ARC/00/INF/4 |
VINGT ET UNIÈME
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Yaoundé (Cameroun), 21 - 25 février 2000 |
DÉCLARATION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL |
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président de la Conférence régionale,
Monsieur le Président indépendant du Conseil,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'être présent parmi vous dans cette belle ville de Yaoundé, à l'occasion de la vingt et unième Conférence régionale de la FAO pour l'Afrique.
Permettez-moi, Monsieur le Président, au nom de tous les participants à cette Conférence, de remercier les plus hautes autorités de la République du Cameroun pour la chaleur de leur accueil et leur hospitalité.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Le monde traverse une période de mondialisation rapide et d'interdépendance croissante, et les frontières s'ouvrent de plus en plus dans le domaine économique.
En 1999, la production céréalière mondiale, évaluée à quelque 1 872 millions de tonnes, devrait être inférieure de un pour cent à celle de 1998, et de deux pour cent par rapport à 1997, qui était toutefois une année record. La seule augmentation attendue concerne le riz, tandis que les récoltes de blé et d'autres céréales seront moins abondantes.
Pour la première fois en quatre ans, la consommation céréalière prévue dépassera la production, ce qui entraînera un prélèvement de 8 millions de tonnes sur les stocks qui se situeront alors à 334 millions de tonnes, soit un rapport stocks-utilisation de 17,4 pour cent, qui reste dans les limites de la marge de sécurité de 17 à 18 pour cent.
Il serait donc logique de voir, pendant la campagne de commercialisation 1999/2000, une augmentation de plus de trois pour cent des échanges céréaliers mondiaux, qui atteindraient 222 millions de tonnes. Cependant, les cours de céréales sur les marchés mondiaux restent en général inférieurs à ceux de l'année dernière, ce qui est positif pour les pays à faible revenu et à déficit vivrier.
Un autre signe encourageant provient du secteur des pêches, où l'on a constaté un redressement partiel de la production en 1999 après les lourdes pertes de l'année précédente.
Toutefois, l'élément le plus positif est une réduction de 40 millions du nombre total des personnes sous-alimentées dans les pays en développement entre 1990-92 et 1995-97, comme l'indique le premier rapport FAO sur L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde. Cette réduction d'environ 8 millions de personnes par an en moyenne est encourageante, mais elle est encore bien inférieure au chiffre de 20 millions requis pour atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation.
Dans un contexte mondial où le nombre des personnes sous-alimentées dans les pays en développement est en baisse, mais de façon insuffisante et inégale, 35 pays dans le monde ont dû faire face à des crises alimentaires en 1999. Dans les années 70 et 80, les crises alimentaires étaient surtout le résultat de catastrophes naturelles, mais ces dernières années, les catastrophes provoquées par l'homme, y compris la guerre, les troubles intérieurs et les crises financières et économiques, sont devenues plus fréquentes.
En Afrique, les guerres civiles et les sécheresses récurrentes sont les causes principales des situations d'urgence, tandis qu'en Asie, des millions de personnes ont acheté moins d'aliments de base du fait de la baisse de leur pouvoir d'achat, résultant de la crise financière de 1997/1998. En Amérique latine, la plupart des pays se relèvent à peine des destructions provoquées par le phénomène El Niño et l'ouragan Mitch en 1998 , aggravées en 1999 par un grave cyclone et des inondations catastrophiques au Venezuela. Au Proche-Orient, la sécheresse la plus grave depuis des décennies a compromis la production vivrière de plusieurs pays en 1999.
La FAO, qui doit d'abord évaluer la situation de l'alimentation et de l'agriculture et les besoins d'aide alimentaire, et faire ensuite rapport à la communauté internationale a eu à utiliser intensément le Système mondial FAO d'information et d'alerte rapide sur l'alimentation et l'agriculture. Le Système collabore aussi avec un très vaste réseau d'organisations gouvernementales et non gouvernementales, notamment le PAM et le PNUD.
Dans les situations d'urgence, la FAO doit aussi participer à la relance de la production agricole dans le cadre d'appels communs en faveur de l'aide humanitaire, notamment en fournissant une assistance directe aux agriculteurs. En 1999, le Service des opérations spéciales de secours de la FAO a fourni une assistance d'urgence dans 67 pays. Les ressources disponibles à cette fin ont régulièrement augmenté ces dernières années passant de 98 millions de dollars E.-U. en 1998 à 186 millions de dollars E.-U. en 1999.
La FAO exécute à l'heure actuelle 72 projets d'urgence pour un montant total de 31 millions de dollars E.-U. dans 25 pays d'Afrique. L'assistance consiste à distribuer des semences et des outils, à mener des actions de lutte contre les maladies et ravageurs transfrontières, à fournir une assistance aux pêches artisanales, à reconstituer le cheptel et à prendre d'autres initiatives qui aident les agriculteurs à retrouver leur capacité de production et à réduire leur dépendance vis-à-vis de l'aide alimentaire.
Mais, le monde fait aussi face à d'autres "crises" portant sur la qualité des produits alimentaires, et les risques liés au progrès rapide dans les biotechnologies. La maladie de "la vache folle", et la dioxyde dans la filière alimentaire ainsi que les conflits relatifs au commerce des organismes génétiquement modifiés constituent des motifs sérieux de préoccupation pour les gouvernements et les opinions publiques.
La FAO devra jouer un rôle plus grand dans l'établissement de normes internationales sur une base scientifique et dans la diffusion d'informations objectives sur les risques éventuels et les mesures de protection.
A cet effet, la Commission des ressources génétiques, prépare activement des Codes de conduite. Les programmes de la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l'alimentation et l'agriculture vont être élargis au Codex Alimentarius, aux questions phyto et zoo sanitaires, ainsi qu'aux problèmes de biotechnologies. Quant aux questions d'éthique, elles sont examinées par un comité interne avec l'appui d'un groupe d'experts internationaux.
Venons-en maintenant à l'Afrique. Au cours de ces trois dernières années, l'économie d'un certain nombre de pays d'Afrique a continué à croître, malgré le ralentissement du commerce mondial et la reprise des troubles civils. Les premières conséquences de la crise asiatique ont été moins fortes sur ce continent qu'ailleurs, à l'exception de l'Afrique du Sud. La production vivrière, les petites entreprises et le commerce intra-africain continuent à se développer. Cette croissance résulte des initiatives des gouvernements pour créer des incitations pour les investisseurs, mieux gérer les ressources publiques et promouvoir la fourniture par le secteur privé de biens et de services .Un tel effort ne peut être soutenu que dans un climat de stabilité politique, de démocratisation et de décentralisation.
En Afrique, l'agriculture reste encore le secteur dominant et son relèvement en 1998 et 1999 a été déterminant pour la croissance du PIB. De bonnes conditions météorologiques et les réformes, pour améliorer la disponibilité et la distribution d'intrants modernes, ainsi que l'accès au crédit, ont contribué à ces résultats. Cependant, la suppression des subventions et la réduction des services publics de vulgarisation ont eu un impact négatif sur les petits producteurs agricoles. En outre, les efforts des pays d'Afrique en vue de parvenir à l'autosuffisance alimentaire ont été freinés par le déclin du soutien des donateurs aux projets de développement rural, et par la réduction des investissements dans les services sociaux ruraux.
En 1998-99, le taux de croissance de la productivité agricole a été plus faible que celui de la population, estimé à 3%, entraînant des pressions très fortes sur les terres et autres ressources naturelles. La croissance de la production pendant cette période est donc imputable à l'expansion des superficies cultivées.
Ce taux a été d'environ 1 pour cent pour les céréales, 5,2 pour cent pour les racines et tubercules, 5,7 pour cent pour les légumineuses et 4,2 pour cent pour les cultures oléagineuses. L'expansion des superficies a contribué à cette croissance de la production pour 30 pour cent en ce qui concerne les céréales, 86,5 pour cent pour les racines et tubercules, 50,9 pour cent pour les légumes secs, 59,5 pour cent pour les cultures oléagineuses.
Pour les cultures telles que les légumes et les fruits, les taux de croissance de la production ont été, respectivement, de 1,2 et 0,4 pour cent, et ceci est strictement associé à l'expansion des superficies, puisque les rendements ont baissé de 0,5 pour cent par an pour les légumes et de 0,6 pour cent pour les fruits.
La production de l'élevage a augmenté, pendant la période 1998/99, à des taux annuels de 1,1 pour cent pour la viande et de 1,7 pour cent pour le lait.
La faiblesse des rendements perdure donc malgré des investissements importants consentis en matière de recherche et de vulgarisation en Afrique de la part des donateurs qui ont en général contribué à hauteur de 40 pour cent au financement de la recherche. Des rendements élevés continuent d'être observés dans les stations expérimentales et les parcelles de démonstration, mais les produits et technologies mis au point par les centres internationaux de recherche agronomique (CIRA) et les systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA) n'ont pas encore été largement adoptés par les agriculteurs. Le Programme spécial pour la sécurité alimentaire lancé par la FAO qui est en cours d'exécution dans un nombre croissant de pays d'Afrique, s'efforce notamment, de trouver une solution durable à cette situation.
Permettez-moi aussi de mentionner qu'au cours des deux années écoulées, la communauté africaine de recherche agricole et ses partenaires ont décidé de faire mieux. Sous les auspices du Programme spécial pour la recherche agricole en Afrique, ils ont élaboré une Vision afin que la recherche agricole soit le moteur de la lutte contre la pauvreté, et favorise la sécurité alimentaire et la croissance économique. Cette Vision prône des réformes pour responsabiliser les parties prenantes et faire en sorte que les institutions de recherche soient axées sur la demande. Elle souligne la nécessité d'un financement durable, et d'une intégration régionale renforcée pour que la recherche agricole soit plus efficace en Afrique.
Les importations vivrières annuelles au niveau des circuits commerciaux ont enregistré une augmentation rapide pour combler le déficit entre la production vivrière et la demande locale. Ainsi, les augmentations ont été de 15,1 pour cent pour les céréales, de 6,5 pour cent pour les produits laitiers. On constate donc une dépendance croissante vis-à-vis de l'extérieur si on ajoute l'aide alimentaire à ces importations.
Bien que l'insécurité alimentaire ait augmenté, des progrès sensibles ont été réalisés dans certains pays. Selon le rapport FAO sur L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 1999, 22 des 40 pays qui ont fait des progrès sensibles pour atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation se trouvent en Afrique. De plus, les 5 pays qui ont, dans le monde, enregistré les plus grandes réductions de la malnutrition se trouvent en Afrique.
Dans ce contexte la FAO a renforcé son assistance technique aux États Membres, dans les domaines relatifs à la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et l'utilisation durable des ressources naturelles.
Les activités de la FAO en 1998/99 ont été centrées, notamment, sur les recommandations de la vingtième Conférence régionale qui a eu lieu à Addis-Abeba en février 1998.
En outre, au cours du biennium, l'Organisation a continué à fournir une aide technique aux États Membres de la région dans les domaines suivants:
- à 35 États Membres pour l'établissement de politiques, stratégies, plans d'action et programmes d'investissement en vue du développement agricole et rural; et
- aux États Membres pour renforcer leurs capacités institutionnelles et permettre leur participation active et efficiente aux cycles de négociations de l'OMC. Deux ateliers régionaux ont déjà été organisés à l'intention de 11 pays francophones de la CEDEAO et de cinq pays d'Afrique du Nord. D'autres ateliers sont prévus lors du premier semestre de cette année pour les pays anglophones de la CEDEAO, les pays de la SADC et ceux de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Un atelier pour les autres pays anglophones d'Afrique et pour des membres de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) est programmé pour cette année.
- l'Organisation de deux réunions d'experts et l'assistance à 14 pays pour la préparation de programmes viables d'aquaculture, l'évaluation et la gestion des ressources halieutiques importantes, dans le cadre d'un atelier et de trois groupes de travail;
- l'exécution d'un projet de réduction des incidences négatives sur l'environnement de la pêche à la crevette et au chalut; de formation sur les techniques de pêche durables, la qualité et l'hygiène des produits de la pêche;
- la mise en application du Code de conduite pour une pêche responsable, grâce à l'organisation de deux conférences, d'un séminaire et de trois ateliers.
S'agissant des Systèmes de prévention et de réponse rapide (EMPRES), les activités menées portaient sur :
A ce jour, le Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) est pleinement opérationnel dans 30 pays et est en cours de formulation dans 14 autres pays d'Afrique. Dans ce cadre, l'Organisation a lancé un mécanisme de coopération trilatérale entre les pays africains, d'autres pays en développement et la FAO, conforme à l'esprit de l'initiative de coopération Sud-Sud. À ce jour, les pays participants sont la Chine, Cuba, l'Inde et le Viet Nam, ainsi que deux pays africains, l'Égypte et le Maroc.
La mise en place du Système d'information et de cartographie sur l'insécurité alimentaire et la vulnérabilité (SICIAV), est en cours sur le plan international et en particulier sur le plan national, avec la pleine coopération des partenaires du système des Nations Unies dans le cadre d'un comité interinstitutions. Les premières activités ont débuté dans huit pays en 1999. Le SICIAV facilite ainsi la conception et l'exécution de politiques et de programmes appropriés pour la lutte contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté.
Monsieur le Premier Ministre,
Excellences,
Mesdames et Messieurs
La vingt et unième Conférence régionale se propose d'examiner des questions fondamentales pour la lutte contre l'insécurité et la vulnérabilité alimentaires ainsi que la dégradation des ressources naturelles en Afrique. Dans ce cadre, vous aurez à étudier :
Monsieur le Premier Ministre,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez devant vous une tâche importante et exaltante dans la lutte contre la faim et la pauvreté sur le continent. J'attends donc avec grand intérêt le résultat de vos délibérations et souhaite vivement que vos travaux soient couronnés de succès.