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J

Jachère/mettre en jachère

«Terre en repos pendant une certaine durée [...] à l’intérieur d’une rotation régulière des cultures. La jachère n’est pas cultivée, mais elle est travaillée, afin de permettre une reconstitution des qualités du sol (structure et texture, eau, matières organiques). [...]. Les systèmes agricoles européens ont surtout connu la jachère triennale (deux années de culture, une de jachère)» (BRUNET R. et al., 1993). Cette pratique disparaît avec l’adoption de l’agriculture intensive où l’apport régulier d’engrais compense le prélèvement effectué par la culture. Elle réapparaît cependant dans le cadre de politiques de limitation de la production.

En région tropicale, jachère est employé pour des champs abandonnés pendant quelques années et qui ne sont plus travaillés au sens strict, mais qui sont censés rester dans le système de rotation de l’agriculture itinérante sur brûlis (BRUNET R. et al., 1993).

Fig. 22 - Rotation des cultures et jachère dans un finage sérère au Sénégal.
Les flèches indiquent le sens de la rotation culturale.
1. Jachère et brousse inculte - 2. Petit mil - 3. Arachides - 4. Sorgho - 5. Petit mil précoce - Taches noires: cases du village.
D'après P. PELISSIER in Les grands types de structures agraires dans le monde, R. LEBEAU, Masson - Armand Colin, 19

Jouissance à temps partagé

D’après G. CORNU (1991), c’est la dénomination nouvelle que la loi a donnée, en la consacrant et en l’encadrant, à une formule de jouissance alternative que la pratique avait pu considérer, à tort, qu'il s'agissait de multipropriété ou de pluripropriété.

L

Latifundium/Minifundium

Une latifundium (pl.: latifundias) est une grande propriété caractérisée à la fois par sa grande taille, de quelques centaines d’hectares à des dizaines de milliers d’hectares, et par la très faible mise en valeur des terres, qui sont le plus souvent consacrées à l’élevage très extensif, complétée par quelques cultures vivrières, assurées par des paysans sans terre, liés au maître du domaine par des liens de dépendance à la fois personnelle et financière.

C’est en Amérique latine que ces grands domaines sont les plus nombreux, qu’ils soient appelés haciendas, estancias ou fazendas.

A côté des latifundias, on trouve des minifundias, exploitations dérisoirement petites qui ne produisent pas de quoi couvrir les besoins alimentaires minimaux des familles. Celles-ci sont contraintes, pour se procurer le complément de revenu nécessaire, de vendre leur excédent de main d’œuvre aux conditions des latifundistes, qui sont souvent les seuls employeurs des campagnes (MAZOYER, M., ROUDART, L., 1997). A noter que le latifundisme ne provient pas seulement d’une inégale répartition de la terre entre les exploitations, mais peut être également le résultat d’un surpeuplement.

Les réformes agraires les ont fait disparaître de l’Europe de l’Est; ils ont été rongés ou modernisés en Europe du Sud mais sont encore présents au Moyen-Orient (BRUNET R. et al., 1993).

Légal

Cet adjectif désigne ce qui est conforme à la loi. D’après G. CORNU (1991), dans une acception dérivée, le terme légal peut être aussi compris comme ayant nature de droit écrit.

Législation

La législation est l’ensemble des lois et règlements d’un État ou bien l’ensemble des droits relatifs à une branche du droit.

Législation agraire

La législation agraire est l’ensemble des dispositions normatives qui créent les institutions, dictent les principes et signalent les procédures relatives à l’acquisistion, l’administration, le financement, la possession et le régime de la propriété rurale et des biens en friche.

Au Mozambique, la loi agraire de 1997 n’éveille pas seulement l’intérêt sur la question des droits fonciers, mais génère aussi une réflexion à travers tout le pays sur des questions de culture et d’aspirations locales, le rôle des institutions publiques, la décentralisation de l’administration de la terre, les caractéristiques spécifiques des zones urbaines, et le besoin d’investissements à la fois privés et publics dans la terre.

Les principaux points intégrés dans cette loi sont:

- la reconnaissance de droits coutumiers sous forme de co-titrage et le besoin de consulter les communautés locales en tant qu’acteurs du processus permettant de nouveaux investissements;

- la participation des communautés locales à la gestion des ressources naturelles, y compris l’eau, la terre de pâturage, la terre cultivée et les régions en jachère, les forêts ou encore les régions en expansion;

- le besoin de définir les représentants des communautés locales;

- la reconnaissance du droit à utiliser la terre, acquis après une occupation de «bonne foi» sur une période minimum de dix années (en dehors des régions à gestion coutumière);

- une référence spécifique au fait que les femmes peuvent être détentrices du droit au titre d’utilisation de la terre;

- la possibilité pour les étrangers, individus ou entreprises, d’avoir des droits d’utilisation de la terre;

- la distinction entre l'utilisation exclusive de la terre et les autorisations de mener des activités économiques;

- le besoin d’un plan d’utilisation de la terre comme condition pour acquérir un nouveau droit d’utilisation à travers une demande formelle à l’Etat, et l'extinction du droit concédé dans les cas où le détenteur du droit n’a pas rendu ce plan effectif (vérifié par des visites d’inspection, effectuées par des fonctionnaires de l'administration publique; cette provision vise à promouvoir l’utilisation effective des ressources de la terre, même si la capacité de l’administration à inspecter et superviser la mise en œuvre des plans est limitée);

- la séparation des responsabilités concernant l’administration de la terre entre les régions rurales et les régions urbaines.

Un aspect du débat peu clair dans la loi de 1997 était la valeur de la terre, la manière dont elle devait être déterminée, avant que les améliorations à la terre ne soient effectuées. Cette question s'est posée quand des participants au débat ont considéré que théoriquement la terre n’avait pas de valeur distincte de la valeur des améliorations qui lui sont apportées. D’un autre côté, il y a une tendance à ignorer la valeur ajoutée par les activités telles que le déboisement, la préparation de la terre pour la culture, les travaux d’écoulement et tout autre investissement sur la terre, aussi bien que les coûts administratifs et les coûts de démarcation liés à la volonté d’obtenir une autorisation provisoire ou un titre à part entière.

L’importance donnée au rôle des améliorations apparaît clairement dans l'exigence que fait la loi vis-à-vis des transactions impliquant la propriété rurale. Celles-ci doivent être autorisées par l'administration publique pertinente, alors que cette exigence disparaît dans le cas de transactions de propriétés urbaines. Cette question est importante lorsque l’on considère les droits d’utilisation de la terre comme faisant partie du capital ou comme actif de base des compagnies privées, quand il n'y a pas de bâtiments ou d’infrastructures significatifs impliqués.

(HTTP://LNWEB18.WORLDBANK.ORG/ESSD/ESSDEXT.NSF/24DOCBYUNID/
69ACA742191C6C8B85256BE20063BAFC/$FILE/MOZAMBIQUE%20%20PAPER-FRENCH.PDF)

Lévirat

Il consiste en un type d’union préférentielle qui semble lié à la polyandrie fraternelle.

En vigueur dans plusieurs sociétés d’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient, il repose sur la quasi-obligation pour une veuve d’épouser un des frères de son mari défunt (LAPLANTINE F., 1974).

Dans une étude sur les structures familiales et les changements sociaux, Thérèse LOCOH (1988) nous précise que «les niveaux élevés de mortalité observés en Afrique Noire jouent un rôle important dans l’organisation des structures familiales et certaines règles qui les régissent en sont une réponse directe; par exemple le lévirat [...].».

Groupe social ou familial constitué en fonction des filiations soit maternelles, soit paternelles, par opposition aux groupes familiaux formés par alliance. Ce lignage constitue donc un groupe de parenté dont les membres se considèrent tous comme descendants d’un ancêtre commun, masculin ou féminin avec lequel ils peuvent établir des liens généalogiques précis.

Le lignage est sous l’autorité d’un chef qui est le représentant des ancêtres parmi les vivants et le trait d’union entre la communauté des morts et celle des vivants. Il communique avec les défunts par des rites sacrificiels et divinatoires.

Responsable du patrimoine lignager, il veille à sa conservation et joue un rôle primordial dans la gestion et le contrôle de la terre, tant en ce qui concerne les membres du lignage que les alliés et dépendants. Il a des fonctions de régulation au sein du lignage puisqu’il entérine les alliances matrimoniales, gère les conflits et fait office de prêtre chez ceux qui sont animistes.

Locataire

Le locataire est la personne qui reçoit la jouissance d’un bien en vertu d’un contrat de louage. Ce terme est surtout utilisé, en opposition à fermier ou à métayer, pour désigner quelqu’un qui prend à bail une maison ou un local commercial.

Dans le cadre de la crise du logement en Afrique, LE BRIS, LE ROY ET MATHIEU (1991) établissent une typologie des locataires fondée sur le statut foncier ou le statut locatif.

Parmi les locataires, il convient de distinguer les trois types suivants:

  • les locataires (certains migrants récents, célibataires) qui aspirent à devenir eux-mêmes, dans le plus long terme, des propriétaires occupants. Ils opèrent sur le marché foncier et développent des stratégies foncières appropriées;

  • les locataires (travailleurs saisonniers, certaines femmes, les couches populaires les plus démunies) qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent ou ne veulent devenir propriétaires d’un terrain pour y construire. Leurs stratégies adaptées au marché locatif populaire, peuvent varier d’une simple stratégie de survie au jour le jour à une stratégie de mobilité possible. Notons d’ailleurs que, dans le locatif populaire, la partie foncière du loyer est souvent plus importante que la partie immobilière;

  • les "squatters", enfin, qui ont eu recours à des pratiques illégales pour s’installer, tenteront de se prémunir contre les effets des interventions étatiques en développant, selon leurs moyens et en fonction des contraintes rencontrées, des stratégies de "débrouillardise". S’ils n’arrivent pas à régulariser leur situation ou à sécuriser tant soit peu leur maintien sur la parcelle (par exemple en entrant dans un système de clientélisme ou en adaptant leur construction aux normes officielles, ils essayent parfois d’anticiper sur la régularisation imminente ou attendue d’une zone urbaine en y acquérant un nouveau terrain (et cela se fait de nouveau en dehors des règles officielles). Les résultats de ces stratégies sont pourtant souvent aléatoires et une grande partie de cette catégorie risque d’être des "exclus" éternels de la vie légale.

Location

Une location est l’occupation temporaire d’une terre ou d’une propriété par un locataire. Elle peut également décrire la durée de location (CHAMBERS, 1998).

La location de choses est tout contrat par lequel une des parties appelée bailleur s’oblige, moyennant un loyer, à faire jouir l’autre partie appelée locataire d’une chose immobilière ou mobilière pendant un certain temps.

La location de services est tout contrat par lequel une personne appelée salarié (travailleur salarié ou employé) met son travail à la disposition d’une autre nommée employeur, à laquelle elle est subordonnée, moyennant une rémunération appelée salaire.

La location d’ouvrage est tout contrat en vertu duquel une personne, nommée locateur d’ouvrage (entrepreneur), s’engage à réaliser un ouvrage déterminé pour une autre personne appelée maître de l’ouvrage qui lui en paye le prix, mais à l’égard de laquelle la première n’est pas en état de subordination juridique (CORNU, 2000).

Logiques foncières

Selon LE ROY (1993), les logiques foncières constituent le fond des explications données par les acteurs pour justifier les choix qu'ils ont faits ou pourraient faire concernant le contrôle et l'utilisation de la terre. Chaque niveau - local, national, international- a ses propres logique et perspectives particulières: colonialiste, développementale, étatique, capitaliste, traditionnelle, rurale.

Selon GRUENAIS (1986), la logique occidentale ou la logique de l'intervention de l'Etat est souvent fondée sur la mise en valeur de la terre et la possibilité de traiter la terre comme un produit, qui peut être librement transféré, acheté ou vendu. Les autorités traditionnelles pourraient avoir une approche et des valeurs différentes, et être d’avis qu’un rapport privilégié existe entre un certain groupe de personnes et une parcelle particulière de terre.

Lotissement

Le lotissement est une opération ou bien le résultat de cette opération dont l’objet est de diviser un terrain en lots.

«Au sens spécifiquement urbanistique, le lotissement est une opération de division foncière soumise à autorisation de lotir et entreprise par toute personne physique ou morale de droit privé ou public (y compris donc une collectivité publique), qu’elle soit une professionnelle de l’aménagement foncier ou non. Le lotisseur procède à la division du terrain qui lui appartient. En créant des parcelles données en jouissance (au moins) ou cédées en propriété (au plus), il use de droits attachés à la propriété. L’appropriation du sol à lotir par le lotisseur est considérée comme partie intégrante du processus de lotissement. Le lotissement a pour principale fonction sociale et urbanistique de produire des parcelles de terrain à bâtir. L’autre caractéristique essentielle du lotissement est d’être une opération de division foncière qui fabrique des morceaux de ville: en bâtissant des lots, on donne au lotissement sa troisième dimension, et en ajoutant un lotissement à l’autre, on assemble les pièces d’un puzzle. Evidemment la difficulté fondamentale de l’entreprise est ici: comment penser puis organiser le devenir urbain d’un espace à partir d’un simple découpage (TRIBILLON J.-F, 1993).

«En Malaisie, l’obtention de toutes les autorisations nécessaires, auprès de quinze à vingt services officiels, pour l’approbation des lotissements de terrains peut prendre entre cinq et huit ans. Par contre en Thaïlande, il faut compter environ cinq mois pour obtenir l’accord de lotissement auprès de cinq services gouvernementaux» (FARVACQUE-VITKOVIC C., MCAUSLAN P., 1993).

Une opération de lotissement peut émaner de la puissance publique ou d’une initiative privée.

J.-F. TRIBILLON (1993) distingue deux types de lotissements: les lotissements spécifiques et les lotissements ordinaires, car l'appellation lotissement recouvre des situations socio-économiques fort dissemblables.

Dans le cadre d’un lotissement ordinaire, l’opération s’adresse à tout le monde. Ainsi lorsqu’une municipalité désire étendre la ville par la création d’un nouveau quartier sous la forme d’un lotissement, elle produit anonymement du terrain à bâtir. Le lotisseur alimente ainsi l’offre foncière qu’il livre sur le marché des terrains à bâtir.

Un lotissement est généralement soumis à un règlement d’urbanisme particulier qui s’applique spécifiquement au périmètre loti, mais qui est conforme au règlement général édicté par le plan d’urbanisme de l’agglomération ou de la ville. Un lotissement est aussi soumis à un cahier des charges.

Loyer

Le loyer est le prix que doit payer le preneur dans le contrat de bail en contrepartie de la jouissance de la chose (CORNU, 2000), l’occupation ou l'utilisation de la terre, des bâtiments ou de toute autre propriété (CHAMBERS, 1998).

Plus spécialement, le loyer est le prix du bail à loyer, par opposition au fermage (CORNU, 2000).

M

Maître des pâturages

C’est le gestionnaire d’une zone lignagère de pâturage, cette zone étant possédée par une ou plusieurs familles issues du même lignage. Dans les régions où il ne fait pas partie des pratiques traditionnelles des populations de réserver exclusivement certaines portions de l’espace à la pâture, cette fonction n’existe pas.

Au Mali, dans le Delta Central du Niger, où les principales zones de pâturage sont des bourgoutières, des maîtres de pâturage appelés djoworo sont responsables de la gestion et de l’exploitation de ces bourgoutières qui sont familiales ou villageoises. Au sein de chaque famille disposant d’une bourgoutière, il existe un maître des pâturages traditionnellement chargé de sa gestion au nom de la famille. Il existera donc autant de djoworo que de bourgoutières. Mais tous ces maîtres secondaires agissent sous l’autorité d’un maître principal.

Ce dernier est désigné selon des critères de notoriété, en fonction de ses connaissances historiques et coutumières et de ses compétences avérées en matière de gestion des troupeaux. Ayant sous sa responsabilité tous les pâturages du village, il est une référence incontestable pour les autres djoworo qui gardent quand même une certaine autonomie pour ce qui concerne les bourgoutières familiales.

Traditionnellement, le djoworo est chargé de contrôler et de réglementer l’exploitation des pâturages de la famille et du village. Il veille à l’entrée des troupeaux dans les bourgoutières et à leur sortie. Il perçoit au profit de la famille ou du village la redevance coutumière dont les étrangers doivent s’acquitter à la descente de leurs troupeaux.

Le maître des pâturages possède une maîtrise absolue sur l’herbe elle-même et non pas sur son support, la terre qui, elle, a un caractère patrimonial.

Le «Jowro» peut ainsi vendre l’herbe de son pâturage lignager, tandis qu’en principe, le chef du village doit refuser tout étranger dans le hariima (pâturage villageois)» (BARRIÈRE O. et C., 1996).

Maîtrise de l’eau

Elle peut se définir de nombreuses façons.

Nous retiendrons:

1) La maîtrise coutumière assurée par le maître des eaux

«Le maître des eaux est un spécialiste en matière de gestion de la ressource aquatique. Il a un pouvoir précis matérialisé par une maîtrise exclusive sur des pêcheries déterminées dont il a hérité et qui constituent un patrimoine lignager [...]. Chaque village peut compter plusieurs maîtres des eaux dans la mesure où ceux-ci gèrent des pêcheries lignagères. En revanche, des sections de rive de fleuve sont souvent gérées par un seul maître d’eau villageois.» Extrait de texte au sujet des Leyde du Delta intérieur du Niger (BARRIÈRE O. et C., 1997).

2) La maîtrise technique de l’eau dans la culture irriguée

«La maîtrise de l’eau résulte de l’aménagement, mais elle dépend aussi de la plus ou moins bonne discipline collective pour l’usage de l’eau et, dans le moyen et long terme, d’un bon entretien des réseaux d’irrigation. Cette discipline, de même que les fonctions de maintenance et d’entretien dépendent à leur tour de facteurs institutionnels et d’organisation qui sont liés aux relations sociales entre les exploitants.»


«La valeur nouvelle des terres irriguées en fait un enjeu d’appropriation important pour les acteurs ruraux et notamment pour les non paysans détenteurs de capitaux d’origine urbaine» (MATHIEU P., 1991).

Marchandisation

«Ce néologisme décrit la transformation de la terre en une marchandise, en un bien susceptible d’être aliéné et vendu. Ce qui est différent de la monétarisation des relations foncières (développement de transactions marchandes de type location, ou passage à une forme monétaire des redevances autrefois payées en nature)» (LAVIGNE-DELVILLE Ph., 1998).

La marchandisation imparfaite

Selon le droit moderne, la propriété privée suppose un droit d'aliénation indifférencié, indépendant de la nature de l'acheteur. Par ailleurs, une fois la transaction réalisée, l'acheteur est quitte d'obligations ultérieures envers le vendeur. La propriété repose sur le contrat entre des individus dégagés des liens sociaux contraignants du communautarisme.

Des enquêtes menées en Afrique montrent qu'il peut y avoir vente de terres avec subsistance de liens particuliers entre l'acheteur et le vendeur et qui ne s'accompagne pas du transfert du droit d'aliénation.

Des enquêtes de terrain menées par R. HECHT en Côte d'Ivoire dans les années soixante-dix (zone forestière de Divo), corroborées par celle de la Banque mondiale en 1992, ont révélé que les nombreuses ventes de terre n'impliquaient pas l'aliénation du bien foncier. Le motif de la terre serait moins la contrepartie monétaire que l'établissement d'une emprise personnelle sur l'acheteur. Par ailleurs, les acheteurs ne sont pas sûrs de pouvoir transmettre à leurs descendants les terres acquises et, dans certains cas, les descendants du vendeur ont été en mesure de contester les droits de l'acheteur (cité par KARSENTY A., in LE ROY E., KARSENTY A., BERTRAND A., 1996).

Marché foncier

C'est le lieu de rencontre des vendeurs et acheteurs de terre. Ce marché se distingue cependant d'un marché classique par la particularité du bien échangé et par le fait qu'il n'est pas symétrique et généralement en déséquilibre.

J. CAVA aborde la problématique du marché foncier et du prix des terres agricoles. En résumé, il explique que l'offre et la demande agricoles sont indépendantes du prix du marché. L'offre en Occident émane généralement des agriculteurs âgés ou retraités ou des héritiers indivisaires d'agriculteurs. Le propriétaire cherche à vendre à l'acheteur qui lui offre le prix le plus élevé. Le prix offert par l'acheteur résulte du phénomène de concurrence entre acheteurs, entraîné lui-même par une offre généralement inférieure à la demande. L'auteur traite également du phénomène des anticipations dans la détermination du prix de la terre.

J. COMBY (1997) distingue six catégories de marchés fonciers, deux de type rural, quatre de type urbain:

1. Le marché de l'espace naturel comme bien de production. C'est le marché des terres agricoles.

2. Le marché de l'espace naturel comme bien de consommation. Ce type de terrain n'est pas destiné à la production, mais apporte une satisfaction aux consommateurs (terrain de chasse, de promenade...).

3. Le marché de l'espace naturel comme matière première. Les terrains y sont urbanisables mais pas encore constructibles. Après aménagement, ils sont revendus sur le quatrième marché comme terrains à bâtir.

4. Le marché des terrains neufs, «fabriqués» en périphérie des villes. Lorsque le terrain a été aménagé et bâti par la même personne, ce quatrième marché est invisible, la valeur du terrain étant incluse dans le prix de la maison vendue.

5. Le marché des terrains à recycler concerne les terrains qui ont déjà eu un usage urbain et qui sont achetés pour être réaménagés.

6. Le marché des droits à bâtir en milieu urbain. La valeur du terrain ne dépend plus du tout de sa surface, mais de la surface des planchers qu'il est possible de construire.

Il peut exister une septième situation, celle des terrains à valeur économique négative. Il s'agit de terrains pour lesquels la valeur d'usage est inférieure au coût du réaménagement. Ils sont donc par hypothèse invendables et il s'agit presque toujours de «friches industrielles».

Matrilignage

Le lignage groupe les gens qui se considèrent comme des descendants d'un ancêtre commun et qui peuvent reconstituer leur généalogie à partir de cet ancêtre. On parle de matrilignage (ou de lignage matrilinéaire) si la filiation se transmet par les femmes (COLLEYN J.-P., 1982).

Pour que deux individus appartiennent au même groupe de parenté, il faut qu'il y ait entre eux un lien de descendance par les femmes. Un homme et le fils de son frère, par exemple, n'appartiennent pas au même groupe. Le fils du frère fait partie du groupe de sa mère.

Métayage

Il existe trois modes de tenure, c'est-à-dire trois façons pratiques et juridiques d'exploiter le sol: le faire-valoir direct, le fermage, le métayage ou colonat partiaire (POIRÉE, ROCHE, 1968). Le colonat partiaire (avec répartition des parts des fruits) est donc synonyme de métayage (BRUNET, FERRAS, THERY, 1993).

Le métayage recouvre une grande diversité de situations dans le temps comme dans l’espace. Aux États-Unis, par exemple, le statut légal du métayage varie selon les états d’une relation de tenure à un mode de rémunération de la force de travail (COLIN, 1998).

La plupart des auteurs tels que CLÉMENT (1981), BRUNET et al. (1993) et COLIN (1998) s’accordent cependant à définir le métayage comme un mode de faire-valoir indirect d’une propriété foncière par lequel le propriétaire cède l’usage de sa terre à un locataire, ou métayer, moyennant une rétribution en nature représentant une part (en principe la moitié, d’où le nom) des produits de l’exploitation. Le tenancier intervient dans la prise de décision relative à la conduite des cultures. Le matériel de production, le cheptel, les semences et les engrais sont, et selon les cas, fournis soit par le propriétaire, soit par le tenancier.

Autrefois courant, ce mode de faire-valoir a pratiquement disparu en Europe au profit du faire-valoir direct et du fermage. Il reste largement pratiqué dans d’autres pays, notamment en Amérique latine. Les contrats varient fortement selon l’état des rapports de force entre preneurs et bailleurs. COLIN (1994) signale la pratique du métayage pour la culture du manioc en Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’émergence des droits de propriété.

Le bail à métayage ou colonat partiaire est le bail d’un fonds rural où le bailleur et le preneur, appelé métayer ou colon partiaire, conviennent que les produits du fonds loué seront partagés entre eux et où la part du bailleur ne peut être supérieure au tiers de l’ensemble des produits, sauf décision contraire du tribunal paritaire. Les termes «à métayage» ont supplanté ceux de «bail à colonat paritaire» (CORNU, 2000).

Dans les Vallées Centrales de l’état de Oaxaca au Mexique, le métayage se développe à partir du XVIIIe siècle. jusqu’au XXe siècle dans les haciendas. Cette pratique permet d’une part de réduire le principal poste de dépense des latifundia dans un contexte de faible rentabilité de la production agricole et d’endettement, et d’autre part, de répondre à la pression foncière engendrée au sein des communautés indigènes par la croissance démographique. Cette forme de métayage disparaît dans les années 1930 avec la réforme foncière qui conduit à la distribution des terres des grands domaines (COLIN, 1997).

Le métayage apparaît ensuite sous une forme inter- ou intra-communautaire. COLIN (1997) étudie cette pratique dans un village de cet état. L’arrangement type stipule généralement que le propriétaire fournit la terre et les semences, tandis que le tenancier laboure et cultive. La production, partagée en deux, est récoltée et transportée par chacun séparément. À première vue, il apparaît financièrement bien plus intéressant pour un agriculteur de travailler exclusivement comme journalier, plutôt que de prendre des parcelles en métayage. Les tenanciers suivent cependant une démarche «safety first». Ils préfèrent cultiver la nourriture nécessaire à la survie de la cellule familiale, plutôt que de gagner un salaire, ceci à cause de l’incertitude sur les prix des biens alimentaires et parce que le salaire pourrait être trop vite et mal dépensé. De même, des propriétaires choisissent le faire-valoir direct de leurs terres pour subvenir aux besoins de la famille, plutôt que de les donner en métayage, alors que cette dernière solution paraît économiquement plus rentable.

Les familles qui cèdent des terres en métayage sont plutôt celles qui sont assurées d’un revenu financier par un membre émigré aux États-Unis ou celles ne disposant pas de la force de travail nécessaire.

Colin conclut que la rationalité de cette pratique n’est pas à rechercher dans un simple déterminant tel que des coûts de transaction importants, des risques insupportables, des contraintes de trésorerie, ou une information imparfaite, mais dans le jeu complexe d’une combinaison de facteurs (COLIN, 1994).

Meuble/mobilier

Le terme meuble désigne toute chose matérielle qui peut être déplacée. Au sens générique, il s’agit de tout bien qui n’est pas immeuble.

Mobilier désigne ce qui a le caractère d’un meuble au sens générique et tout ce qui se rapporte aux meubles.

La différence entre les meubles et les immeubles tient au fait que: «en fait de meuble, possession vaut titre», ce qui n'est pas vrai pour les immeubles.

Migrations

On appelle migration ou mouvement migratoire un ensemble de déplacements ayant pour effet de transférer la résidence des intéressés d'un certain lieu d'origine, ou lieu de départ, à un certain lieu de destination, ou lieu d'arrivée (GEORGE, 1993). La migration concerne tous les êtres vivants, même les végétaux, dont l’aire préférentielle ou originelle a pu changer (BRUNET, FERRAS, THERY,1993).

On peut aborder les migrations selon une approche temporelle ou géographique.

D’un point de vue temporel, on distingue, pour les populations humaines, les migrations périodiques des migrations définitives -ou du moins à très longue période-. Celles-ci impliquent l’abandon définitif - ou très durable - du lieu de départ et les premières, un retour régulier au lieu de départ, qui reste lieu de résidence.

Les migrations temporaires peuvent être quotidiennes, hebdomadaires, saisonnières, ou selon d’autres périodes encore (BRUNET, FERRAS, THERY, 1993). Les migrations saisonnières sont des déplacements entre le lieu de travail et celui de résidence. Elles peuvent être quotidiennes pour les ouvriers agricoles qui vont de leur village vers le grand domaine où ils sont employés. Elles peuvent être saisonnières quand les ouvriers agricoles se déplacent selon le rythme des saisons pour effectuer des travaux qui exigent beaucoup de main-d'œuvre pendant un temps très court: vendanges, récoltes de fruits, ou de légumes. Les éleveurs transhumants par exemple accomplissent des migrations saisonnières, appelées parfois migrations de sécheresse, car les troupeaux sont contraints de se déplacer par suite d'une sécheresse inattendue et doivent alors pratiquer, comme au Sahel du Soudan, une transhumance inhabituelle, mais saisonnière (FÉNELON, 1991).

D’un point de vue géographique, la migration peut être de deux types: internationale ou rurale.

La première est le fait, pour une personne, de se déplacer d’un pays dans un autre et d’y séjourner pour un motif de travail; parfois, plus généralement (dans le droit de la Sécurité sociale), tout déplacement international de l’assuré social, quel que soit le motif du déplacement est une migration.

La seconde est l’opération donnant droit à une aide financière et technique de l’Etat et consistant, pour un agriculteur, à quitter une exploitation située dans une zone surpeuplée pour s’installer dans une zone d’accueil sur une exploitation présentant certaines garanties de rentabilité (CORNU, 2000).

P. MATHIEU (1994) distingue deux grands types de migrations supplémentaires: les migrations internes vers les villes, et les migrations locales.

Si les migrations temporaires s’effectuent généralement dans le même pays -voire dans la même région, les migrations définitives peuvent être soit internes au pays (ou à l’aire écologique, à la région), soit externes au pays et comportent alors une face émigration et une face immigration, et sont dites migrations internationales (ou interrégionales) (BRUNET, FERRAS, THERY, 1993). En effet, quand le déplacement implique sortie d'un territoire national, il est qualifié d'émigration, entrée dans un autre territoire national, d'immigration. Toutefois, certains auteurs emploient les termes d'émigration et d'immigration pour désigner des migrations intérieures à un même Etat quand il y a passage d'un milieu géographique bien déterminé à un autre milieu géographique spécifiquement différent (émigration des campagnes, immigration dans une ville ou une aire métropolitaine) (GEORGE, 1993).

Il existe également une migration cyclique, notamment dans les pays de l’Afrique de l’ouest, où les séjours successifs loin du village d’origine sont fonction des travaux agricoles saisonniers: de la plantation aux zones de culture vivrière puis retour momentané en saison morte, au village de départ, avant de repartir sur les plantations et cela, année après année (CIPARISSE, 1999).

L’exode est une migration massive, et la déportation est une migration forcée. Le nomadisme, qui implique parfois des rotations très régulières, n’est pas considéré comme relevant des migrations (BRUNET, FERRAS, THERY, 1993).

On peut également considérer le «migrant de retour», qui, de retour au village après une tentative de subsistance en ville, choisirait dans bien des cas la meilleure assurance contre les pénuries, les disettes ou la crise (LE BRIS, LE ROY, MATHIEU, 1991).

Les effets des migrations sont très différents selon la nature des migrants et selon la distance culturelle, voire identitaire, entre les lieux d’arrivée et de départ. Elles n’ont pas le même sens selon qu’elles résultent d’un choix délibéré ou d’une contrainte, qu’elles concernent des riches ou des pauvres, qu’elles se font à l’intérieur d’une même communauté ou avec changement de langue, de nation ou de culture (BRUNET, FERRAS, THERY, 1993).

Le foncier et les migrations de planteurs

L’ensemble de droits que les villageois exercent sur l’espace de la brousse (le «foncier de la forêt naturelle») a une histoire et fait généralement référence à une migration originelle mythique ou récente qui confère des droits durables. Cependant, c’est aussi largement un «foncier à géométrie variable».

Dans le sud-est ivoirien par exemple, le contrôle par les populations autochtones a évolué avec le temps face à la vague déferlante des migrants baoulé et allogènes du nord: passage de la cession à la vente de forêt, apparition d’un marché foncier, sur la base de droits essentiellement relatifs (LE BRIS, LE ROY, MATHIEU, 1991).

Au Ghana, l’expansion de l’économie cacaoyère a été impulsée et entretenue par un courant de planteurs migrants, originaires du Sud-Est. Il semble qu’à partir de la fin des années 1950, ce problème des planteurs migrants ait été sous-estimé et, avec lui, l’existence d’un groupe de planteurs capitalisant une quantité importante de terre. L’économie cacaoyère était alors considérée comme le fait de petits producteurs n’obéissant pas à une logique économique spécifique. Le renversement de perspective des années 1970 amène à privilégier le processus historique des migrations, qui l’emporte sur l’aspect proprement foncier du problème. Deux idées sont mises en exergue. La première est que ces migrations, quoique d’une ampleur inédite, ne sont pas nouvelles (migrations dès la seconde moitié du XIXe siècle pour acheter des terres à palmier à huile, puis pour exploiter le caoutchouc) et ne sont pas révolutionnaires par rapport à l’organisation socio-économique traditionnelle des migrants (achats de terre groupés par des patrilignages ou des matrilignages) (LE BRIS, LE ROY, LEIMDORFER, 1983). Les projets de colonisation de terres soi-disant «vacantes» créent en effet dans certains cas, des problèmes fonciers graves entre natifs et migrants (LE BRIS, LE ROY, MATHIEU, 1991).

Mise en valeur

La mise en valeur est un processus par lequel une étendue inoccupée ou faiblement occupée devient productrice de richesses. La mise en valeur est d’abord, ou principalement, obtenue par l’agriculture. Elle peut supposer d’importants travaux de culture, d’élevage et d’échanges agricoles: délimitation des parcelles, défrichements, labours, spécialisation des terres, habitat pour l'homme, les troupeaux et les récoltes (FÉNELON, 1991).

En économie, une terre mise en valeur est une terre transformée en ressource productive. De ce fait, la personne qui l’a mise en valeur acquiert un certain droit sur cette terre.

La mise en valeur est le processus classique de formation des espaces pionniers. Il peut pourtant se produire aussi dans de vieux espaces depuis longtemps appropriés, mais dont on change la forme de mise en valeur en augmentant considérablement leur valeur (BRUNET, 1993).

L’expression ne s’applique pas seulement à l’intervention de populations munies de moyens techniques: la mise en valeur est du point de vue du colon, qui parfois agit en terrain vierge, mais bien plus souvent au détriment d’une population autochtone qui avait d’autres conceptions et d’autres méthodes de "mise en valeur", et qui se trouve balayée si nécessaire (BRUNET, 1993).

En effet, initialement, introduit par les administrations coloniales pour apporter davantage de terre dans la production, ainsi que pour encourager les investissements dans les aménagements fonciers et adopté plus tard par les gouvernements après l’indépendance, ce concept est en opposition avec la compréhension traditionnelle des droits fonciers car il exige l’établissement et le maintien d'un lien particulier entre un groupe de personnes et un territoire. Ainsi, la pierre angulaire du rapport traditionnel entre les personnes et la terre est éliminée: les normes coutumières sont remplacées par celle de l'Etat et par la capacité d'investir dans l'amélioration de la terre. D'un point de vue légal, la mise en valeur est une question de fait et peut être constatée par l’ensemble d'activités reconnues comme étant une preuve réelle de cette mise en valeur.


La notion de mise en valeur est centrale dans la conception foncière occidentale car elle détermine un nouveau rapport entre les hommes à propos de l’espace et de la production alimentaire. En effet, du point de vue juridique officiel, le droit éminent de l’Etat est un axiome de base. Pour les Etats africains, il est l’héritage du droit de conquête de l’Etat colonial qui les a précédés. Cette notion efface officiellement ipso facto toute autre source de droit foncier que celle mise en oeuvre par l’Etat. Il s’approprie ainsi officiellement la légitimité d’organiser l’espace en fixant ses modalités d’affectation, de transmission et de régulation des droits. Cependant, en milieu rural, les Etats ont dû composer avec des populations locales qui ne peuvent se soustraire à leur environnement social quotidien et à leurs procédures et pouvoirs juridiques locaux d’origine politique, religieuse ou familiale. Pour organiser une transition progressive vers un Etat de droit satisfaisant au regard du modèle fixé, les Etats ont mis en place des cadres juridiques transitoires. Ces systèmes reposent d’une part sur une prise en compte partielle des droits coutumiers et d’autre part, sur deux principes de base: "la terre appartient à celui qui la travaille et à celui qui la met en valeur". En se référant à ce second principe, une nouvelle conception de l’organisation de l’espace devient possible: elle ne renvoie plus à une projection des relations des familles entre elles et des hommes entre eux, elle se fonde sur la relation de l’individu à l’espace par le travail qu’il y investit, en prévision d’une rentabilité future. Les conséquences d’une mise en valeur ont une telle importance que les exploitants sont rarement autorisés à aménager les terrains qui leur sont prêtés. La mise en valeur peut avoir des conséquences juridiques encore plus importantes. Certains investissements peuvent être vendus en mobilisant la terre au profit de l’acquéreur. Ce processus permet de réaliser une vente de terrain en la maquillant par la vente de l’investissement (CHAUMIÉ, 1991).

Mobilisation de la terre

Aborder, avec le langage de l’économie politique, la mobilisation des droits sur la terre, c’est envisager la transformation du statut de la terre en bien marchand (LE ROY, 1996). Il y a donc transformation d’un bien «immeuble par nature» en un autre marchand, ceci en identifiant l'échange des droits fonciers commerciaux.

Si la ressource est appropriable, le milieu dans lequel elle se trouve ne constitue pas une propriété. La raison est simple mais peu aisée à saisir.

La propriété correspond à une société marchande, c'est-à-dire à une société où le pouvoir sur les choses est autonome et où la terre devient, à son stade ultime, un bien aliénable. Le passage de la société lignagère à la propriété s'effectue «dans un mouvement de crise qui traverse tout le corps social et qu'on peut décomposer en une crise des valeurs sacrées, une crise des structures de la parenté, une crise de l'autorité» (MADJARIAN, 1991).

Cette véritable mutation sociale entraînée par l'introduction de la propriété et conduisant vers la "marchandisation" de la terre, transfigure les sociétés parentalisées par plusieurs voies identifiées par G. MADJARIAN (1991): désacralisation de la terre, individualisation des hommes, mobilisation humaine par l'attirance du gain matériel ou la contrainte, bouleversement du contenu de la richesse et des sources de l'autorité sociale. La propriété est donc profondément antinomique avec les rapports traditionnels que les hommes entretiennent avec la nature et l'invisible. Ceux-ci reflètent une vision du monde qui est rejetée par le capitalisme, trop matérialiste: «la destruction progressive de l'animisme et des religions traditionnelles [...] a rompu le lien vital et symbolique entre la terre et le groupe, le rôle médiateur du sol entre la communauté des vivants et le monde des esprits». En se dégageant du fardeau communautaire, la société se débarrasse du statut pour rejoindre le contrat dans une évolution où la «traduction de ce mouvement tendanciel sur le plan du rapport de l'homme aux choses n'est autre qu'une évolution du patrimoine vers la propriété».

Le passage du patrimoine à la propriété entre dans le cadre d'un processus de mutation sociale qu'aucune loi ne peut engendrer, mais seulement encourager. Cette logique marchande tant souhaitée par ceux qui prônent la généralisation de la propriété n'a qu'une justification économique. La mobilisation de la terre en la "marchandisant" permettrait-elle une meilleure gestion des ressources naturelles? Rien n'est moins sûr pour ceux qui ne sont pas adeptes des thèses de Garett Hardin. D'ailleurs, les effets pervers d'un marché foncier ont-ils été seulement envisagés? On verrait les potentats locaux, fonctionnaires et commerçants, se délecter de l'introduction du capital dans la terre, au détriment d'une masse rurale paupérisée, transformée en main d’œuvre surexploitée.

(http://www.FAO.ORG/DOCREP/W3723F/W3723F05.HTM)

Monopole foncier étatique

Le monopole foncier étatique caractérise une situation dans laquelle l’État s’est octroyé à l’aide d’instruments réglementaires la propriété sur tout ou une partie des terres du territoire national.

La notion de monopole foncier étatique renvoie à la conception d’un espace unifié qui est le support d’un pouvoir centralisé et du droit de propriété.

De ce fait, l’État au nom de l’intérêt général impulse par ses propres choix une représentation particulière des rapports fonciers. Cette représentation est considérée supérieure aux autres formes qui peuvent exister. Il organise la société par ses institutions et impose le respect des règles du jeu qu’il a mis en place par l’intermédiaire de ses administrations.

Cette notion trouve son origine dans la politique domaniale qui a été inspirée par l’application conjointe des articles 539 et 573 du Code Civil français.

Le monopole foncier étatique est une construction largement utilisée dans de nombreuses réglementations foncières (voir les exemples donnés dans la définition du domaine national et du domaine foncier national). Il peut être interprété d’une part comme la volonté de contrôle de l’État de son territoire national, et d’autre part comme le souci de vouloir transformer les mentalités.

Le monopole foncier étatique dénie de fait toute légitimité aux pratiques locales d’appropriation et de gestion de la terre.

Morcellement des terres

Le morcellement est la division d'un terroir en un plus ou moins grand nombre d'exploitations agricoles.

Il s'oppose au parcellement, ou au morcellement parcellaire: partage du sol en parcelles consacrées à diverses cultures. Le morcellement peut consister en fermes dispersées aux parcelles groupées, comme dans un pays de bocage, ou bien en fermes groupées à parcelles très dispersées comme dans les régions d'openfield (FÉNELON, 1991).

Le morcellement des terres peut être considéré comme l’inverse du remembrement. Cependant, comme BERRY (1988) le précise, là où une institution parastatale exproprie de la terre chez cent propriétaires pour ensuite la redistribuer en de petites parcelles de terre de culture à mille paysans, on peut parler de droits d'attribution ayant été ainsi assemblés, alors que les droits d'utilisation sont fragmentés. BERRY suggère qu'il serait préférable de limiter les termes remembrement et morcellement à des zones foncières physiques et de parler de concentration et de déconcentration lorsqu’il s’agit de droits fonciers.


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