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Politiques nationales ayant une incidence sur les incendies de forêt dans la région Amériques et Caraïbes

Robert W. Mutch10, Bryan Lee11 et James H. Perkins12
10 Applications de la gestion des incendies (Fire Management Applications), Missoula, Montana, USA.

11 Service canadien des forêts, Edmonton, Alberta, Canada.

12 Service des forêts du Département de l'agriculture des Etats-Unis (USDA), Yreka, Californie, USA.

RÉSUMÉ

Les incendies de forêt nuisent gravement aux personnes, aux biens et aux ressources naturelles sur tout le continent américain et dans les Caraïbes. Leurs effets ont pris des proportions particulièrement dramatiques pendant l'année El Niño de 1998, où ils ont fait soixante-dix victimes au Mexique, provoqué de graves problèmes de santé dus à la pollution de l'air au Mexique, en Amérique centrale et aux Etats-Unis, nécessité l'évacuation de 70 000 personnes en Floride, perturbé les transports aériens en raison d'une baisse de la visibilité, et endommagé les forêts tropicales humides au Brésil et au Mexique. L'agriculture sur brûlis, les défrichements, une sécheresse très étendue et des accumulations anormales de combustibles se sont combinés pour provoquer des incendies catastrophiques. Ceux-ci étaient dus non seulement aux conditions locales de l'environnement et des combustibles, mais aussi aux politiques nationales et aux activités humaines. On pourrait croire au premier abord que les politiques conduisant à améliorer les interventions d'urgence pour faire face aux incendies de forêt peuvent fournir des solutions satisfaisantes. Mais les indicateurs révèlent qu'une augmentation des investissements concernant uniquement les interventions d'urgence sur les incendies de forêt ne fera qu'aggraver la situation en termes de dommages et de coûts. La thèse développée ici est que les politiques nationales qui établissent un lien entre des pratiques durables d'utilisation des terres et l'état de préparation aux urgences sont les plus porteuses de succès à long terme. Des recommandations sont présentées dans cette optique. L'une des stratégies à envisager pour les écosystèmes adaptés au feu dans la région consiste à augmenter l'utilisation du brûlage dirigé pour restaurer les forêts et les communautés végétales qui ont évolué avec le feu, et assurer leur durabilité. Etant donné que beaucoup de populations d'Amérique latine dépendent de l'utilisation traditionnelle du feu dans leurs pratiques agricoles, et que beaucoup de ces feux agricoles ont échappé au contrôle pour provoquer des incendies très étendus au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, une autre stratégie possible serait de travailler plus étroitement avec les agriculteurs par le biais de mesures incitatives et de programmes d'éducation pour obtenir des pratiques de brûlage plus sûres.

REMERCIEMENTS

Nous exprimons notre reconnaissance à Luisa Alfaro, du Costa Rica, Roberto Martinez Dominquez, du Mexique, Adriana Moreira, du Brésil, et Kenny Singh, de Trinité et Tobago, qui ont contribué de façon significative à ce rapport en fournissant des informations importantes.

INTRODUCTION

Les grands incendies de forêt qui se sont produits dans le monde entier pendant la sécheresse intense due au phénomène El Niño de 1997-1998 ont focalisé l'attention du public et des médias sur la nécessité d'évaluer les politiques et les pratiques des secteurs forestier et non forestier qui contribuent, directement ou indirectement, à l'impact des incendies de forêt. L'ampleur de ces incendies et les dommages qui leur sont attribués sont si énormes que le Christian Science Monitor a qualifié cette année de "l'année où la terre a pris feu". Par moments cela semblait littéralement vrai lorsque des voiles de fumée recouvraient de vastes étendues à l'échelle d'une région entière, perturbant la navigation aérienne et maritime et menaçant sérieusement la santé publique. Les incendies ont fait soixante-dix victimes rien qu'au Mexique, et des écosystèmes qui ne sont généralement pas touchés par les incendies, comme la forêt tropicale humide amazonienne et la forêt de montagne du Chiapas au Mexique, ont subi des dommages considérables.

L'ampleur et les effets des incendies de forêt dépendent non seulement des conditions climatiques et environnementales, mais aussi des politiques nationales, des lois et des objectifs institutionnels qui ont une incidence sur des aspects tels que la colonisation humaine, la tenure des terres, les réglementations en matière d'environnement, les pratiques agricoles et forestières. Ce rapport régional évalue la localisation, les causes et l'ampleur du problème des incendies de forêt, et permet d'obtenir:

1. une image plus exacte du coût et des répercussions des incendies de forêt,

2. une indication des impacts sociaux, économiques et environnementaux les plus importants,

3. une identification des régions critiques et des pays à haut risque, et

4. une identification des politiques et des pratiques permettant de réduire les effets négatifs des incendies de forêt.

Sur la base d'évaluations régionales et d'un dialogue entre les pays, il devrait être possible de mettre au point un programme pour le transfert des politiques et des pratiques qui permettent d'améliorer les capacités institutionnelles en matière de prévention des incendies de forêt, de préparation et de lutte contre les incendies. Ceci fournira des éléments nouveaux sur les possibilités du brûlage dirigé pour obtenir des avantages en ressources. Les programmes de gestion des incendies de végétation sur le continent américain et aux Caraïbes seront décrits en termes de prévention ou de lutte contre les incendies, ou feux non désirés, et de prescription d'autres feux pour atteindre des objectifs bénéfiques.

De nombreux indicateurs révèlent qu'une augmentation des investissements concernant uniquement les interventions d'urgence sur les incendies de forêt aura pour conséquence l'aggravation des situations d'urgence en termes de dommages et de coûts à l'avenir. Les politiques nationales et l'éducation du public intégrant des pratiques durables d'utilisation des terres et l'état de préparation aux urgences seront vraisemblablement les plus fructueuses à long terme.

BILAN RÉGIONAL DES POLITIQUES NATIONALES AYANT UNE INCIDENCE SUR LES INCENDIES DE FORÊT

Les incendies de grande ampleur qui se sont produits sur tout le continent américain et dans les Caraïbes en 1998 ont démontré clairement que les politiques nationales et les activités humaines, ainsi que la sécheresse prolongée, avaient contribué à la gravité des impacts sur les forêts. Aux Etats-Unis, par exemple, la politique a mis l'accent sur l'exclusion du feu depuis plusieurs décennies, conduisant à une accumulation anormale de combustibles au sein des écosystèmes dépendants du feu. Maintenant, lorsque des incendies se déclarent dans ces forêts de pins à longues aiguilles, ils brûlent avec une intensité beaucoup plus forte qu'ils ne le faisaient avant 1900. Aujourd'hui les incendies sont plus difficiles à maîtriser en raison de cette quantité importante de combustibles, et ils ont causé des dommages considérables aux habitations situées dans les zones périurbaines, ainsi qu'aux ressources naturelles.

De nombreuses politiques ayant des répercussions sur les programmes de gestion des incendies, aux Etats-Unis et ailleurs, découlent de la législation adoptée par les gouvernements fédéraux. Il arrive que cette législation formule des exigences contradictoires pour les organismes de gestion des ressources. Le Congrès des Etats-Unis a adopté en 1964 la Loi sur les espaces naturels (Wilderness Act) qui prévoyait que le feu joue un rôle plus naturel pour maintenir les écosystèmes naturels adaptés au feu. Des programmes autorisant l'allumage de feux devant brûler sous surveillance pendant des jours, des semaines ou des mois, ont été mis au point. Mais la Loi sur la propreté de l'air (Clean Air Act), adoptée en 1970, exigeait que le brûlage dirigé soit contrôlé soigneusement, de manière à ce que la fumée ne menace ni la santé ni le bien-être publics. D'un côté, les lois et les politiques prévoient davantage de feux, et de l'autre elles imposent de nombreuses restrictions limitant le brûlage dirigé. Les conflits entre les diverses politiques nationales doivent être résolus d'une façon qui contribue au maintien d'écosystèmes viables.

Les activités humaines peuvent avoir un effet tout aussi important sur la situation des incendies de forêt que les politiques nationales. Si l'on examine les conditions associées aux nombreux incendies de 1998 au Mexique, en Amérique centrale et au Brésil, on constate que l'ampleur des incendies elle-même était souvent en rapport avec l'importance du brûlage pratiqué pour l'agriculture et pour les défrichements, pratiques issues d'une longue tradition. Les gouvernements ont semblé pratiquement impuissants à restreindre ce brûlage, malgré leurs tentatives en ce sens. Le grand nombre de feux allumés à des fins agricoles a fini par dépasser les services de lutte anti-incendie. Il y avait tout simplement trop d'incendies de grande ampleur pour que les pompiers soient efficaces. Il a fallu l'arrivée de pluies abondantes pour mettre un terme à ces incendies très importants.

En outre, certains pays de la région n'ont pas établi ni mis en œuvre de politiques pour appliquer des stratégies systématiques de gestion des incendies permettant de réagir rapidement et énergiquement pour contenir les feux naissants à un faible niveau. Les politiques régissant l'exploitation du bois d'œuvre et la colonisation des terres peuvent aussi contribuer à une augmentation de l'inflammabilité des forêts tropicales, les rendant plus sensibles aux incendies destructeurs.

Un rapport publié en novembre 1998 par le Worldwatch Institute attirait l'attention sur le fait que les coûts occasionnés par les mauvaises conditions météorologiques de cette année-là s'élevaient à 89 millions de dollars pour le monde entier, somme supérieure à celle correspondant à la totalité des pertes liées aux catastrophes climatiques pour l'ensemble des années 8013. Outre les pertes matérielles, on estime que les catastrophes ont fait 32 000 victimes et ont nécessité le déplacement de 300 millions de personnes. Bien que la majorité des pertes aient été attribuées à de violentes tempêtes, une conclusion du rapport s'applique tout aussi bien aux dangers que représentent les incendies de forêt:

"Si les nations dévastées ne mettent pas en œuvre des mesures de reconstruction qui suivent la voie d'un développement durable, mettant l'accent sur la restauration et la conservation d'écosystèmes en bonne santé, elles risquent d'être encore plus exposées à la destruction par des catastrophes non naturelles à l'avenir."
13 Article publié le 28 novembre 1998 dans le journal Missoulian, intitulé "$89 billion in damage worlwide" ("89 milliards de $ de dégâts dans le monde entier"), par Donna Abu-Nasr (Associated Press).
LA RÉGION AMÉRIQUES ET CARAïBES

Cette région sera traitée ici en terme de sous-région nord-américaine (Canada et Etats-Unis) et de sous-région Amérique latine et Caraïbes. Le Mexique sera inclus dans l'Amérique latine compte tenu de ses liens culturels étroits avec cette région.

Amérique du Nord

Le Canada et les Etats-Unis bénéficient d'une richesse particulière en termes de revenu per capita et de ressources naturelles. A eux deux, ils couvrent près de 18,8 millions de km2, soit environ 14 pour cent des terres émergées mondiales. Ces deux pays ont en commun l'une des plus grandes frontières du monde, ce qui leur donne de nombreuses possibilités de coopération et d'accords transfrontaliers. Des accords existent, par exemple, pour le partage des moyens de lutte anti-incendie de chaque côté de la frontière dans les deux directions. L'un des accords de lutte anti-incendie les plus anciens existe entre l'est du Canada et le nord-est des Etats-Unis. Un type d'accord analogue est envisagé entre l'ouest du Canada et le nord-ouest des Etats-Unis.

Les forêts sont un élément dominant du paysage nord-américain. Elles couvrent presque la moitié du Canada (Natural Resources Canada 1996) et un tiers des Etats-Unis (Brooks 1993). Les autorités provinciales sont responsables de la gestion de 71 pour cent des forêts canadiennes, 23 pour cent sont gérées par les autorités fédérales et territoriales (Natural Resources Canada 1996), et les 6 pour cent restants se trouvent sur des terrains privés.

Aux Etats-Unis, de nombreuses forêts publiques sont gérées par le Service des forêts (Forest Service), le Bureau de la gestion des terres (Bureau of Land Management), le Bureau des affaires indiennes (Bureau of Indian Affairs) et les états, pour atteindre des objectifs d'utilisations multiples: loisirs, eau, bois d'œuvre, habitat de la faune sauvage et parcours pour le bétail domestique. Les forêts sont gérées avant tout pour la production de fibres. Le Service des parcs nationaux (National Park Service) et le Service des poissons et de la faune sauvage (Fish and Wildlife Service) sont chargés respectivement de la gestion des parcs nationaux et des refuges de faune sauvage. Tous ces organismes entretiennent leur propre capacité de gestion des incendies, et coopèrent sur une base régulière. La réduction des forêts âgées et des dernières forêts humides tempérées en Colombie britannique, au Canada, et dans le Nord-ouest Pacifique des Etats-Unis, a suscité l'inquiétude du public, qui a demandé l'arrêt de l'exploitation forestière dans ces zones. Le mouvement qui s'est développé rend de plus en plus difficile l'exploitation du bois d'œuvre sur les terres fédérales, créant des difficultés dans l'utilisation de l'éclaircissage et des prescriptions sylvicoles pour le maintien d'écosystèmes viables répondant à des objectifs multiples.

De nombreuses forêts, particulièrement dans l'ouest des Etats-Unis, présentent des symptômes de dépérissement attribués à l'exclusion du feu dans les écosystèmes dépendants du feu, à des modifications de la densité et de la composition des peuplements, à des développements épidémiques d'insectes et de maladies, et à la sécheresse. Beaucoup de ces forêts mortes ou mourantes sont maintenant plus sensibles aux feux de cimes de remplacement des peuplements, de forte intensité. Les coûts d'extinction des incendies, l'ampleur des incendies, et les dommages dus au feu ont augmenté de façon importante aux Etats-Unis depuis le milieu des années 80 en raison de la grande sécheresse et d'accumulations anormales de combustibles forestiers.

Amérique latine et Caraïbes

La sous-région Amérique latine et Caraïbes (ALC) comprend des pays présentant une grande diversité économique, sociale et écologique. Par conséquent il n'est pas facile de résumer les problèmes communs au Brésil, aux pays Andins et aux états insulaires des Caraïbes. Cette sous-région comporte cependant des éléments communs à plusieurs pays: une forte proportion de populations urbaines, une grande diversité ethnique, des peuples indigènes, et des frontières agricoles en expansion (United Nations Environment Programme 1997).

La sous-région ALC possède à la fois les plus grandes forêts tropicales non morcelées du monde, en Amazonie, et certaines des forêts les plus menacées comme la Mata Atlantica sur la côte est du Brésil. Fin 1990, environ 28 pour cent de la superficie forestière mondiale totale et 52 pour cent des forêts tropicales mondiales se trouvaient en Amérique latine et dans les Caraïbes. En 1990, ces forêts couvraient 968 millions d'hectares, soit 48 pour cent des terres de la sous-région (FAO 1993). La transformation des forêts tropicales et autres forêts est rapide; l'extension des pâturages, l'agriculture sur brûlis, les réformes agraires, l'exploitation du bois et d'autres pratiques ont provoqué une importante déforestation. Ces pratiques d'utilisation des terres, dont beaucoup ne sont pas durables, ont rendu beaucoup de zones forestières très vulnérables aux incendies. Les conséquences de ces incendies dévastateurs étaient déjà visibles en 1998 au Mexique, en Amérique centrale, dans le bassin amazonien, au Canada et aux Etats-Unis.

La plupart des forêts primaires des Caraïbes ont été abattues au début de la période coloniale (UNEP 1997). Depuis, le problème de l'introduction d'espèces exotiques dans les forêts successionnelles ne fait qu'augmenter.

LES RÉGIMES DES FEUX CONTINENTAUX

Les feux périodiques font partie de l'environnement naturel de nombreux écosystèmes - élément aussi naturel que la pluie, le neige ou le vent (Heinselman 1978). On trouve des témoignages des feux passés et de leur périodicité dans les couches de charbon de bois des lacs et tourbières, et dans les sections transversales des arbres marquées par les cicatrices du feu. Heinselman indique que les écosystèmes adaptés au feu en Amérique du Nord sont qualifiés de dépendants du feu si des perturbations par le feu sont essentielles au fonctionnement de ces écosystèmes (1978).

Le feu influence le fonctionnement des écosystèmes de nombreuses façons:

· en contrôlant la succession végétale;

· en contrôlant les accumulations de combustibles;

· en contrôlant l'âge, la structure et la composition floristique;

· en affectant les populations d'insectes et les maladies;

· en influençant les cycles de nutriments et les flux d'énergie;

· en contrôlant la productivité, la diversité et la stabilité des êtres vivants; et

· en délimitant des habitats pour la faune sauvage.

La foudre, les volcans et les êtres humains ont allumé des feux dans les écosystèmes naturels depuis des millénaires. L'accent mis actuellement sur la gestion des écosystèmes prévoit le maintien des interactions entre ces perturbations et les fonctions des écosystèmes. Il incombe donc aux gestionnaires des ressources et des incendies de connaître la fréquence, l'intensité et l'ampleur des feux dans le passé. Cette connaissance fournit un cadre de référence pour la prescription de pratiques de gestion adaptées à l'échelle du paysage. De nombreuses études décrivent l'histoire des feux dans le monde. Ainsi Swetnam (1993) relate 2000 ans d'histoire des feux dans les peuplements de séquoias géants en Californie. Il a découvert que de petits incendies fréquents se sont produits pendant une période chaude entre environ 1000 et 1300 ans ap. J.-C., et des incendies moins fréquents mais plus étendus pendant les périodes plus fraîches entre 500-1000 ap. J.-C. et après 1300. A partir de l'analyse de sédiments lacustres dans la zone de Boundary Waters Canoe, dans le Minnesota, Swain (1973) a déterminé que les arbres et le feu avaient été liés par des interactions complexes pendant une période de 10 000 ans. Les données scientifiques détaillant les nombreux effets des incendies de végétation14 sur les écosystèmes sont encore plus nombreuses. C'est cette connaissance de l'histoire des feux, des régimes des feux, et des effets des feux qui permet aux gestionnaires de mettre au point des stratégies de protection contre les incendies, des prescriptions de feux, et des programmes de brûlage dirigé pour atteindre divers objectifs de gestion des ressources (note: le terme "incendie de végétation" est un concept assez général appliqué au Canada et aux Etats-Unis à tout incendie se produisant dans les écosystèmes forestiers, les formations arbustives et herbacées et les toundras. Ce terme est objectif et ne comporte généralement aucun jugement de valeur sur le fait que le feu est bon ou mauvais. Lorsqu'il apparaît qu'un feu n'est pas voulu, ou mauvais, on parlera simplement d'incendie15.
14 NdT: terme utilisé en anglais: "wildland fire"

15 NdT: terme utilisé en anglais: "wildfire"

Le rôle du feu en tant que processus important de perturbation a été mis en relief par une classification des régimes des feux continentaux (Kilgore et Heinselman 1990). Ils décrivent un régime naturel des feux comme l'ensemble des types de comportement des feux dans le temps, caractéristique d'une région ou d'un écosystème. Les régimes des feux sont définis par le type et l'intensité des feux, les ampleurs et les types de comportement habituels des feux, et la fréquence des feux, ou durée des intervalles de retour du feu en années. Les régimes naturels des feux en Amérique du Nord sont répartis en sept classes, de la classe 0 où les feux sont rares ou absents, à la classe 6 où les feux de cimes et de graves feux de surface reviennent à des intervalles de temps supérieurs à 300 ans. Les régimes intermédiaires de feux sont caractérisés par l'augmentation des intervalles de retour du feu et par l'augmentation de l'intensité des feux. La classe 2, par exemple, décrit la situation pour les pins à longues aiguilles, comme le pin des marais, le pin de Bentham et le pin de Jeffrey, pour lesquels des feux de surface de faible intensité se produisent assez fréquemment (intervalles de retour inférieurs à 25 ans). Les forêts de pin lodgepole, de pin gris d'Amérique, et les forêts boréales du Canada et de l'Alaska appartiennent généralement aux classes 4 ou 5, pour lesquelles des feux de cime de forte intensité surviennent tous les 25 à 100 ans, ou tous les 100 à 300 ans. Les forêts de pin blanc d'Amérique aux altitudes plus élevées appartiennent habituellement à la classe 6, où des feux de plus forte intensité se produiraient à des intervalles supérieurs à 300 ans. Aux altitudes inférieures, le pin blanc d'Amérique pourrait appartenir aux régimes des feux 4 ou 5.

L'aspect remarquable des régimes des feux continentaux est que très peu de communautés végétales, ou écosystèmes, en Amérique du Nord appartiennent à la classe 0 (feux rares ou absents). En d'autres termes, la plupart des écosystèmes du Canada et des Etats-Unis ont évolué dans des environnements où les incendies de végétation se sont produits de façon cohérente, démontrant ainsi que le feu est un processus qui influence les nombreuses fonctions de l'écosystème, comme il a été décrit plus haut. L'importance généralisée du feu en tant que processus de l'écosystème a contribué à réorienter les politiques nationales vers la fin du 20ème siècle, pour accorder une plus grande importance au brûlage dirigé dans la gestion des forêts et des formations arbustives et herbacées.

Lors du brûlage dirigé effectué pour atteindre des objectifs variés, on a cherché à reproduire le rôle naturel du feu dans ses effets sur l'écosystème. Le maintien de la productivité des écosystèmes adaptés au feu nécessite généralement l'application du brûlage dirigé à suffisamment grande échelle pour garantir que les divers processus de l'écosystème restent intacts.

Les communautés forestières de la sous-région Amérique latine et Caraïbes, comme les forêts de montagne du Mexique et les forêts tropicales humides du bassin amazonien, appartiennent généralement à la classe 0 (feux rares ou absents). Ceci souligne à quel point il est important de protéger ces forêts des incendies durant les années de sécheresse, et de ne pas les modifier profondément, car elles pourraient en être affectées de manière irréversible. Cependant le cerrado, zone de savane extensive située au centre du Brésil et dans d'autres pays d'Amérique du Sud, subit des incendies périodiques fréquents et la végétation est adaptée aux perturbations dues au feu.

Il importe que les politiques nationales soient élaborées sur la base de connaissances scientifiques solides. Les décideurs doivent comprendre les conséquences des différentes stratégies de gestion possibles avant de concevoir de nouvelles politiques. Aux Etats-Unis, les responsables politiques et les décideurs participent régulièrement à une formation d'une semaine sur les fonctions de direction de la gestion des incendies, centrée sur les principes de base des régimes des feux, et sur les stratégies de gestion.

LA GESTION SYSTÉMATIQUE DES INCENDIES

Principes de base

La gestion systématique des incendies (Burger et al. 1993) est un moyen de protéger les vies, les biens et les ressources naturelles contre les incendies destructeurs, utilisé par les organismes responsables des ressources naturelles dans le monde entier. Elle peut être considérée comme l'ensemble des mesures prises par les organisations de lutte anti-incendie avant l'éclosion des feux, pendant la combustion active des feux, et après qu'un feu ait été circonscrit et éteint. Elle s'applique aussi à la mise au point d'un nouveau programme de protection contre les incendies. Les principes généraux qui guident la gestion systématique des incendies comprennent:

1. La définition des priorités. Aucun gestionnaire des ressources ne peut garantir que tous les incendies peuvent être évités ou facilement éteints dans toutes les zones dont il est responsable. Les gestionnaires assignent donc des priorités de protection telles que la protection intensive, la protection normale, ou une protection limitée, en fonction de la valeur des vies, des biens et des ressources menacés.

2. La distinction entre incendies et brûlage dirigé. Le brûlage dirigé peut être utilisé de manière bénéfique pour limiter les risques dus au feu ou produire des avantages en ressources.

3. Le choix entre différentes possibilités de protection contre les incendies pour différents types de zones.

4. La mise au point de programmes de vulgarisation. Il est impossible de lutter efficacement contre les incendies sans le consentement, la coopération et le soutien des communautés locales.

5. La formation à la lutte anti-incendie et à la gestion des incendies. Le secret du succès réside dans des individus formés et équipés, capables de réagir avec discipline dans des situations variées.

6. L'établissement d'accords et de plans d'exécution entre les organismes. Compte tenu du manque de ressources financières et de moyens en personnel et en équipement permettant de faire face à toutes les situations, aucun organisme au monde n'est capable d'assurer à lui seul la gestion systématique des incendies.

7. La prévention des incendies. Il est plus judicieux de mettre en œuvre un programme au niveau des populations locales pour prévenir les incendies destructeurs, que de les combattre.

8. L'adoption du principe de base que "chaque minute compte". Tous les éléments du programme de protection sont conçus pour réduire le plus possible le temps nécessaire à empêcher la propagation du feu. Au fur et à mesure que le feu se propage, les dommages et les coûts augmentent et les facultés des individus à éteindre le feu diminuent (figure 1).

9. La mise en œuvre de procédures d'attaque initiale basées sur le concept que "les forces les plus proches" de l'incendie sont celles qui ont le maximum de chances de réussite, car le délai d'intervention est réduit. En d'autres termes, la protection contre les incendies doit être décentralisée jusqu'au niveau le plus bas possible.

Figure 1. L'objectif de l'extinction est de minimiser l'ampleur des incendies, celle-ci étant liée aux coûts et aux pertes

Eléments de gestion systématique des incendies

La gestion systématique des incendies peut être considérée comme une série d'étapes, de la prévention au nettoiement et aux patrouilles, que les gestionnaires peuvent mettre en œuvre de différentes manières. Ces étapes sont les suivantes:

· Prévention des incendies: les activités de prévention sont de deux types - l'un porte sur la réduction de la production de brandons et l'autre sur la réduction de la prédisposition du combustible à l'ignition (traitement ou modification des combustibles). Le recensement des causes connues des incendies aide à identifier les zones où se dérouleront les campagnes de prévention, et les méthodes à appliquer.

· Préparation de la défense contre les incendies: ce sont les activités de préparation en prévision d'un incendie. Elles comprennent la formation, l'équipement, et le pré-positionnement des unités de lutte anti-incendie.

· Détection: il est très important de détecter un incendie très tôt lorsqu'il est encore de faible ampleur et de le signaler aux autorités compétentes. Ceci peut être fait grâce à des scanners infrarouge, des tours de détection, par reconnaissance aérienne et par des patrouilles. Il faut aussi mettre en place des procédures permettant au grand public de signaler les incendies rencontrés.

· Localisation: les incendies doivent être localisés de façon précise sur une carte pour guider ceux qui enverront des moyens de lutte dans la zone concernée. Il peut suffire de placer des épingles sur la carte au niveau des coordonnées signalées.

· Communication: la localisation de l'incendie est habituellement communiquée par radio aux forces qui lutteront contre le feu.

· Ordre d'intervention: c'est le fait de recevoir les données de localisation de l'incendie, de décider quelles forces d'extinction doivent être envoyées, de mettre ces forces en route, et de les soutenir une fois qu'elle ont été affectées.

· Attaque: il est essentiel d'accéder rapidement à la zone de l'incendie, que ce soit à pied, par véhicule, par bateau ou par hélicoptère. La situation de l'incendie est évaluée et des stratégies et une tactique sont mises en œuvre pour maîtriser l'incendie et réduire son ampleur le plus possible.

· Nettoiement: une fois que la propagation de l'incendie a été maîtrisée, il faut éteindre toutes les flammes et refroidir toutes les sources de chaleur à l'intérieur du périmètre du feu. Ceci doit être fait de manière approfondie pour prévenir des échappées ultérieures du feu.

Ces principes et éléments sont les lignes directrices de base à suivre dans l'exécution d'un programme efficace de gestion des incendies pour protéger les personnes, les biens et les ressources naturelles. Il faut aussi reconnaître que ces étapes correspondent à une intervention d'urgence pour l'extinction des incendies. Les intervention d'urgence, en elles-mêmes, ne seront pas fructueuses à long terme si elles ne sont pas associées à des politiques et à des pratiques durables d'utilisation des terres. Il faut mettre au point des stratégies concernant de bonnes pratiques d'exploitation du bois d'œuvre, la colonisation des terres, des mesures incitatives pour les communautés, le brûlage dirigé, et des projets agroforestiers qui réduisent l'inflammabilité, et les intégrer à l'échelle du paysage pour limiter les risques d'incendies futurs.

LA SÉCHERESSE LIÉE À EL NIÑO ET LES INCENDIES DÉVASTATEURS DANS LA RÉGION EN 1998

A l'origine, le nom El Niño était donné à un courant d'eau chaude qui atteint la côte du Pérou et de l'Equateur tous les ans vers Noël. Ce nom est maintenant réservé aux courants particulièrement chauds et de longue durée qui reviennent tous les 2 à 7 ans, commençant en été et pouvant durer jusqu'à 22 mois. Par l'intermédiaire d'une série d'évènements reliés entre eux, les effets d'El Niño se répercutent sur les systèmes climatiques du monde entier. Cette année, dans la région Amérique latine et Caraïbes, les effets d'El Niño ont provoqué des inondations catastrophiques au Pérou, tandis que des incendies de forêt sévissaient dans l'Etat du Roraima, au nord du Brésil, sous l'influence d'une sécheresse prolongée.

Amérique latine

Un rapport de situation daté du mois de juin produit par le Bureau de l'assistance aux pays étrangers en cas de catastrophe (Office of U.S. Foreign Disaster Assistance 1998) soulignait la gravité des conditions liées à la sécheresse, favorisant la combustion en Amérique latine. En 1998, le Mexique et toute l'Amérique centrale ont été frappés par une sécheresse exacerbée par le phénomène El Niño. La sécheresse a aggravé les effets de l'agriculture sur brûlis dans les zones forestières et les formations herbacées, laissant des centaines d'incendies en combustion. La sécheresse a rendu la terre plus aride et donc plus inflammable, mais elle a aussi éliminé l'effet nettoyant habituel des pluies sur l'air de la région. Les incendies ont gravement affecté la visibilité et la qualité de l'air au Mexique, au Guatemala, au Nicaragua, au Honduras, à El Salvador, et au Costa Rica. La fumée de ces incendies a aussi envahi les états du sud et du Middle West des Etats-Unis, suscitant au niveau local des avertissements adressés aux habitants ayant des problèmes cardiaques et respiratoires et aux enfants, leur demandant de limiter leurs activités d'extérieur. Soixante-quinze pompiers et habitants locaux ont perdu la vie en luttant contre les incendies au Mexique; ceux-ci ont brûlé plus de 582 000 hectares16. Dans toute la région, le fonctionnement des aéroports situés dans les zones touchées a été perturbé et les procédures de contrôle du trafic aérien ont été gênées par la fumée et les brumes sèches de fumée rémanentes. Le gouvernement des Etats-Unis a consacré au total plus de 7 millions de dollars US au soutien des efforts de lutte anti-incendie au Mexique et en Amérique centrale.

16 Après la préparation de cet article, le SEMARNAP a actualisé les données concernant la superficie brûlée par les incendies au Mexique en 1998, de 582 000 hectares à 849 000 hectares.
Canada

L'arrivée précoce du printemps en 1998 a eu pour conséquence un accroissement soudain de l'activité des feux dans le centre du Canada, 2 à 3 semaines plus tôt qu'à l'accoutumée. Un incendie dans les Swan Hills de l'Alberta a nécessité l'évacuation de plusieurs communautés début mai; certaines ont dû être évacuées une deuxième fois au cours du même mois. L'année 1998 a battu les records pour la mobilisation des ressources. Une pénurie d'équipes saisonnières de lutte anti-incendie dans l'Alberta a nécessité une mobilisation interorganismes en collaboration avec d'autres régions du Canada et avec les Etats-Unis pendant le mois de mai.

Comme cela s'était produit en mai et au début du mois de juin, les provinces occidentales ont encore vécu une situation difficile due aux incendies de forêt à la fin du mois de juillet et en août. La Colombie britannique a enregistré le plus grand nombre de feux actifs, avec 445 départs de feux en une semaine. Les avions, le personnel et les équipements ont continué à être mobilisés vers les provinces occidentales, en provenance essentiellement de l'Ontario et du Québec, pendant tout le mois d'août.

Les statistiques préliminaires indiquent que 1998 viendra au sixième rang parmi les pires saisons d'incendies enregistrées en terme de superficie brûlée. La superficie brûlée dans l'Alberta pendant cette saison est de 570 000 ha, soit plus de sept fois la valeur moyenne calculée sur cinq ans, qui est de 78 000 ha.

Floride

Divers facteurs se sont combinés pour produire des conditions météorologiques et un comportement du feu qui ont gravement éprouvé les forces de lutte anti-incendie en Floride (National Interagency Fire Centre 1998). Parmi les incendies qui ont sévi dans des conditions de grande sécheresse, beaucoup ont atteint une grande ampleur et ont menacé ou endommagé de nombreuses habitations et ressources naturelles. Depuis la fin mai, plus de 2500 incendies ont brûlé sur près de 200 000 hectares. En date du 12 juillet, 370 habitations avaient été endommagées ou détruites dans tout le nord et le centre de la Floride. Les pertes en bois d'œuvre étaient évaluées à 350 millions de dollars US. L'augmentation des précipitations après le 4 juillet 1998 a commencé a réduire la force globale des incendies.

LA GESTION DES INCENDIES EN AMÉRIQUE DU NORD

Canada

Le Canada renferme environ 10 pour cent des forêts mondiales. Les 400 millions d'hectares de forêts couvrent environ 40 pour cent du pays. Ce total comprend 244 millions d'hectares de forêts productives. En 1994 les forêts canadiennes ont produit 27 milliards de dollars en exportation de produits forestiers, ce qui représente plus que l'agriculture, l'exploitation minière et la pêche réunies (Canadian Council of Forest Ministers 1994).

Les incendies de végétation sont une force naturelle qui a modelé le paysage canadien depuis la dernière glaciation. Les forêts canadiennes ne se sont pas seulement adaptées au feu, elles dépendent aussi de feux périodiques de remplacement des peuplements pour se maintenir. Les colons européens s'installant au Canada n'étaient pas habitués à des incendies aussi importants que ceux sévissant en Amérique du Nord. Les premiers textes, l'art et les photographies ont souvent décrit de grands incendies. Les colons ne réalisaient pas le rôle écologique fondamental joué par le feu dans le nouveau monde et le feu était perçu comme néfaste, destructeur et indésirable (Simard 1997).

Statistiques des incendies

Les données concernant la superficie brûlée au niveau national au Canada remontent seulement à 1918. Avant 1930, les statistiques annuelles des incendies étaient notées de manière quelque peu aléatoire (Ramsey et Higgins 1991). Des incohérences existent aussi dans la mesure où les territoires du Yukon et du Nord-ouest (qui renferment de vastes zones forestières) n'ont signalé les superficies brûlées que depuis 1946, et les provinces de Terre-Neuve et de l'Ile-du-Prince-Edouard depuis 1947 et 1971 respectivement (Van Wagner 1988). En outre, avant 1980 certains organismes ne signalaient que les incendies pour lesquels des actions d'extinction étaient entreprises.

Malgré ces restrictions, la base de données nationale sur les statistiques des incendies disponible aujourd'hui a fourni aux chercheurs et aux gestionnaires les moyens de comparer la gravité des saisons d'incendies sur de nombreuses décennies et d'établir des projections pour l'avenir. Plus récemment, on a constaté que les statistiques des incendies servent de nombreux objectifs, organisations et communautés (Simard 1997), notamment:

· les engagements internationaux (inventaires mondiaux de la biomasse brûlée, bilan du carbone, conventions sur la biodiversité);

· les intérêts nationaux (critères et indicateurs, gestion forestière durable, stratégie forestière nationale, santé et sécurité publiques, biodiversité, émissions atmosphériques);

· les organismes de gestion des terres (feu et foresterie durable; gestion des paysages, des écosystèmes, de la faune sauvage, des bassins versants);

· organismes de lutte contre les incendies (planification des incendies, interventions, extinction, prévention, brûlage dirigé, prévisions budgétaires, audit et évaluation);

· science du feu (histoire des feux, environnement du feu, gestion des incendies, écologie du feu, économie du feu, le changement climatique planétaire et les feux);

· les dirigeants politiques (politiques de gestion des incendies, niveaux adéquats de gestion des incendies);

· grand public (santé et sécurité, gestion des forêts canadiennes);

· médias.

Le nombre des incendies et les superficies brûlées chaque année peuvent varier considérablement (figure 2). Tous les incendies ne sont pas complètement éteints au Canada, certains recevant une intervention modulée. Huit pour cent des incendies de 1995 ont reçu une intervention modulée mais ils représentaient 60 pour cent de la superficie brûlée. En moyenne, 10 000 incendies brûlent 3 millions d'ha par an (figure 3), dont environ 750 000 ha de forêts commerciales (une superficie égale aux 3/4 de la superficie exploitée annuellement).

La foudre est à l'origine de 35 pour cent des incendies au Canada, qui représentent cependant 85 pour cent de la superficie totale brûlée. Ceci est dû essentiellement au fait que bon nombre de forêts canadiennes sont situées dans des lieux écartés, ce qui entraîne une détection tardive des incendies et permet à certains d'entre eux d'atteindre une ampleur importante avant que des actions de lutte ne soient entreprises.

Par ailleurs, le charbon de bois des sédiments lacustres présents dans toute la zone boréale du Canada est en cours d'analyse pour déterminer la relation entre la variabilité du climat et les régimes des feux depuis la dernière glaciation, il y a 10 000 ans. On espère que les relations historiques entre le climat et les feux fourniront des éléments pour la projection des régimes des feux à venir dans le contexte d'un réchauffement du climat.

Figure 2. Les dix années les plus importantes en terme de superficie brûlée par les incendies au Canada (hectares)

Figure 3. Variation annuelle de l'ampleur et du nombre des incendies de forêt, 1918-1997

Programmes, accords et politiques institutionnels

Quatre-vingt-dix pour cent des forêts canadiennes sont des terres publiques. La gestion des incendies de forêt est sous la responsabilité de 10 provinces et 2 territoires. De vastes zones contiguës relèvent souvent de la juridiction d'un organisme unique. Parks Canada dirige également un programme de gestion des incendies dans tous ses parcs nationaux et sites historiques nationaux.

Les provinces, territoires et parcs nationaux sont autonomes pour la gestion des incendies de forêt. Chacun d'entre eux a une structure organisationnelle particulière, et une approche légèrement différente de la gestion des incendies de forêt.

Systèmes d'information

La "Méthode canadienne d'évaluation des dangers d'incendies de forêt" (MCEDIF), mise au point par le Service canadien des forêts, a été adoptée par tous les organismes de gestion des incendies au Canada. Cette méthode constitue l'une des sources d'information primaires utilisées par les responsables de la gestion des incendies pour leur prise de décision et leur planification quotidiennes. La MCEDIF comprend deux éléments principaux, l'indice forêt-météo (IFM) et la méthode de prévision du comportement des incendies de forêt (PCI). La MCEDIF reste l'une des rares méthodes d'évaluation du risque incendie mise en œuvre à l'échelon national. Des calculs quotidiens de la météo du feu et de la probabilité de comportement du feu sont effectués à partir de données enregistrées dans plus de 1000 stations météo localisées dans tout le Canada.

Le Service canadien des forêts gère aussi le Système canadien d'information sur les feux de végétation (SCIFV). Ce système produit des cartes nationales du risque incendie sur une base quotidienne pendant la saison des feux, et les diffuse au public par l'intermédiaire d'un site Web. Les cartes et les rapports sont consultés par l'Interagence canadienne de lutte contre les incendies de forêt, les organismes de gestion des incendies, les compagnies de charters aériens, et les distributeurs d'équipement de lutte anti-incendie pour faciliter le partage des moyens d'extinction entre les organismes.

Capacité nationale de gestion des incendies

La capacité de gestion des incendies est bien développée au Canada. Les organismes de gestion des incendies l'ont développée en utilisant les données scientifiques, les technologies, la formation et l'organisation. Cependant, il n'est ni réalisable sur le plan économique, ni désirable sur le plan écologique d'éliminer tous les incendies de forêt au Canada. Ceci est particulièrement vrai pour la zone forestière boréale dépendante du feu.

Le partage des moyens d'extinction au Canada est formalisé par l'Accord canadien interagences pour le partage mutuel des ressources (Canadian Interagency Mutual Aid Resources Sharing (MARS) Agreement). Cet accord identifie trois catégories de moyens d'extinction: équipement, personnel et avions. Outre cet accord coopératif intra-canadien, une note diplomatique signée avec les Etats-Unis autorise le partage des moyens d'extinction de chaque côté de la frontière internationale. L'Accord réciproque pour les incendies de forêt entre le Canada et les Etats-Unis (Canada/United States Reciprocal Forest Fire Agreement), combiné à de nombreuses autres dérogations, permet aux ressources d'extinction de passer rapidement les douanes et l'immigration. Ces accords sont essentiels à une lutte efficace et rentable contre les incendies durant les graves saisons d'incendies. Les demandes provenant d'autres pays que les Etats-Unis sont négociées en fonction du besoin. Le partage des ressources est coordonné par l'Interagence canadienne de lutte contre les incendies de forêt situé à Winnipeg, dans le Manitoba.

La flotte nationale des bombardiers d'eau consiste en 13 Canadair CL-215 (bombardiers d'eau écopants) gérés par les provinces pour le compte du Canada. Ces avions font partie des 29 CL-215 achetés par six provinces et par le gouvernement fédéral dans le cadre de l'Accord pour l'approvisionnement coopératif (Cooperative Supply Agreement), signé au milieu des années 80. Cinquante avions CL 215/415 sont en service au Canada.

Principaux impacts et avantages sociaux, économiques et environnementaux du feu

La gestion des incendies est une grande entreprise au Canada, pour laquelle on dépense plus de 500 millions de dollars chaque année. La moyenne sur 10 ans montre que près de 10 000 incendies brûlent 2,3 millions d'hectares de terres forestières par an. Les coûts fixes et les coûts d'extinction ont tous deux énormément augmenté au cours des 25 dernières années (figure 4) et l'on prévoit qu'ils continueront à augmenter à l'avenir. En outre, plus de 365 communautés au Canada dépendent des ressources forestières pour leur subsistance.

Figure 4. Coûts d'extinction au Canada, 1970-1995

Le changement climatique et l'activité des incendies de forêt dans la zone boréale

Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) affirme que les activités humaines causeront un réchauffement considérable du climat de la Terre au siècle prochain. Les projections font apparaître les effets les plus importants sur les terres émergées situées aux latitudes septentrionales, suscitant l'inquiétude quant aux changements menaçant l'ensemble de la zone boréale. On peut s'attendre à une augmentation rapide et importante de l'activité des incendies de forêt avec le réchauffement du climat, à un moment où les contraintes économiques et les réductions d'effectifs au niveau du gouvernement diminuent l'efficacité des organismes de gestion des incendies et obligent à repenser les stratégies de protection contre le feu. Ceci aura pour conséquence une augmentation de la fréquence et de l'ampleur des feux dans la zone boréale, une diminution des intervalles moyens de retour du feu, un glissement vers le bas de la distribution des classes d'âge, et une diminution du carbone stocké dans les forêts boréales.

Etats-Unis

Le dépérissement forestier

De nombreux indicateurs des écosystèmes, du sud-est jusqu'à l'ouest, révèlent des exemples alarmants de dépérissement forestier. Les tentatives d'exclusion du feu, une sécheresse prolongée, et des niveaux épidémiques d'insectes et de maladies se sont combinés pour aboutir à une forte mortalité des forêts, ou à des modifications importantes de la densité forestière et de la composition spécifique. Gray (1992) a attiré l'attention sur une situation d'urgence concernant la santé des forêts dans certains états de l'ouest des Etats-Unis: les arbres sont morts sur une vaste zone dans l'est de l'Oregon et l'Etat de Washington. Il a indiqué que l'on rencontre des problèmes analogues sur une zone encore plus grande au sud, dans l'Utah, le Nevada et la Californie, et à l'est dans l'Idaho. Des peuplements plus denses et des accumulations anormales de combustibles préparent aussi le terrain pour des feux de cimes de forte intensité dans le Montana, le Colorado, l'Arizona, le Nouveau Mexique et le Nebraska, où la norme historique pour les forêts de pins à longues aiguilles correspondait à des feux de surface de faible intensité et plus fréquents (régime des feux de classe 2).

Depuis les années 80, les grands incendies qui ont dévasté les forêts mortes ou mourantes de l'ouest du pays ont accéléré le taux de mortalité forestière, menaçant les personnes, les biens et les ressources naturelles (Mutch 1994). Ces incendies ont aussi produit de grandes quantités de particules en suspension dans l'atmosphère. Hardy et al. (1992) estiment que plus de 24 millions de kilogrammes de particules inhalables ont été produits en 58 jours par le "Silver Fire" de 1987 dans le sud-ouest de l'Oregon! Pourtant les incendies sont généralement considérés comme des évènements naturels par l'Agence pour la protection de l'environnement et sont en dehors de son domaine lorsqu'elle promulgue des stratégies pour la propreté de l'air. Cependant on ne peut plus considérer ces incendies comme des évènements naturels. Il y a plus de 50 ans Weaver (1943) rapportait que la "prévention totale des incendies de forêt dans la zone du pin de Bentham en Californie, dans l'Oregon, le Washington, le nord de l'Idaho et l'ouest du Montana a certains effets écologiques et sylvicoles indésirables... les conditions sont déjà déplorables et deviennent de plus en plus préoccupantes sur des zones étendues". De même Cooper (1961) indiquait que "le feu a joué un rôle majeur dans le modelage des formations herbacées et des forêts dans le monde entier. Les tentatives faites pour l'éliminer ont entraîné des problèmes bien aussi graves que ceux provoqués par les sinistres accidentels."

Pour certains, nous avons été engagés dans une "énorme expérimentation écologique" en tentant d'exclure le feu des écosystèmes adaptés au feu. Même dans les états du sud-est des Etats-Unis où est pratiquée la majorité du brûlage dirigé, un rapport récent signale que le pin des marais couvrait plus de 36 millions d'hectares à la fin du 19ème siècle. Les inventaires actuels recensent 1,2 million d'hectares de pin des marais et établissent des projections selon lesquelles il serait en train de disparaître à la vitesse de 40 000 hectares par an. L'une des raisons attribuées à ce déclin est l'absence du feu, contribuant à un type de conversion vers les feuillus. Des feux plus fréquents auraient favorisé le pin des marais, résistant au feu, plutôt que les feuillus, sensibles au feu. Les pratiques d'exploitation forestière contribuent aussi au déclin du pin des marais.

Les politiques nationales ont mis l'accent sur l'extinction

On pourrait se demander pourquoi les organismes de gestion des ressources ont été si lents à réagir aux avertissements clairs lancés dans les années 40 et 60 par des auteurs tels que Weaver et Cooper. Les politiques, les réglementations et les pratiques de gestion des ressources et des incendies ont évolué progressivement et ont été influencées par de nombreuses forces publiques externes. Bon nombre des prévisions antérieures, internes et externes, étaient fondées sur les désastres provoqués par les incendies catastrophiques de la fin du 19ème et début du 20ème siècles. Les incendies de végétation étaient perçus comme un ennemi à éliminer des forêts, et non comme un processus naturel de perturbation comportant de nombreux avantages. Il n'est donc pas surprenant que, suite aux grands incendies de 1910, les politiques nationales élaborées à cette époque aient privilégié les programmes d'extinction des incendies par rapport aux programmes de brûlage dirigé, priorité unanimement acceptée par la société et les politiciens. Mais depuis 1910, on a amassé un grand volume de connaissances scientifiques sur l'histoire des feux, les régimes des feux et les effets des feux; le dépérissement des écosystèmes a atteint des proportions alarmantes et l'ampleur des grands incendies de forte intensité augmente depuis le milieu des années 80 (figure 5). La section suivante examine la façon dont les politiques et les législations nationales ont eu des répercussions sur l'évolution des pratiques de gestion des incendies.

Figure 5. Superficie en hectares des terres brûlées par les incendies dans 11 états de l'ouest sur l'ensemble des terres fédérales entre 1916 et 1996

Les politiques nationales et les époques historiques de gestion des incendies

Selon Pyne (1996), l'évolution des programmes du Service des forêts définit également l'histoire nationale de la gestion des incendies au cours du temps. Il détermine cinq époques historiques (périodes de 20 ans) en ce qui concerne la maîtrise et la gestion des incendies, en fonction des types de problèmes, de feux et de politiques qui ont caractérisé l'époque en question:

1. 1910-1929 - Problème des feux de frontière
2. 1930-1949 - Problème des feux d'arrière-pays
3. 1950-1969 - Problème des feux généralisés
4. 1970-1989 - Problème des feux des espaces naturels
5. 1990-Présent - Problème des feux périurbains (Intermix)
L'Epoque des feux de frontière (1910-1929) a été annoncée par les incendies catastrophiques de 1910 qui ont brûlé plus de 1,2 million d'hectares dans le nord de l'Idaho et l'ouest du Montana en quelques jours seulement à la fin du mois d'août, faisant 85 victimes, détruisant des communautés, et affectant gravement les forêts de la région. Ces incendies ont sérieusement mis en cause la capacité du Service des forêts, nouvellement mis en place, à démontrer sa compétence dans le domaine de la protection contre les incendies. L'année suivante, le Congrès votait la Loi Weeks (Weeks Act) autorisant le Service des forêts à acquérir de nouvelles forêts domaniales dans l'est des Etats-Unis et à démarrer des programmes de protection contre les incendies en coopération avec les états. Ceci a conduit le Service des forêts à s'orienter vers la définition de politiques nationales visant à protéger les ressources forestières contre les feux futurs, par une campagne énergique d'extinction des incendies. La protection systématique contre les incendies, telle qu'elle a été élaborée en Californie pendant cette période sous la direction de Coert duBois, a fini par devenir le standard de planification en matière d'incendies au niveau national. Les perdants du moment furent les partisans du "brûlage léger" qui prétendaient que le feu devait être la seule stratégie rationnelle et économique de protection des forêts par la réduction des combustibles avant que les incendies ne se déclarent. Les incendies dévastateurs de 1910 ont scellé une politique nationale d'extinction des incendies pour les années à venir. La stratégie d'utilisation du feu n'allait refaire surface que plusieurs dizaines d'années plus tard, lorsque les organismes ont commencé à réintroduire les feux à bien plus grande échelle à la fin des années 90, en réaction au dépérissement forestier et à l'escalade des coûts d'extinction.

L'Epoque des feux d'arrière-pays (1930-1949) concerne les incendies qui se sont produits sur des espaces naturels situés en des lieux écartés, soit dans l'arrière-pays loin des centres développés, soit sur des surfaces de coupe abandonnées. Pendant cette période, les programmes de conservation de l'administration Roosevelt ont fourni à la fois des fonds et un grand nombre de spécialistes de la conservation pour l'extension des mesures de protection contre les incendies aux sites les plus éloignés. En outre, le Service des forêts a adopté en 1935 sa "politique de maîtrise à 10 h du matin" qui exigeait qu'un incendie soit maîtrisé avant 10 h du matin le jour suivant son apparition. Cette politique, adoptée par d'autres organismes de lutte contre les incendies, accordait le même niveau de protection à toutes les terres, quelles que soient les valeurs menacées. Elle restera en vigueur jusqu'en 1978. Pendant cette période, on a fait un certain usage du brûlage dirigé dans le sud du pays pour la gestion des pins du sud, mais il n'a pas été utilisé à grande échelle dans l'ensemble du pays. Cette époque a vu également le démarrage du fameux programme de prévention "Smoky Bear" soutenu par les organismes de gestion des incendies relevant de l'administration fédérale ou des états.

L'Epoque des feux généralisés (1950-1969) a été basée sur le comportement et la maîtrise des grands incendies, la lutte contre les incendies faisant alors partie de la politique nationale de défense, en raison de la focalisation sur les incendies dévastateurs de la deuxième guerre mondiale. Pyne (1996) définit la doctrine directrice de cette époque comme le concept de maîtrise des sinistres. Selon lui, l'idée était d'isoler les zones critiques et de concentrer les moyens de manière à empêcher les petits incendies de prendre plus d'ampleur. Une stratégie mise en œuvre à grande échelle en Californie pendant cette période a été la mise en place de pare-feu pour circonscrire les feux à l'intérieur de limites prédéterminées. Une autre stratégie a été la constitution d'équipes de 20 personnes pour l'extinction des incendies au niveau interrégional ("Hotshot"), qui pouvaient être déployées rapidement sur n'importe quel incendie difficile dans tout le pays. Les chercheurs du Service des forêts ont accordé une attention considérable à une meilleure connaissance des mécanismes des feux généralisés; et trois laboratoires de recherches sur le feu ont été créés pour renforcer une approche plus fondamentale de la science du feu. Le Service des forêts a aussi mis en place deux centres de mise au point de l'équipement en Californie et au Montana, comportant des projets pour l'amélioration des technologies d'extinction existantes.

Pendant cette période de l'après-guerre, une quantité considérable d'équipements militaires a été mis à la disposition des partenaires; en 1956 les bombardiers à eau et les hélicoptères étaient devenus des éléments standard de l'arsenal de la lutte contre les incendies. Bien que cette période ait été largement consacrée à l'utilisation de la technologie, le mouvement écologiste gagnait également du terrain. Le Rapport Leopold de 1963 allait avoir des prolongements importants en modifiant l'avenir des politiques et des programmes de gestion des incendies au sein du Service des parcs nationaux, et l'adoption de la Loi sur les espaces naturels en 1964 allait préparer la scène pour l'époque suivante. Une fois de plus, les politiques nationales influençaient les éléments du programme de gestion des incendies, en terme de dosage et de répartition.

L'Epoque des feux des espaces naturels (1970-1989) a représenté un changement de direction important dans la gestion des incendies dans le pays. Partout, il apparaissait que l'extinction finissait par causer une diminution des bénéfices, les injections de fonds supplémentaires pour l'amélioration de l'activité des services de lutte anti-incendie ne résultant finalement qu'en l'apparition d'incendies encore plus grands et plus dévastateurs. En outre, un volume croissant de données scientifiques indiquait que le feu était un important processus écologique contribuant à la santé des écosystèmes adaptés au feu en Amérique du Nord. Dès 1978, le Service des forêts avait abandonné sa politique de longue date de "10 h du matin et 10 acres (4 hectares)" en matière de maîtrise des incendies, pour une nouvelle politique basée sur le brûlage dirigé pour atteindre les objectifs de gestion des terres. Cette nouvelle politique s'est efforcée de mieux équilibrer l'utilisation du feu et l'extinction des incendies, ou le brûlage dirigé et les incendies.

Le premier plan pour les feux naturels dirigés a été approuvé par le chef du Service des forêts en 1972 pour l'assèchement du Cap White dans la réserve de Selway-Bitterroot (Mutch 1974). Quatre ans auparavant, le Service des parcs nationaux avait démarré un programme de feux naturels dirigés dans les parcs nationaux de Sequoia et de Kings Canyon en Californie. Ce plan et ceux qui suivirent au Service des parcs découlaient en grande partie du Rapport Leopold de 1963. Ils permettaient aux incendies allumés par la foudre de brûler sans entrave dans la mesure où certains critères étaient remplis.

Pendant cette période, un changement d'orientation important s'est manifesté, vers la coopération interorganismes comme seule manière sûre de fournir une grande variété de services de gestion des incendies compte tenu de l'escalade des coûts des incendies. Le Centre national interorganismes de lutte anti-incendie (National Interagency Fire Centre, NIFC) situé à Boise, Idaho, le Groupe national de coordination sur les incendies (National Wildfire Coordinating Group, NWCG), et le Centre national des techniques avancées (National Advanced Resource Technology Centre), ce dernier spécialisé dans les cours de formation de haut niveau sur une base interorganismes, ont tous illustré la volonté des responsables des incendies aux échelons du pays et des états de travailler en plus étroite concertation de façon régulière. Le NWCG, créé en 1976, rassemble les dirigeants des organisations chargées des incendies à l'échelon fédéral et à l'échelon des états, pour la coordination des politiques et des éléments de programme de gestion des incendies. Le NWCG a contribué à la standardisation des procédures opérationnelles communes aux différents organismes dans les domaines suivants: prévention des incendies; qualification du personnel d'extinction ou chargé du brûlage dirigé; aviation; retardants chimiques; et lutte contre la fumée. Les organismes ont aussi adopté l'Organisation nationale interorganismes de gestion de crise (National Interagency Incident Management System), qui comprend l'Organisation du commandement de crise (Incident Command System, ICS) pour coordonner les interventions d'urgence quelle que soit la juridiction. Un autre partenaire important de longue date est le Service météorologique national, qui fournit les prévisions météorologiques, des services et des instructeurs pour les cours de formation.

L'Epoque des feux mixtes ou périurbains (de 1990 au présent) a représenté l'apogée de plusieurs années d'incendies catastrophiques qui avaient attaqué les populations sur leur lieu de vie - des habitations entourées de combustibles naturels. Ce phénomène sévissait en Californie depuis des années, mais il aura fallu la destruction de 1400 habitations et la mort de 44 personnes dans les zones périurbaines d'un bout à l'autre du pays en 1985, agissant comme catalyseur, pour entrer en action. Une conférence nationale sur le problème tenue en 1986 à Denver, Colorado, a débouché sur une initiative nationale pour rechercher des solutions. L'initiative a rassemblé divers participants comprenant les services de lutte anti-incendie relevant de l'administration fédérale et de celles des états, les unités de pompiers volontaires, les services anti-incendie urbains, l'Association nationale de protection contre les incendies, et bien d'autres.

Le problème de l'interface périurbaine tient encore aujourd'hui le devant de la scène. Lorsque la Floride a été assiégée par les incendies en juin et juillet 1998, plus de 70 000 personnes ont été évacuées par mesure de précaution et plus de 350 habitations endommagées. Lors des incendies qui ont brûlé 81 000 hectares de chaparral dans le sud de la Californie en novembre 1993, plus de 1000 habitations ont été détruites. Certains habitants des campagnes commencent à réaliser qu'ils doivent concevoir leurs habitations et leur environnement proche de façon plus responsable, pour pouvoir coexister sans encombre avec le feu. Il s'est vérifié à plusieurs reprises que les services anti-incendie ne peuvent parvenir, à eux seuls, à réduire les effets des incendies sur les populations et sur leurs biens. Les propriétaires doivent prendre des mesures adéquates en matière de conception des bâtiments et des subdivisions, et d'un espace défendable pour permettre aux pompiers d'être efficaces.

L'Organisation du commandement de crise (ICS), créé beaucoup plus tôt dans le sud de la Californie, a finalement atteint sa maturité pendant cette période et a permis aux services anti-incendie d'être plus efficaces dans l'extinction des incendies relevant de plusieurs juridictions. L'ICS met en place une organisation, une terminologie et des systèmes de communication communs, permettant aux divers services anti-incendie de coordonner la commande au feu, la planification, les opérations, la logistique et le financement pour n'importe quel sinistre. L'ICS permet aux organismes de travailler en plus étroite collaboration sans abdiquer leurs responsabilités individuelles vis-à-vis de leurs propres terres.

Résumé des effets des politiques nationales aux Etats-Unis

Résumant les effets des politiques nationales sur les pratiques de gestion des incendies aux Etats-Unis, Pyne (1996) indique que beaucoup des objectifs de gestion des incendies ont été, et continueront d'être, gouvernés par les lois politiques. Le contrôle politique s'est manifesté essentiellement par la législation adoptée par le Congrès. En général, ces lois ne se sont pas traduites directement par des programmes et des directives pour la gestion des incendies, mais les divers organismes impliqués s'en sont inspirés pour la gestion de leurs terres. Par exemple la Loi Clarke-McNary de 1924 a préparé le terrain pour les programmes coopératifs sur les incendies de forêt entre les états et le gouvernement fédéral. La Loi sur les espaces naturels (Wilderness Act), adoptée en 1964, spécifie que les réserves naturelles doivent être gérées de manière à préserver les écosystèmes naturels. Le feu étant une perturbation naturelle qui affecte de nombreuses fonctions des écosystèmes, cette loi a servi de base à l'élaboration de plans de gestion des incendies dans les réserves naturelles, autorisant l'allumage de feux dans le cadre du brûlage dirigé. La Loi sur les espaces naturels interdit aussi certaines méthodes d'extinction des incendies, comme l'utilisation d'équipement mécanisé, dans des zones déterminées.

Pyne (1996) mentionne d'autres statuts et décisions de justice qui influencent les programmes de gestion des incendies. La Loi sur les systèmes nationaux de sentiers (National Trail Systems Act), la Loi sur les rivières sauvages et panoramiques (Wild and Scenic Rivers Act), la Loi sur les chevaux sauvages et les ânes (Wild Horse and Burro Act), la Loi sur la propreté de l'air (Clean Air Act), la Loi sur la propreté de l'eau (Clean Water Act), la Loi sur les espèces menacées (Endangered Species Act), la Loi de préservation des sites historiques (National Historic Preservation Act), et la Loi sur les religions des Indiens américains (American Indian Religious Act) influencent toutes le contenu des programmes de gestion des incendies des organismes fédéraux, et l'exécution, la révision et l'évaluation des programmes. La plupart des organismes relevant des états fonctionnent dans un contexte assez analogue de réglementations. Ceux des programmes liés aux incendies ayant des conséquences environnementales importantes sont aussi soumis à un processus de révision énoncé dans la Loi sur la politique nationale de l'environnement (National Environmental Policy Act). Le volume des lois concernant les terres publiques ayant augmenté, le risque de voir leurs objectifs respectifs se contredire augmente également. Par exemple, la Loi sur les espaces naturels va dans le sens de l'utilisation du brûlage dirigé (allumage de feux autorisés à brûler sous surveillance) pour la gestion des écosystèmes naturels dépendants du feu, mais la Loi sur la propreté de l'air spécifie que la fumée ne doit pas diminuer la visibilité ni porter atteinte à la santé publique. En pilotant les programmes de gestion des incendies, les organismes doivent se frayer un chemin à travers ce labyrinthe de lois potentiellement incompatibles.

Les incendies et leurs causes

Une base de données recensant avec précision le nombre d'incendies et leurs causes pour chaque année est absolument indispensable pour la gestion d'un programme efficace de protection contre les incendies. Il est pratiquement impossible, par exemple, de mettre au point des campagnes spécifiques de prévention contre les incendies si l'on ne peut pas identifier les causes des incendies de manière systématique. Si l'on ne connaît pas les causes fondamentales des départs de feux, il devient extrêmement difficile de développer un effort de prévention de grande portée. Le recensement du nombre et de l'ampleur des feux au cours du temps permet à une organisation de contrôler et d'évaluer la performance de ses divers programmes de gestion des incendies. Cependant, nombreux sont les pays où il n'existe pratiquement pas de base de données sur les statistiques des incendies et des feux prescrits. De fait, il existe un pays où les incendies sont délibérément sous-comptabilisés, car le fait de signaler un incendie de forêt destructeur peut être nuisible à la carrière professionnelle. Aux Etats-Unis, en revanche, un individu serait sanctionné s'il ne signalait pas avec précision les incendies ayant eu lieu. De tous les états, c'est la Californie qui reçoit la somme la plus élevée pour les programmes d'extinction des incendies, parce qu'elle a pu prouver au fil des années sur la base des données enregistrées qu'elle subit les incendies les plus destructeurs.

Actuellement les organismes fédéraux et ceux relevant des états n'ont pas de système commun pour le signalement des incendies, bien qu'un système national uniformisé soit fortement souhaitable. Cependant tous les organismes gèrent et publient des statistiques annuelles des incendies. Les deux tableaux suivants présentent le nombre et l'ampleur des incendies, classés par cause, pour les terres fédérales et les terres des états en 1995.

Tableau 1. Nombre d'incendies et hectares brûlés sur les terres des états en 1995, par cause

Cause statistique

Nombre d'incendies

Hectares brûlés

Foudre

3726

103580

Feu de camp

2133

6343

Cigarettes

4681

10039

Brûlage de débris

36056

113072

Incendie criminel

29349

168039

Equipement

7333

47398

Voie ferrée

1751

13700

Enfants

5814

7976

Divers

22675

65820

Total

113518

535967


Tableau 2. Nombre d'incendies et hectares brûlés sur les terres fédérales en 1995, par cause

Cause statistique

Nombre d'incendies

Hectares brûlés

Foudre

5248

245354

Equipement

527

16736

Cigarettes

595

9489

Feu de camp

1797

13161

Brûlage de débris

1496

18036

Voie ferrée

177

1025

Incendie criminel

2323

33416

Enfants

746

1648

Divers

2592

62671

Total

15501

401536


La saison des feux de 1994 conduit à une révision de la politique sur les incendies

La saison des feux de 1994 a ravivé la prise de conscience et l'inquiétude des organismes fédéraux de gestion des terres et de leurs membres au sujet de la gravité de l'impact des incendies. La mort de trente-quatre pompiers pendant cette saison, couplée à des dépenses approchant le milliard de dollars sur les fonds fédéraux d'urgence anti-incendie, a provoqué un réveil brutal. Il est devenu indispensable de revoir les conditions et de recommander des modifications des programmes pour réduire les impacts futurs des incendies. Une charte pour la Revue des politiques et programmes fédéraux de gestion des incendies de végétation (Federal Wildland Fire Management Policy and Programme Review) a été présentée par les Secrétaires d'Etat de l'agriculture et de l'intérieur "pour assurer l'existence de politiques fédérales uniformes et de programmes interorganismes ou intergouvernementaux de gestion des incendies harmonisés". La revue a été dirigée par un Comité de pilotage interorganismes dont les membres représentaient les Secrétaires d'Etat de l'agriculture et de l'intérieur, l'Administration américaine des incendies, le Service météorologique national, l'Agence fédérale de gestion des urgences, et l'Agence de protection de l'environnement.

Dans la lettre de couverture acceptant le rapport final de la revue (18 décembre 1995), les Secrétaires d'Etat de l'agriculture et de l'intérieur ont souligné leur engagement à la sécurité des pompiers et du grand public: "aucune ressource ou propriété ne possède une valeur telle qu'elle justifie de mettre en danger les populations". Les Secrétaires d'Etat ont également déclaré:

"L'esprit du rapport, tout comme ses politiques et ses recommandations spécifiques, continuent à élargir notre approche de la gestion des incendies au-delà des domaines traditionnels de l'extinction, en augmentant l'intégration du feu dans la gestion de nos terres et de nos ressources de façon continue et systématique, cohérente avec les préoccupations en matière de santé publique et de qualité de l'environnement. Nous soutenons fermement l'intégration des incendies de végétation dans nos activités de planification et de mise en œuvre de la gestion des terres. Les gestionnaires doivent apprendre à utiliser le feu comme l'un des outils de base pour atteindre leurs objectifs de gestion des ressources."
Le rapport met en relief le fait que "la planification, l'exécution et le suivi des actions de gestion des incendies seront effectués sur une base interorganismes avec la participation de tous les partenaires". Le terme "partenaires" inclut les organismes fédéraux de gestion des terres et de réglementation, les gouvernements tribaux, le Département de la défense, les administrations des états, du comté, et locales, le secteur privé et le grand public.

Les politiques et directives suivantes sont considérées comme essentielles au succès des programmes de gestion des incendies:

1. La sécurité des pompiers et du public est la première priorité.

2. Le rôle de l'incendie de végétation en tant que processus écologique essentiel et agent naturel d'évolution du milieu sera incorporé dans le processus de planification.

3. Les plans de gestion des incendies doivent venir en appui aux plans de gestion des ressources.

4. Une bonne gestion des risques est à la base de toutes les activités de gestion des incendies.

5. Les programmes de gestion des incendies doivent être économiquement viables.

6. Les programmes et activités de gestion des incendies doivent être fondés sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles.

7. Les programmes et activités de gestion des incendies doivent prendre en compte les préoccupations en matière de santé publique et de qualité de l'environnement.

8. La coordination et la coopération entre les instances fédérales, des états, et tribales sont essentielles.

9. La standardisation des politiques et des procédures entre les organismes fédéraux doit être un objectif constant.

La nouvelle politique de gestion des incendies décrit trois stratégies opérationnelles:
1. Attaque initiale agressive, s'il n'existe pas de plans approuvés identifiant des interventions adéquates de gestion.

2. Traitement de l'incendie par des interventions adéquates selon les plans approuvés. Ceci peut inclure le fait de laisser brûler un feu naturel pour atteindre des objectifs de gestion des ressources, ou nécessiter l'extinction de l'incendie par une intervention adéquate.

3. Conduite de feux prescrits allumés par les gestionnaires pour atteindre les objectifs de gestion des ressources identifiés dans les plans approuvés.

L'extinction des incendies

Selon le dernier rapport fédéral sur la politique en matière d'incendies (Federal Fire Policy Report), près de 100 ans d'exclusion du feu, combinée à d'autres activités de gestion des ressources, ont altéré le paysage et généré un très grand risque d'incendies dévastateurs pour des millions d'hectares de forêts et de pâturages. Cette tendance influence tous les aspects de la préparation et de l'extinction au niveau interorganismes, comprenant la sécurité, la planification, la définition des priorités, et la capacité de réaction organisationnelle. Les ressources en main-d'œuvre et les budgets allant diminuant, il est essentiel que tous les partenaires des différents organismes travaillent en concertation pour trouver des solutions communes et des stratégies efficaces. Les coûts de la préparation aux incendies et de l'extinction sont illustrés dans les tableaux 3 et 4.

Tableau 3. Coûts de préparation aux incendies supportés par les organismes fédéraux de gestion des terres, années fiscales 1992-1996 (milliers de dollars)

Organisme

1992

1993

1994

1995

1996

Forest Service

188525

247678

260200

287018

287906

Bureau of Land Management

65305

68707

61493

66998

66880

National Park Service

13927

15427

15344

13559

19465

Bureau of Indian Affairs

25317

24230

25112

24133

25704

Fish & Wildlife Service

12554

15244

14242

13745

15320

Total

305628

371286

376391

405453

415275


Tableau 4. Dépenses totales d'extinction des incendies supportées par les organismes fédéraux de gestion des terres, années fiscales 1993-1997 (milliers de dollars)

Organisme

1993

1994

1995

1996

1997

Forest Service

121383

690930

197573

524825

178095

Bureau of Land Management

40339

97115

63792

98433

60305

National Park Service

5006

14104

21257

19891

6845

Bureau of Indian Affairs

18969

52417

37753

43510

32770

Fish & Wildlife Service

1616

3281

1675

2643

2685

Total

187313

857847

322050

689302

280700


On a formulé les buts suivants en matière de préparation et d'extinction, pour guider les organismes devant réagir aux menaces des incendies:

· Tous les pompiers, inspecteurs de la ligne de mise à feu, gestionnaires des incendies et personnels administratifs prendront des mesures positives pour assurer la conformité avec les méthodes sûres de lutte anti-incendie en vigueur.

· Les organismes fédéraux assureront la planification de la préparation aux incendies et les programmes d'extinction pour éviter des pertes inacceptables dues aux incendies.

· La sécurité des pompiers et du public est la première priorité dans la lutte contre les incendies.

· Les organismes fédéraux affecteront des moyens suffisants à l'extinction des incendies et aux actions d'appui.

Le brûlage dirigé

Quelle est l'importance actuelle de l'utilisation du brûlage dirigé aux Etats-Unis pour obtenir des résultats bénéfiques? Une enquête récente (Ward et al. 1993) indique que plus de 2 millions d'hectares sont soumis chaque année au brûlage dirigé aux Etats-Unis, dont plus de 70 pour cent, soit près de 1,4 million d'hectares, dans le sud-est du pays. Le brûlage dirigé est utilisé entre autres pour la réduction des risques, la sylviculture, l'amélioration des habitats de la faune sauvage, l'amélioration des pâturages et la gestion de la végétation. Les motifs de brûlage tels que la gestion des bassins versants, la lutte contre les insectes et les maladies, et la recherche, sont regroupés dans cette enquête sous une catégorie intitulée "autres". Les organismes de gestion des ressources et les entreprises privées d'exploitation du bois coopèrent avec les Services gouvernementaux de la qualité de l'air (State Air Quality Bureaux) pour prescrire un brûlage moins préjudiciable à la santé humaine et à la visibilité. Cette enquête montre que les pratiques de brûlage dirigé sont concentrées dans les états du sud-est. Par ailleurs, bien que le chiffre de 2 millions d'hectares brûlés par an semble élevé, on prévoit des besoins bien supérieurs en brûlage dirigé à l'avenir, pour le maintien ou la restauration de la santé des écosystèmes adaptés au feu.

Par exemple, la nouvelle politique fédérale en matière d'incendies (Federal Fire Policy) expose que "La gestion en vue du maintien de la santé des écosystèmes nécessite la mise en place de programmes de brûlage dirigé faisant intervenir la coopération entre les divers organismes. Ceux-ci doivent conclure des accords avec des personnes hautement qualifiées, du dirigeant au praticien, et fournir des mécanismes de financement pour conduire le programme." Les récents accidents mortels dus aux incendies ont focalisé l'attention sur la nécessité de diminuer les concentrations dangereuses de combustibles. Dans de nombreuses régions, la végétation vivante et morte doit être traitée immédiatement pour prévenir les grands incendies de forte intensité, susceptibles de mettre les vies en danger. Outre l'utilisation du feu, les possibilités de traitement des combustibles comprennent des méthodes mécaniques, chimiques, biologiques et manuelles.

Un "double standard"

Selon le rapport sur la nouvelle politique fédérale en matière d'incendies, "bien que le feu soit utilisé pour atteindre des objectifs en termes de ressources dans de nombreuses régions des Etats-Unis, en dehors du Sud il est rarement utilisé à un degré suffisant pour améliorer la santé des écosystèmes ou réduire les risques dus aux combustibles". Ainsi, un changement de cap se manifeste clairement - et ce changement a été concrétisé par le concept de gestion de l'écosystème, qui cherche à maintenir la productivité de toutes ses composantes, permettant à la société de profiter des produits dérivés de systèmes en bonne santé. Comme on l'a vu plus haut, les feux périodiques sont un processus de perturbation faisant intégralement partie du fonctionnement des écosystèmes adaptés au feu. Mais un "double standard" gêne notre capacité à prescrire des feux dans le paysage à une échelle suffisamment importante pour maintenir réellement des systèmes en bonne santé (Mutch 1997): selon ce double standard, peu importent la stratégie adoptée pour l'extinction d'un incendie, la somme consacrée à son exécution, et les résultats, bons ou mauvais, obtenus. Aussi mauvais que soient les résultats (notamment la destruction par le feu de 81 000 ha et de plus de 1000 habitations dans le sud de la Californie in 1993), les responsables politiques et le grand public soutiendront les pompiers.

Par ailleurs, un feu prescrit peut être bien planifié et bien exécuté par des personnes compétentes, mais dès que quelque chose va de travers, le soutien des responsables politiques et du public, et ce même au niveau interne, s'évanouit. Les représailles sont en général immédiates, car c'est l'organisme lui-même qui a allumé le feu délibérément, et c'est donc de sa faute si quelque chose tourne mal. Ce double standard fait partie de la tradition et de la culture de nombreux organismes de gestion des incendies, étant donné que la décision d'extinction de l'incendie bénéficie de financements généreux et ne comporte pas de risque sur la scène publique. Le double standard se reporte même dans la façon dont les organismes de réglementation évaluent les programmes concernant les incendies de végétation. C'est ainsi que l'incendie et sa fumée sont considérés comme des évènements naturels par l'Agence de protection de l'environnement, et ne sont pas inclus dans l'élaboration des stratégies permettant d'obtenir des normes de propreté de l'air.

Nous savons maintenant que la question n'est pas de savoir s'il y aura des incendies de végétation, mais tout simplement quand, et où, ils se produiront. Or les incendies surviennent avec des fréquences et des intensités accrues, dégageant de grandes quantités de fumée sur des régions étendues. La fumée des incendies est une fumée nocive. Cela ne signifie pas pour autant que la fumée des feux prescrits soit une bonne fumée, mais elle pourrait être meilleure si les émissions étaient programmées pour atténuer la production future de fumée due aux incendies incontrôlés. Les habitants des zones périurbaines, les responsables de la réglementation de la qualité de l'air et de l'eau, les spécialistes des espèces menacées et les gestionnaires des ressources doivent prévoir "quand" les incendies se produiront. Tous les secteurs de la société doivent faire preuve d'une tolérance éclairée, et admettre que le brûlage dirigé à l'échelle du paysage, associé à d'autres pratiques de gestion, fait partie de la solution permettant le maintien de la santé des écosystèmes, procurant des bénéfices à la population. Il faudra pour cela faire face aux nombreux obstacles posés, directement ou indirectement, par le double standard, et rechercher des solutions adéquates équilibrant mieux les programmes indispensables et puissants d'extinction des incendies et les programmes de brûlage dirigé, ces derniers devant bénéficier d'un soutien tout aussi important. La liste des éléments recevant un traitement préférentiel dans le cadre du double standard est variée: responsabilité, qualité de l'air, qualité de l'eau, espèces menacées, risques, financement. Dans la plupart des cas ces considérations ne gênent pas les opérations d'extinction d'un incendie. Mais cette même liste peut poser des obstacles différents aux pratiques de brûlage dirigé.

Comme on l'a vu plus haut, l'un des principes directeurs de la nouvelle politique fédérale en matière d'incendies est qu'une "bonne gestion des risques est à la base de toutes les activités de gestion des incendies." Les risques et les incertitudes liés aux activités de gestion des incendies doivent être compris, analysés, transmis, et gérés car ils sont en rapport avec le coût de réalisation ou de non-réalisation d'une activité donnée. Certains gestionnaires n'ont pas voulu accepter les risques d'éventuelles conséquences négatives associé aux feux prescrits. Mais il devient de plus en plus évident que les risques existent aussi bien pour les options "adopter" ou "ne pas adopter" le brûlage dirigé. Au risque qu'un feu prescrit ne s'échappe s'oppose de plus en plus le risque représenté par les accumulations dangereuses de combustibles. Une évaluation correcte des risques doit inclure les risques associés à tous les aspects de la décision "adopter le brûlage dirigé ou pas".

Nouvelles initiatives

Cependant, on assiste aujourd'hui à des percées nouvelles, donnant une plus grande latitude à des programmes de brûlage dirigé de grande envergure. La Floride, par exemple, a adopté une législation innovante qui prévoit une protection accrue du personnel effectuant le brûlage dirigé sur le plan de leurs responsabilités. Dans l'Oregon, un programme coopératif entre les organismes fédéraux et ceux des états met au point un modèle d'échange de droits d'émissions pour les émissions dues aux incendies, afin de prévoir les émissions de fumées des feux prescrits et des incendies dans les Blue Mountains au nord-est de l'Oregon (USDA Forest Service 1993). L'objectif ultime en est la mise en œuvre d'un niveau de brûlage dirigé qui réduise le plus possible les émissions totales de fumées. Le Conseil des Etats occidentaux pour les ressources en air (Western States Air Resources Council, WESTAR), une association à but non lucratif des organismes responsables de la qualité de l'air dans les quatorze états occidentaux, a élaboré un projet intitulé "Initiative pour la santé des forêts en vue de la restauration des écosystèmes" (Forest Health Initiative to Restore Ecosystems, FIRES). L'intention de WESTAR par le biais de FIRES est "d'aborder les questions techniques et politiques liées à la santé des forêts et à la qualité de l'air qui intéressent le Congrès, les responsables de la réglementation de la qualité de l'air des états occidentaux, les organismes fédéraux de gestion des terres et le public" (WESTAR 1994). L'objectif de ce projet, prévu sur trois ans, est de rassembler un consortium à large participation pour mettre au point des solutions régionales fondées sur des connaissances scientifiques solides, de manière à équilibrer les besoins en matière de santé des forêts tout en protégeant la qualité de l'air. Ces initiatives, et d'autres encore, donnent une plus grande latitude à l'évolution des programmes de brûlage dirigé dans un environnement plus positif. Bien évidemment, deux autres éléments doivent être mieux résolus: financement suffisant et meilleur partage des risques entre toutes les parties prenantes. Ici aussi, la situation est en cours d'amélioration.

De nombreux peuplements sont maintenant trop denses et contiennent beaucoup d'arbres morts ou mourants (Mutch et al. 1993), et par conséquent il peut être nécessaire de procéder à des exploitations complémentaires, à l'éclaircissage, et à des coupes partielles avant de débuter des programmes importants de brûlage dirigé. Dans d'autres situations, les gestionnaires des ressources et des incendies ont été en mesure de mener des opérations de brûlage dirigé à grande échelle:

· brûlage dirigé de 6500 hectares dans la forêt nationale de Santa Fe en 1993,

· brûlage dirigé de 400 hectares dans la forêt nationale de Boise en 1994,

· brûlage dirigé de 280 hectares dans la forêt nationale de Lolo en 1994,

· brûlage dirigé de 2400 hectares dans la forêt nationale d'Umatilla en 1994,

· brûlage dirigé de 2000 hectares dans le refuge de faune sauvage de Tetlin en Alaska en 1993.

Il est clair que les gestionnaires commencent à appliquer le brûlage dirigé à des échelles suffisamment importantes pour produire des effets significatifs sur les écosystèmes.

L'inquiétude suscitée par une autre grave saison des feux en Californie en 1993 a conduit à la création en juin 1994 d'une équipe spéciale interorganismes, l'équipe pour les stratégies de lutte anti-incendie (Fire Strategies Team). L'équipe inclut des membres de 13 organismes différents de gestion des incendies et des ressources, aux échelons des états, fédéral, et local, et 11 autres participants privés et locaux concernés par les aspects touchant aux bassins versants, aux incendies et à l'environnement. L'équipe prévoit la mise au point de stratégies visant à remplacer le modèle historique, consistant à dépenser des millions de dollars pour l'extinction de grands incendies destructeurs, par un programme plus équilibré de gestion des combustibles et de préparation aux incendies (Board of Forestry 1995). Les objectifs-clés de l'équipe sont la durabilité des écosystèmes et le maintien de la santé des forêts, tout en prévoyant un espace pouvant être défendu pour la protection des personnes et des biens.

Les organismes de gestion des ressources et de réglementation, les responsables politiques et la société se trouvent confrontés au défi que représente la possibilité de mise en œuvre de sérieux programmes de gestion des ressources et des incendies, et ce à suffisamment grande échelle pour permettre réellement le maintien de la santé des écosystèmes adaptés au feu, au bénéfice des populations, des biens et des ressources naturelles. Ceci exigera la coopération et l'établissement d'un consensus à un niveau encore jamais atteint dans l'histoire de la gestion des ressources. Il faut cesser de considérer les actions judiciaires et les procès en cour de justice comme des stratégies de gestion des ressources naturelles. L'accent doit maintenant être mis sur les résultats accumulés au cours de décennies de recherches, qui fournissent la base d'une gestion des écosystèmes plus en accord avec les facteurs de perturbation pour favoriser la santé, la résistance et la productivité des écosystèmes. Il existe déjà des cas où le double standard est contesté et où les obstacles antérieurs sont convertis en chances de succès. Nous devons simplement suivre la voie ouverte par ces succès.

LA GESTION DES INCENDIES EN AMÉRIQUE LATINE ET AUX CARAïBES

Introduction

La région Amérique latine et Caraïbes est très étendue et les pratiques d'utilisation des terres, les lois et les réglementations y sont très diversifiées. Pour faciliter la discussion et la présentation, la région est divisée ici en quatre zones principales: Mexique, Amérique centrale, Amérique du Sud et Caraïbes.

L'utilisation du feu pour la gestion des terres est profondément ancrée dans les cultures, les sociétés et les traditions de la plupart des pays de la région. Le feu a été utilisé pour préparer des terres agricoles à la culture ou au pâturage, pour ouvrir des terres impénétrables en vue d'un nouvel usage agricole, pour faciliter la chasse, ou pour maintenir des espaces naturels ouverts dans le paysage.

Les responsables chargés de la gestion des ressources naturelles de tout l'hémisphère sud reconnaissent que les incendies incontrôlés sont un motif d'inquiétude croissant pour l'environnement. Ce thème est revenu régulièrement dans les présentations faites au Premier séminaire sud-américain sur la maîtrise des incendies de forêt, à Belo Horizonte, Brésil (Ribeiro et al. 1998). Les sept gouvernements d'Amérique centrale ont également convoqué une réunion à la fin de la saison d'incendies de 1998 pour envisager des solutions communes au problème des incendies de végétation (CCAD 1998). Cette réunion s'est déroulée les 23 et 24 juin 1998 à San Pedro Sula, Honduras. Les actes de la réunion reconnaissent l'existence d'un grave problème. Les recommandations devaient être transmises à une réunion de tous les Présidents des gouvernements d'Amérique centrale en octobre 1998.

L'utilisation constante du feu dans les pratiques d'utilisation des terres, la pression démographique, et une baisse du potentiel économique de nombreuses populations de la région sont les causes essentielles de l'aggravation du problème des incendies de végétation (Yegres 1998).

Il est difficile de déterminer l'ampleur exacte du problème. Les statistiques des incendies sont bien souvent inexistantes, très incomplètes, ou trompeuses. Il n'existe pas d'accord ou de définition communs sur la notion d'incendie de végétation. Les statistiques disponibles suggèrent que 50 à 95 pour cent des départs d'incendies dans la région résultent de brûlages agricoles ou de brûlages de défrichement échappant au contrôle. Le brûlage agricole est pratiqué depuis plusieurs siècles, si bien que la vue de grandes quantités de fumée dans l'air, ou de grandes superficies de terres en train de brûler, ne suscite guère d'inquiétude. Début 1998, l'imagerie par satellite a renforcé la sensibilisation des gouvernements et de l'opinion internationale au grand nombre de "points chauds" observés dans toute l'Amérique centrale. L'imagerie par satellite ne peut pas différencier les incendies incontrôlés et non maîtrisés de ceux dus au brûlage dirigé.

De nombreux pays ont créé des plantations en vue de satisfaire leurs besoins futurs en fibres ligneuses. Ces plantations sont en danger. Le Venezuela a constaté que plus les plantations s'étendent, plus les risques de perte augmentent (Yegres 1998). Au Chili, dès la création des grandes plantations, le programme de gestion des incendies a pris les devants et fait preuve d'initiative. Les industries du secteur privé collaborent à ce programme.

L'existence et le bien-être des êtres humains sont directement menacés par la perte des récoltes, des écosystèmes et des organismes vivants (Perkins 1998, Weeden 1998). En 1998 le Guatemala a connu des incendies qui auraient détruit les récoltes de nombreuses communautés. La même situation a été rapportée pour une grande partie de l'Amérique centrale.

Mexique

La gestion des incendies a été formalisée pour la première fois en 1950 par la création de la section des incendies de forêt au sein de la Direction des forêts. Les responsabilités du programme Incendies ont incombé pendant de nombreuses années au Ministre de l'agriculture et des ressources en eau (SARH). La nouvelle administration, élue en 1994, a créé le Secrétariat à l'environnement, aux ressources naturelles et à la pêche (SEMARNAP). Le changement fut d'abord difficile, car le nouveau ministère ne bénéficiait pas des infrastructures nécessaires à un programme de gestion des incendies. Pendant les premières années le programme Incendies a dû mener un véritable combat pour acquérir à nouveau les véhicules, l'équipement et les structures administratives nécessaires à son bon fonctionnement. Le SEMARNAP est responsable de toutes les activités liées aux incendies de forêt dans le pays; il possède des bureaux dans chacun des 32 états. L'envergure des opérations de gestion des incendies dépend de la gravité du problème. Chaque bureau d'état du SEMARNAP est autonome et gère son propre programme de prévention générale contre les incendies, de préparation aux incendies, et d'extinction. Le SEMARNAP gère un système d'équipes professionnelles anti-incendie, des tours de détection, et quelques avions. Le SEMARNAP détient la responsabilité principale pour toutes les activités liées aux incendies: prévention, préparation, et extinction. Les équipes anti-incendie accomplissent les fonctions d'attaque initiale. En cas d'absence d'une équipe du SEMARNAP, des équipes de l'état, de la municipalité ou de volontaires exécutent les premières interventions jusqu'à ce que les unités de lutte anti-incendie du SEMARNAP arrivent pour apporter leur soutien ou assumer la responsabilité.

Figure 6. Variation annuelle de l'ampleur et du nombre des incendies au Mexique, 1980-1998

Tableau 4. Statistiques des incendies et causes des incendies au Mexique, 1991-1997

Moyenne des incendies 1991 - 1997

Cause

Fréquence en pourcentage

Nombre d'incendies par an

8024

Feux agricoles

53,6

Hectares brûlés par an

264152

Feux intentionnels

16,4


Herbages/broussailles 72 %


Cigarettes

10,0


Terres forestières 23 %


Feux de camps

8,6

Ampleur moyenne des incendies (ha)

33

Autres

11,4


Lorsque la situation dépasse les capacités du SEMARNAP en termes de moyens disponibles, les autorités militaires et les services de la protection civile apportent leur concours. Les militaires mettent du personnel à disposition, sous les ordres de celui du SEMARNAP. Les services de protection civile n'ont pas suffisamment de personnel mais peuvent apporter un soutien logistique et administratif.

Politiques, accords et programmes institutionnels

La plus grande partie des terres forestières publiques appartiennent aux populations. Les autorités sont parfois en désaccord avec les populations locales, en particulier lorsque le feu est utilisé sans discernement. La Loi organique de 1994 charge expressément le SEMARNAP d'encourager la protection, la restauration et la conservation des écosystèmes et des ressources naturelles. Le Plan national de développement, dans le cadre de la Loi organique, est conçu pour ralentir la détérioration écologique en mettant en œuvre un mode de développement durable. Le programme de protection contre les incendies de forêt est responsable de la coordination des activités avec les instances gouvernementales de tout niveau, et de la coordination de l'aide internationale dans la mesure où elle concerne l'accomplissement des objectifs de la Loi organique. Un élément important en est que chaque bureau fédéral local est encouragé à mettre au point des accords ou des "protocoles d'accord" avec les responsables au niveau de l'état et au niveau local pour le partage et la coordination des activités de lutte anti-incendie.

Le Mexique organise des campagnes de diffusion de l'information sur l'importance des écosystèmes forestiers et les bienfaits qu'ils procurent. Traditionnellement, la forêt a toujours été perçue comme une source de matériaux ou comme un obstacle à l'agriculture, d'où la volonté d'éduquer le pays sur le rôle de la forêt. Certaines lois abordent le problème de l'utilisation du feu. Le problème est d'ordre culturel et social. La nécessité de protéger les forêts n'est pas une notion partagée par tous. Les brûlages pour l'agriculture ou pour le défrichement, qui échappent au contrôle et se propagent en forêt, ne sont pas perçus comme des problèmes à l'échelon local. Le problème de la prévention et de la prise de conscience est du ressort de l'éducation et de la mise en vigueur par des mesures coercitives.

Capacité nationale de gestion des incendies

Les services de lutte anti-incendie bénéficient d'infrastructures bien développées au Mexique. Ils mettent l'accent sur la formation et gèrent un grand nombre d'unités de lutte anti-incendie bien équipées. Le Mexique est un grand pays et souhaite clairement augmenter les moyens et les équipements mis à la disposition du programme.

Avant les incendies de 1998, année où le budget fut doublé, le Mexique disposait des moyens suivants:

· 150 brigades de pompiers (400 de plus si l'on inclut les équipes municipales, de volontaires, et des états),

· 6 hélicoptères (4 sous contrat et 2 du SEMARNAP),

· 2 avions de détection,

· 64 tours de guet.

Formation (1997):
· 516 cours,
· 15 480 participants formés.
Equipement anti-incendie:
· 651 radios,
· vêtements de protection pour les 150 brigades de pompiers,
· outils de lutte anti-incendie comprenant des pompes à dos.
Les capacités institutionnelles du Mexique ont été sérieusement mises à l'épreuve en 1998. Au début de l'année, les responsables du SEMARNAP reconnaissaient que 1998 serait une année très difficile et qu'ils ne disposeraient pas des ressources financières ou matérielles permettant la gestion des incendies. Le budget moyen pour la décennie 1990 avoisinait les 6,2 millions de dollars US. Début 1998, le budget était tout juste inférieur à 10 millions de dollars US. Le budget a finalement été doublé pour atteindre près de 20 millions de dollars US. Ceci a permis au Mexique de passer des contrats pour obtenir des moyens supplémentaires. L'utilisation des avions, mesurée en litres d'eau ou de retardants largués, a été de 1500 pour cent supérieure à la moyenne. La mort de 70 personnes ajoute une note tragique à cette saison d'incendies.

Principaux impacts et avantages sociaux, économiques et environnementaux des incendies

Les pertes annuelles moyennes ont été évaluées à plus de 150 millions de dollars US (Martinez 1998). Cependant, ces chiffres ne reflètent pas la perte de propriétés foncières ou de moyens de subsistance. Quatre-vingt pour cent des incendies se déclarent dans les herbages et les broussailles. Ces types de végétation sont capables de récupérer plus rapidement que la forêt. Cependant, sur les bassins versants sensibles, l'érosion et les charges élevées en sédiments dans l'alimentation en eau domestique peuvent avoir de graves conséquences à court terme. Les feux de cimes qui détruisent les forêts sont un problème de plus en plus important.

Pour Martinez (1998), les principaux motifs d'inquiétude au Mexique sont:

· la perte du couvert forestier et de la biodiversité;
· l'érosion du sol et des altérations du cycle hydrologique;
· les effets négatifs sur les zones touristiques et de loisirs;
· l'augmentation de la contamination de l'environnement;
· et les dommages à la faune et à ses habitats.
On peut ajouter bien d'autres effets néfastes à cette liste. La fumée est un problème important pour la santé et l'économie. Les incendies de 1998 ont porté le problème de la fumée sur la scène internationale lorsque le Texas s'est inquiété de la brume sèche de fumée planant sur une grande partie de l'Etat au moment de l'apogée de la saison d'incendies. Cette fumée provenait des incendies du Mexique et des pays d'Amérique centrale. Les incendies causés par les populations humaines représentent 93 pour cent des incendies au Mexique. Puisque ce problème a une origine humaine, c'est grâce à des interventions humaines qu'il sera finalement résolu.

Le feu présente cependant des avantages reconnus. L'étendue des forêts de pins au Mexique montre que le feu a un rôle à jouer dans le paysage. Le brûlage dirigé pourrait avoir une influence importante dans la prévention des incendies, mais le programme est encore à ses débuts et ces progrès appartiennent encore à l'avenir. Le feu remplit aussi une fonction culturelle au Mexique dans le cadre de ses usages agricoles.

Amérique centrale

Il y a bien des façons d'aborder la gestion des incendies de végétation en Amérique centrale. Le feu est rapidement devenu un problème environnemental majeur pour les pays qui se trouvent dans une situation économique difficile. Le Costa Rica et le Honduras ont des programmes bien développés de gestion des incendies. Ils ont pris conscience très tôt du problème du feu et de ses effets sur les ressources naturelles. Le Honduras, en raison de ses grandes superficies de pins, pratique le brûlage dirigé depuis de nombreuses années. Le Costa Rica a connu des brûlages agricoles incontrôlés qui ont menacé ses parcs et ses zones protégées. En revanche, le Nicaragua est aux prises avec la redéfinition de son programme. Au Guatemala, on est conscient de la nécessité d'un programme; des activités de formation et d'élaboration du programme avaient démarré avant le départ des incendies de 1998.

Figure 7. Superficie brûlée en Amérique centrale, 12/97-5/98

La plupart des pays d'Amérique centrale ont subi dans une certaine mesure les conséquences de la sécheresse due au phénomène El Niño. Plus de 2,5 millions d'hectares ont brûlé en 1998, valeur jamais atteinte auparavant. Le Nicaragua totalise 36 pour cent de la surface brûlée, le Guatemala 26 pour cent et le Honduras 23 pour cent. La région a rapidement été dépassée par le problème, surtout les pays ne possédant pas de politiques bien développées de gestion systématique des incendies.

Le Nicaragua, le Honduras et le Guatemala ont particulièrement souffert. Les plus graves problèmes étaient dus aux brûlages agricoles échappant au contrôle, ou aux brûlages de défrichement (CCAD 1998). Les ministres des gouvernements et les responsables des programmes des forêts et des parcs nationaux de toute l'Amérique centrale se sont réunis les 23 et 24 juin 1998 à San Pedro Sula, Honduras (CCAD 1998). L'objectif était de discuter les répercussions de la saison d'incendies de 1998 et de déterminer les actions que les pays pourraient entreprendre collectivement. Plusieurs excellentes solutions ont été proposées lors de cette réunion:

· S'assurer que les communautés locales et les populations indigènes sont prises en compte dans les solutions proposées.

· Rechercher et mettre au point des solutions de rechange au brûlage agricole.

· Adopter et mettre en œuvre dans la région un programme de vulgarisation "de paysan à paysan" visant à encourager l'utilisation durable des ressources naturelles et à améliorer les techniques agricoles.

Tous les pays ont recherché activement des formations techniques pour améliorer les techniques et les méthodes de gestion des incendies pratiquées par les responsables. Les pays hispanophones ont participé à des cours internationaux sur les méthodes de lutte anti-incendie aux Etats-Unis, en Espagne et au Mexique. Le Bureau de l'assistance aux pays étrangers en cas de catastrophe a pris l'initiative d'élaborer et de dispenser activement des cours dans toute l'Amérique centrale. Le Costa Rica, le Nicaragua et le Guatemala serviront d'exemples pour illustrer les différentes approches utilisées par les programmes de gestion des incendies dans la région.

Costa Rica

Avant 1985, il n'existait pas de programme de gestion des incendies bien développé. La disparition de certains habitats tropicaux, le brûlage pratiqué sans discernement et plusieurs incendies de grande ampleur ont accentué l'urgence d'élaborer un tel programme. Le pays a fait appel à l'aide internationale. Une loi qui allait entraîner un changement d'attitude vis-à-vis de l'utilisation du feu a été adoptée en 1986. Son objectif principal était de décourager l'utilisation généralisée des feux incontrôlés, en y associant des amendes. L'adoption d'une loi forestière supplémentaire en 1996 a encore accru la prise de conscience de la nécessité de mettre fin aux feux incontrôlés.

Les succès obtenus au Costa Rica reposent sur la formation de comités régionaux et locaux de gestion des incendies. A l'heure actuelle, l'accent est mis sur la décentralisation des efforts du gouvernement fédéral; les provinces et les communautés locales sont encouragées à s'engager dans l'action et à assumer la responsabilité de leurs zones. Des incitations financières encouragent les communautés à s'engager. Le gouvernement central finance les outils, l'équipement, la formation, l'éducation, etc. L'Institut national de sécurité (d'assurance) fournit également des sommes importantes pour garantir le succès du programme. Ces comités sont composés de volontaires, et bénéficient du soutien professionnel et technique du gouvernement. Ils sont responsables de la prévention des incendies et de l'organisation des actions d'extinction. La région de Guanacaste, où l'on dénombre 85 brigades de pompiers volontaires, est un bon exemple de réussite.

Nicaragua

Le problème des incendies au Nicaragua est très préoccupant. On dispose cependant de peu d'information sur le programme national en raison du processus de restructuration en cours. Le Nicaragua en est au stade de l'élaboration du programme (Alfaro 1998). Le Ministère de l'environnement et des ressources naturelles est en cours de restructuration. Peu de ressources humaines ou matérielles sont affectées au programme de gestion des incendies. La cause principale en est le manque de financement adéquat. Les 911 760 hectares touchés par les incendies de 1998 renforcent la nécessité d'accélérer le processus. Selon le Ministère, les incendies représentent un grave problème, comme le démontrent les moyennes sur dix ans de 1988 à 1997: 5970 incendies pour une moyenne de 373 299 hectares brûlés par an, ce qui correspond à une moyenne de 62 hectares par incendie.

Guatemala

Le Guatemala était moyennement bien préparé aux incendies de 1998. Comme bien d'autres pays d'Amérique centrale, il a fini par être dépassé par le nombre et l'ampleur des incendies.

Les autorités locales détiennent les responsabilités les plus importantes. L'intervention initiale est menée par les volontaires locaux, ou sur les terres du domaine de l'Etat par les fonctionnaires du gouvernement. L'utilisation efficace des outils de lutte anti-incendie se développe. Quand la situation devient trop complexe ou d'une ampleur trop importante, le gouverneur régional assume la responsabilité des situations d'urgence. Il existe une structure gouvernementale pour l'intervention d'urgence. La région du Petén, au nord du Guatemala, était bien préparée aux incendies de mai 1998. La situation a dépassé les moyens des services locaux, mais leur compétence organisationnelle a facilité leur capacité à gérer la situation. Au début de l'année, des experts internationaux avaient travaillé sur les techniques de gestion des urgences avec les fonctionnaires des Services de coordination des actions d'urgence au Petén. L'efficacité de la coordination des activités témoigne de la formation reçue (Perkins et al. 1998). Les militaires, la protection civile, les volontaires et les fonctionnaires forestiers locaux ont travaillé ensemble à la maîtrise des incendies.

Il n'y a pas d'autorité nationale chargée de l'extinction des incendies. Chaque région est responsable des actions en matière d'extinction, de préparation, et de prévention. Le degré d'engagement international est élevé, car certaines régions du Guatemala sont en voie de développement et les ruines Maya jouent un rôle de catalyseur. Les programmes de protection contre les incendies sont répartis entre les divers organismes responsables des ressources naturelles, la protection civile détenant l'autorité suprême. Les services de la protection civile ne participent pas activement aux actions d'extinction au niveau national, mais ils peuvent s'engager localement comme ce fut le cas au Petén. L'agence nationale de protection civile intervient après la déclaration de catastrophe naturelle par le président.

Amérique du Sud

L'Amérique du Sud peut être caractérisée par un programme à long terme basé sur une préparation active au Chili, par un programme en cours de réorganisation en Argentine, et par un programme relativement "nouveau" en Uruguay. Certains pays tels que l'Equateur sont conscients du problème, mais les incendies ne sont pas assez fréquents pour justifier une action importante du gouvernement.

Chili

Depuis plusieurs dizaines d'années, le Chili possède un programme de gestion des incendies bien développé (Sanhueza 1998). Ce programme est sous la responsabilité de la Corporation forestière nationale (CONAF). La CONAF est un organisme fédéral de type particulier dans la mesure où elle est dirigée comme une société privée, mais sous les auspices du Ministère de l'agriculture. Les responsabilités de protection de la faune sauvage ont débuté formellement en 1962 avec la police nationale (Reyes Morandé 1998). L'engagement du Ministère de l'agriculture a débuté en 1965. La CONAF en a assumé la responsabilité en 1973. La CONAF a débuté en tant que programme de protection contre les incendies de forêt et a évolué plus récemment vers un programme plus complet de gestion des incendies. Le programme de la CONAF est organisé de façon analogue à celui du Mexique, avec un bureau central et des bureaux locaux du programme fédéral puissants au niveau de la Région ou des Etats.

Les plantations couvrent plus de deux millions d'hectares dans toute la zone centrale du pays. Il s'agit surtout de pin de Monterey (Pinus radiata). Ces plantations représentent une ressource économique importante pour le pays. La plupart des plantations appartiennent à de grandes industries forestières qui en assurent aussi la gestion. Une loi adoptée en 1974 encourageait le développement forestier. Des incitations financières étaient prévues pour l'afforestation de terres précédemment "non forestières". Les plans de gestion exigeaient que les propriétaires terriens incluent un programme de protection contre les incendies de forêt sur leurs terres. Les plans comprenaient des clauses concernant la prévention, la préparation, et l'extinction des incendies.

L'efficacité de l'extinction peut être mesurée par la diminution de l'ampleur moyenne des incendies. Celle-ci est passée de 38,2 hectares dans les années 60 et 70, à 10 hectares dans les années 90.

La CONAF est responsable de toutes les terres nationales, parcs nationaux et réserves forestières nationales. Elle assure aussi la protection des propriétaires possédant de petites superficies forestières. Les grands propriétaires sont responsables de leurs propres terres et ils éteignent les incendies sur les terres jouxtant les leurs, ce qui est dans leur propre intérêt. Les unités de pompiers volontaires jouent un rôle dans l'extinction des incendies à proximité de leurs communautés respectives.

Le succès de la gestion des incendies repose en bonne partie sur la coopération entre le gouvernement et les propriétaires de terres forestières pour la mise en place d'un programme efficace de détection, d'intervention initiale, et de prévention des incendies. Les propriétaires privés ont pris la responsabilité de la protection de leurs propres terres au début des années 80. Selon Reyes Morandé (1998), le succès du programme de gestion des incendies est fondé notamment sur les éléments suivants:

· Une structure unifiée entre les industries privées et le gouvernement fédéral, qui facilite des actions homogènes dans tout le pays.

· Une définition claire de la propriété des terres.

· Une entité fédérale unique responsable de la politique forestière.

· Une industrie forestière privée qui protège ses propres investissements.

Les pays voisins reconnaissent la supériorité du programme de la CONAF. Le Chili a soutenu les pays voisins en leur fournissant des équipes à outillage manuel et des avions. Le Chili a aidé l'Argentine à combattre ses incendies en 1987.

Tableau 5. Statistiques des incendies et causes des incendies au Chili, 1989-1998

Moyenne des incendies sur 10 ans 1989 à 1998

Cause

Fréquence (%)

Nombre d'incendies par an

5260

Feux agricoles

7

Hectares brûlés par an

53192

Feux intentionnels

29


Herbages/broussailles 61 %


Abattage des forêts

7


Terres forestières 29 %


Inconnue

13

Ampleur moyenne des incendies (ha)

10

Passage

30



Autre

14


Le secteur privé et le gouvernement fédéral investissent environ 19,8 millions de dollars US dans la prévention, la préparation aux incendies et la formation (industrie forestière: 12 millions de dollars US, gouvernement: 7,8 millions de dollars US). Cette somme sert à l'entretien d'environ 2500 employés affectés au programme de gestion des incendies. Les moyens de lutte anti-incendie comprennent les éléments suivants:

· 30 centres d'opérations,

· 209 tours d'observation,

· 187 techniciens spécialisés dans la prévention,

· 151 unités de pompiers (8 à 15 pompiers par unité),

· 19 camions citernes,

· 22 équipes héliportées,

· des avions: 22 hélicoptères, 14 bombardiers d'eau et 7 avions de coordination.

Venezuela

La Loi forestière de 1970 a affecté la responsabilité de la protection contre les incendies au Ministère de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables. Le programme de protection contre les incendies est conçu de façon à soutenir les organisations locales grâce à un service centralisé des opérations qui assure moyens de transport, nourriture, équipements etc. Il existe des exemples régionaux d'excellence, comportant des incitations financières pour la prévention et la maîtrise des incendies. L'efficacité du Venezuela en matière d'extinction a été démontrée par l'aide qu'il a apportée au Brésil pendant les incendies de début 1998.

La plus grande partie du Venezuela est classée comme appartenant à la zone tropicale. Les causes naturelles d'incendie sont rares, et le problème des incendies est donc d'origine anthropique. Les forêts tropicales sèches sont considérées comme les plus menacées. La pression démographique dans ces zones est extrêmement forte. On prévoit une augmentation de la fréquence des incendies (Yegres 1998).

Les plantations se sont beaucoup développées dans l'est du pays. Le programme a débuté en 1969 par un programme gouvernemental d'afforestation de grande envergure. Les plantations couvrent environ un demi million d'hectares. La fréquence de la foudre dans cette région est élevée, entraînant un grand risque d'incendie et de pertes associées. L'impact économique potentiel a suscité des efforts de maîtrise des incendies. De grands incendies se sont produits récemment. Le système comprend des tours de détection, des moyens de détection aérienne, des patrouilles au sol et des équipes qualifiées de pompiers. Le transport des pompiers se fait par hélicoptères. Le programme est bien défini dans cette région. Compte tenu des risques de pertes économiques, de nombreux spécialistes qualifiés participent aux actions de lutte contre les incendies (Yegres 1998). Une bonne douzaine de spécialistes des incendies ont bénéficié de formations internationales. Yegres (1998) déplore que beaucoup des professionnels qualifiés aient aussi d'autres responsabilités et n'aient pas le temps de se consacrer entièrement à la gestion des incendies.

Tableau 6. Statistiques des incendies et causes des incendies au Venezuela, 1982-1991

Moyenne des incendies sur 10 ans 1982 à 1991

Cause

Fréquence (%)

Nombre d'incendies par an

1546

Feux agricoles

30

Hectares brûlés par an

45100

Feux intentionnels

33


Herbages/broussailles 61 %


Abattage des forêts

9


Terres forestières 29 %


Inconnue

20

Ampleur moyenne des incendies (ha)

29

Urbaine

6



Autre

2


Uruguay

Quatre-vingt-dix pour cent de l'Uruguay sont classés dans la catégorie des herbages ou prairies (Baptista 1998). Le feu est utilisé pour améliorer la production de plantes fourragères. Les feux échappent parfois au contrôle et se propagent sur d'autres terrains, zones de forêts protégées ou plantations. Compte tenu de la grande étendue des formations herbacées, le problème des incendies de forêt n'est pas très préoccupant en Uruguay.

La première Loi forestière a été adoptée en 1968 et la deuxième en 1987. Elles visaient à décourager la coupe des espèces forestières indigènes et encourageaient la création de forêts artificielles. Aujourd'hui les plantations couvrent environ 310 000 hectares. Les problèmes d'incendies ont commencé à devenir plus importants avec l'augmentation du nombre et de la superficie des plantations. Au début du programme, les plantations étaient isolées, et les incendies contrôlables. Avec le vieillissement des plantations et la mise en place de nouvelles plantations adjacentes, le risque d'incendie est devenu beaucoup plus sérieux.

Le Directeur des Pompiers nationaux est responsable de l'extinction des incendies. Il y a environ 1500 pompiers, répartis en brigades. L'attaque initiale est effectuée essentiellement par les propriétaires de terres forestières industrielles dans les zones de plantations. Si la situation est grave, le Département des travaux publics et le Ministère de la défense interviennent. Il n'existe pas de moyens aériens d'extinction. On utilise la détection aérienne.

Brésil

Introduction. Tout comme les écosystèmes brésiliens varient du nord au sud, le comportement du feu est également très diversifié lorsqu'on passe de la forêt tropicale humide à la caatinga dans le nord-est, au cerrado, ou savane, dans la zone centrale, à la Mata Atlantica, ou forêt tempérée humide, le long de la côte est, et aux forêts du sud. Le système de gestion des incendies qui se développe au Brésil doit prendre en compte les différences importantes associées à ces principaux écosystèmes. Les relations avec le feu sont bien connues pour le cerrado, moins bien pour la forêt humide, et encore moins bien pour certains autres écosystèmes. La discussion sur les incendies dans le cerrado présentée ci-après est adaptée de l'article de Coutinho (1982) sur les "Impacts écologiques du feu dans le cerrado brésilien".

Le cerrado. Le cerrado est un complexe de formations végétales constitué de prairies, de savane intermédiaire et de forêts sèches. La zone centrale de répartition du cerrado correspond au grand plateau du centre du Brésil, couvrant 1 500 000 km2. Si l'on inclut les zones périphériques à cette zone centrale, la superficie totale couverte par ce complexe de végétation pourrait atteindre environ 1 800 000 km2. Cette zone énorme couverte par le cerrado est une mosaïque de différents types de formations végétales déterminés essentiellement par le type de comportement des feux, leur intensité, et les types de sol.

Le feu est considéré comme un facteur écologique important dans les écosystèmes du cerrado. La datation au carbone 14 de fragments de charbon de bois trouvés dans le sol du cerrado autour de Brasilia a révélé qu'ils remontent à 1600 ans. Le feu était donc déjà présent dans la région au moins 1200 ans avant l'arrivée des colons Portugais. Les recherches anthropologiques montrent que le centre du Brésil est habité depuis plus de 10 000 ans. Au moment de la colonisation, les Indiens se servaient sans aucun doute du feu pour de nombreux usages. Les Indiens Caiapos du centre du Brésil pensaient que le feu leur avait été donné aux premiers âges par Bebgororoti, une créature mythologique qui avait apporté le feu du ciel au cours d'un violent orage.

Selon Coutinho, il n'existe pas de données scientifiques sur les incendies naturels dans le cerrado, mais d'autres auteurs ont signalé des feux de foudre, par exemple dans le parc national d'Emas. On estime que dans les régions colonisées de longue date, chaque portion du cerrado brûle tous les deux ans. Ceci se produit habituellement pendant les mois plus frais et plus secs de mai à septembre, avec une fréquence maximale en juillet-août. Les incendies peuvent alors être très répandus dans tout le cerrado. C'est ainsi qu'en 1991, une sécheresse prolongée a contribué à la destruction par le feu d'une superficie évaluée à un pour cent de l'état du Mato Grosso. En 1994, 70 pour cent du parc national de Brasilia, et la totalité des parcs nationaux d'Emas et d'Araguaia ont brûlé. Le parc national d'Araguaia, qui couvre 562 000 hectares, est situé sur Ilha Bananal dans l'état de Tocantins, la plus grande île fluviale du monde. Cette île a elle aussi entièrement brûlé en 1994. Toutes ces zones appartiennent au cerrado. Des incendies de cette ampleur peuvent gêner les transports terrestres et aériens et causer de nombreux problèmes aux personnes souffrant d'affections respiratoires.

La forêt tropicale humide. On pense généralement que la forêt humide est peu touchée par les incendies en raison de l'humidité ambiante, mais il est démontré que des incendies peuvent s'y déclarer lorsque les conditions nécessaires sont réunies. Ces incendies sont le plus souvent d'origine anthropique, car les orages tropicaux sont accompagnés de fortes pluies qui empêchent généralement la foudre de provoquer des incendies.

Dans le cours supérieur du Rio Negro au Venezuela, les sols forestiers contiennent en abondance du charbon de bois remontant à l'Holocène moyen à supérieur. Ceci prouve que la présence du feu en tant que facteur de perturbation remonte à des temps reculés (Sandford et al. 1985). L'étude effectuée au Rio Negro conclut que des épisodes de perturbation par le feu ont modifié la forêt pendant l'Holocène moyen à supérieur, résultant soit de différentes conditions climatiques, soit uniquement de l'intervention humaine, ou encore d'une interaction entre les perturbations d'origine anthropique et le climat.

Aujourd'hui dans la région amazonienne le brûlage est associé principalement au défrichage des forêts pour l'agriculture, les pâturages, l'exploitation du bois, etc. Fearnside (1990) rapporte qu'en 1988 environ 400 000 km², soit 8 pour cent de la région amazonienne, avaient été défrichés, et que la superficie défrichée augmentait de 35 000 km² par an. Des évaluations plus récentes font état d'une superficie moyenne de 15 000 km² défrichée et brûlée en Amazonie brésilienne chaque année (Nepstad et al. 1998); et en 1996, environ 517 000 km² de forêts en Amazonie brésilienne avaient été entièrement déboisés et brûlés. Dans la région amazonienne, la plupart des zones déboisées sont conservées comme pâturages. Les grands éleveurs sont responsables d'environ 75 pour cent du défrichage pour les pâturages, le restant étant le fait des petits agriculteurs. Fearnside (1990) indique que les brûlages des pâturages sont effectués tous les 2-3 ans. Uhl et Buschbacher (1985) notent la probabilité accrue de propagation des incendies des pâturages aux forêts environnantes où des coupes sélectives ont été effectuées.

Les incendies en Amazonie sont regroupés en trois types principaux (Nepstad et al., sous presse):

· Les "feux de déforestation" sont associés aux forêts brûlées après une coupe rase pour préparer les terres pour les pâturages, l'agriculture ou les plantations.

· Les "feux forestiers de surface" se produisent lorsque les feux s'échappent dans les forêts primaires ou exploitées, brûlant les combustibles accumulés sur le sol forestier.

· Les "feux sur terres déboisées" correspondent aux feux se produisant dans les pâturages, les forêts secondaires et d'autres types de végétation sur des terres auparavant boisées.

Les feux peuvent en outre être divisés en feux intentionnels allumés pour la gestion des pâturages et des terres, et feux échappés accidentellement vers des zones adjacentes.

Parmi ces trois types de feux rencontrés en Amazonie, les feux associés à la déforestation sont ceux qui ont les impacts écologiques les plus importants car ils conduisent au remplacement rapide des espèces de la forêt pluviale par une végétation plus sujette au feu (Nepstad et al., sous presse). Ceci constitue un grave cycle de feedback, dans lequel l'inflammabilité de la végétation amazonienne augmente avec le temps.

Bien que l'environnement de la forêt pluviale naturelle ne soit pas propice à l'éclosion et à la propagation des incendies, une fois que la forêt a été coupée et qu'on a laissé sécher le matériel végétal pendant plusieurs semaines, son inflammabilité augmente énormément. Les taux de combustion de la biomasse varient en fonction des conditions au moment du brûlage. Les incendies de 1982-1983 dans l'Est-Kalimantan à Bornéo, les incendies de 1997-1998 en Indonésie, et les incendies de 1998 dans le Roraima au Brésil ont montré que de graves incendies peuvent se produire dans les forêts tropicales suite à une forte sécheresse et à des perturbations. Les brûlages répétés en Amazonie peuvent conduire la végétation à être dominée par des espèces de palmiers et de graminées résistantes au feu. Une fois que les forêts amazoniennes ont brûlé, elles deviennent plus vulnérables au brûlage répété les années suivantes (Nepstad et al., sous presse).

Les forêts du nord-est. Les écosystèmes de la région du caatinga et les forêts décidues du nord-est correspondent à des paysages chauds, arides et à végétation épineuse (Ministry of Environment 1996). Les températures y sont très élevées, les humidités relatives basses, et le climat particulièrement aride. Les écosystèmes de cette région couvrent une superficie de 939 391 km2. La dégradation de la végétation naturelle est due essentiellement à l'exploitation des forêts pour leur bois, à la conversion de la végétation en pâturages, et aux effets des incendies.

La forêt atlantique (Mata Atlantica). Bien qu'il s'agisse également d'une forêt tropicale humide, cet écosystème n'est pas une extension de la forêt amazonienne. Il s'agit d'une formation végétale complètement différente (UNDP 1993) qui renferme une diversité biologique exceptionnelle. Lors de la découverte du Brésil, la forêt atlantique couvrait 1,5 million de km2 et s'étendait pratiquement tout le long de la côte brésilienne. En raison de sa proximité des centres habités, fortement demandeurs en bois, elle est aujourd'hui réduite à 10 pour cent de sa superficie originelle. La forêt restante est très morcelée et abrite de nombreuses espèces animales et végétales menacées. La forêt atlantique est très sensible au feu et la politique actuelle prévoit pour elle des mesures de protection directe contre les incendies.

Les forêts du sud. Les forêts de pins couvrent une superficie de 220 363 km2 (Ministry of Environment 1996). L'altitude est généralement supérieure à 500 m et le climat est tempéré avec une saison sèche marquée. C'est la zone du pin du Parana, espèce de grande valeur économique et paysagère. La végétation d'origine ne couvre plus que 23 pour cent de la superficie totale. Dans cette région les terres sont essentiellement consacrées à l'agriculture.

A l'extrémité sud du pays, au sud de la zone de la forêt de pins, se trouve une région d'environ 203 875 km2 autrefois couverte de forêts saisonnières. Environ 50 pour cent de cette région sont encore couverts de certaines formes de végétation naturelle. On y trouve aussi des formations herbacées, des arbustes et des plantations forestières.

Le PREVFOGO: Programme national de gestion des incendies au Brésil

Les incendies survenus dans les divers écosystèmes brésiliens ont eu de nombreuses répercussions néfastes sur l'ensemble de la société:

· pollution atmosphérique;

· effets de la fumée sur la santé publique dans les zones critiques;

· perturbation des transports aériens et terrestres par la fumée, affectant les citoyens privés, l'aviation commerciale et civile et le Ministère de l'armée de l'air;

· contribution éventuelle au changement climatique planétaire par la production de "gaz à effet de serre";

· diminution de la qualité de l'eau;

· perturbation de la transmission de l'énergie électrique;

· menaces pour les vies et les biens;

· perte de la diversité biologique;

· menaces pour les plantations d'arbres d'intérêt économique.

Ces nombreux effets néfastes des incendies incontrôlés ont conduit à la création du PREVFOGO (système national pour la prévention et l'extinction des incendies de végétation), par le Décret du gouvernement fédéral n° 97 635 du 10 avril 1989. Un document signé par la Présidente de l'IBAMA Tania Munhoz en novembre 1990, définissait ainsi l'objectif du PREVFOGO:
"...systématiser, de façon intégrée et objective, les informations intéressantes, comprenant l'affectation des priorités aux zones touchées, les moyens d'identification des incendies et des foyers de brûlage en temps réel, les ressources matérielles et humaines à mobiliser, et le système intégré de communication. Il prévoit aussi la mise en œuvre d'un programme de prévention adapté, garantissant ainsi la réduction effective des incendies de forêt et des brûlages au Brésil et de leurs conséquences, et fixant des règles pour l'utilisation du feu dans le cadre d'un brûlage dirigé fondé sur des connaissances techniques et scientifiques adaptées."
Cet objectif prévoit donc la mise en place d'un programme systématique de protection contre les incendies pour le Brésil, comportant tous les éléments essentiels qui permettront de procurer des avantages à toute la société. Atteindre cet objectif est une tâche difficile, voire un véritable défi, mais cette tâche doit être accomplie avec compétence, motivation et continuité dans l'effort. Personne ne pourrait souhaiter le contraire. Ainsi que le déclare Jose de Paiva Netto, "la destruction de la nature est l'extinction de la race humaine."

La stratégie du PREVFOGO pour la mise au point d'un programme systématique de protection contre les incendies a été conçue autour d'un réseau comprenant:

· Un Centre national au siège de l'IBAMA à Brasilia. Le Centre national travaillera de façon intégrée avec toutes les organisations publiques et privées impliquées dans la lutte anti-incendie et les feux contrôlés.

· Des Centres à l'échelon des états situés dans les directions régionales de l'IBAMA ou d'autres organismes sur la base d'accords spécifiques. Les Centres des états seront responsables de la mise en œuvre des politiques liées aux feux et des programmes de gestion des incendies au niveau des états. Les actions concrètes de lutte anti-incendie dans les états seront affectées aux services de lutte anti-incendie qui seront pourvus des moyens nécessaires à l'achat de l'équipement adéquat. Le personnel de lutte sera aussi fourni par l'IBAMA et par des brigades de volontaires qualifiées.

· Des Centres régionaux et municipaux seront responsables des actions de lutte anti-incendie et de la direction, en coopération avec les Bombeiros (pompiers) et les sociétés forestières présentes dans leurs zones respectives.

Le PREVFOGO fait partie de la Direction du contrôle et de la surveillance de l'IBAMA.

Accords de coopération

Le 7 août 1991, l'IBAMA et le Service des forêts de l'USDA ont signé un Protocole d'accord établissant un programme de coopération entre les deux pays dans les domaines de la science du feu et de la gestion des incendies. L'objectif de cette coopération est de réduire l'étendue et les impacts environnementaux des incendies dans les zones de savanes et de forêts tropicales. La coopération comprend le soutien à l'IBAMA pour l'élaboration d'une stratégie nationale de gestion des incendies qui réduise les impacts des incendies, la mise en place de structures administratives pour la mise en œuvre de cette stratégie, et l'augmentation des ressources humaines et matérielles pour atteindre les objectifs. La coopération comprend l'évaluation des incendies, des échanges et des recherches scientifiques, un appui technique, et des applications en matière de gestion des incendies.

Programme actuel du PREVFOGO

Le PREVFOGO se concentre sur cinq domaines prioritaires (Cornacchia et Pedreira 1998):

· Diffusion de programmes de vulgarisation rurale et d'éducation avec les agriculteurs pour réduire le nombre d'incendies provoqués par le brûlage agricole.

· Elaboration de plans de gestion des incendies pour que les Unités de conservation de l'IBAMA utilisent l'extinction et le brûlage dirigé pour minimiser les effets négatifs sur les écosystèmes.

· Surveillance par satellite des "points chauds" pour obtenir des informations sur les zones à risque.

· Formation à la prévention et à la lutte contre les incendies, aux méthodes aériennes de lutte pour les pilotes, et à la détermination des causes des incendies.

· Préparation des brigades à l'accomplissement des actions de prévention et de lutte anti-incendie au sein des Unités de conservation; collaboration avec les autorités pour garantir l'application des règlements.

Au Brésil, certains états ont aussi élaboré individuellement des plans de protection des forêts contre les incendies (Government of Parana State 1998; Cavalcanti 1998).

Leçons à tirer: l'expérience du Roraima peut orienter les politiques futures

Il peut être instructif d'étudier le cas des incendies du Roraima dans le nord du Brésil pour en tirer des leçons et identifier ce qui a bien fonctionné, et ce qui a moins bien fonctionné, en cette année El Niño 1998. Des entretiens avec des Bombeiros présents sur les incendies du Roraima font ressortir les aspects positifs suivants de leur mission:

1. Les Bombeiros possédant déjà une formation aux incendies ont fait face à cette situation complexe de manière particulièrement efficace.

2. Bien qu'il n'y ait pas eu d'accords préétablis entre les divers organismes, la coopération interorganismes a bien fonctionné. De nombreux services et organisations ont intégré leurs activités de façon positive: gouvernement de l'Etat du Roraima, armée, armée de l'air, Bombeiros, IBAMA, protection civile, service météorologique, l'Argentine et le Venezuela.

3. La formation aux opérations aériennes dispensée au Centre national interorganismes de lutte anti-incendie (NIFC) à Boise, dans l'Idaho, a été utile à la coordination des opérations aériennes sur les incendies.

4. L'Organisation du commandement de crise (ICS) a bien rempli ses fonctions de commandement et de contrôle, étant donné qu'il n'existait pas d'accords préétablis pour que cette organisation soit utilisée par tous. Le Gouverneur et le Général des Armées responsables du Roraima ont apporté leur soutien au processus de l'ICS.

5. L'IBAMA à Brasilia (PREVFOGO) a demandé que des Bombeiros possédant une expérience des incendies de végétation effectuent une évaluation des incendies dans le Roraima pour décrire la situation et recommander les actions d'extinction nécessaires. Ceci s'est révélé fort utile. Les Capitaines Gilberto Mendes et Wanius de Amorim de Rio de Janeiro, avec Giovanni Cornacchia du PREVFOGO, ont effectué cette évaluation du 15 au 23 mars. Ils ont effectué un vol de reconnaissance sur 400 km, reportant sur la carte la localisation et l'étendue des incendies avec un GPS et comparant les localisations avec les images satellite des incendies. Ceci a permis d'obtenir une carte précise mettant en évidence la gravité du problème et l'étendue des incendies. Le Gouverneur a utilisé leur carte et leur rapport d'évaluation dans une requête soumise à Brasilia pour obtenir des fonds d'urgence. Sur la base de cette demande bien documentée, Brasilia a dégagé 1,5 million de reals pour la lutte anti-incendie et l'assistance.

6. L'armée a fait un excellent travail en apportant son soutien logistique aux pompiers, sous forme de tentes, de nourriture, de moyens de transport, etc.

7. Les hélicoptères du Minas Gerais et du Venezuela ont été particulièrement efficaces grâce à leur expérience antérieure des incendies de forêt. Les autres hélicoptères ont également bien travaillé mais il serait utile que les pilotes bénéficient de formations spécifiques à l'utilisation des hélicoptères dans la lutte contre les incendies de végétation.

8. Les Bombeiros de Rio de Janeiro sont arrivés entièrement équipés, constituant une unité autonome de lutte anti-incendie, nécessitant très peu d'aide extérieure. Ils ont apporté dans les appareils C-130 qui les transportaient le matériel suivant: un camion, un engin de lutte anti-incendie, des outils manuels, des tronçonneuses, des tentes, 5 unités GPS, des lampes frontales, des batteries, des trousses d'urgence, et des radios. Un médecin les accompagnait. Ils ont aussi acheté 10 nouvelles tronçonneuses pour être mieux préparés à la lutte anti-incendie en forêt tropicale humide.

9. Dès que l'ordre a été reçu de se rendre dans le Roraima, la mobilisation des C-130 a été très efficace.

10. Des plans journaliers d'opération ont été élaborés par certaines unités pour diriger les activités et fournir les informations nécessaires aux autres unités.

Les Bombeiros et d'autres personnes ont aussi attiré l'attention sur les problèmes suivants, qui ont restreint l'efficacité de la maîtrise des incendies dans le Roraima:
1. Les ressources extérieures n'ont pas été mobilisées assez rapidement pour atteindre les incendies très tôt et les contenir à une faible ampleur. Alors que de nombreux incendies brûlaient en janvier, février et début mars, il n'y avait qu'un seul capitaine et 10 pompiers disponibles pour l'extinction! La situation était déjà catastrophique lors de l'arrivée des Bombeiros venant des autres états. Les Bombeiros ont accompli un énorme travail dans ces conditions difficiles, mais c'est l'arrivée des pluies vers la fin mars qui a permis d'éviter que la situation n'empire.

2. Il n'y avait pas de système de communication intégré sur les incendies, permettant aux différentes organisations de communiquer par une radio unique avec des canaux multiples pour couvrir toute les fréquences. Chaque organisation avait son propre système de communication interne, mais il n'y avait pas de système commun à toutes. En outre, il n'y avait pas de moyen de communication efficace entre le Centre de commandement de la zone à Boa Vista et les Centres de commandement sur le terrain.

3. L'équipement des Bombeiros n'était pas adapté aux conditions de la forêt tropicale humide, et il était insuffisant.

4. Le nombre de pompiers était insuffisant pour permettre une action efficace dans les conditions régnant à ce moment dans le Roraima. Il y avait 700 à 1000 personnes engagées dans les opérations de lutte anti-incendie. Au moment de l'arrivée des secours à la mi-mars, on estimait qu'il fallait au moins 10 000 pompiers. Un plus petit nombre de pompiers qualifiés et bien équipés arrivant dès janvier-février aurait permis de réduire de beaucoup la gravité des impacts et les coûts.

5. Beaucoup plus de pompiers doivent recevoir une formation aux incendies de végétation avant la saison des feux, y compris les Bombeiros de la région amazonienne dont la formation est plus orientée vers la lutte anti-incendie structurelle. Les brigades de volontaires au niveau local doivent aussi être équipées et formées pour constituer les premières unités d'intervention d'urgence sur les incendies.

6. L'assistance aérienne n'était pas disponible en permanence pour répondre aux besoins des pompiers au sol. Les militaires ont affecté les hélicoptères à d'autres missions que l'appui aux pompiers.

7. Les agriculteurs ont continué à pratiquer le brûlage, même lorsqu'il était proscrit en raison des risques élevés d'incendie. Il a fallu menacer les agriculteurs d'arrestation pour les convaincre de cesser le brûlage. (Note: la tribu Yanomami, en revanche, a déclaré qu'elle ne pratiquerait aucun brûlage tant que les Bombeiros ne lui en donneraient pas l'autorisation).

8. Le Centre de commandement de Boa Vista s'est efforcé d'élaborer des plans journaliers, mais le processus de planification était plus de l'ordre du recensement de ce qui s'était produit, que de l'établissement de priorités à affecter aux opérations futures pour guider les responsables sur le terrain. Ce problème pourrait être surmonté par des expériences et des formations supplémentaires au processus de l'ICS. Les postes de l'ICS au sein des Centres de commandement devraient être pourvus en fonction des connaissances en matière de lutte anti-incendie, et non du rang militaire.

9. Aucun processus d'évaluation quotidienne de la performance des pompiers sur les divers fronts d'incendie n'était en place. Des évaluations doivent être effectuées pour s'assurer que les pompiers atteignent les objectifs de maîtrise du sinistre.

Ces leçons tirées du Roraima au Brésil illustrent les points forts et les problèmes rencontrés dans la lutte anti-incendie au Mexique et en Amérique centrale. Il serait possible d'élaborer des politiques nationales en s'appuyant sur ces aspects positifs des interventions dans le Roraima et en réduisant le plus possible les point négatifs. Bien entendu, les politiques contribuant à inciter les populations locales à investir davantage dans la prévention des incendies et dans les pratiques durables d'utilisation des terres sont aussi d'une importance cruciale.

Le PROARCO

Les incendies du Roraima ont mis en évidence la prise de conscience croissante de la vulnérabilité accrue des forêts amazoniennes aux incendies pendant les années de sécheresse. Le risque d'incendie était particulièrement aigu dans "l'arc de déforestation" du sud de l'Amazonie où l'exploitation du bois d'œuvre, l'agriculture et d'autres pratiques de gestion des terres ont beaucoup augmenté l'inflammabilité de la végétation. Cet arc continu est long d'environ 3000 km et large de 600 km. Pour faire face à ce problème, le gouvernement brésilien a demandé un prêt à la Banque mondiale pour le soutien d'un projet intitulé PROARCO, programme pour la prévention et le contrôle du brûlage et des incendies de forêt dans l'arc de déforestation. La planification du projet a débuté au printemps 1998 et le 10 septembre 1998, la Banque mondiale approuvait un prêt de 15 millions de dollars US pour la prévention et la maîtrise des incendies de grande ampleur dans la partie méridionale de l'Amazonie brésilienne. Le programme est géré conjointement par l'IBAMA, le bureau officiel de l'Agence pour l'environnement du gouvernement brésilien, et le Ministère de l'environnement, des ressources en eau et de la région amazonienne.

Le PROARCO a été conçu autour des éléments suivants (Ministry for the Environment and IBAMA 1998):

· Surveillance du brûlage agricole et des incendies de forêt (y compris le suivi du risque incendie).

· Application des réglementations concernant l'utilisation du feu dans la gestion des terres.

· Prévention des incendies de forêt (incluant la formation des agriculteurs à des techniques de brûlage faisant intervenir des mesures de précaution et des méthodes de protection adaptées).

· Lutte contre les incendies de forêt.

· Mise en place d'un groupe spécial d'intervention stratégique (responsable de la coordination globale).

Les avantages attendus de l'action du PROARCO comprennent: une diminution du nombre des incendies de grande ampleur, très destructeurs, grâce aux actions de prévention et d'extinction; des pratiques d'utilisation des terres plus durables; l'amélioration des partenariats entre les organismes et services fédéraux, des états, municipaux et non gouvernementaux; la décentralisation des activités au niveau local; et une meilleure protection de la forêt amazonienne.

Trinité et Tobago: une étude de cas dans les Caraïbes

Introduction

A chaque saison sèche (approximativement de janvier à mai), les terres boisées et agricoles ainsi que les zones ouvertes de Trinité et Tobago sont en proie à de nombreux feux de forêt et de brousse (Trinidad Forestry Division 1998). L'importance des dommages causés par ces incendies varie avec la gravité de la saison sèche. Par exemple, si la grande sécheresse de 1987 a provoqué des incendies sur plus de 20 000 hectares de terres forestières et agricoles, la superficie brûlée pendant les années suivantes a été bien inférieure: 2664 hectares en 1996 et 446 hectares en 1997.

La diminution de la superficie brûlée n'était pas seulement liée à des saisons sèches moins marquées; des mesures de préparation aux incendies et des programmes d'éducation du public ont aussi joué un rôle efficace dans la réduction des dommages dus aux incendies.

Le Comité national du plan de gestion des incendies de forêt, nommé en 1988, a contribué à orienter et à mettre en œuvre le Plan de protection contre les incendies de forêt à Trinité. Le Président du comité est le Directeur des Forêts. Chaque représentant du comité est responsable de la mobilisation et de la direction des ressources de son organisme pour l'accomplissement de l'effort national de protection contre les incendies de forêt.

Politiques et objectifs

Les objectifs généraux de la Politique des ressources forestières à Trinité et Tobago sont les suivants:

· Affectation d'une superficie adéquate de terres à des usages forestiers en des lieux stratégiques.

· Gestion de ces ressources pour une combinaison optimale de leurs potentiels de production, de protection, et de leurs valeurs récréatives, esthétiques, scientifiques et éducatives.

Les déclarations ci-dessus incluent implicitement la nécessité de protéger des incendies non seulement les bois commerciaux mais aussi d'autres valeurs liées aux bassins versants, à la faune sauvage, aux usages esthétiques et récréatifs, et à la fertilité du sol. Les incendies sur ces îles des Caraïbes étant entièrement dus à l'activité humaine, on a peu de raisons de croire que le feu ait été un élément naturel influençant l'évolution, la succession et le développement des forêts. Les forêts indigènes ne sont généralement pas adaptées pour supporter des feux intenses ou répétés. Le Plan de protection contre les incendies de forêt vise donc à réduire l'ampleur des dommages dus aux incendies de forêt, en les contenant dans des limites acceptables. Le Plan se concentre aussi sur les terres agricoles et autres terres privées soumises à l'agriculture sur brûlis. Ce type de brûlage agricole a été identifié comme constituant un risque d'incendie important, car ces feux échappent facilement au contrôle et se propagent sur les terres adjacentes. Les stratégies de réduction des pertes dues aux incendies insistent sur les campagnes de prévention et la mise en application des lois se rapportant à la Loi sur les feux agricoles. Cette loi définit la saison des feux, établit les dispositions pour la délivrance des permis de brûler, et définit les délits en cas de non-application des diverses clauses.

Le Plan couvre toutes les terres concernées par la Loi sur les feux agricoles. Priorité est aussi donnée aux forêts domaniales de protection, aux plantations forestières, et à d'autres zones de grande valeur écologique. Les objectifs généraux du Plan sont les suivants:

· Education des citoyens pour les sensibiliser à la valeur et aux bienfaits des ressources forestières et aux effets néfastes des feux de forêts et de brousse.

· Prévention du plus grand nombre d'incendies possible.

· Réduction des dommages et des pertes dus aux incendies par le maintien d'un état de préparation à la détection et à la maîtrise des incendies, proportionnel aux niveaux du risque d'incendie.

Les coûts annuels de la gestion des incendies en 1998 incluent 500 000 dollars de Trinité et Tobago en coûts d'investissement pour l'acquisition de véhicules, de moyens de communications, d'outils et d'équipement anti-incendie, et 1 286 000 dollars de Trinité et Tobago en frais généraux tels que le nettoyage des traces des incendies, et les patrouilles de détection et d'extinction des incendies.

Impacts économiques et sociaux des incendies de forêt

Les incendies de forêt à Trinité ont des conséquences importantes pour la société:

· Perte directe de bois d'œuvre et autres matières premières.

· Perte et déclin des rendements futurs en bois résultant de problèmes sanitaires (insectes, maladies) ultérieurs. Ce problème est particulièrement grave dans les plantations de teck où les rendements futurs sont affectés par les incendies et par la rouille.

· Coût du travail de remise en état pour la restauration des infrastructures endommagées directement ou indirectement par les incendies. Par exemple, des éboulements provoqués par les incendies peuvent affecter les cours d'eau et les routes.

· Dommages causés par une fréquence accrue des inondations.

· Perturbations dans l'approvisionnement continu de divers produits.

· Coût de reboisement des zones brûlées.

· Risques sanitaires associés à l'augmentation de particules en suspension dans l'air.

· Pertes dans le secteur de l'éco-tourisme.

Statistiques des incendies

Les types de végétation les plus sensibles aux incendies sont les zones de savane et les forêts de teck. En 1997, par exemple, les savanes représentaient 38 pour cent de la superficie brûlée et les forêts de teck 37 pour cent, suivies par les formations arbustives, les forêts de pins, et les forêts naturelles. Le nombre d'incendies recensés par la Division des forêts au cours des 12 dernières années oscille entre 146 et 764 par an (tableau 7).

Tableau 7. Nombre d'incendies et superficies brûlées à Trinité et Tobago, 1987-1998

Année

Nombre d'incendies

Superficie brûlée (ha)

Ampleur moyenne des incendies (ha)

1987

502

21420

42,67

1988

583

5495

9,42

1989

146

970

6,64

1990

234

1100

4,7

1991

229

680

2,97

1992

431

2710

6,29

1993

228

1570

6,89

1994

256

2600

10,15

1995

516

7245

14,04

1996

178

2664

14,97

1997

156

446

2,86

1998

764

10289

13,46


ENSEIGNEMENTS À TIRER: POLITIQUES, ACTIONS ET SOLUTIONS POUR LE MAINTIEN DE LA SANTÉ DES ÉCOSYSTÈMES

Politiques et programme pour une utilisation durable des terres

On a expliqué plus haut que les interventions d'urgence ne suffiront pas, à elles seules, à protéger les forêts de la région contre les incendies. De fait, une stratégie de protection basée uniquement sur l'amélioration de la faculté de réagir correctement aux urgences est vouée à l'échec. Il apparaît clairement dans la région que ce type de stratégie aboutit à une aggravation des situations d'urgence ultérieures. Une meilleure protection des forêts de la région passe par l'établissement d'un lien entre les pratiques et les politiques durables d'utilisation des terres, et la préparation aux urgences. Nous assistons actuellement aux conséquences de la politique d'exclusion du feu pratiquée depuis plusieurs décennies dans les écosystèmes adaptés au feu des Etats-Unis et du Canada. Les résultats de cette stratégie d'exclusion du feu sont des développements épidémiques de ravageurs et de maladies, le dépérissement forestier, des accumulations anormales de combustibles forestiers, et des feux de cimes de forte intensité qui menacent les personnes, les biens et les ressources naturelles.

A l'heure actuelle, les politiques nationales aux Etats-Unis exigent que les plans et programmes de gestion des écosystèmes appliquent sur une bien plus grande échelle les prescriptions en matière de sylviculture et de gestion des incendies, afin de renverser la tendance et d'assurer la restauration et le maintien de forêts en bonne santé. De fait, le changement le plus important dans la politique américaine affectant la gestion forestière et la gestion des incendies au cours des années 90 a été l'adoption d'un modèle de gestion des écosystèmes, en remplacement du modèle forestier traditionnel vieux de plusieurs décennies: ce dernier privilégiait l'exploitation du bois d'œuvre, alors que le modèle de gestion des écosystèmes prévoit le maintien de la viabilité et de la productivité de toutes les composantes des écosystèmes, et la possibilité pour la société de bénéficier des produits dérivés d'écosystèmes en bonne santé.

Les premières politiques canadiennes en matière de gestion des incendies étaient elles aussi basées sur le modèle européen d'exclusion du feu. Malgré des succès remarquables dans la maîtrise des incendies, il est devenu de plus en plus évident que l'exclusion du feu n'était ni possible matériellement, ni réalisable sur le plan économique, ni désirable sur le plan écologique (Canadian Forest Service 1997). Un atelier national tenu au Canada en 1996 résumait ainsi les répercussions des politiques:

"Il faut étoffer les politiques qui déclarent que les coûts d'extinction des incendies doivent être proportionnels aux valeurs menacées et que le feu doit jouer un rôle plus naturel dans la gestion du paysage."
Dans le cadre du Programme des forêts modèles du Canada de 1991, les actions suggérées sont actuellement testées sur 10 sites répartis dans tout le pays (UNEP 1997). En 1992, le Canada a publié une Stratégie forestière nationale identifiant 96 actions pour une gestion forestière durable, mais une seule était en rapport avec la gestion des incendies. Il a été recommandé de mettre en place un groupe spécial de travail chargé de formuler des recommandations pour l'incorporation de considérations concernant les incendies de végétation dans la Stratégie forestière nationale du Canada (Canadian Forest Service 1997).

Etant donné que les pratiques agricoles comportant l'utilisation du feu dans les pays tropicaux peuvent conduire à une dégradation progressive des ressources forestières, il est indispensable, lors de l'élaboration d'une éthique de la conservation, de considérer l'engagement du petit agriculteur comme un des éléments permettant d'accéder à une solution. A cet effet, certains pays ont utilisé des mesures incitatives efficaces pour obtenir que les paysans s'engagent à adopter des méthodes plus durables d'utilisation des terres. Les efforts nécessaires pour passer du modèle actuel d'exploitation extensive des ressources naturelles en Amazonie à un modèle plus durable nécessiteront une meilleure intégration des politiques nationales visant à promouvoir le développement économique et la colonisation des terres à celles conçues pour la conservation des ressources naturelles (Nepstad et al., sous presse). Les auteurs demandent des politiques qui assurent une productivité agricole accrue sur les terres déboisées, et qui prévoient aussi des mesures ayant un effet dissuasif sur les utilisations imprudentes des terres forestières.

Efforts au niveau de la communauté

Les campagnes mondiales attirant l'attention sur la nécessité de protéger les ressources forestières contre les incendies peuvent être utiles pour focaliser l'attention sur l'extrême gravité du problème. Mais quelle que soit la valeur de ces campagnes, en dernier ressort les populations vivant et travaillant dans les zones touchées doivent être impliquées dans les choix et stratégies de conservation à l'échelon du village. Les exemples de gestion forestière conjointe en Inde - efforts de coopération entre le Service indien des forêts et les villages locaux - ont démontré à plusieurs reprises qu'il vaut mieux développer des partenariats avec les populations locales que les exclure ou les déplacer. En d'autres termes, les inquiétudes exprimées au niveau mondial doivent déboucher sur des choix éclairés au niveau villageois si l'on veut garantir le succès à long terme des mesures de conservation.

Les pressions exercées par les populations et par les facteurs de l'environnement ont souvent des répercussions néfastes sur les ressources naturelles. Ceci est particulièrement vrai en Inde, où près de 200 000 villages abritant 250 millions de personnes sont situés à l'intérieur ou au voisinage des 72 millions d'hectares de forêts que renferme le pays. Cela reviendrait à placer l'ensemble de la population des Etats-Unis à l'intérieur du domaine forestier national, de superficie comparable à celui de l'Inde! En Inde, durant la saison sèche, les villageois utilisent le feu pour en obtenir de nombreux avantages, mais souvent sans prendre les précautions propres à maîtriser l'ampleur des feux. La mise en œuvre de pratiques de gestion forestière conjointe est essentielle pour le bien-être des populations et pour les ressources naturelles. Il en existe des exemples en Inde, les villageois obtenant le droit d'utiliser certains produits forestiers mineurs de la part du Service indien des forêts, et fournissant en retour des patrouilles de détection et des brigades volontaires de pompiers.

Il y a quelque temps, lors d'une grave saison d'incendies dans le bassin amazonien au Brésil, les brûlages agricoles de certains agriculteurs ont échappé à leur contrôle et causé des dommages chez leurs voisins. Suite à cet incident, les villageois se sont mis d'accord pour coopérer et autoréguler leurs pratiques de brûlage. Ils se sont regroupés pour pratiquer le brûlage en commun plutôt qu'individuellement, ont déterminé les jours les plus propices à un brûlage efficace, et mis au point un mécanisme par lequel les villageois assuraient la mise en application des règlements adoptés en commun. On a ainsi obtenu un programme de brûlage agricole plus efficace, avec moins d'incendies destructeurs échappant au contrôle. Cet exemple est remarquable mais reste isolé. Il reste à voir si de telles initiatives au niveau des populations locales se multiplieront pour devenir une façon normale de maintenir des écosystèmes en bonne santé sur de vastes étendues.

Prévention des incendies et éducation

Prévention et éducation sont les clés essentielles de la réduction du problème des incendies. Il est important de sensibiliser le public aux nombreux bienfaits des forêts, et au fait que l'utilisation du feu et l'exploitation des forêts à tort et à travers ne peuvent plus durer. L'attention du monde entier est focalisée sur les incendies en Chine, en Indonésie, au Brésil, en Amérique centrale, au Mexique et aux Etats-Unis. Il faut saisir l'occasion et utiliser cette prise de conscience comme toile de fond pour souligner l'importance de la prévention d'événements catastrophiques futurs par l'adoption de politiques et de pratiques plus durables d'utilisation des terres. Il est bien préférable d'investir dans des programmes efficaces de prévention des incendies de forêt avant qu'ils ne se déclarent, plutôt que de dépenser des sommes énormes dans la lutte contre les incendies. Les politiques nationales pourraient garantir que des fonds soient consacrés à la mise en place d'un programme de gestion des incendies plus équilibré, en affectant un soutien plus important aux efforts de prévention des incendies.

Coopération et accords internationaux

Au cours de la dernière décennie, la coopération entre les organismes et à l'échelon régional en matière de gestion des incendies s'est beaucoup développée. En Amérique du Nord, la Commission des forêts pour l'Amérique du Nord comprend un Groupe de travail sur la gestion des incendies qui rassemble des experts canadiens, américains et mexicains autour de problèmes communs. L'accord pour la lutte anti-incendie dans le nord-est (Northeast Fire Compact) entre le Canada et les états du nord-est existe depuis plusieurs années; et un accord pour le nord-ouest (Northwest Compact) est en train d'être mis en place pour le partage des moyens de lutte anti-incendie des deux côtés de la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Il existe aussi un accord plus général entre le Canada et les Etats-Unis pour l'échange de moyens de lutte anti-incendie, et des accords entre le Mexique et les Etats-Unis pour le partage des moyens le long de la frontière. L'Amérique centrale a fait preuve d'initiative pour la mise en place d'efforts de coopération entre tous les pays de cette région. Les pays d'Amérique centrale se réunissent régulièrement pour élaborer des politiques et stratégies communes en matière de gestion des incendies, ayant pour objectif une aide réciproque. En Amérique du Sud, certains pays ont envoyé des forces de lutte anti-incendie de l'autre côté des frontières de façon ad hoc pour aider leurs voisins à faire face aux graves incendies. Le Venezuela et l'Argentine sont venus en aide au Brésil pendant les grands incendies de mars-avril 1998 dans l'Etat du Roraima.

La Commission centraméricaine de l'environnement et du développement (CCAD) est un bon exemple de formulation des politiques au niveau régional en Amérique centrale. Elle a été créée en 1989 par les Présidents des pays d'Amérique centrale. Elle regroupe les chefs des ministères et des organismes investis de la responsabilité la plus directe en matière de politique de l'environnement dans les sept pays d'Amérique centrale. La mission principale de la CCAD est de favoriser la coordination des politiques, d'obtenir de nouvelles sources de financement, de mettre en place des capacités institutionnelles, de rendre accessibles les informations et d'encourager les citoyens à s'investir dans les problèmes environnementaux de la région.

Aux Etats-Unis, le Groupe national de coordination sur les incendies (NWCG) a été mis en place en 1976 pour rassembler les dirigeants des organisations chargées des incendies aux niveaux du gouvernement fédéral et des états, afin de coordonner les éléments du programme de gestion des incendies. Le NWCG à contribué à standardiser de nombreux aspects de la gestion des incendies et du brûlage dirigé, permettant à tous les organismes de travailler ensemble plus efficacement.

Ce type de coopération entre les organismes et entre les pays peut jouer un rôle important dans la création de bases de données partagées, le renforcement des capacités de formulation des politiques, l'élaboration de cadres institutionnels et législatifs, et le renforcement de forums politiques à haut niveau.

Organisation et structure de la gestion des incendies

Dans de nombreux pays, il n'existe pas de politiques prévoyant une organisation spécifique de la gestion des incendies, ou si l'organisation existe c'est uniquement en théorie, et non dans la pratique. Dans certains cas, il peut y avoir confusion sur l'organisme investi de l'autorité pour les actions d'extinction des incendies. Cette situation peut avoir des causes économiques, ou être due à un manque de conscience de la nécessité de gérer le risque incendie. La gestion des incendies peut être limitée à une intervention locale des pompiers volontaires, comme c'est le cas au Guatemala. Le Mexique et le Chili, par contre, ont des équipes fédérales ou privées qui prennent en charge la majeure partie de l'intervention initiale sur les incendies. Si l'incendie dépasse les capacités du groupe local, une structure de la protection civile à l'échelon de la région ou de l'état, ou les responsables militaires, pourront apporter leur soutien. L'intervention à l'échelle fédérale dépend de l'ampleur du sinistre, ou de la prise de conscience de l'existence du problème.

Les politiques nationales pourraient mettre en place des interventions plus immédiates et plus efficaces pour l'extinction des incendies en prévoyant et en finançant des organismes de protection basés sur les principes de la gestion systématique des incendies décrits plus haut.

Le brûlage contrôlé et l'éducation à des techniques de brûlage bien adaptées

Le brûlage dirigé doit être pratiqué dans les écosystèmes "adaptés au feu", où les espèces végétales et animales ont évolué avec le feu. Les Etats-Unis et le Canada ont compris qu'un brûlage dirigé à grande échelle et des traitements sylvicoles sont nécessaires si l'on veut diminuer l'intensité des incendies. Les problèmes de qualité de l'air devront être résolus avant de pouvoir mener ces actions à grande échelle. L'éducation sur le rôle du feu dans le maintien de la santé des écosystèmes doit devenir une priorité immédiate. On accorde aussi une certaine attention au brûlage dirigé pour le maintien de la santé des écosystèmes du cerrado brésilien.

L'interdiction de l'agriculture sur brûlis n'a pas été efficace dans le passé car le feu représente un méthode peu coûteuse de défrichement. Une stratégie efficace consiste à enseigner aux paysans les bases des techniques correctes de brûlage dirigé. Dans certains endroits, par exemple au Brésil et au Mexique, ce besoin est considéré comme hautement prioritaire. Il ne sera probablement jamais possible de faire disparaître complètement le feu en tant qu'instrument économique de préparation des terres. L'éducation à des techniques bien adaptées et au choix des périodes favorables au brûlage sont des voies à poursuivre avec la plus grande énergie dans la région. Certains considèrent aussi la substitution de pratiques différentes d'utilisation des terres, telles que l'agroforesterie, comme une solution économiquement viable susceptible de remplacer l'agriculture sur brûlis.

Les efforts actuels d'éducation en matière d'environnement doivent être renforcés et complétés. De nombreux pays possèdent des programmes bien développés. Les effets du feu sur les écosystèmes doivent être incorporés dans les programmes d'enseignement des écoles primaires et secondaires.

Les moyens offerts par l'Internet pourraient être améliorés. Lors de la préparation de cet article, il a été difficile de trouver des sources d'information faisant autorité. La FAO et les autres institutions internationales pourraient servir de point focal pour l'accumulation et la diffusion de ces informations.

La recherche sur le feu dans les écosystèmes tropicaux

Il est urgent de prendre en compte les informations concernant les effets du feu dans les écosystèmes tropicaux. Des incendies se produisent dans des écosystèmes qui n'ont jamais subi de feux d'une telle ampleur. Il faut entreprendre des études sur les effets des incendies cette année, et leurs résultats devraient être rapidement disponibles.

Il est difficile d'évaluer les effets du feu, tant bénéfiques que néfastes, sur les écosystèmes tropicaux. Ils sont mal documentés, ou mal compris des responsables gouvernementaux. Certaines espèces adaptées au feu ont été très bien étudiées. Certains habitats peuvent disparaître définitivement, ou se régénérer très lentement. Les répercussions des incendies peuvent entraîner la disparition immédiate d'espèces rares, ou la disparition à moyen ou long terme d'habitats nécessaires aux oiseaux ou à d'autres animaux. Par exemple, les oiseaux migrateurs néotropicaux dépendent d'habitats situés en Amérique centrale, en Amérique du Sud, et aussi en Amérique du Nord. La région toute entière doit travailler en concertation pour la préservation de ces habitats afin de garantir que ces espèces ne soient pas menacées.

Dans les zones écologiquement sensibles, la tactique et les outils d'extinction doivent être bien adaptés et utilisés avec prudence. Les dégâts causés par les tracteurs utilisés dans l'extinction des incendies peuvent dépasser de beaucoup les dommages potentiels de l'incendie lui-même. La recherche doit fournir des directives pour le reboisement adapté des zones brûlées, de façon à ne pas introduire des espèces exotiques ou n'appartenant pas à la zone en question. Souvent, dans les écosystèmes adaptés au feu, la végétation naturelle revient rapidement, protégeant le site et reconstituant une nouvelle forêt.

Formation

La formation est la pierre angulaire d'une extinction sûre et efficace des incendies. Si les pompiers ne sont pas bien préparés à leur travail de maîtrise des incendies, ils se mettent eux-mêmes en danger. Des actions de formation ont été menées en coopération dans la région; elles ont été efficaces et doivent être poursuivies.

Une action internationale de formation, démarrée en 1983, a rassemblé des étudiants de 20 pays hispanophones à Marana, en Arizona. Le Portugal et le Brésil étaient également représentés. D'autres formations ont été financées ultérieurement au Mexique, en Espagne, au Chili, en Argentine, au Venezuela et en Amérique centrale pendant les années 80. Les résultats de la formation se font encore sentir aujourd'hui. Les personnes diplômées de ces formations occupent des postes importants dans leurs pays respectifs. Le Mexique, le Venezuela et d'autres ont adapté le contenu des cours aux besoins locaux et forment du personnel de lutte anti-incendie chaque année. Alfaro (1998), dans le cadre de son travail en Amérique centrale, pense que des formations de haut niveau doivent être dispensées pour améliorer les compétences dans certains programmes.

La formation sur le terrain est également précieuse pour inculquer des pratiques adaptées d'extinction des incendies et d'utilisation du feu. Environ 30 pompiers de plusieurs états brésiliens ont reçu une formation à l'extinction des incendies en tant que membres des Equipes d'attaque (Hotshot Crews) aux Etats-Unis. Après cette affectation de quatre mois, les pompiers sont rentrés chez eux pour adapter l'enseignement reçu à l'élaboration de cours de formation à la lutte anti-incendie spécifiquement adaptés aux conditions brésiliennes. Ils ont maintenant formé 2000 à 3000 pompiers supplémentaires à la lutte anti-incendie au Brésil.

Equipement

Les forces locales de lutte anti-incendie doivent disposer d'outils manuels légers mais résistants, surtout pendant la phase initiale des interventions. Bien souvent, les outils adaptés ne sont pas disponibles, ou les outils locaux sont si grands et si lourds qu'il est difficile d'obtenir une journée de travail des pompiers. La lutte contre les incendies est déjà un travail épuisant, il est inutile d'y rajouter des outils trop difficiles à utiliser. On pourrait aussi étudier les possibilités d'adaptation des outils aux conditions locales. La machette est bien souvent l'outil préféré mais elle est de petite taille et il pourrait être nécessaire de lui apporter des améliorations pour la rendre plus adaptée à la lutte contre les incendies de végétation.

Les avions sont efficaces dans l'appui des actions au sol, mais le coût des moyens aériens est élevé. On a admis que les avions représentaient la solution à de nombreux problèmes, mais les forêts tropicales impénétrables et les canopées forestières denses gênent l'efficacité des retardants répandus par voie aérienne. Il faudra un jour accorder un haut niveau de priorité aux nouvelles techniques, aux études sur l'utilisation des retardants et à des formations à l'application et à l'utilisation des moyens aériens. Mais une politique de base, quel que soit le pays, devrait mettre l'accent sur la formation et l'équipement des brigades anti-incendie avant de lancer de gros programmes d'appui aérien. Ce sont des individus organisés, bien équipés et expérimentés qui éteignent les incendies, et non des avions travaillant sans liaison avec les personnels de terrain.

OBJECTIF DE GESTION: DES ÉCOSYSTÈMES PRODUCTIFS

Il ressort clairement qu'une protection systématique contre les incendies est nécessaire pour entretenir des écosystèmes productifs dont les populations recevront de multiples bienfaits. Mais connaissons-nous vraiment le but que nous voulons atteindre? Ou même, et ceci est encore plus important, de quelle manière peut-on déterminer les étapes essentielles de la mise au point d'un système de gestion des incendies? Existe-t-il des indicateurs capables de mesurer la progression vers le succès? Ces indicateurs peuvent-ils être traduits en objectifs qualitatifs ou quantitatifs, eux-mêmes susceptibles d'être suivis et évalués dans le temps? Les groupes d'indicateurs pertinents sont naturellement différents selon les groupes sociaux. Un certain groupe d'indicateurs s'appliquera aux pompiers, ou Bombeiros, un autre groupe aux gestionnaires des ressources, et la société dans son ensemble aura encore d'autres types d'attentes. Ces différentes attentes peuvent être déterminées en demandant aux gens de décrire les conditions qu'ils souhaitent pour le futur, selon les résultats attendus qui sont très divers.

On peut utiliser pour la gestion d'écosystèmes productifs et la définition des objectifs de gestion des incendies un processus en plusieurs étapes, qui aide à définir les conditions futures désirées et permet le suivi et l'évaluation des résultats (Oliver et al. 1994).

Etape 1. Description d'une "gamme historique" correspondant aux valeurs de la variabilité manifestée au cours du temps par des éléments tels que les régimes de perturbation (pour les incendies il s'agirait du nombre d'incendies, des intervalles de temps entre les incendies, des superficies habituellement brûlées par les incendies dans le passé, et des intensités habituelles des incendies), la densité de la végétation, la composition en espèces et la structure de la végétation. La connaissance de cette variabilité fournit une référence pour l'évaluation des conditions actuelles du paysage, et de la gamme des conditions futures désirées. Les gammes historiques doivent servir de références, pas de recettes. Cette étape exige de toute évidence de bons résultats de la recherche pour pouvoir définir les gammes de variation historique.

La gamme historique de variation des conditions, processus, populations ou structures peut être utilisée comme référence pour la définition des conditions futures désirées (Morgan et al. 1994). Bien entendu, les besoins et les valeurs de la société doivent aussi être considérés dans l'identification de la gamme des conditions futures désirées. Bien que le concept de la gamme historique de variation soit utile, son application à certains écosystèmes peut être restreinte par manque de données historiques.

Etape 2. Evaluation des éventuels écarts actuels aux gammes historiques de variation, pour déterminer si les tendances actuelles se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur de ces limites.

Etape 3. Participation des scientifiques, du public, des gestionnaires et des propriétaires fonciers à la détermination d'une gamme acceptable de variabilité (la condition future désirée) en utilisant la gamme historique comme référence ou comme guide.

Etape 4. Participation de tous les partenaires (personnel des organisations et citoyens) à la mise au point de stratégies à l'échelle du paysage pour formuler les conditions futures désirées à l'intérieur des limites de la variation acceptable. Cette étape permettrait d'exprimer des éléments tels qu'une gamme de priorités pour l'extinction des incendies, et des objectifs de brûlage dirigé en termes de superficies et de choix du moment du brûlage.

Etape 5. Suivi et évaluation des résultats pour être en mesure de modifier les actions dès que de nouvelles informations en retour sont disponibles. En d'autres termes, les objectifs quantitatifs déterminés pour les stratégies dans l'étape 4 sont contrôlés et évalués dans l'étape 5.

Etape 6. Mise en lumière des conséquences de différents types de gestion possibles, afin que les divers publics puissent estimer les effets des différentes stratégies. La population doit bien comprendre comment les différents types de gestion affecteront les divers résultats qu'elle souhaite obtenir, pour que des choix éclairés puissent être faits et soutenus à tous les niveaux.

Etape 7. Conduite de programmes d'éducation et de sensibilisation à tous les niveaux, aussi bien interne qu'externe, pour faire comprendre aux populations l'application des principes de gestion des écosystèmes dans le contexte de leur propre désir d'obtenir des résultats significatifs. Il existe de nombreux publics pour ce type d'information, mais l'un des plus important doit être celui des enfants des écoles primaires et secondaires.

L'application de ce processus d'analyse par étapes successives aux forêts publiques et privées pourrait aider les gestionnaires des ressources et la société à prendre des décisions importantes concernant les zones prioritaires pour l'extinction des incendies, les zones prioritaires pour le brûlage dirigé, les superficies brûlées à obtenir à terme, et les niveaux d'intensité des incendies. La composition floristique, la densité et la structure de la végétation désirées pourraient aussi servir d'indicateurs de la réussite future. Ces objectifs de gestion pourraient alors être traduits en termes d'objectifs spécifiques de prévention des incendies, d'extinction des incendies et de brûlage dirigé, pour organiser la gestion des incendies. Ce processus prend également en compte les facteurs importants que sont le droit de propriété, l'engagement, et le soutien par les populations, à l'échelon des communautés, des stratégies sélectionnées, car elles sont intervenues dans le processus de définition des conditions futures désirées.

CONCLUSIONS

Si l'on continue à privilégier les interventions d'urgence pour lutter contre le problème des incendies de forêt, on ne fera qu'aggraver la situation et entraîner de grands incendies destructeurs. Pour échapper au piège des interventions d'urgence, la solution consiste à combiner les programmes de maintien de l'état de préparation et d'interventions d'urgence avec des politiques et des pratiques plus durables d'utilisation des terres. La promotion active de pratiques forestières plus durables est un élément important de la stratégie visant à une meilleure conservation des ressources naturelles pour une société meilleure. Les décideurs et le public doivent comprendre qu'une stratégie uniquement centrée sur les aspects de la préparation et des interventions d'urgence ne sera pas suffisante à long terme. L'augmentation des bienfaits à long terme que la société peut retirer des ressources naturelles dépend de la complémentarité entre des pratiques durables d'utilisation des terres et les mesures de préparation aux urgences.

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