ARC/00/INF/6


VINGT ET UNIÈME
CONFÉRENCE RÉGIONALE
POUR L'AFRIQUE

Yaoundé (Cameroun), 21-25 février 2000

INTÉGRATION DE L'AQUACULTURE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL DURABLES

Table des matières



Résumé

1. Ce document présente une Proposition d'action pour l'élaboration de politiques nationales et régionales de promotion de l'aquaculture; des politiques qui permettront à l'aquaculture de surmonter ses difficultés actuelles et de réaliser sa contribution potentielle à la sécurité alimentaire et à la croissance économique de la région.

2. L'aquaculture, sous toutes ses formes, peut jouer un rôle important dans le développement rural de l'Afrique. Pour cela, elle doit être bien comprise. Cette perception devrait s'appuyer sur la connaissance des efforts déployés dans le passé pour développer l'aquaculture, dont les résultats positifs et les points faibles seraient utilisés pour orienter les initiatives futures. Ce document vise à favoriser une telle compréhension à l'échelon des décideurs et des responsables politiques de la région.

3. L'aquaculture peut jouer un rôle important en Afrique. De petits étangs de pisciculture peuvent être intégrés dans les systèmes de culture traditionnels pour diversifier la production, réduire les risques et améliorer la sécurité alimentaire des ménages. Les systèmes à l'échelle industrielle peuvent être une source de revenus et servir à corriger le déséquilibre des importations de poisson de bien des pays de la région.

4. Toutefois, l'histoire de l'aquaculture en Afrique n'est pas riche en réussites de longue durée. Bien que de nombreux projets d'aquaculture aient été mis en œuvre dans la plupart des pays de la région dans les années 60 et 70, ces efforts ont rarement eu des résultats durables et la production demeure très inférieure au potentiel estimé1.

5. L'analyse des efforts déployés dans le passé révèle les différentes causes des maigres résultats obtenus. La plupart des problèmes peuvent être directement rattachés aux difficultés politiques et/ou économiques que plusieurs pays connaissaient à l'époque. D'autres problèmes périodiques touchent à la difficulté de se procurer les moyens de production nécessaires (par exemple, aliments pour poissons, alevins, etc.), à l'absence de soutien logistique aux pisciculteurs isolés et aux difficultés rencontrées pour faire face à la concurrence des produits meilleur marché provenant de la pêche en eaux naturelles. Le problème le plus grave était souvent l'absence de politiques nationales et régionales de promotion de l'aquaculture ou bien l'existence de politiques obsolètes ou mal appliquées.

6. À l'aube du nouveau millénaire, l'Afrique est prête à une production aquacole importante. Les communautés rurales se tournent de plus en plus vers la pisciculture pour en tirer des produits que les fournisseurs traditionnels ne leur procurent plus. L'aquaculture peut être efficacement intégrée dans les systèmes de culture les plus divers, développant une synergie et favorisant l'utilisation des ressources. Toutefois, pour tirer avantage de ce potentiel encore inexploité, le développement de l'aquaculture doit s'inscrire dans le cadre de politiques nationales et régionales globales qui stimulent l'intégration et fassent en sorte que les organismes gouvernementaux aux effectifs réduits fournissent aux parties prenantes tout le soutien nécessaire.

Promotion de l'aquaculture: le passé

7. Ses premiers défenseurs ont souvent perçu l'aquaculture comme une panacée pour les paysans africains. A partir des années 50 et jusqu'au début des années 80, l'aquaculture a été introduite dans la plupart des pays d'Afrique comme une innovation qui aurait procuré aux familles rurales qui n'avaient pas accès aux produits des grandes pêcheries la nourriture et le revenu dont elles avaient grand besoin.

8. Bien que de nombreux systèmes de production aient été expérimentés, notamment les nasses, les passes à poissons et les bassins, les étangs sont restés la structure d'élevage la plus courante. Les efforts mis en œuvre visaient pour la plupart les petits exploitants et proposaient des techniques de production extensives ou semi-intensives pour l'élevage de toutes sortes de Cichlidés d'origine locale (les Tilapia).

9. Les stratégies de promotion de l'aquaculture prévoyaient bien souvent l'adoption de la pisciculture pour son potentiel de production de revenus. La vente des poissons devait apporter une importante contribution au revenu global en espèces des ménages. Certains projets sont même allés plus loin et ont contribué à la construction d'unités de production plus importantes, à étangs multiples, dont les producteurs auraient pu tirer un revenu mensuel. Dans certains cas, le poisson provenant d'un petit nombre de grandes exploitations piscicoles a complété la production de ces élevages de taille moyenne. Les élevages commerciaux devaient avoir un impact sur le revenu individuel grâce aux possibilités d'emploi qu'ils offraient, à la différence de la vente des produits de l'élevage familial. Le poisson produit dans les grandes exploitations devait également renforcer la production nationale, pour une éventuelle substitution des importations.

10. Malheureusement, ces efforts de développement n'ont eu qu'un succès limité. Diverses tribunes internationales et régionales ont tenté d'analyser les raisons de résultats positifs aussi réduits et de si courte durée. Les principales entraves au développement de la pisciculture identifiées étaient souvent les mêmes, à savoir le manque d'aliments pour poissons, le manque d'alevins (fingerlings) et un effort de vulgarisation insuffisant.

11. Pour pallier ces défaillances, les projets d'aquaculture ont pris pour habitude d'installer des stations gouvernementales qui devaient fournir les alevins nécessaires et servir de centres de vulgarisation. Des agents de vulgarisation ont alors été formés et équipés pour la diffusion d'informations sur l'aquaculture, et en particulier des techniques jugées appropriées pour les pisciculteurs locaux. Ces techniques étaient mises au point dans les installations nationales de recherche en aquaculture, où différents modes d'alimentation étaient également testés. Certains projets subventionnaient ensuite les rations alimentaires mises au point afin de les mettre à la portée des éleveurs.

12. Lorsque ces tentatives ont obtenu un minimum de succès durable, certains professionnels ont cru que le problème de base était l'utilisation d'espèces d'élevage inappropriées (ou de stocks consanguins). Les chercheurs, souvent financés par des donateurs, ont commencé se pencher sur d'autres poissons. Bien que certains de ces organismes aient donné de meilleurs résultats, les programmes nationaux d'aquaculture sont restés faibles et la pisciculture est rarement devenue une entreprise agricole traditionnelle. C'est pourquoi l'Afrique est encore aujourd'hui la région du monde où la production aquacole est la plus faible.

Promotion de l'aquaculture: le présent

13. À la fin du XXe siècle, l'aquaculture ne progresse plus dans plusieurs pays d'Afrique. Les écloseries et autres stations piscicoles sont pratiquement abandonnées, tandis que les activités de vulgarisation sont paralysées faute de moyens financiers et/ou négligées. Les exploitants qui se consacrent encore à la pisciculture le font souvent de leur propre initiative, sans aucune aide ou avec un soutien limité de la part du secteur public.

14. L'absence d'une aquaculture viable dans la région africaine n'est toutefois pas imputable à des difficultés inhérentes à l'élevage des organismes aquatiques. L'implantation durable de l'aquaculture a fréquemment été entravée par des administrations hiérarchisées et des infrastructures publiques trop lourdes et fortement tributaires d'un financement extérieur. Les catastrophes naturelles, les bouleversements politiques et le désordre macro-économique ont souvent créé des difficultés aux activités aquacoles qui avaient réussi à s'établir sur des bases solides.

15. En cette fin de millénaire, nous tirons la leçon des erreurs du passé (Encadré 1) et en Afrique, l'aquaculture reçoit une nouvelle fois une attention bien méritée en tant qu'entreprise agricole susceptible d'apporter une contribution importante à la prospérité des producteurs et au bien-être des consommateurs. Face au regain d'intérêt qu'elle suscite, il incombe à toutes les parties prenantes de tirer des leçons du passé et d'avoir des attentes réalistes quant à ce que l'aquaculture peut et ne peut pas faire.

Encadré1. Les faiblesses du passé à ne pas répéter sont notamment les suivantes:
  • l'importance excessive donnée aux infrastructures publiques, notamment aux stations piscicoles;

  • l'importance excessive donnée aux questions techniques, au détriment des considérations sociales et économiques;

  • la méconnaissance des priorités et des besoins des producteurs;

  • l'ignorance du fait qu'il n'existe pas de système d'élevage idéal, convenant à tous les producteurs, mais une variété de systèmes parmi lesquels choisir celui qui correspond le mieux aux ressources du producteur;

  • la mauvaise appréciation du fait qu'un faible rendement était plus souvent imputable à une mauvaise gestion qu'à un organisme d'élevage inadapté;

  • le mauvais choix du site - tentatives d'élevage dans des endroits dépourvus des ressources nécessaires;

  • l'importance excessive donnée à la production de poissons de taille maximale, plutôt qu'à l'optimisation du rendement;

  • la mise en place d'un service de vulgarisation exclusivement centré sur l'aquaculture, par opposition à son intégration dans le service de vulgarisation agricole;

  • la mise en jeu insuffisante du secteur privé, notamment pour ce qui concerne la fourniture d'intrants;

  • la promotion de systèmes qui entraient souvent en concurrence avec le système agricole au lieu de le compléter;

  • la formation inadéquate des groupements de producteurs.

16. Ces leçons nous ont appris que l'aquaculture doit désormais être considérée comme un élément faisant partie d'un tout, à savoir le système d'exploitation agricole pris dans son ensemble. L'intégration de l'aquaculture et de la gestion de l'eau dans les systèmes de culture favorise une meilleure utilisation des ressources, le recyclage des éléments nutritifs et la diversification.

17. La traduction de ces leçons dans des politiques et des plans de développement nationaux peut permettre d'envisager un rôle positif pour l'aquaculture et sa contribution aux différentes activités des petites exploitations et d'une entreprise commerciale viable. L'aquaculture devient ainsi une partie intégrante des programmes de développement rural de grande envergure, un élément durable des initiatives de production vivrière familiale, un moyen de production de revenus grâce à la vente des produits ou à l'emploi direct et un facteur de sécurité alimentaire au niveau national et à celui des ménages.

Promotion de l'aquaculture: l'avenir

18. La région africaine présente de nombreux avantages pour la production aquacole, en particulier un climat favorable, des disponibilités en terres et en eaux, une main-d'œuvre relativement bon marché et une forte demande de poissons. On estime que 23 pour cent des 2 963 568 000 ha de l'Afrique sont parfaitement adaptés à la pisciculture (CPCA, Document technique n032). Ces atouts sont dus dans une large mesure à la sous-utilisation des ressources aquatiques. Il a été calculé que moins de 4 pour cent des eaux de la région étaient utilisées chaque année (Institut mondial pour les ressources, 1996).

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Figure 1. Production aquacole totale en tonnes de l'Afrique, de l'Amérique du Sud et de l'Amérique du Nord pendant la période 1987-1996 (Statistiques FAO de la production de l'aquaculture, 1998).

19. Toutefois, malgré de tels avantages, la production aquacole de l'Afrique demeure très faible, comme le montre la Figure 1, son volume n'ayant dépassé les 100 000 tonnes qu'en 1995 et 1996. Une analyse attentive du graphique révèle qu'en Amérique du Nord, la production aquacole est restée relativement constante, oscillant entre un volume de 460 000 tonnes en 1990 et un bon niveau d'un peu plus de 600 000 tonnes en 1996. La production en progression rapide de l'Amérique du Sud a pratiquement quintuplé entre 1987 et 1996, passant de 90 000 tonnes à plus de 420 000 tonnes. En revanche, l'Afrique a enregistré un faible niveau de production constant, tandis que la base de ressources a été à peine exploitée.

20. L'expansion future de l'aquaculture en Afrique devrait donc s'appuyer sur l'exploitation des ressources disponibles et des secteurs présentant un avantage comparatif pour une augmentation sensible de la production aquacole. De telles avancées peuvent être réalisées grâce à des politiques aquacoles et des plans de développement de l'aquaculture propices, qui optimisent la production de tous les segments du sous-secteur de l'aquaculture.

21. Si l'avenir peut être envisagé avec optimisme, il est toutefois essentiel de tenir compte des expériences du passé et de ne pas perdre de vue les échecs possibles. L'aquaculture est bien plus que le simple empoissonnement des eaux. La sélection judicieuse du site est essentielle. Le pisciculteur a besoin de terres, mais doit aussi pouvoir compter sur une source fiable d'eau de bonne qualité et sur un organisme d'élevage qui tire le meilleur avantage des éléments nutritifs disponibles. De plus, le poisson doit également être vendu afin d'en tirer un profit, d'où la nécessité d'un accès aisé aux marchés.

22. À la croissance de la production aquacole doit correspondre une évolution du rôle du secteur public dans le développement de l'aquaculture, un rôle qui est encore aujourd'hui trop onéreux pour bien des pays de la région. Peu de pays d'Afrique peuvent compter sur des disponibilités fiables d'aliments pour poissons à faible coût. Les alevins et la nourriture doivent être fournis par le secteur privé si l'on veut que la production aquacole augmente. Les gouvernements doivent se départir des infrastructures inefficaces et concentrer leurs ressources financières limitées à la vulgarisation, car ce n'est pas la technologie en soi qui fait défaut, mais l'accès des exploitants à l'information existante.

Tableau 1. Comparaison entre les populations rurales et les disponibilités et la consommation de poissons dans les trois régions à l'étude.

Région

Population rurale1
(en milliers)

Disponibilités de poissons et fruits de mer1 (kg/hab./an)

Variation des disponibilités de poissons et fruits de mer par habitant2
(%)

Apport protéique des poissons et fruits de mer1 (g/hab. /j)

Apport protéique des poissons en pourcentage des protéines animales totales1
(%)

Afrique 468,082 6,9 -14% 2,1 16,9
Amérique du Sud 71,610 10,3 +15 % 2,7 7,4
Amérique du Nord 70,565 21,1 +12 % 4,9 8,9

1. Source: Base de données FAOSTAT 1999.
2. Source: Ressources mondiales 1998-99, données concernant les océans et les pêches.

23. Le développement accéléré de l'aquaculture aura un impact positif sur bien des aspects de la vie quotidienne. Le Tableau 1 montre que des trois régions considérées, c'est en Afrique que le poisson apporte la contribution la plus importante à l'apport quotidien en protéines animales. Pourtant, cette région enregistre l'approvisionnement en poisson le plus faible. Bien que les captures annuelles moyennes en mer et en eau douce aient augmenté pendant la période 1993-1995 de 31 et 19 pour cent respectivement, par rapport aux prises moyennes pour la période 1983-1985, en réalité les disponibilités par habitant de poissons et de fruits de mer ont reculé de près de 14 pour cent entre ces deux périodes. L'Afrique dispose de ressources halieutiques limitées, sa population est en pleine croissance et la demande de produits du poisson est forte, une demande qui ne peut plus être couverte par les pêches de capture et doit être complétée par la production aquacole.

24. Le Tableau 1 montre également que l'Afrique a une population rurale très importante, bien que l'exode rural soit un phénomène en augmentation. Les implications en sont doubles. Tout d'abord, les zones rurales finiront par être moins bien approvisionnées en poisson par les gros détaillants puisque les centres urbains continuent de se développer et attirent un volume de produits croissant grâce à leur pouvoir d'achat plus fort. Les zones agraires peuvent donc être approvisionnées plus efficacement par les élevages piscicoles ruraux, souvent très répandus dans l'arrière-pays. Ensuite, une population rurale aussi abondante offre un réservoir tout prêt de futurs pisciculteurs. Les ressources humaines nécessaires pour accroître la production aquacole étant déjà disponibles, une place importante devrait être accordée dans les politiques nationales de bien des pays de la région à la création de débouchés dans les zones rurales pour tenter d'endiguer le flot migratoire vers les villes.

La nécessité de politiques nationales et régionales de promotion de l'aquaculture

25. L'eau va devenir le principal facteur limitant pour une bonne partie de la planète au cours du XXIe siècle. Cette ressource sera d'autant plus essentielle dans les zones sous contrainte hydrique de la région où aucun gaspillage n'est tolérable. L'aquaculture peut être efficacement intégrée dans les programmes d'irrigation, pour un usage multiple de ressources en eau restreintes.

26. L'aquaculture peut aussi améliorer la sécurité alimentaire. Les exploitants considèrent souvent les étangs et les réservoirs piscicoles comme des "banques" de nourriture sur lesquelles compter pendant les périodes creuses. Contrairement à d'autres formes d'élevage, l'aquaculture fournit un produit peu volumineux, facile à préparer et à partager entre les membres de la famille; un produit qui peut être récolté dans les moments de plus grand besoin.

27. L'aquaculture à plus grande échelle, souvent entreprise dans les zones rurales qui disposent de ressources en terres et en eaux, crée des emplois tandis que sa production apporte une précieuse contribution à l'approvisionnement des marchés locaux et pour la substitution des importations qui drainent les réserves de devises.

28. Toutefois, le développement de l'aquaculture n'est pas spontané. Les producteurs ont besoin d'une aide à la vulgarisation et de moyens de production (crédit compris) et ils doivent avoir accès aux marchés. En dépit de l'amélioration du cadre politique et économique dans bien des pays, les gouvernements ont aujourd'hui des budgets réduits et sont confrontés à l'amenuisement de l'aide extérieure. Dans de telles circonstances, les programmes nationaux ne peuvent plus être tout pour tous et les plans à plus court terme ne peuvent être reformulés pour être adaptés aux priorités des donateurs. C'est aux gouvernements qu'il incombe maintenant de mettre en place des politiques qui reflètent les priorités nationales et les besoins des parties prenantes; des politiques qui concentrent les maigres ressources intérieures et extérieures sur des objectifs clairement définis.

29. Un cadre stratégique concernant l'aquaculture s'avère essentiel pour répartir les ressources (humaines, financières et naturelles), centrer les efforts et fixer des objectifs réalistes. Un tel cadre établira un environnement propice à la croissance et au développement de l'aquaculture.

Les mesures prises à ce jour

30. La mise en œuvre des politiques ne peut être séparée de la valorisation des ressources humaines. Pour être efficaces, les programmes doivent s'appuyer sur des individus dûment formés. La FAO a contribué pendant la période 1980-1986 au renforcement des capacités dans l'ensemble de la région par le biais du Centre régional africain d'aquaculture (ARAC). La formation a ensuite été dispensée par des centres nationaux (par exemple, le Centre national de formation zootechnique et vétérinaire de Foumban, au Cameroun) et des institutions régionales (comme l'École de spécialisation en pisciculture et pêche continentales de Bouaké, en Côte d'Ivoire). Il faut que cette tendance soit renforcée et que des institutions et des réseaux régionaux d'information susceptibles d'apporter une réponse efficace aux besoins de formation et de recherche des pays sur une base intra-régionale, soient établis.

31. Préoccupé par les problèmes de la région et par l'état précaire de l'aquaculture africaine, le Bureau régional de la FAO pour l'Afrique a organisé en septembre 1999 un Examen régional de l'aquaculture pour l'Afrique, qui a rassemblé des professionnels de quinze pays d'Afrique et plusieurs organisations régionales et internationales. Cet Examen a servi de tribune pour l'évaluation des efforts déployés au cours des trente dernières années pour promouvoir l'aquaculture dans la région, et pour l'identification des éléments qui se sont révélés durables et de ceux qui ne l'ont pas été. Il a facilité les échanges entre spécialistes et a représenté un premier pas vers la mise en œuvre d'une approche régionale pour la résolution des problèmes. Un résumé des conclusions et des recommandations formulées à cette occasion figure à l'Annexe 1.

32. Par ailleurs, les récentes interventions de la FAO au Gabon, au Kenya et au Togo ont constitué un précédent pour une élaboration participative des politiques nationales. Des politiques holistiques ont été élaborées avec la participation de représentants de tous les groupes intéressés, pour une approche intégrée de l'utilisation des ressources.

33. Une coordination sous-régionale a également été entamée dans la région de la SADC avec l'ALCOM, le Programme d'aquaculture pour le développement des communautés locales, et l'aide a été étendue à la sous-région de la CEDEAO par le biais de la réunion de 1999 des Directeurs des pêches.

34. D'autre part, le renforcement des échanges d'information régionaux a été amorcé par l'Atelier sur l'irrigation et l'aquaculture intégrées organisé par la FAO en septembre 1999 et qui, conformément aux recommandations du Groupe de travail sur l'aquaculture de 1993 du Comité des pêches continentales pour l'Afrique (CPCA), a préparé une proposition pour le lancement d'un réseau reliant les institutions de recherche de la région. Une deuxième proposition relative à un Réseau d'information sur les systèmes d'élevage aquatique en Afrique est également en cours d'étude.

Conclusions

35. Il a été démontré que grâce aux ressources humaines et naturelles de la région, il existe en Afrique un vaste potentiel de développement de l'aquaculture, en dépit des faibles niveaux de production actuels. En outre, en Afrique, les conditions socio-économiques et socio-culturelles sont favorables à la production et à la consommation de poisson. L'aquaculture peut, et devrait donc, jouer un rôle important dans le développement de cette région.

36. La promotion de l'aquaculture est intrinsèquement liée au développement rural. Malgré l'intérêt considérable que suscite la pisciculture périurbaine pour l'approvisionnement des centres urbains, la plupart des élevages piscicoles conserveront une orientation plus rurale, restant implantés là où les prix de la terre et de la main-d'œuvre sont plus accessibles et où les considérations écologiques sont moins fortes.

37. Des politiques nationales rigoureuses sont nécessaires pour concentrer les ressources dans les zones à fort potentiel et orienter le développement futur de l'aquaculture. Ces politiques ne doivent pas considérer l'aquaculture comme une forme solitaire d'élevage d'animaux aquatiques, mais comme un système intégré - intégré sur le plan socio-économique dans la culture des exploitants et sur le plan agro-écologique dans leur environnement biophysique.

Une proposition d'action

38. L'aquaculture peut avoir un impact positif pour l'Afrique. Si les leçons tirées sont utilisées pour guider des initiatives nouvelles à travers des politiques efficaces et pratiques, l'aquaculture peut être réveillée de son état de torpeur actuel et améliorer sensiblement la sécurité alimentaire nationale et régionale.

39. Les décideurs et les responsables politiques devraient s'efforcer de bien comprendre l'histoire de l'aquaculture dans leurs pays respectifs dans le contexte des besoins et de la capacité de production de la communauté piscicole. Des politiques claires et succinctes redonneront confiance aux membres de cette communauté, encourageront les investissements privés et mobiliseront l'aide des donateurs.

40. Ces politiques doivent aborder des questions importantes relevant du secteur public, à savoir la vulgarisation, la recherche et l'entretien des infrastructures aquacoles publiques, ainsi que le désinvestissement des éléments allant au-delà des moyens des gouvernements ou des besoins des producteurs. Elles doivent fournir des orientations générales couvrant les systèmes de production disponibles, sans imposer une structure hiérarchisée ni entraver l'esprit d'initiative des producteurs. Elles doivent être suffisamment génériques pour couvrir des questions transversales et assez souples pour être utiles dans les cadres les plus divers.

41. Ces politiques doivent être de nature interdisciplinaire et exprimer les aspects intégrés de l'aquaculture, notamment les dimensions biologiques, chimiques, physiques, écologiques, sociales, culturelles, économiques et financières de la pisciculture. Elles devraient être l'aboutissement d'une approche participative basée sur des réunions locales constituant une plate-forme pour la participation de tous les intervenants à la formulation des politiques et pour le partage des responsabilités de l'entretien et de la mise à jour de la structure politique, au besoin.

42. La FAO procédera, à la demande des gouvernements membres et dans la limite de ses ressources, à un examen des documents de politique nationale pour s'assurer que les éléments communs à la région sont pris en compte, sans pour autant minimiser, bien au contraire, les spécificités nationales. Elle encouragera autant que possible la coopération et les échanges régionaux, en collaborant avec les organismes régionaux concernés, en facilitant la constitution à l'échelon régional de réseaux d'institutions régionales et sous-régionales et en préconisant l'établissement d'une base politique régionale solide. La FAO servira, en outre, de centre d'information pour promouvoir la normalisation et/ou l'harmonisation des activités aquacoles au niveau de la région, et notamment la collecte et l'analyse de statistiques courantes et complètes de l'aquaculture qui donnent une indication correcte de l'état de développement du secteur et facilitent le suivi de la mise en oeuvre des politiques.


ANNEXE 1

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS ET DES RECOMMANDATIONS DE L'EXAMEN RÉGIONAL DE L'AQUACULTURE POUR L'AFRIQUE

SITUATION ACTUELLE

Les points suivants représentent la situation observée à ce jour, pour au moins 80 pour cent des programmes d'aquaculture nationaux, dans les dix pays2 qui ont fait l'objet d'examens nationaux:

La plupart des pays se concentrent sur des petits systèmes intégrés de production de Tilapia et/ou de silures (Clarias ou Heterobranchus). Comme la vulgarisation efficace est chose de plus en plus difficile, il existe une tendance croissante à compter sur les groupements de producteurs (associations de pisciculteurs). On observe également un intérêt grandissant pour la production commerciale et une plus grande participation du secteur privé.

Les conclusions de l'Examen ont été a) que l'aquaculture est désormais connue dans toute l'Afrique grâce aux efforts de vulgarisation déployés précédemment, et b) qu'elle est adoptée/acceptée, bien qu'à faible échelle, dans la plupart des pays.

Par ailleurs, plusieurs remarques ont été faites:

    1. Stations gouvernementales: les stations ont souvent une ou plusieurs des cinq finalités communes suivantes: production d'alevins, production d'aliments pour poissons, centres de démonstration pour activités de vulgarisation, formation et/ou recherche. Il faudrait que le gouvernement renonce progressivement à ces trois premières fonctions. Pendant la période de désengagement, une formation devrait être dispensée à des unités du secteur privé (associations de pisciculteurs et entrepreneurs, par exemple) pour leur permettre de gérer ces stations d'une façon durable. Le gouvernement devrait maintenir son soutien dans le domaine de la formation et de la recherche.

    2. Centres d'excellence régionaux: lorsqu'un centre a la capacité nécessaire pour mener de front des activités de recherche et de formation, il doit exercer cette double fonction car la recherche peut compléter efficacement la formation. Il conviendrait d'entreprendre une évaluation des centres existants afin de déterminer le rôle de chacun dans la nouvelle configuration proposée.

    3. Comités consultatifs: des comités nationaux, réunissant les parties prenantes potentielles et actuelles, devraient être mis en place pour orienter le développement de l'aquaculture. Ils pourraient ainsi rassembler des décideurs, des responsables de l'élaboration des politiques, des spécialistes (socio-économistes, analystes de politiques, agronomes, biologistes), des entrepreneurs, des pisciculteurs et les représentants de leurs associations, des groupements féminins ou leurs représentants, des banquiers, des pêcheurs, des ONG, etc.

    4. Bases de données: il est important d'identifier une institution, une université, etc., à l'échelon national, qui puisse servir de point de convergence pour l'analyse et la garde des statistiques dans une base de données. Cette dernière alimentera une base de données sous-régionale qui ira à son tour nourrir une base de données régionale. Le matériel informatique et les unités périphériques revêtent la plus grande importance au moment de la sélection du centre de référence.

    5. Information: l'échange d'informations au niveau de la région doit être encouragé aux fins de la recherche, du développement, de la formation et de la vulgarisation. L'établissement de réseaux est le meilleur moyen d'y parvenir. Cela permettrait également de renforcer les liens entre la recherche et le développement à l'échelon à la fois national et régional.

LA VOIE À SUIVRE - UNE STRATÉGIE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE

Dans le contexte des leçons tirées, l'Examen a préparé une stratégie de développement de l'aquaculture en 37 points, à mettre en œuvre sur une période de cinq ans. Cette stratégie comprenait aussi bien des éléments pouvant être mis en œuvre sur le champ avec les ressources existantes, que d'autres exigeant une réorientation ou une révision des politiques ainsi que des fonds supplémentaires. Les huit points ci-après résument les principaux enjeux:

  1. mettre en place des politiques nationales de développement et un plan de promotion de l'aquaculture en consultation avec les parties prenantes;
  2. réduire l'infrastructure aquacole onéreuse et non durable, en diminuant plus particulièrement le nombre des stations piscicoles gouvernementales d'au moins 50 pour cent d'ici cinq ans;
  3. promouvoir et faciliter la production d'aliments pour poissons et d'alevins de la part du secteur public;
  4. promouvoir le crédit en faveur des moyens et grands producteurs;
  5. revoir la vulgarisation aquacole, en mettant en place une structure souple et efficace permettant de répondre aux besoins des producteurs;
  6. préconiser l'emploi de technologies existantes, faciles à utiliser par les pisciculteurs et qui s'appuient sur des espèces d'élevage aisément disponibles et sur du matériel local;
  7. promouvoir la collaboration, la coordination et l'échange d'informations entre les institutions et les organismes d'aquaculture nationaux et régionaux; et
  8. faciliter la création d'associations de producteurs.

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1  En 1997, la production aquacole a été de 119 000 tonnes, contre 25 647 000 de tonnes en Asie, plus de 645 000 tonnes en Amérique du Nord et plus de 540 000 tonnes en Amérique latine (Statistiques FAO de la production de l'aquaculture, 1988-1997).

2  Cameroun, République centrafricaine, Côte d'Ivoire, Nigeria, Mali, Zambie, Kenya, Madagascar, Tanzanie et Malawi.