats encourageants malgré toutes les incertitudes qui y sont encore associées. L'intérêt spécifique de ces données nouvelles a été montré en insistant notamment sur l'association entre les images de télédétection représentatives des états de surface et de l'occupation du sol et les MNT, représentatifs de la connaissance topographique des bassins versants.

Enfin, les images offrent désormais une mémoire surfacique des événements exceptionnels (inondations par exemple). Avec l'allongement des séries d'images d'archives, celles-ci peuvent également se concevoir comme des chroniques d'évolution du paysage ou des événements hydrologiques au même titre que les séries chronologiques de débits. Les applications liées à l'exploitation de ces données devraient connaître dans le futur un développement important.

Previous PageTop Of PageNext Page