Page précédente Table des matières Page suivante


L'Etude sur l'offre mondiale de fibres de la FAO: Contexte, méthode et modélisation du futur

G. Bull

Cary Bull est responsable de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres de la FAO, basé au siège de la FAO à Rome.

Une initiative de la FAO visant à améliorer les informations présentant un intérêt pour les politiques et à approfondir l'analyse des sources de fibres industrielles.

A la fin de 1995 et conformément à une recommandation du Comité consultatif du papier et des produits dérivés du bois de la FAO (CCPPB), le Département des forêts de la FAO a entrepris l'Etude sur l'offre mondiale de fibres 1, dans le but d'apporter une réponse à certaines questions que se posent l'industrie forestière et le grand public, telles que: d'où tirera-t-on la matière première nécessaire pour couvrir les besoins en produits forestiers et quelle surface de forêts productives faudra-t-il pour répondre de façon durable à la demande de fibres future prévue?

1 On entend par «fibres» les matières premières fibreuses ligneuses et non ligneuses utilisées par les industries primaires pour la production de sciages, de panneaux dérivés du bois et de produits à base de pâte et de papier. La majorité de ces fibres se trouvent sur pied dans les forêts naturelles perturbées ou non perturbées par l'homme et dans les plantations forestières. D'autres types de fibres sont issus de papiers récupérés et de fibres non ligneuses.

L'étude se propose de contribuer à l'élaboration de politiques forestières mondiales grâce à la fourniture de données et d'informations fiables et à une analyse des sources de fibres industrielles. On trouvera dans l'Etude sur l'offre mondiale de fibres, outre les données de base, une projection et une analyse des tendances futures de l'offre de fibres, fondées sur une évaluation des principaux facteurs qui influencent l'offre. Ces informations devraient intéresser un large public, notamment les décideurs au sein des gouvernements, des institutions financières, de l'industrie et des organisations non gouvernementales (ONG).

L'étude complète d'autres travaux de la FAO, tels que les Etudes des perspectives du secteur forestier dans les régions Asie et Pacifique et Afrique et l'Evaluation des ressources forestières 2000 qui paraîtra prochainement. La FAO procède aussi à la mise à jour des statistiques sur les plantations forestières qui sont incorporées dans la base de données de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres. Cette dernière sera aussi reliée à d'autres études régionales et mondiales sur les perspectives futures de la foresterie, que le Département des forêts de la FAO entreprend dans le cadre de son Programme sur les perspectives mondiales des produits forestiers. L'Etude sur l'offre mondiale de fibres est suivie par des représentants de l'industrie des produits forestiers et un comité directeur spécial donne des indications sur la portée du projet et fait des commentaires et des suggestions sur les informations obtenues. L'étude a été délibérément conçue de façon à éviter les doubles emplois avec les travaux d'autres institutions opérant dans le secteur de l'offre de fibres. Elle incorpore des données et est en harmonie avec les études conduites par l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (pour les informations sur la Russie), la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies et le Bureau de la FAO de liaison avec les Nations Unies à Genève (pour les informations sur l'Europe), ainsi que par les Services forestiers du Canada et des Etats-Unis.

L'étude peut être utile au moins de deux manières: elle aidera à sensibiliser l'industrie, les gouvernements et les ONG aux questions de politique critiques liées aux sources de matière première industrielle et aux utilisations durables des ressources forestières, et mettra en évidence la nécessité pour les pays d'améliorer leurs méthodes de collecte et d'analyse des données dans ce domaine. Enfin, le but de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres est de contribuer à l'utilisation durable des ressources forestières mondiales et, partant, à l'aménagement durable des forêts en général.

Cet article décrit les étapes que comporte le processus de l'Etude, y compris l'établissement des définitions clés et la création d'une base de données et d'une structure de modélisation. Elle donne aussi des exemples des méthodes pouvant être employées pour dériver du modèle des scénarios possibles pour le futur.

Établissement des définitions et classification des forêts

Pour conduire une étude de cette nature, il est fondamental d'avoir une série de définitions claires des termes concernant les ressources forestières, et ces définitions doivent avoir un certain nombre de caractéristiques tant pour la cohérence des différents rapports statistiques que pour l'établissement des perspectives:

· les définitions doivent être cohérentes et compatibles avec la terminologie convenue dans les forums internationaux;

· les définitions doivent être suffisamment flexibles pour permettre l'utilisation des séries de données collectées à d'autres fins;

· les principaux termes doivent pouvoir s'appliquer aux données collectées dans les pays. Chaque pays adopte une méthode qui lui est propre pour classer les surfaces et les volumes forestiers et les définitions standard doivent être capables de concilier avec ces différences;

· les termes doivent pouvoir être facilement compris par un vaste public d'utilisateurs.

Les définitions clés concernent la surface forestière, le volume de bois sur pied, les taux de croissance et les volumes de récolte. Il est impératif, pour toute opération de planification à long terme, d'établir des normes applicables aux circonstances les plus diverses.

Dans la classification des terres, la surface forestière est répartie comme indiqué à la figure 1. Les fibres sont classées en fonction de leur source: forêt naturelle (non perturbée par l'homme, c'est-à-dire jamais exploitée), forêt exploitée par l'homme, plantations industrielles, fibre récupérée et fibre non ligneuse.

Des difficultés notables se présentent à chaque niveau de l'étude. Les définitions de la surface forestière varient suivant les pays, et certains ont des différends de frontière qui compliquent l'établissement de statistiques sur la surface totale de terres. En outre, nombre de pays ne savent tout simplement pas dans quelle mesure leurs forêts sont exploitées ou non. Enfin, il est très difficile de déterminer la surface disponible pour les approvisionnements en bois, car elle dépend de l'interaction de facteurs dynamiques économiques, environnementaux et sociaux.

La surface de forêts, exploitées ou non, disponible pour les approvisionnements en bois est une statistique clé pour la planification de l'offre de fibres.

Les autres statistiques clés essentielles pour évaluer la situation actuelle et prévoir des futurs possibles sont le matériel sur pied d'essences commerciales, la croissance annuelle moyenne de la forêt avec des indications sur le taux de mortalité naturelle, et les volumes moyens récoltés et enlevés lors de chaque cycle d'abattage. Ces statistiques permettent de fournir des informations plus précises pour un débat sur les politiques liées à la gestion durable des forêts.

Figure 1. Classification des terres aux fins de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres

Figure 2. Classification du volume, de la croissance et du potentiel de récolte des forêts

Création d'une base de données pour rassembler toutes les informations ayant trait à l'inventaire forestier et aux fibres

L'une des premières tâches a consisté à élaborer une base de données appropriée pour la compilation des données et la gestion de l'information. Les principaux aspects pris en considération lors de la conception de la base de données de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres ont été les suivants:

Portée de l'enquête. L'étude se concentre sur l'offre de fibres industrielles et ne couvre pas l'offre de bois de feu (même à usage industriel) qui aurait nécessité une méthodologie d'évaluation différente. Dans la mesure du possible, les utilisations de fibres industrielles nationales ont aussi été prises en compte. Cela a son importance car, dans de nombreux pays, les statistiques disponibles ne couvrent que les grumes ou les produits forestiers destinés à l'exportation, et ne reflètent pas la quantité exacte de bois rond industriel enlevée de la forêt.

Degré de désagrégation. L'Etude sur l'offre mondiale de fibres a collecté ou estimé des données ventilées par type de forêt (selon la définition adoptée par chaque pays) au lieu de se contenter de moyennes par pays, si bien qu'elle fournit plus de détails que les études antérieures et une meilleure base statistique pour les prévisions.

Autres fibres. La structure de la base de données est spécifiquement conçue pour permettre l'inclusion de matériaux non ligneux et de fibres récupérées, étant donné que ces sources pourraient occuper une place croissante dans l'offre future de fibres.

Plantations. Les plantations industrielles joueront un rôle de plus en plus prépondérant dans l'offre future de fibres. La structure de la base de données permet d'inclure des données sur la surface et sur la croissance (par catégorie d'essences) des plantations.

Ressources disponibles pour les approvisionnements en bois. Comme on l'a déjà mentionné, il est absolument indispensable, aussi bien pour l'Etude que pour l'Evaluation des ressources forestières 2000, d'identifier la surface disponible pour les approvisionnements en bois. Cela implique la rectification de la surface forestière pour en déduire les aires protégées et celles qui sont économiquement inaccessibles, afin de déterminer la surface pouvant être exploitée à des fins industrielles. On a tenu compte principaux éléments ayant une incidence sur l'accessibilité, à savoir: caractéristiques physiques (par exemple surface pentue et marécages); distance d'approvisionnement et/ou absence d'infrastructure. Les interdictions d'exploitation ont aussi été prises en considération. Le volume de l'offre de bois dans les zones effectivement exploitables sera déterminé par le type et l'état de la forêt. Les forets contenant un faible volume d'essences commerciales ou fortement dégradées produisent généralement un faible volume de bois.

Lacunes dans les données. Pour plu sieurs pays, on ne dispose d'aucune information sur le volume de fibres enlevé lors de chaque coupe ou sur le taux de croissance de la forêt. Pour présenter des estimations complètes sur les pays, il a fallu évaluer les volumes et la croissance dans des conditions similaires dans des pays voisins ou effectuer des études de cas dans les pays. Cela est une étape essentielle de la préparation des estimations préliminaires de l'offre future de fibres, et ces estimations ont été affinées grâce aux informations fournies par les pays dans les ateliers régionaux pour l'Asie et le Pacifique, l'Amérique latine et l'Afrique.

Reproductibilité des procédés d'estimation. Lorsqu'on produit des données estimées, il est indispensable que les résultats obtenus puissent être reproduits. La hase de adonnées est conçue de façon à ce que chaque source de données soit entrée dans un fichier distinct, et l'estimation actuelle de l'Etude est, elle aussi, enregistrée à part. Toute personne examinant les données peut ainsi retracer les étapes suivies pour élaborer les estimations préliminaires. Cette approche permet aussi d'ajouter de nouvelles données.

Système d'enregistrement. Il est indispensable d'utiliser des outils informatiques ultra-modernes pour stocker des statistiques sur les forêts. La base de données créée permet a un grand nombre d'utilisateurs d'accéder facilement à des statistiques présentées sous diverses formes en utilisant un logiciel de base de données standard. Cela a d'importants avantages à long terme pour l'analyse des ressources forestières.

Structure de la base de données

Figure 3. Structure de la base de données de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres

La structure de la hase de données de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres est résumée à la figure 3. La liste des pays est extraite de la base de données du Centre mondial d'information agricole (WAICENT) de la FAO. Cette liste est reliée à d'autres tables sur la population fournies par l'ONU ou par la FAO, aux fichiers de données de l'Evaluation des ressources forestières 1990 (FORIS) et à l'Annuaire des produits forestiers sur la production de bois rond industriel. Le premier tableau de données sur la surface de forêts naturelles contient à la fois les estimations de l'Etude et les données provenant de sources autres que la FAO ayant servi de hase pour faire les estimations. Le deuxième tableau de adonnées sur la surface de forêts naturelles extrait de l'Evaluation des ressources forestières 1981 et 1990 de la FAO et de la publication de l'Organisation Situation des forêts du monde 1997, sert à la fois de source d'informations et de hase de comparaison avec les estimations de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres. Les données sur les plantations industrielles ont été directement prélevées sur les informations les plus récentes figurant dans la hase de données sur les plantations de la FAO. Les tableaux de données sur les autres sources de fibres contiennent à la fois des données et dés estimations sur les fibres non ligneuses et sur les fibres récupérées.

Le tableau de projection des données est dérivé d'un modèle incorporé à la hase de données et les tables de conversion permettent d'établir dés rapports sur la hase de volumes normalisés. La liste des références est reliée à toutes les sources d'approvisionnement en fibres pour que les utilisateurs de la base de données puissent retrouver facilement la source qui a fourni les données.

Avant de décider de la structure définitive de la base de données, un essai préalable a été effectué avec un certain nombre de pays pour s'assurer qu'elle pourrait incorporer les données mises a disposition par les pays en mesure de fournir de nombreuses informations et d'établir des projections de données réalistes pour les autres pays.

Conduite de l'analyse de données et interprétation

La formule idéale serait que l'estimation des ressources forestières faite par l'Etude sur l'offre mondiale de fibres pour chaque pays soit directement tirée des données publiées par des sources faisant autorité dans ce pays. Cependant, il n'en est pas toujours ainsi et ce, pour plusieurs raisons:

· les définitions nationales de la surface et du volume des forêts sont parfois différentes de celles adoptées par l'Etude (d'où la nécessité d'ajuster les données des pays);

· il peut y avoir des sources de données incompatibles à l'intérieur d'un même pays. Des classes de fiabilité ont été établies pour indiquer le degré de sécurité attribué à chaque source d'information;

· les données sont souvent périmées, si bien qu'il a fallu faire quelques projections jusqu'à l'année de référence de l'Etude (1995);

· il y a souvent eu des lacunes dans les données qu'il a fallu combler avec des estimations en provenance des pays voisins, avec des valeurs de remplacement tirées de la documentation existante ou des estimations fondées sur l'expérience.

L'analyse figurant dans l'Etude doit donc être considérée comme préliminaire ou comme un point de départ de débats entre de nombreux pays du monde tant développés qu'en développement, pour leur permettre de collecter des données plus appropriées.

La figure 4 contient un échantillon de statistiques résumées concernant un pays imaginaire (pays XYZ), qui a été introduit dans la base de données. [NDLR: Dans cet article, on a évité de présenter des données effectives relatives à un pays déterminé pour centrer l'attention sur le processus plutôt que sur les informations concernant les pays].

Figure 4. Exemple de statistiques sommaires régionales utilises dans l'Etude sur l'offre mondiale de fibres

Modélisation des scénarios possibles pour le futur

Pour élaborer des scénarios possibles pour le futur, il faut manipuler des variables critiques dans un système d'équations prévoyant les variations qui affecteront les sources de fibres au fil du temps. Dans le cas de l'Etude, ces variables critiques sont les suivantes:

· surface disponible pour l'approvisionnement en bois;
· variation de la surface pour les forêts naturelles et les plantations;
· volume - à la fois du matériel sur pied et du matériel sur pied commercial;
· croissance - augmentation annuelle brute et mortalité;
· coupes et enlèvements - intensité d'exploitation et périodicité des coupes;
· fibre récupérée et fibre non ligneuse.

La modélisation du futur dans le contexte des politiques forestières actuelles nécessite aussi l'utilisation d'équations ayant tout au moins une certaine capacité d'exprimer la durabilité de l'offre et qui soient liées d'une manière ou d'une autre aux statistiques ou aux variables qui viennent d'être décrites. Les équations figurant dans l'encadré ont été choisies pour deux raisons:

Historique. Lorsqu'ils discutent de l'offre durable de fibres, bon nombre de gouvernements et de représentants de l'industrie commencent par utiliser une formule de régulation des rendements2. Ce calcul sert souvent de base pour les accords de concession conclus avec les industries du bois et, pour cette raison, il est déterminant pour l'évaluation de la durabilité des approvisionnements en bois.

2 Cette formule peut être basée sur la surface ou sur le volume, mais nous nous sommes limités ici à décrire la seconde (voir R. Catinot. 1997. The sustainable management of tropical rainforest. SCYTALE, Paris).

Absence de solutions de remplacement. A l'avenir, les pays devront probablement adopter une formule de régulation des rendements, souvent point de départ très important pour les débats sur l'aménagement durable des forêts.

Etablissement d'un point de départ Niveaux statiques de l'offre

Lorsque l'on élabore un modèle pour prévoir les tendances futures possibles, l'une des étapes les plus complexes consiste à établir un point de départ ou de référence, c'est-à-dire un indicateur approximatif des niveaux de l'offre fondé sur une évaluation actuelle du matériel sur pied, des taux de croissance des forêts, de l'intensité de récolte et des pertes forestières. A cette fin, dans l'Etude sur l'offre mondiale de fibres, on a effectué un calcul distinct pour chaque principale source de fibres (forêts exploitées et non exploitées par l'homme, plantations industrielles, fibres non ligneuses et fibres récupérées), puis on a conjugué les différents calculs. Les sections ci-dessous expliquent comment ces calculs ont été effectués pour donner un tableau complet de l'offre de fibres dans chaque pays.

Equations sélectionnées le calcul de l'offre

Equation I:
Equation II: 1
Equation III:
Equation IV: 2

Equation V:

Note:
Gud = Matériel sur pied d'essences commerciales - Forêt non exploitée par l'homme
Gd =Matériel sur pied d'essences commerciales - Forêt exploitée par l'homme
Aud = Surface disponible pour les approvisionnements en bois - Forêt non exploitée par l'homme
Ad = Surface disponible pour les approvisionnements en bois - Forêt exploitée par l'homme
Hi = Intensité de récolte
i = Accroissement
c = Périodicité des coupes
r = Durée de la révolution

Plantations industrielles:

Fibres non ligneuses:

Fibres récupérées:

Note:

i = accroissement annuel moyen
Ap = surface nette de plantations signalée
%NPC = capacité de transformation en pâte des végétaux non ligneux - pourcentage
%WPR = taux de récupération des vieux papiers - pourcentage
Tpc = Production totale de pâte
Tpac = Production totale de papier

1 Ces conversions on été initialement suggérées par Vannière, 1975. Management possibilities of tropical high forest in Africa. Rome.

2 Cette équation se rapproche du «Cotta Yield Determination». Elle est mentionnée dans l'ébauche du Handbook for the management of tropical forests. Rome.

3 Cette équation se rapproche du «Von Mantel Method». Elle est mentionnée dans l'ébauche du Handbook for the management of tropical forests. Rome.

Forêts exploitées et non exploitées par l'homme. Il existe une vaste gamme d'équations qui permettent de calculer la surface de forêts exploitées et non exploitées par l'homme. Après un examen approfondi des ouvrages traitant de la régulation des rendements, en particulier appliquée aux conditions des forêts tropicales, l'Etude a retenu cinq équations particulièrement prometteuses (voir encadré).

Les équations I et II reposent sur les statistiques du matériel commercial sur pied dans les forêts non exploitées par l'homme et prévoient la transition graduelle, au fil du temps, de l'état de forêt non exploitée à l'état de forêt exploitée. L'équation II permet d'appliquer un coefficient de réduction aux statistiques de croissance. Ces dernières étant très difficiles à obtenir dans plusieurs pays, la capacité de réduire la croissance à cause de l'incertitude, de la mortalité, de l'état de l'écorce et d'autres facteurs est très importante. Le principal inconvénient à l'utilisation de ces formules est directement lié au caractère inapproprié des données de l'inventaire forestier qui signalent uniquement les volumes des arbres de gros diamètre (habituellement plus de 50 cm [diamètre à hauteur d'homme]). Pour calculer l'offre potentielle future, elles sont donc tout à fait inappropriées car tous les arbres, et en tout cas tous ceux dont le diamètre à hauteur d'homme dépasse 10 cm, ont une importance et devraient être signalés. Malheureusement, les facteurs de conversion requis n'ont pas été mis au point, en particulier pour convertir les inventaires de la catégorie des 50 cm en catégorie des 20 cm.

Les équations III et IV se concentrent sur les statistiques d'intensité de récolte pour la conversion graduelle de l'état de forêt non exploitée à l'état de forêt exploitée. Une fois la conversion opérée, la croissance de la forêt sert de variable directrice pour calculer l'offre.

L'équation V sert de baromètre pour comparer les résultats des quatre autres équations. Il est utile de disposer d'un éventail de formules suffisant pour que les analystes puissent comparer les résultats et sélectionner le futur le plus approprié.

Normalement, le mieux est de calculer la quantité de fibre qui sera enlevée sur la base du matériel forestier commercial sur pied et de la croissance de la forêt, c'est-à-dire en utilisant les équations I et II. Cependant, la détermination des volumes effectivement disponibles étant très complexe, on peut aussi fonder les calculs de prévision de l'offre sur l'intensité de récolte appliquée à la surface disponible pour les approvisionnements en bois. C'est la raison pour laquelle l'équation IV a été choisie aux fins de la démonstration, et sera la formule appliquée d'un bout à l'autre de l'article.

Figure 5. Formules servant à calculer l'offre de fibres provenant des plantations industrielles, des fibres non ligneuses et des fibres récupérées

5A Niveau statistique de l'offre

5B Futur 1: Offre potentielle future de fibres dans le cadre des niveaux tendanciels de surface disponible pour les approvisionnements en bois

5C Futur 2: Augmentation des fibres issues des plantations et exploitation rapide des forêts naturelles

5D Futur 3: Le futur «vert»

Plantations industrielles, fibres non ligneuses et fibres récupérées. Pour déterminer les niveaux statiques de l'offre en ce qui concerne les plantations industrielles, les fibres non ligneuses et les fibres récupérées, l'éventail d'options est plus étroit que pour les forêts exploitées ou non exploitées. Cela est dû au fait que les données ou informations actuellement disponibles sont limitées ou parce qu'elles peuvent être manipulées de manière plus directe. Le modèle de l'Etude sur l'offre mondiale des fibres identifie une formule unique pour le calcul de chacune de ces composantes (voir figures 5 A-D).

FIGURE 6 Saisie de la première page de l'Etude sur l'offre mondiale de fibres

Liste des principaux facteurs ayant une influence sur l'offre de fibres


Offre statique

Futur 1

Futur 2

Futur 3

Forêts exploitées/non exploitées par l'homme

Utilisation des terres (déboisement)

0

-15

+20

-20

Aménagement durable (exprimé par la périodicité des coupes)

0

0

-10

+10

Variation des aires légalement protégées

0

0

-10

+10

Plantations industrielles

Utilisation des terres (boisement)

0

0

20

-90

Avantages du développement

0

0

50

10

Fibres non ligneuses

Capacité de transformation en pâte des fibres non ligneuses

0

0

-20

+20

Fibres récupérées

Taux de récupération des vieux papiers

0

0

-10

+10

Combinaison des calculs

La figure 5A, qui s'appuie sur l'échantillon de données concernant le pays XYZ, montre les courbes pour les forêts naturelles (exploitées et non exploitées), dans l'hypothèse où l'offre est statique. Comme susmentionné, l'équation IV est utilisée pour cette démonstration. D'après les calculs, le niveau potentiel de l'offre provenant de la forêt non exploitée est de 36000000 de m3. La forêt exploitée peut continuer à fournir 38000000 de m3. Il est important de comprendre que ce volume augmente au fil du temps - à mesure que les forêts non exploitées sont exploitées, leur surface est ajoutée à celle des forêts exploitées par l'homme. Le temps passant, les bases de calcul changent aussi car la variable directrice n'est plus l'intensité de récolte, mais la croissance de la forêt. De ce fait, d'ici à l'an 2043, toutes les forêts non exploitées se trouvant dans la zone désignée comme disponible pour les approvisionnements en bois auront été exploitées une fois. Le volume potentiel récolté chaque année est réduit à approximativement 40000000 de m3 car l'intensité de récolte est plus faible dans la forêt exploitée.

Pour les plantations industrielles, le calcul de l'offre est basé sur la croissance de la forêt qui, pour le pays XYZ, est d'environ 12000000 de m3 de fibre, en supposant que 5 pour cent de la surface peuvent être exploités chaque année. Le taux actuel de boisement de 250000 ha par an est appliqué, si bien que l'offre disponible potentielle s'accroît avec le temps.

Actuellement, l'offre de fibres récupérées s'élève à environ 800000 m3 et la capacité des fibres non ligneuses (la capacité est un indicateur de l'offre) n'est que de 500000 m3. Dans le pays XYZ, la consommation actuelle de papier est faible, si bien que les disponibilités de vieux papiers sont insuffisantes. Les niveaux de fibres non ligneuses sont également très faibles, comme c'est actuellement le cas dans la plupart des pays, les seules exceptions notables étant la Chine et l'Inde. [NDLR: Pour une analyse plus approfondie des sources non ligneuses de fibres industrielles, voir l'article de Pande].

Il est important de noter que la courbe de l'offre potentielle totale est une ligne maximale, avec peu de contraintes économiques. Pour obtenir des futurs plus réalistes, il faudrait effectuer d'autres analyses pour appliquer les déductions dues aux contraintes économiques, et obtenir une «courbe nette» de l'offre.

Il faut également se rappeler que les projections de l'offre potentielle représentent l'offre telle qu'elle a été mesurée dans la forêt, et non pas le volume de bois livré aux fabriques pour la production de bois rond industriel. Le résidu d'exploitation, ou volume correspondant à la différence entre l'offre des «forêts» et celle des «industries» peut dépasser 30 pour cent dans de nombreux pays. En outre, les dégâts dus à l'abattage causés à une forêt exploitée une fois (voir l'article de Pulki) peuvent aussi avoir des impacts d'une portée considérable sur la configuration générale de l'offre.

Jusqu'ici, lors de l'examen de l'offre de fibres, aucun changement n'a été apporté aux calculs concernant l'utilisation des sols, le rendement d'exploitation, l'aménagement durable des forêts ou le taux de déboisement. En ce qui concerne les plantations, les avantages du développement ou le taux de boisement officiellement signalé n'ont subi aucune modification. Les valeurs de l'offre de fibres spécifiées pour les fibres non ligneuses et les fibres récupérées sont déterminées sur la base des dernières statistiques disponibles, sans leur appliquer d'augmentations projetées.

Ainsi, si l'offre est statique, le graphique représente un tableau complet d'un futur caractérisé par une offre statique et est basé sur le maintien des politiques et pratiques actuelles. On peut créer des futurs plus réalistes ou d'un autre type en intégrant quelques-unes de ces variables afin de faciliter l'étude des différentes options politiques.

Utilisation du modèle pour prédire d'autres futurs possibles

Lorsqu'une approche quantitative acceptable (le modèle) a été mise au point, on peut prédire d'autres futurs possibles pour chaque pays, en modifiant les variables critiques. Le tableau de la page 20 récapitule les principaux facteurs identifiés par l'Etude sur l'offre mondiale de fibres pour l'examen de l'offre future de fibres. Ces facteurs ne sont pas un ensemble exhaustif, mais ils font partie d'une série de variables qui ont été proposées dans diverses études au cours de la dernière décennie. Ils ont été sélectionnés en fonction de leur importance relative et de la possibilité d'obtenir des informations les concernant. A l'avenir, d'autres facteurs pourraient être ajoutés au cadre de modélisation.

Le tableau indique également les variations introduites pour définir trois futurs possibles, qui sont présentés sous forme de graphiques à la figure 5B, 5C et 5D, basés sur l'utilisation de l'équation IV.

Les graphiques présentés à la figure 5 ne fournissent bien évidemment que des données récapitulatives. L'exercice de modélisation permet d'obtenir des informations beaucoup plus détaillées.

La figure 5B montre l'impact d'un seul facteur - à savoir le taux de déboisement de 0,96 pour cent par an - sur la ligne de l'offre statique à peine décrite dans les prévisions de l'offre de fibres.

La figure 5C étudie l'impact de plusieurs facteurs sur la forêt naturelle: régression du déboisement (moins 20 pour cent par rapport au taux actuel); diminution des terres déclarées zones protégées; et introduction de cycles d'abattage plus courts. Pour les plantations industrielles, on a supposé que les gains de développement augmentaient de 50 pour cent et le taux de boisement de 20 pour cent. La capacité des fibres non ligneuses est censée diminuer de 20 pour cent et celle des fibres récupérées de 10 pour cent.

La figure 5D explore ce que d'aucuns appelleraient un futur «plus vert», accompagné d'une politique de plantation dynamique. Avec ce scénario, la variation de l'utilisation des sols est supérieure de 5 pour cent à celle du Futur 1, les surfaces déclarées protégées augmentent, et les cycles d'abattage s'allongent dans la forêt naturelle. Les taux de boisement des plantations industrielles accusent aussi une baisse spectaculaire - de 90 pour cent d'ici à l'an 2010. La capacité des fibres non ligneuses s'accroît de 20 pour cent et celles des fibres récupérées de 10 pour cent.

Le modèle peut être utilisé pour prévoir des futurs fondés sur des dérogations par rapport à la situation caractérisée par une offre statique, mais il est surtout intéressant lorsqu'il est basé sur des variations possibles ou réalisables, déterminées pays par pays. Le modèle permet d'étudier les effets de différentes politiques forestières, en particulier celles qui relient rapidement les aspects de l'offre de fibres et l'aménagement durable des forêts et les présentent aux décideurs pour examen.

Rendre la base de données et les modèles accessibles à un large public

Afin d'assurer la transparence et l'accessibilité, tant la base de données intégrale qu'une série de modèles conviviaux seront accessibles en ligne sur Internet. Les utilisateurs pourront ainsi accéder aux données de référence relatives à un pays et soumettre des suggestions pour les compléter, les mettre à jour, les corriger, etc. En outre, ils peuvent utiliser le modèle en ligne, soit pour obtenir l'un des trois futurs déjà modélisés par l'équipe de l'Etude, soit pour introduire de nouvelles données dans les variables critiques pour créer d'autres scénarios. Le mécanisme de rétroinformation inhérent à la présentation en ligne permettra également aux utilisateurs de faire des commentaires sur l'approche de modélisation elle-même et de suggérer d'éventuelles modifications. La figure 6 montre la première page de la base de données et du modèle.

Conclusions

L'Etude sur l'offre mondiale de fibres témoigne de l'important effort accompli par le Département des forêts de la FAO et par ses partenaires pour contribuer à l'amélioration des politiques forestières dans le monde entier, grâce à la fourniture de données et d'informations fiables et à une analyse des sources de fibres industrielles. Jusqu'ici, le processus a permis d'élaborer un cadre approprié pour: la collecte et la présentation des données; la collecte des statistiques les plus récentes intéressant les régions forestières, le volume, la croissance et les enlèvements; la formation d'experts nationaux en matière de collecte et d'analyse des données; et l'élaboration de modèles permettant de visualiser d'autres futurs possibles pour les ressources forestières.

Plusieurs enseignements clairs ont été retirés ou renforcés grâce à ce processus:

L'obtention de données de bonne qualité nécessite une large coopération. De nombreux pays ont diffusé des inventaires sous-régionaux (souvent périmés) ainsi que des études de terrain et des recherches différentes sur les données essentielles requises. Les ONG, l'industrie, les instituts de recherche, les universités, les institutions internationales et les gouvernements tireraient profit d'un regain d'effort pour obtenir non seulement de meilleurs résultats sur le bois d'œuvre et les ressources des forêts, mais également un processus d'échange d'informations plus performant.

L'élaboration de statistiques à jour est essentielle pour contribuer à la mise en œuvre de l'aménagement durable des forêts. Pour produire de bonnes statistiques, il faut élaborer un cadre approprié pour la compilation et la présentation de données et statistiques sur les ressources forestières. L'Etude contient un cadre statistique de ce type pouvant être fortement amélioré, à mesure que les ressources et le temps le permettent. Le cadre peut aussi être ajusté en fonction des besoins identifiés au niveau des pays, pour les aider à établir de meilleurs rapports statistiques sur les forêts.

Les statistiques doivent être entretenues et améliorées en permanence. Une fois qu'une structure statistique a été mise en place, elle doit être améliorée de façon à pouvoir incorporer d'autres statistiques pertinentes, être enrichie des nouvelles données fournies par les pays et par d'autres sources, et analyser en permanence les données pour s'assurer que les informations reflètent réellement la situation dans le pays. Les autres institutions qui collectent une partie de la série de données servant de base pour les études mondiales doivent aussi augmenter leurs apports.

La collecte et l'analyse de données doivent être assorties d'une formation pour assurer la durabilité des travaux statistiques. Il est absolument indispensable d'établir et de maintenir un réseau institutionnalisé de contacts dans tous les pays pour coordonner les travaux statistiques et échanger les connaissances transmises par les experts locaux. Les nouveaux outils de communication offrent la possibilité d'améliorer considérablement l'interaction avec les représentants des pays à un coût relativement faible. Une formation appropriée est bien entendu nécessaire pour rendre la communication plus efficace.

L'Etude sur l'offre mondiale de fibres représente la plus récente initiative mondiale de grande envergure pour rassembler des données sur les ressources forestières, en liaison directe avec des travaux visant à décrire les utilisations industrielles durables de ces ressources. Il reste encore beaucoup à faire pour traiter les questions plus vastes exposées dans l'article de Duinker, Nilsson et Chipeta. Au fil du temps, il conviendra d'intégrer ces aspects dans les travaux en cours de réalisation dans les domaines de la collecte et de l'analyse des données sur les fibres, et des exercices de modélisation portant sur les sources de fibres industrielles. Entre-temps, les décideurs pourront s'appuyer sur les statistiques et les outils de modélisation de l'Etude pour prendre leurs décisions sur la gestion et l'utilisation des ressources forestières.

Pour continuer à avancer dans la bonne direction, certaines améliorations devraient et peuvent être apportées aux travaux accomplis jusqu'ici, dans le domaine de la recherche appliquée; le Département des forêts de la FAO peut y contribuer en association avec des pays et d'autres institutions. Ces améliorations sont les suivantes:

Elargissement des statistiques. D'autres statistiques doivent être rassemblées sur divers aspects, tels que le volume de fibres des arbres situés en dehors des forêts, les facteurs de conversion applicables à la récolte et au processus de production, et les approvisionnements en bois de feu. Ces facteurs de l'offre doivent être étudiés séparément et nécessitent des travaux additionnels.

Intensification des recherches appliquées. L'état des connaissances sur la croissance et l'intensité de récolte des forêts est très insuffisant. A défaut d'une intensification notable des recherches sur la croissance et le rendement, le potentiel des essences commerciales moins connues et les systèmes d'exploitation forestière, il sera difficile, sinon impossible, d'évaluer la durabilité des ressources forestières.

Multiplication des exemples d'aménagement durable des forêts. Les premières recherches de l'Etude indiquent qu'il est possible d'accroître la sécurité et le volume de l'offre et, dans le même temps, d'incorporer d'autres valeurs forestières dans le cadre décisionnel, si l'on applique les principes de l'aménagement durable des forêts. Cependant, il est indispensable d'élaborer beaucoup plus de modèles ou d'exemples pratiques et de les promouvoir, aux fins de la démonstration.

Davantage d'inventaires forestiers. Beaucoup de pays doivent encore dresser l'inventaire de leurs ressources forestières pour faciliter la planification de l'aménagement durable des forêts.

Elargissement de l'analyse pour inclure des facteurs économiques et sociaux critiques. Dans le domaine de la foresterie, les processus de prise de décisions décentralisés gagnent du terrain dans le monde entier. La nécessité d'adopter des processus décisionnels participatifs est notamment mieux reconnue. On prévoit que les programmes de foresterie communautaire auront un impact sur l'offre future de fibres, en particulier parce que la nécessité de consommer du bois rond industriel au niveau local est officiellement reconnue dans le processus décisionnel.

Améliorer la compréhension de l'impact de la consommation et de l'utilisation du bois de feu sur l'offre mondiale de fibres. L'impact effectif ou potentiel de la consommation et de l'utilisation du bois de feu (élément indispensable à la vie de près de 40 pour cent de la population mondiale, et source croissante d'énergie industrielle) sur l'offre mondiale de fibres doit être étudié plus à fond, et une méthodologie doit être conçue pour intégrer des considérations relatives au bois de feu dans les exercices de modélisation de l'offre de fibres. Quelques considérations préliminaires sur la question du bois de feu sont présentées dans l'article d'Horta Nogueira et al.

L'offre de bois rond industriel provenant des arbres situés en dehors des forêts est aussi une question à l'ordre du jour dans de nombreux pays. La compréhension de cette contribution aura un impact important sur les prévisions de l'offre future de fibres dans quelques régions.

Bien entendu, ces améliorations devront être intégrées dans un programme de recherche beaucoup plus vaste qui devra être coordonné avec d'autres institutions forestières pour englober diverses questions telles que: biodiversité, développement économique, variations de l'utilisation des terres, conservation et valeurs esthétiques et récréatives des forêts et changement climatique dans l'étude de la viabilité des forêts, tant du point de vue de leurs utilisations industrielles que de leurs nombreuses autres fonctions. Il s'agit là d'une tâche ardue à laquelle devront s'atteler les analystes forestiers du monde entier pour tenter d'améliorer la pertinence des débats sur les politiques forestières mondiales.


Page précédente Début de page Page suivante