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Commentaires sur la situation en Afrique

M.W.M. Shaba26
26 Bureau central du Département des forêts (Department of Forestry Headquarters), Lilongwe 3, Malawi.
INTRODUCTION

Dans cet article, le terme d'Afrique australe recouvre les pays de la Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC) qui comprend l'Angola, le Botswana, la République Démocratique du Congo, le Lesotho, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la Namibie, les Seychelles, l'Afrique du Sud, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe.

Les forêts fournissent un large éventail de produits et de services importants pour l'humanité. On ne saurait trop insister sur la valeur des forêts pour les populations d'Afrique australe, auxquelles elles procurent des moyens de subsistance durables. Cependant, les ressources forestières doivent faire face à de nombreux problèmes et contraintes, comprenant entre autres les incendies de forêt, la pression démographique qui conduit à un défrichage accéléré, les maladies et les ravageurs, la surexploitation du bois et le pâturage clandestin. Tous ces facteurs ont des répercussions néfastes sur les ressources forestières et conduisent à la déforestation, problème majeur en Afrique australe.

Les incendies de forêt sévissent à grande échelle en Afrique australe et ont des causes variées. Cet article met en relief les facteurs économiques, sociaux, gouvernementaux et juridiques liés aux politiques, responsables des incendies de forêt dans la plupart des régions d'Afrique australe.

LES DIFFéRENTS TYPES DE RESSOURCES FORESTIèRES

On peut distinguer deux grands groupes de ressources forestières en Afrique australe: les forêts indigènes et les plantations forestières. Elles couvrent plus de 60 pour cent de la superficie des terres dans la région.

La végétation naturelle est constituée essentiellement de forêts claires, de savane relativement sèche et de steppes sèches boisées. Il existe plus de 20 écozones forestières indigènes botaniquement différenciées. Les principales écozones forestières sont les savanes à miombo, les mosaïques forêt-savane, les mangroves, les forêts sèches décidues, les prairies arborées, et les forêts denses de types mixte sempervirent et semi-sempervirent. Le miombo est la formation la plus étendue, couvrant près de 3 millions d'hectares. En raison de la variété des conditions édaphiques, climatiques et écologiques de l'Afrique australe, il existe divers types de forêts indigènes.

L'histoire des plantations forestières remonte à plus de 100 ans. Par exemple, dans le West Cape en Afrique du Sud, une plantation pionnière a été mise en place en 1876 pour compléter les sources naturelles de combustible devant alimenter les premiers trains reliant l'intérieur du pays. En 1995, on estimait la superficie totale des plantations forestières dans les pays d'Afrique australe à 2 331 100 hectares. La superficie actuelle sous plantations n'est pas déterminée car l'inventaire des ressources forestières n'est pas disponible pour tous les pays. Plus de 70 pour cent des plantations sont destinés à l'approvisionnement en bois des industries, le reste allant au bois de feu. Les plantations sont essentiellement des eucalyptus, des cyprès, des pins et des acacias.

IMPORTANCE DES RESSOURCES FORESTIÈRES

Les ressources forestières naturelles et plantées sont importantes à de nombreux points de vue. Elles ont notamment des valeurs esthétiques, nutritionnelles, économiques, écologiques, médicinales, sociales, récréatives et environnementales. Elles offrent une grande variété de produits et de services: grumes de sciage, bois de feu, poteaux, fourrage, fruits comestibles, médicaments, miel, cire d'abeille, et divers bénéfices immatériels. Plus de 80 pour cent des populations de l'Afrique australe sont tributaires du bois de feu pour la cuisine, le chauffage et l'éclairage. Dans certains pays, des activités florissantes basées sur les safaris et les expéditions de chasse reposent sur les forêts.

D'une manière générale, on ne saurait trop insister sur l'importance des forêts. Cette importance se fait sentir dans de nombreux domaines, et les forêts jouent un rôle essentiel en fournissant des moyens de subsistance durables.

PROBLèMES RENCONTRéS DANS LA GESTION DES RESSOURCES FORESTIèRES

Le secteur forestier en Afrique australe est confronté à de nombreux problèmes, de portée et d'ampleur variables selon les pays. Ils comprennent notamment:

· la déforestation,

· un manque d'information sur l'étendue et les types de ressources forestières présentes,

· des équipements inadaptés,

· un personnel qualifié insuffisant,

· des moyens financiers insuffisants,

· une recherche insuffisante, par exemple sur les arbres indigènes,

· la sécheresse et la variabilité climatique,

· des programmes inadaptés d'éducation à l'environnement,

· la présence de la population,

· des politiques forestières et une législation inefficaces,

· le surpâturage,

· l'inefficacité de l'échange d'informations dans le domaine de la foresterie,

· une formation et une éducation inadéquates, et

· les incendies de forêt.

Les problèmes ci-dessus sont communs à tous les pays d'Afrique australe, mais la liste n'est pas exhaustive. L'importance de chaque problème dans un pays donné dépend de plusieurs facteurs, dus pour la plupart à l'insuffisance des moyens financiers et à des politiques actuelles inadéquates. La déforestation est le problème majeur et ses causes sont nombreuses. Plus d'un million d'hectares de forêts sont abattus ou brûlés chaque année. Les causes principales comprennent notamment: la croissance de la population conduisant à l'augmentation de la demande en bois, excédant l'offre; le surpâturage; la production agricole; et les incendies de forêt.

LES INCENDIES DE FORÊT

Les incendies de forêt représentent l'une des plus grandes menaces auxquelles doit faire face le développement forestier en Afrique australe. Chaque année, les forêts flambent pour une raison ou une autre. Les incendies de forêt occasionnent d'énormes dégâts physiques aux forêts, en particulier aux forêts plantées d'espèces telles que les eucalyptus et les pins, qui ne sont pas résistantes comme les forêts indigènes. Elles peuvent être complètement détruites, selon l'âge des forêts et l'intensité des incendies.

Politiques nationales ayant une incidence sur les incendies de forêt

Les causes des incendies de forêt sont nombreuses et variées; l'analyse de ces causes montre qu'elles découlent des politiques, règles, réglementations et procédures mises en place par les gouvernements ou par les institutions forestières. Cependant, certains de ces facteurs sont exogènes, et les gouvernements et les institutions forestières d'Afrique australe ont alors peu de moyens de les contrôler. Les diverses causes présentées ci-dessous sont influencées par des facteurs liés à la politique. Elles se répartissent en causes politiques, économiques, sociales et administratives.

Causes politiques

Les incendies sont parfois dus à des décisions politiques peu judicieuses. De vastes étendues de couvert forestier ont disparu dans le passé en raison du manque de volonté politique et d'engagement des gouvernements en matière de promotion de la gestion et de la conservation durables des ressources forestières. Bien que certains responsables politiques aient fait des déclarations publiques sur l'importance des ressources forestières, ces déclarations n'ont pas été suivies d'actions concrètes, telles que l'affectation de financements suffisants aux activités de gestion et de conservation durables des ressources forestières. Les gouvernements se contentent en général de réagir à la situation plutôt que de s'y préparer activement. Par exemple, il est courant que des fonds supplémentaires soient attribués aux organismes forestiers publics lorsque les forêts ont été détruites par les incendies. C'est seulement quand le capital forestier a brûlé que les gouvernements semblent s'inquiéter. En raison du manque de volonté politique et d'engagement à promouvoir le développement forestier, les moyens financiers attribués à la gestion des forêts et à la protection de l'environnement sont très insuffisants, et la protection des ressources forestières n'est donc pas entreprise convenablement. Le degré de préparation à la lutte contre les incendies de forêt est faible. Compte tenu des financements insuffisants alloués aux institutions forestières et aux plantations forestières gérées par le gouvernement, les gestionnaires de plantations se trouvent confrontés aux problèmes suivants:

· ils ne peuvent pas se procurer des équipements de lutte anti-incendie adéquats,

· ils ne peuvent pas entretenir une main-d'œuvre suffisante pour la protection des plantations, et

· ils sont pratiquement mis dans l'incapacité d'entreprendre toutes les activités essentielles en matière de protection des forêts.

Les gestionnaires de plantations ne peuvent pas se préparer correctement à la prévention des incendies de forêt. Par conséquent, lorsqu'un incendie se déclare, il brûle de grandes étendues de couvert forestier.

Bien qu'on ne puisse trop insister sur l'importance des forêts dans toute l'Afrique australe, leur gestion et leur protection ne reçoivent pas la priorité qu'elles méritent, et pourtant les forêts sont à la base de la production agricole et du développement industriel. La foresterie n'est souvent reconnue comme un secteur primordial que dans les mots. Souvent, les domaines prioritaires du financement public comprennent entre autres la défense, la sécurité intérieure, l'agriculture, l'éducation, la santé et le commerce. Au niveau des structures gouvernementales, la foresterie est souvent une section ou une division des ministères de l'agriculture, de l'environnement ou du tourisme, ce qui masque son importance. Peu nombreux sont les pays où la foresterie a été promue au niveau d'un département ou d'un ministère. Les gouvernements prennent lentement conscience de la nécessité de créer des ministères des forêts pour accorder une place importante à la foresterie.

Avec l'arrivée du pluralisme en Afrique australe, la plupart des gens pensent pouvoir faire ce qu'ils veulent. Beaucoup ne comprennent pas leurs droits et interprètent la démocratie comme le droit d'agir comme bon leur semble. Dans certains cas, ceci a conduit des individus ou des communautés à mettre le feu aux forêts pour des raisons diverses.

Le développement du secteur forestier a besoin de dirigeants qui s'attachent à assurer des services visant à promouvoir la gestion durable des ressources forestières. Dans le passé, il n'était pas rare que les ministères comprenant les sections, divisions ou départements des forêts soient dirigés par des responsables politiques manifestant peu d'intérêt, voire une mauvaise connaissance des activités de ces ministères. Lorsque tel est le cas, les questions primordiales touchant à la gestion, à la conservation et à l'utilisation durables des ressources forestières ne bénéficient pas du soutien politique au plus haut niveau.

Causes économiques

Au début des années 80, les pays d'Afrique australe ont commencé à adopter des plans économiques d'ajustement structurel (PEAS) dans le but d'améliorer le bien-être de leurs populations et leurs économies. La Zambie et le Zimbabwe ont été les premiers pays de la région SADC à les adopter. Leur impact sur le secteur forestier a été dans une très large mesure négatif.

A l'échelon national, les PEAS ont entraîné:

· la réduction des financements publics,

· la restructuration des organismes publics (fonction publique) entraînant des réductions ou des licenciements de personnel,

· l'ajustement des taux de change (dévaluation),

· la privatisation de sociétés publiques.

Au Malawi, par exemple, le Département des forêts est l'organisme forestier public dont la mission est d'être le fer de lance du développement forestier dans le pays et dans la région SADC. Au cours des quatre dernières années, les financements qui lui ont été attribués ont diminué d'un facteur supérieur à dix. Le PEAS a déclenché les événements suivants au Département des forêts:
· une réduction de 30 à 40 pour cent du personnel travaillant dans les plantations destinées à la production de bois d'œuvre, de poteaux et de bois de feu en 1995 et 1996;

· une réduction des fonds alloués à diverses opérations forestières. Les budgets annuels approuvés couvraient en moyenne 30 pour cent de la totalité des demandes de financement. En 1997-1998, les fonds attribués au Département des forêts ont été inférieurs à ceux approuvés par le corps législatif. Apparemment, les fonds destinés au Département des forêts ont été affectés à d'autres organismes publics. Il n'a donc pas été possible aux gestionnaires:

· de mettre en œuvre toutes les mesures de prévention des incendies de forêt, ni

· d'acquérir de nouveaux équipements de lutte anti-incendie à l'intérieur ou à l'extérieur du pays.

Entre juin et octobre 1997, le Département des forêts a perdu 25 000 ha (près de 25 pour cent) de l'ensemble de ses plantations. La plupart des incendies ont été causés par les personnes licenciées qui résidaient encore sur les plantations, car le gouvernement était incapable de leur verser leurs indemnités finales. La situation n'a guère changé aujourd'hui. Il y a toujours des personnes licenciées qui n'ont pas reçu leur dû, et qui sont responsables d'une partie des incendies de forêt. Elles estiment avoir été traitées de façon injuste et prennent sur elles de se venger du gouvernement.

Importance accordée aux plantations exotiques

La plupart des pays de l'Afrique australe ont favorisé la plantation d'espèces exotiques au détriment de la gestion des forêts indigènes, comme le montre le développement à grande échelle des espèces d'eucalyptus et de pins pour le bois de feu et le bois de construction. Les raisons sont essentiellement d'ordre économique. Ce scénario a eu pour conséquence des soins insuffisants apportés aux forêts indigènes. La plupart de celles-ci ne bénéficient pas de plans de gestion. La perception de nombreuses personnes à faible niveau de ressources est que le gouvernement s'intéresse aux plantations forestières d'espèces exotiques, et elles en viennent à entreprendre des activités illégales, telles que la mise à feu des forêts indigènes.

Les ressources forestières indigènes, par exemple dans les réserves forestières situées dans les zones rurales, ne reçoivent pas autant d'attention qu'elles le méritent. Le personnel de patrouilles qui leur est affecté est peu nombreux. Les braconniers peuvent pénétrer dans les réserves forestières sans risque et mettre le feu aux forêts. Le personnel forestier ne s'en aperçoit que lorsque les incendies ont déjà atteint des proportions alarmantes.

Production agricole

Des terrains couverts de végétation naturelle sont brûlés pour céder la place à des terres agricoles. Le système pratiqué est celui de l'agriculture itinérante (connue sous le nom de visoso au Malawi et de chitemene en Zambie). La terre est débarrassée de sa végétation et cultivée pendant 2 à 4 ans avant d'être abandonnée pour un autre terrain. La végétation est souvent brûlée pour agrandir les jardins destinés à l'agriculture. Ce système est destructeur. Le coût élevé des engrais chimiques interdit à la majorité de la population de les acheter pour se lancer dans l'agriculture intensive, d'où leur dépendance vis-à-vis de la culture itinérante. Dans certains cas, les gouvernements ont annulé les subventions sur les intrants (facteurs essentiels de production) mais les ont affectées à la consommation. Ce type de politiques doit être réétudié, car elles finissent par avoir des conséquences négatives sur les ressources forestières, comme on l'a souligné plus haut.

Vente des produits forestiers

Dans les zones rurales de Zambie, du Malawi, de Tanzanie et du Mozambique, la fabrication de charbon de bois, destiné essentiellement à la vente, représente une source de revenu domestique pour un grand nombre de gens. Dans ces zones de production de charbon de bois, il existe souvent peu de possibilités de revenus saisonniers, et la vente du charbon de bois semble donc être la seule activité pouvant être pratiquée tout au long de l'année. Les populations sont conscientes que la fabrication du charbon de bois détruit la forêt, mais elles ont peu d'autres possibilités de survie. La fabrication du charbon de bois détruit des surfaces importantes de forêt. Il faut couper trois hectares de forêt pour produire une tonne de charbon de bois. Certains gouvernements ne se sont pas montrés disposés à introduire des activités génératrices de revenu dans les zones de production du charbon de bois pour réduire le degré de dépendance des populations vis-à-vis des forêts.

Causes sociales

Les facteurs sociaux énumérés ci-dessous contribuent aux incendies de forêt.

Pâturage: dans de nombreuses régions, la végétation herbacée est brûlée pour induire le regain (herbe verte). Cette pratique est courante chez les populations locales qui brûlent habituellement la végétation sèche pendant la saison chaude, endommageant ainsi les jeunes arbres en phase de régénération. Dans de nombreuses régions d'Afrique australe, le bétail (bovins et chèvres) paît en liberté sur les terres communales. Le pâturage extensif (ranching) et la production intensive de bétail sont peu répandus, et l'on a donc recours au brûlage de la végétation comme moyen de production de fourrage pour le bétail.

Engagement insuffisant des communautés locales: pendant de nombreuses années, dès le début de l'époque coloniale, les gouvernements ont interdit l'accès à certaines zones forestières. Les communautés locales (hommes, femmes, enfants) n'avaient pas accès aux produits forestiers présents dans ces zones, tels que les herbes, le bois de feu, les champignons et le bois d'œuvre.

Dans de nombreuses régions, cette situation a entraîné une animosité entre les communautés locales et les organismes forestiers publics. Ces conflits ont conduit les populations à entreprendre des activités illégales, telles que la mise à feu délibérée des forêts. Comme les politiques nationales les excluaient de la participation à la gestion des ressources forestières dans leur propre région, les populations en sont venues à considérer que les forêts ne leur appartenaient pas, mais appartenaient au gouvernement. La mise à feu des forêts cause donc apparemment peu de souci, en fait, les gens prennent plaisir à les faire flamber.

Jusqu'à la fin des années 80, la plupart des pays ont pratiqué ce mode de gestion de certaines zones forestières consistant à en exclure les populations vivant aux environs. On a ensuite réalisé que la participation des communautés à la gestion, à la conservation et à l'utilisation des ressources forestières avait une importance fondamentale. On avait supposé que les organismes forestiers publics étaient de meilleurs gestionnaires des ressources forestières. Les populations, n'étant pas propriétaires des forêts, n'éprouvent que de l'indifférence lorsqu'elles les voient brûler.

Mesures incitatives insuffisantes: la majorité des ressources forestières telles que les plantations forestières et les réserves de forêts indigènes se trouvent dans des zones rurales, le plus souvent isolées. Dans bien des cas, les personnes travaillant dans les zones rurales ne bénéficient pas des mêmes services sociaux que celles des zones périurbaines ou urbaines. Par conséquent, on ne saurait trop insister sur la nécessité de motiver le personnel travaillant dans ces zones. Malheureusement, ces personnes ne reçoivent pas les motivations nécessaires leur permettant de comprendre que leurs employeurs apprécient leurs services. Les personnes travaillant dans les zones rurales travaillent aussi dans des conditions difficiles et risquées. Par exemple, le travail forestier, en dehors de la lutte contre les incendies, comprend des activités dangereuses comme de grimper aux arbres et de patrouiller. Le personnel de lutte anti-incendie ne reçoit pas de primes de risque. Ceci, ajouté au fait que les fonctionnaires travaillant dans les stations forestières ne reçoivent généralement pas les primes nécessaires, entraîne leur démotivation. Ainsi, certains incendies survenant actuellement résultent d'une faible motivation du personnel, due à de mauvaises politiques en matière de services sociaux et de mesures incitatives.

Ressources foncières communales: les forêts ont eu tendance à subir des effets négatifs lorsque aucun acte de propriété n'était affecté à la terre. Par exemple au Malawi, en Zambie et au Zimbabwe, la majorité des terres sont des propriétés communales ou traditionnelles. Les forêts se trouvant sur ces terres sont perçues par les communautés locales comme étant un don de Dieu, et elles sont donc librement accessibles à tout un chacun. Ceci conduit à la "tragédie des biens communs" ("Tragedy of the commons"), la surexploitation. Chaque année les forêts sont brûlées par les populations pour divers usages, notamment l'agriculture, la chasse et le pâturage. La cause profonde en est la politique inefficace en matière d'utilisation des terres mise en place par le gouvernement.

Coordination insuffisante: la coordination entre les organismes forestiers et les autres organismes publics, les ONG et le secteur privé est parfois insuffisante. Bon nombre de ces organismes ont considéré que le développement forestier était sous la responsabilité du gouvernement et des organismes privés s'occupant de foresterie. Cette attitude a conduit à une faible participation des ONG, du secteur privé et des autres organismes du secteur forestier en terme de soutien financier et matériel aux organismes forestiers pour leur permettre de se procurer des équipement de lutte anti-incendie ou d'entreprendre des mesures de lutte contre les incendies. La coordination insuffisante est une conséquence de politiques forestières dépassées qui ne mettent pas l'accent sur la participation active des communautés et du secteur privé dans le développement forestier.

Pendant longtemps, le secteur forestier n'a pas été guidé par la foresterie pluri-sectorielle. Ce n'est que récemment que les pays qui ont révisé leurs politiques ont créé des conseils forestiers, constitués de membres de différentes disciplines, chargés de guider les opérations des organismes forestiers publics. Cette orientation favorisera une approche impartiale de la gestion des forêts et augmentera la sensibilisation d'un grand nombre de décideurs à l'importance des forêts.

Causes administratives

Nombreux sont les gouvernements d'Afrique australe où les organismes forestiers ne sont pas à la hauteur de leur mandat. En raison de la mise en œuvre de divers projets et programmes financés par des bailleurs de fonds, le mandat des organismes forestiers s'est considérablement étendu au cours du temps. Cependant, lorsque les projets se terminent et que les bailleurs de fonds se retirent, les gouvernements apportent un très faible soutien à la poursuite des activités démarrées par le projet, en raison d'un manque de moyens et d'engagement. Il n'existe pas de directives ou de procédures claires sur la manière de poursuivre les activités initiées par les bailleurs de fonds pour favoriser leur durabilité. Dans de nombreux pays, les équipements de lutte anti-incendie acquis grâce à l'assistance des bailleurs de fonds n'ont pas été entretenus depuis que ces derniers ont cessé de financer les projets. Ces équipements ne fonctionnent plus.

Mise en application des dispositions légales

La loi forestière est le cadre légal pour l'application de la politique forestière. Toute faiblesse de la loi rendra l'application de la politique inefficace.

Dans de nombreux pays, les textes juridiques en vigueur ayant pour objectif la promotion de la gestion et de la conservation durables des ressources forestières n'ont pas été efficaces. Par exemple, les pénalités infligées en cas de délit de mise à feu des forêts n'ont pas été dissuasives. Au Malawi, pendant plus de 25 ans, l'amende était d'environ 5 K (0,12 dollar US). Ceci n'a fait qu'encourager les gens à commettre des délits dans les réserves forestières, les bénéfices retirés par les contrevenants étant supérieurs à l'amende.

Recherche forestière insuffisante

Les politiques gouvernementales ont accordé une grande importance aux recherches sur les espèces exotiques de plantation dans divers domaines de la sylviculture, notamment en pathologie, en entomologie et dans la lutte contre les maladies et les ravageurs.

La recherche sur la gestion des incendies de forêt existe mais son application est limitée car les résultats n'ont pas été rassemblés ou diffusés aux organismes chargés de l'exécution. Les liens entre la recherche forestière et la vulgarisation sont faibles. En outre, de nombreuses politiques forestières sont dépassées et n'incluent pas de recherches sur la gestion participative des incendies de forêt. Bien que les incendies de forêt soient destructeurs, nombreux sont les décideurs qui trouvent normal que les populations brûlent les forêts chaque année, comme cela se fait depuis des temps immémoriaux. Compte tenu de la croissance démographique et de la pression subie par les terres soumises à diverses utilisations, cette attitude doit changer.

RECOMMANDATIONS

Les recommandations suivantes visent à améliorer la gestion des incendies, et par conséquent à réduire les dommages causés aux forêts par les incendies.

· Un engagement politique est nécessaire pour parvenir à une gestion et à une conservation durables des ressources forestières. Les gouvernements doivent s'assurer que les responsables politiques accordent le soutien politique nécessaire au développement et à la protection des forêts. Il faut donner la priorité au secteur forestier en lui fournissant des financements adéquats et d'autres ressources indispensables(personnel, équipement, etc.).

· Il faut faire prendre conscience aux populations des dangers que les incendies représentent pour les forêts et par conséquent pour leur propre subsistance. Il faut aussi leur faire comprendre ce que signifie la démocratie, qui englobe la responsabilité dans le présent et aussi face à l'avenir.

· La communauté internationale, en particulier les bailleurs de fonds et les partenaires de la coopération, doivent revoir les PEAS auxquels sont soumis, entre autres, les pays d'Afrique australe, en prenant en compte que les taux de chômage dans la région dépassent ceux de l'emploi. La mise en œuvre des PEAS a eu des répercussions négatives sur le secteur forestier. Les bailleurs de fonds, et en particulier les organismes prêteurs tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, devraient envisager d'alléger les conditions qu'ils imposent au secteur forestier puisque les bénéfices retirés de la foresterie se manifestent surtout dans le domaine social et à l'échelon mondial.

· La participation des communautés locales, des ONG et du secteur privé à la gestion, à la conservation et à l'utilisation des ressources forestières doit être encouragée par tous les gouvernements d'Afrique australe. Les communautés locales vivent dans les forêts ou au voisinage depuis très longtemps, bien avant que les structures politiques et légales n'aient été mises en place. Par conséquent, les communautés locales ont des droits fondamentaux à la gestion des ressources forestières.

CONCLUSION

Les causes des incendies de forêt sont liées aux politiques en vigueur. La plupart de ces politiques sont dépassées et doivent être révisées pour s'aligner sur le développement social, économique, politique et juridique en cours. Les gouvernements doivent mettre en place une politique forestière qui prenne en compte les besoins des diverses organisations sans mettre en péril la gestion, la conservation et l'utilisation durables des ressources forestières. Le développement forestier participatif est la clé du développement forestier et de la protection et de la durabilité des forêts. Les politiques forestières ne doivent pas être formulées uniquement par les gouvernements mais aussi en concertation avec toutes les parties prenantes, afin que les intérêts des divers secteurs soient pris en compte.

On ne saurait trop insister sur l'importance de la gestion des incendies de forêt. Les diverses organisations doivent mesurer son importance pour le développement socio-économique national. La participation des diverses parties prenantes à la promotion d'une bonne gestion des incendies de forêt doit être l'objectif final car elle conduira à une gestion et une conservation durables des ressources forestières.

REMERCIEMENTS

J'exprime mes sincères remerciements à M. John Ngalande (Senior Planner) et à M. Joel Mayolera Luhanga (Principal Forestry Officer), tous deux du Département des forêts du Malawi, pour leurs commentaires précieux, qui ont été pris en compte pour la rédaction de cet article. Je remercie également Mme E. Chikafa pour son travail de secrétariat.

Je remercie aussi le Département des forêts, qui coordonne le secteur forestier au sein de la SADC, de m'avoir désigné pour participer à la réunion tenue à Rome sur les politiques nationales ayant une incidence sur les incendies de forêt, et la FAO qui a financé mon voyage.

BIBLIOGRAPHIE

Forestry in South Africa. 1992. Forestry Council, Pretoria.

Government of Malawi. 1989. Report of the Workshop on the Management and Development of Indigenous Forest Resources in the SADCC Region held in Victoria Falls, Zimbabwe, 19-25 October 1992.

SADC FSTCU. 1994. National Data Collection Reports.


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