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Des arbres pour le millénaire urbain: le point sur la foresterie urbaine

G. Kuchelmeister

Guido Kuchelmeister est le Coordonnateur de l'Initiative TREE CITY, Illertissen (Allemagne).

Contributions et gestion de la foresterie urbaine dans un monde en pleine urbanisation.

La rue principale du village de Kilakila, Port Moresby (Papouasie- Nouvelle-Guinée), est bordée de badamiers (Terminalia catappa), de manguiers, de kapokiers (Ceiba pentandra) et de cocotiers dont les produits contribuent à la sécurité alimentaire locale - R.R. THAMAN

L'mportance des forêts urbaines en tant qu'élément vital du paysage urbain, de l'infrastructure urbaine et de la qualité de vie dans les villes, est de plus en plus reconnue et extériorisée par les citadins. Partout dans le monde, des programmes de foresterie urbaine souvent ambitieux ont été mis enœuvre par les municipalités et diverses parties prenantes. La recherche-développement a fait de grands pas en avant dans les pays industrialisés. Dans le monde en développement, toutefois, la foresterie urbaine multifonctionnelle n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements. En outre, les activités forestières sont manifestement absentes des initiatives de co-opération en faveur du développement des villes, malgré le processus d'urbanisation accélérée qui s'opère actuellement dans les pays en développement.

Le présent article souligne l'importance des arbres urbains et de la végétation associée situés à l'intérieur ou à proximité de zones à forte densité humaine, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Il se concentre sur les implications de l'urbanisation pour la coopération au service du développement, sur les bienfaits des forêts urbaines, sur la lutte contre la pauvreté, sur les partenariats innovateurs entre le secteur public et le secteur privé, et sur la gestion multiressource.

L'urbanisation et ses conséquences

Croissance urbaine accélérée dans les pays en développement

La tendance à l'urbanisation est planétaire. En 1995, près de 73 pour cent des habitants d'Amérique latine vivaient dans les villes, avec un taux d'urbanisation dans la région à peu près équivalent à celui de l'Europe et de l'Amérique du Nord. En Asie et en Afrique, la population urbaine représentait un tiers du total.

Le nouveau millénaire sera un millénaire urbain. Les zones urbaines des pays en développement contribueront à hauteur de près de 90 pour cent à la croissance projetée de la population mondiale entre 1995 et 2030, soit 2,7 milliards d'individus. D'ici à 2030, près de 85 pour cent de la population d'Amérique latine et 50 pour cent de la population africaine et asiatique vivront dans les villes. On prévoit une croissance urbaine explosive en Afrique et en Asie. Cette dernière région comptera la plus grande population urbaine de la planète, avec près de deux fois le nombre des citadins d'Afrique et d'Amérique latine réunis (ONU, 1998).

Les zones périurbaines connaissent les taux de croissance les plus élevés et accueillent jusqu'à 70 pour cent des immigrants ruraux ainsi que des migrants venant de la ville même. Bien qu'elles soient à bien des égards intégrées à la ville, la plupart des projets forestiers visant ces zones sont pourtant conçus comme des projets ruraux. S'ils ne sont pas intégrés dans la planification urbaine, ils sont voués à l'échec.

Urbanisation de la pauvreté

Avec la migration d'une grande partie de la population mondiale des campagnes vers les villes, la pauvreté devient de plus en plus un phénomène urbain. La Banque mondiale estime qu'en 1988, environ un quart des individus en situation de pauvreté absolue du monde en développement vivaient en milieu urbain, et elle prévoit que d'ici à l'an 2000, cette proportion passera d'un quart à la moitié (WRI). D'ici une vingtaine d'années, il y aura plus de pauvres dans les villes que dans les zones rurales. Les conditions de vie des habitants des taudis, des enfants de la rue et de tous ceux qui ont été contraints à migrer vers les périphéries, seront de plus en plus le miroir de la pauvreté mondiale.

Dégradation de l'environnement urbain

Les zones urbaines génèrent des problèmes écologiques qui sont ressentis à tous les échelons, au niveau des ménages comme à l'échelle mondiale, et vont de la détérioration de la santé humaine, à la perte du bien-être économique et autre, et aux dommages causés à l'écosystème. La pollution de l'air et de l'eau et la production de déchets sont parmi les plus graves. Le détournement des forêts et des terres arables au profit du développement urbain peut également avoir pour effet de réduire les zones perméables à l'eau, bouleversant les mécanismes de drainage naturel et provoquant de graves inondations.

C'est essentiellement sur les pauvres des villes que pèsent les risques écologiques urbains, en raison des conditions dans lesquelles ils sont forcés de vivre, que ce soit dans les appendices informes et non autorisés des agglomérations du monde en développement, ou dans les quartiers urbains misérables de l'Europe et de l'Amérique du Nord.

Les ressources de la foresterie urbaine multifonctionnelle pour atténuer les problèmes urbains dans le monde en développement

Dans les pays en développement, les zones urbaines sont confrontées à des problèmes tels que la pénurie d'eau potable, la mauvaise gestion des déchets et une pollution mal maîtrisée, l'occupation et la dégradation des terres fragiles, les inondations et l'érosion du sol dans les établissements humains non autorisés. Et surtout, la malnutrition dont souffre une bonne partie de la population pauvre. Dans les quartiers pauvres, la seule forme de gestion de la foresterie urbaine réalisable est une gestion multiressource. Ainsi, à Durban (Afrique du Sud), les parcs polyvalents sont une composante des programmes d'amélioration des taudis; ils sont utilisés aussi bien pour la captation des eaux d'orage et le traitement des eaux usées et d'égout, que comme espaces de loisirs et de jardinage (ICLEI, non daté).

La foresterie urbaine - des arbres pour les citadins

Dans les pays industrialisés, la plupart des forestiers urbains parlent indifféremment de "reverdissement urbain" ou de "foresterie urbaine" (par exemple Miller, 1997). Dans leur sens le plus large, les forêts urbaines sont définies comme l'ensemble de la zone forestière sur laquelle la population urbaine exerce une influence. Dans un sens plus strict, la foresterie urbaine se rapporte aux arbres et aux espaces boisés situés dans les villes et les agglomérations: arbres d'ornement et agricoles, arbres de rue et de parc, espaces boisés résiduels et espaces verts nouveaux implantés sur des terrains vagues laissés à l'abandon.

Dans les pays industrialisés, la foresterie urbaine a été développée principalement pour des raisons esthétiques et pour ses bienfaits écologiques (Miller, 1997; Nilsson et Randrup, 1997). Dans les pays plus pauvres, son rôle doit être avant tout de contribuer à satisfaire des besoins fondamentaux (Kuchelmeister et Braatz, 1993). La gestion multires-source est la meilleure façon d'y parvenir.

La recherche dans le domaine de la foresterie urbaine a progressé rapidement en Amérique du Nord, grâce à des mesures concertées et à une dotation en ressources importante. En Europe, malgré une longue tradition de foresterie urbaine, la recherche est encore très fragmentée. Un projet de recherche sur la foresterie urbaine mis enœuvre actuellement faci-litera la coopération et la coordination en Europe (Randrup, Forrest et Konijnendijk, 1999). Dans les pays en développement, la foresterie urbaine n'en est qu'à ses débuts et elle est encore fortement centrée sur le modèle des pays industrialisés (voir par exemple Khosla, 1996; Tewari, 1995).

Urbanisation et coopération pour le développement

L'urbanisation rapide de la pauvreté et les effets écologiques de la croissance urbaine sur les collectivités pauvres, font aujourd'hui l'objet d'une attention sans précédent dans les débats internationaux sur le développement. Dans ce contexte, le reverdissement urbain est considéré de plus en plus comme un outil de développement. Les forums sur l'agriculture urbaine, tels que le Groupe de soutien de l'agriculture urbaine et l'Initiative mondiale en faveur de l'agriculture urbaine, font entrer la foresterie urbaine en ligne de compte, notamment en relation avec les activités agroforestières. Bon nombre de projets de développement urbain comportent une composante de foresterie urbaine. Les nombreuses villes qui procèdent à l'application d'Action 21 à l'échelon local (par exemple La Paz en Bolivie; São Paulo au Brésil; Téhéran en République islamique d'Iran; Durban en Afrique du Sud; Kampala en Ouganda; Zurich en Suisse; Bombay en Inde; et Yokohama au Japon) ont prévu des programmes de reverdissement urbain. Toutefois, les forestiers professionnels ne jouent encore qu'un rôle mineur dans les initiatives actuelles de reverdissement des villes.

La quasi-totalité des grandes institutions de coopération pour le développement ont limité aux zones rurales leur mandat en matière de foresterie. Les récents processus mondiaux d'orientation tels que le Forum intergouvernemental sur les forêts (IFF) et l'Examen des politiques forestières de la Banque mondiale n'ont pas encore reconnu la foresterie urbaine comme un thème à part entière (Kuchelmeister, 1999a).

À travers son programme de foresterie urbaine, la FAO fournit aux pays membres une aide pour l'échange d'informations, l'identification et la formulation de projets, et l'élaboration participative de stratégies municipales et de plans directeurs pour la foresterie urbaine. Parmi les organismes donateurs qui s'occupent du reverdissement urbain, la Banque interaméricaine de développement est probablement celui qui a déployé les plus grands efforts dans ce domaine (Kuchelmeister, 1998). Certaines initiatives, comme TREE CITY, mettent au premier plan les établissements humains pauvres des pays en développement.

Les arbres, les plantations et les systèmes agroforestiers situés à l'intérieur et aux alentours des zones urbaines peuvent contribuer à l'approvisionnement en bois de feu et de construction, en particulier dans les pays en développement; sur ce marché, au Cap-Vert, on vend du bois de feu provenant d'une plantation périurbaine - E.H. SÈNE

L'importance des forêts urbaines

Valeurs multiples des forêts urbaines

Les arbres constituent un élément important du système de soutien de la vie naturelle, et ils jouent un rôle vital dans la durabilité des villes et des agglomérations. On reconnaît de plus en plus que les forêts urbaines améliorent les conditions de vie dans les villes, contribuant par leurs bienfaits tangibles (aliments, énergie, bois, fourrage) et moins tangibles à la satisfaction des besoins locaux. La foresterie urbaine multifonctionnelle revêt une importance toute particulière pour les habitants pauvres des villes (voir encadré).

Bienfaits tangibles

Aliments. Les produits alimentaires tirés des arbres situés dans des jardins agroforestiers privés ou des parcelles assignées à l'intérieur de jardins publics peuvent apporter une contribution notable à la sécurité alimentaire dans les pays en développement (Kuchelmeister, 1999a). Les plantes comestibles sauvages, peu exigeantes en soins, conviennent souvent parfaitement, pour leurs usages multiples, comme plantations ornementales d'alignement.

Bois de feu. Le bois de feu représente entre 25 et 90 pour cent des approvisionnements en énergie des ménages urbains; il s'agit d'une source d'énergie particulièrement importante dans les petits centres urbains du monde en développement, notamment dans les zones arides (Kuchelmeister, 1998). Les ménages urbains pauvres consacrent une bonne partie de leur revenu en espèces à l'achat de bois pour leurs besoins énergétiques. Si la croissance de la population urbaine pauvre se poursuit, une de ses conséquences sera selon toute probabilité une augmentation de la consommation de bois de feu commercialisé. Dans des circonstances favorables, les forêts non rurales et les systèmes agroforestiers peuvent apporter une contribution importante à l'approvisionnement en bois de feu.

Bois d'œuvre. Disposer d'approvisionnements en bois d'œuvre suffisants représente un problème pour un nombre croissant de ménages dans les pays en développement. Dans les zones urbaines, les principales sources de bois d'œuvre sont les plantations d'arbres, les arbres de rue, les rideaux-abris ou brise-vent, les parcs et les jardins. La récolte du bois d'œuvre est associée dans bien des villes à d'intenses activités de loisirs de plein air. La plantation systématique d'arbres de rue pour leur production ligneuse est une pratique courante en Chine et en Malaisie (Webb, 1998). Dans les pays industrialisés, certaines agglomérations couvrent le coût des soins donnés aux arbres par la récolte du bois.

Services environnementaux

Amélioration du microclimat et de la qualité de l'air et réduction du gaz carbonique. Les arbres urbains peuvent améliorer la qualité de l'air en rafraîchissant et purifiant l'atmosphère. Un aménagement du paysage comportant la plantation stratégique d'arbres peut contribuer à la conservation de l'énergie et au confort humain, sans climatisation. Comme ils réduisent les besoins de consommation d'énergie fossile, les arbres urbains constituent un investissement rentable pour l'atténuation de l'effet de serre.

La plantation de végétation est une stratégie efficace, utilisée de plus en plus fréquemment dans la lutte contre la pollution atmosphérique. Tel était en effet l'objectif de divers projets de foresterie urbaine, comme ceux réalisés à Kuala Lumpur (Malaisie) et à Manille (Philippines) (Kuchelmeister, 1998). Les arbres réduisent la pollution en limitant la consommation d'énergie, les émissions de gaz carbonique et l'ozone des basses couches de l'atmosphère.

Certains projets de foresterie urbaine, tels que ceux mis enœuvre dans plusieurs villes des États-Unis, ont été financés par des projets de piégeage du carbone (Akbari et al., 1992; McPherson et Rowntree, 1993).

Utilisation, recyclage et conservation des eaux. Les forêts urbaines peuvent jouer un rôle dans la protection de l'approvisionnement en eau des villes, dans les systèmes de traitement des eaux usées et dans la gestion des eaux d'orage. La plupart des agglomérations pauvres sont confrontées au problème du traitement des eaux usées et pourraient installer des étangs de stabilisation dans les parcs et destiner les eaux usées recyclées à la foresterie urbaine. Le recyclage des eaux usées urbaines permet non seulement de réapprovisionner les aquifères, mais aussi de réduire la pression exercée sur des réserves en eau très restreintes. C'est dans les zones arides des pays en développement que les potentialités du recyclage des eaux usées sont les plus grandes (Braatz, 1994; Kuchelmeister, 1998).

La protection des zones suburbaines et rurales qui alimentent les villes en eau, est traditionnellement liée à la foresterie urbaine, mais pour que ces projets soient couronnés de succès, ils doivent faire partie intégrante de l'aménagement urbain.

Conservation du sol. Les arbres et les forêts contribuent à la conservation du sol en prévenant les glissements de terrain dans les écosystèmes fragiles, là où le sol est en pente, la végétation rare et les pluies saisonnières agressives, protégeant ainsi les populations et leurs logements. Le génie biologique est particulièrement important dans les établissements humains non structurés des régions tropicales.

Déchets solides et remise en état des sols. Le recyclage des résidus des arbres urbains contribue à réduire le volume des déchets à éliminer et procure de nouvelles matières premières (Webb, 1998). Dans les villes pauvres, la plupart des "résidus" serviront de combustibles, tandis que dans les villes plus riches, ils seront utilisés par exemple pour la réalisation de paillis.

Les terrains inutilisés et dégradés et les sites de décharge à remettre en état sont de plus en plus souvent reboisés et transformés en parcs. Lorsque le sol est pollué, notamment par des métaux lourds, quelques arbres peuvent en absorber les substances polluantes. Le niveau de pollution peut être progressivement réduit par des abattages répétés et le débusquage du bois (Dickinson, 1996).

Biodiversité. Les espaces verts jouent un rôle fondamental dans la biodiversité urbaine. Les zones suburbaines humides peuvent être parmi les écosystèmes naturels les plus productifs et offrir des habitats importants pour la faune. La mise en place de réseaux d'espaces verts favorisera la conservation biologique et stimulera la biodiversité; les ceintures vertes et les couloirs de verdure (parcs linéaires) peuvent faire fonction de couloirs biologiques (UICN, 1994).

Bienfaits sociaux

Santé. Les parcs et les espaces verts offrent un environnement pour des activités physiques salutaires. Par ailleurs, les bienfaits passifs d'un paysage urbain planté d'arbres pour la santé physique et mentale ont été documentés dans les pays industrialisés (Ulrich, 1984); la jouissance des espaces verts peut aider les citadins à se détendre ou leur donner un regain d'énergie. Améliorer la qualité de l'air à travers la végétation a certainement un impact sur la santé, avec des effets aussi manifestes que la diminution des cas de maladies respiratoires. Les forêts urbaines peuvent également apporter une contribution à la sécurité alimentaire, comme on l'a vu plus haut.

Emploi. La plantation d'arbres et les systèmes agroforestiers urbains, notamment, peuvent être consommateurs de main-d'œuvre et offrir ainsi des perspectives d'emploi qui seraient précieuses dans les villes les plus pauvres. Dans les pays plus riches, l'industrie arboricole est une importante activité économique. Les forêts urbaines et les espaces verts ouvrent également des débouchés dans le secteur des loisirs pour toute sorte d'entreprises structurées ou non.

Éducation. Les forêts urbaines sont un élément de plus en plus apprécié de l'éducation relative à l'environnement. Un certain nombre de villes, dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement, ont des jardins botaniques, des zoos, des sentiers de nature et des centres d'information où les visiteurs peuvent obtenir des renseignements sur la flore et la faune. Des arbres et des espaces boisés aisément accessibles constituent un cadre d'apprentissage fondamental, structuré ou non.

Loisirs. Les forêts urbaines valorisent considérablement les loisirs de plein air. Les résidents à faible revenu tendent à fréquenter les parcs urbains plus souvent que les citadins plus prospères, car ils n'ont pas les moyens financiers et le temps libre nécessaires pour se rendre dans des aires de détente plus distantes. Pour que les populations à faible revenu puissent en profiter, les forêts et les espaces verts doivent être situés à une distance de parcours à la mesure de leurs moyens et être dotés de tous les aménagements voulus.

La plantation d'arbres offre des occasions d'emploi et d'apprentissage non structuré - Ici, à Baltimore dans le Maryland (États-Unis), des jeunes participent à un projet éducatif de plantation d'arbres dans un parc de la ville - S. GRAHAM

Développement de la conscience communautaire et valorisation de la propriété. La participation publique à la gestion des arbres dans les villes peut contribuer au renforcement des communautés de quartier en offrant aux habitants la possibilité d'œuvrer de concert dans l'intérêt de l'environnement local (NUFU, 1998).

Des études ont montré que le prix des logements augmentait lorsque la propriété était associée à des arbres urbains, plus-value pouvant aller par exemple jusqu'à 5 pour cent à Hong Kong (Webb, 1998) et dans la ville finlandaise de Salo (Tyrvainen, 1999) et atteindre 18 pour cent aux États-Unis (Morales, Micha et Weber, 1983). À Singapour et à Kuala Lumpur, il a été constaté qu'un paysage urbain riche en arbres constituait un élément d'attraction puissant pour de nouvelles entreprises et de nouveaux investisseurs (Kuchelmeister, 1998).

Partenariats innovateurs en faveur de la foresterie urbaine

Citoyens engagés et organisations communautaires

Bon nombre de parcs urbains ne doivent leur conservation et leur aménagement qu'à la participation des résidents et des organisations non gouvernementales (ONG). Cela a été constaté dans des villes aussi différentes que Delhi (Inde); Manille (Philippines); Mexico (Mexique); et New York (États-Unis) (Kuchelmeister, 1999b).

À Yokohama (Japon), l'Office des parcs de la ville et plusieurs associations populaires gèrent ensemble un parc écologique. On peut distinguer deux types d'associations: les associations spécialisées qui s'intéressent à un aspect spécifique de la nature (par exemple, à l'observation d'oiseaux) et celles à vocation non spécialisée dont les membres exercent des activités sociales pendant leur temps libre. Chaque association a des responsabilités clairement définies dans la gestion du parc (Kaneko et Nanbu, 1997).

À Zurich (Suisse), l'administration municipale a encouragé les citoyens à assumer la responsabilité de certains espaces verts (J. Villiger, com. pers., 1999).

Groupes vulnérables à la fois partenaires et bénéficiaires

À Bombay (Inde), une décharge publique délimitée par des bidonvilles d'un côté et un ruisseau pollué de l'autre a été transformée en parc par et pour les enfants de la rue. Ce parc est également utilisé pour des activités d'éducation environne-mentale.

À São Paulo (Brésil), le projet Un million d'arbres a fait intervenir les enfants de la rue qui ont été chargés de l'arrosage des arbres, de leur protection contre les vandales et de campagnes de sensibilisation porte-à-porte. Tous les enfants ont reçu un uniforme, des tickets-repas gratuits, une formation et de l'argent de poche (Kuchelmeister, 1999b).

Au Maroc, une ONG a mobilisé avec l'appui du gouvernement, femmes, écoliers, enseignants et enfants handicapés pour la plantation d'un million d'arbres à l'intérieur et aux alentours de la ville de Rabat, dans le but d'améliorer les conditions de vie et de lutter contre la désertification (CNUEH: Habitat/Together Foundation, 1998).

Partenariats entre le secteur public et le secteur privé

À Sacramento, en Californie (États-Unis), les inquiétudes au sujet de la santé des arbres en une période de compression des fonds municipaux destinés aux soins des arbres sont à l'origine de nouveaux partenariats avec la participation de la Sacramento Tree Foundation, du Municipal Utility District et d'un certain nombre de bénévoles dûment formés à la lutte contre la maladie de l'orme, et celle des résidents à la plantation d'arbres de jardin à économie d'énergie (McPherson et Luttinger, 1998).

Dans bien des pays, les commerçants s'occupent des arbres de rue situés devant leurs magasins ou en parrainent la plantation, en échange d'espaces publicitaires sur les panneaux de protection de l'arbre ou en raison de leur pouvoir d'attraction sur la clientèle. Au Chili, certaines sociétés assurent même le financement et l'entière gestion de parcs publics (BID, 1997).

À São Paulo (Brésil), des contrats pour la plantation d'arbres urbains ont été passés avec des entreprises par appels d'offres publics. L'entreprise adjudicataire vend de petits espaces publicitaires sur les panneaux de protection des arbres pour financer ainsi la plantation des arbres et en tirer un profit. Pour le gouvernement, le seul coût est celui du contrôle du contrat (Zulauf, 1996).

Partenariats entre les villes

La coopération ville-ville au sein d'associations internationales et nationales de municipalités et d'une vaste gamme d'ONG devient un élément important de la coopération au service du développement (Atkinson, 1999). Un certain nombre de ces partenariats portent sur la foresterie urbaine.

Certains accords de jumelage de villes prévoient des activités de foresterie urbaine. Le Gouvernement de Singapour a ainsi apporté une aide dans ce domaine à la ville de Manille (Philippines). Des exemples de coopération Nord-Sud en matière de foresterie urbaine sont les accords passés entre la ville de Guelph (Canada) et celle de Jinja (Ouganda), et entre León (Nicaragua) et Utrecht (Pays-Bas), (Kuchelmeister, 1999b).

Décentralisation des responsabilités

Les politiques de décentralisation et l'urbanisation ont placé les villes au premier plan de l'économie mondiale et modifié les relations entre les villes et les gouvernements fédéraux. Bien des forêts sont aujourd'hui gérées par les municipalités, comme en Bolivie par exemple (Kaimowitz et al., 1997). La redistribution des responsabilités et la création de partenariats entre les différents acteurs ouvrent de nouveaux enjeux et de nouvelles possibilités pour des projets de foresterie urbaine et rurale.

Le gouvernement municipal de Puerto Princesa (Philippines) a décentralisé certaines responsabilités forestières, au niveau des villages, pour une administration et une mise enœuvre plus efficaces des programmes. Encouragé par le succès de l'initiative politique des autorités municipales de Puerto Princesa pour la conservation du riche patrimoine naturel de la ville, le Gouvernement philippin leur a confié la gestion du Parc national de la rivière souterraine Saint Paul, de renommée mondiale, et celle du bassin versant d'Irawan (Kuchelmeister, 1998).

De nouvelles sources de financement pour les forêts urbaines

Comme la nécessité d'un développement considérable des forêts urbaines se heurte à un financement largement insuffisant de la part du secteur public, les capitaux privés sont appelés à jouer un rôle essentiel. Le financement des programmes de foresterie urbaine prévoit de plus en plus souvent une combinaison efficace de fonds publics et privés provenant de sources nationales, municipales et privées. Des sources non conventionnelles de fonds pour le financement de la foresterie urbaine dans les pays en développement peuvent être les suivantes:

    - financement de la gestion des parcs grâce aux revenus tirés des produits des arbres, de la pisciculture et de l'apiculture; vente aux enchères des produits des parcs tels que l'herbe; entrées;
    - exemption ou réduction de l'impôt foncier en retour de la plantation et de la gestion de forêts urbaines de taille réduite;
    - financement de l'implantation d'arbres urbains à travers l'offre d'espaces publicitaires sur les panneaux de protection des arbres;
    - dons philanthropiques en espèces et en nature pour la plantation d'arbres urbains;
    - dons de sociétés en échange de publicité;
    - adoption de lois afin que les promoteurs immobiliers prévoient des espaces verts sur un certain pourcentage de la superficie à aménager;
    - financement de forêts urbaines par des projets de piégeage du carbone.

Perspectives: un paysage arboré pour le millénaire urbain

Un processus d'urbanisation accélérée s'opère actuellement dans les pays en développement. À mesure que les villes s'étendent, les frontières entre les activités urbaines, périurbaines et rurales deviennent plus floues et les différents secteurs se fondent. Les politiques de décentralisation et l'urbanisation placent les villes au premier plan de l'économie mondiale et ont modifié les relations entre celles-ci et les gouvernements fédéraux. Au cours du millénaire urbain, les besoins et l'influence des sociétés urbaines modifieront radicalement les priorités de la recherche-développement dans le domaine de la foresterie.

La foresterie urbaine est une approche moderne de la gestion des arbres dans les villes, qui couvre à la fois la planification à long terme, la coordination professionnelle et la participation locale. La recherche-développement est dominée et fortement influencée par les pays industrialisés, notamment par les États-Unis. Une plus grande concertation s'impose pour développer une foresterie multifonction-nelle appropriée dans les pays en développement.

Au cours du millenium urbain, les professionnels de la foresterie auront besoin d'un meilleur équilibre entre la formation urbaine et la formation traditionnelle et devront avoir les capacités nécessaires pour travailler avec les promoteurs immobiliers, les constructeurs, les autorités municipales, les commissions d'étude et les citadins pauvres.

Les forêts urbaines constituent un atout économique. Lorsqu'elles sont correctement conçues et bien gérées, leurs bienfaits sont tels qu'elles sont considérées de plus en plus souvent comme un élément essentiel de l'infrastructure urbaine, pour un environnement vivable et durable.

D'ici une vingtaine d'années, il y aura plus de pauvres dans les villes que dans les zones rurales. Pour doter les quartiers pauvres de forêts urbaines et en assurer la durabilité, il faut s'attacher au départ à la couverture de nécessités immédiates pour satisfaire des besoins fondamentaux. L'utilisation des ressources multiples des forêts est la meilleure façon d'y parvenir. La communauté de la coopération au service du développement est donc encouragée à ne pas limiter aux seules zones rurales son action dans le domaine de la foresterie.

La foresterie urbaine n'est plus une responsabilité exclusive du secteur public. Les divers partenariats innovateurs entre le secteur public et le secteur privé, mis enœuvre dans le monde entier, sont la démonstration de ce concept nouveau de foresterie urbaine. Le financement des programmes de foresterie urbaine doit prévoir une combinaison efficace de fonds provenant du secteur public et privé. 

Bibliographie


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