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Le problème du bois en Europe

Douze mois se sont écoulés depuis la publication par la FAO d'un numéro spécial d'UNASYLVA consacré à la Conférence du bois, qui s'est tenue à Mariaské-Lazné en 1917, et aux problèmes européens de la sylviculture et du bois.

L'article qui suit résume en termes généraux l'évolution de la situation du bois depuis cette époque. Il a été préparé par la Division de la recherche et des programmes de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, en collaboration avec le personnel du Groupe de travail forestier de la FAO en Europe.

PARMI les facteurs qui retardent la reconstruction économique d'après-guerre en Europe, la pénurie de bois reste l'un des plus importants. L'insuffisance des approvisionnements de bois constitue un obstacle sérieux à l'exécution des programmes de reconstruction établis pour remédier à l'extrême le déficit en logements résultant des dévastations causées par les hostilités et de l'arrêt des constructions nouvelles pendant la guerre. Sans parler des problèmes humains et sociaux que pose une telle situation, cet état de choses signifie également que la productivité industrielle est toujours en sommeil. Dans bien des cas, les investissements industriels sont fonction des possibilités de logement approprié pour les ouvriers. En dehors de la construction - qui à elle seule absorbe la plus grande quantité de bois - un approvisionnement suffisant en bois de mine et en traverses de chemins de fer est indispensable au développement de la production de charbon et à la reconstruction du système de transport. Dans l'un et l'autre cas, la dépendance est réciproque: tout comme la production de charbon et les transports sur rail dépendent des approvisionnements en bois, la production de bois subit l'influence défavorable de la pénurie de charbon et de coke, ce qui veut dire que la main-d'œuvre devra être affectée à la coupe des bois pour la combustion. tandis que dans certains cas importants, la production de bois d'œuvre sera entravée par une pénurie de moyens de transport.

Contrairement à la pénurie qui affectent certains autres produits importants, tels que le charbon et l'acier, il est probable que celle du bois se fera sentir encore en Europe pendant un assez grand nombre d'années.

On s'est efforcé dans les pages qui font suite de rendre compte des faits et des tendances les plus importants ayant une influence sur la situation présente et future du bois en Europe, ainsi que des activités entreprises par la FAO et par la Commission économique pour l'Europe, en vue de résoudre, au moyen de la coopération internationale, certains des problémes à court et à long terme qui se posent pour le bois.

MODIFICATIONS DANS LA PRODUCTION ET LE COMMERCE

On trouvera dans le tableau 1 une comparaison d'ordre général de la production et du commerce de l'Europe, avant et après la guerre, en bois de construction.

Avant la guerre, les importations nettes de sciages résineux en Europe (U.R.S.S. comprise) ne représentaient qu'un faible pourcentage de la consommation totale. Comme au même moment les exportations nettes de pâte de provenance européenne représentaient un volume légèrement plus important de bois rond, on serait justifié de dire que les ressources de l'Europe étaient plus que suffisantes pour couvrir ses besoins.

La situation d'après-guerre se caractérise par une diminution importante de la production de bois en Europe (U.R.S.S. non comprise) et par la réduction d'environ 30%, par rapport au volume d'avantguerre, des importations nettes en provenance de l'U.R.S.S. et de l'ensemble d'autres régions non européennes. La diminution de la production domestique se fait surtout sentir dans les pays exportateurs, tandis que certains pays dépendant de leurs importations accusent une augmentation marquée.

Le déclin des approvisionnements pour l'ensemble de l'Europe, à une époque où la demande s'accroît rapidement, a en outre été accompagné par une altération radicale de la physionomie du commerce. En premier lieu, les exportations en provenance de l'U.R.S.S. (lesquelles avant la guerre représentaient presque un tiers du total des exportations des pays d'Europe) ont virtuellement cessé, et les exportations en provenance des autres pays d'Europe orientale ont été réduites dans de grandes proportions. De même, comme ils n'ont pas été dévastés par la guerre - ou ne l'ont été qu'à un degré moindre - les pays septentrionaux exportateurs de bois réservent maintenant pour leur consommation domestique une part plus importante d'une production déjà réduite.

Ce déclin important des exportations a eu pour résultat une répartition très inégale des disponibilités de bois entre pays exportateurs et importateurs. La dernière colonne du tableau 1 montre que, pour le bois, la diminution de l'offre par: rapport à la demande d'avant-guerre est d'environ 30% pour l'Europe (l'U.R.S.S. non comprise). Dans certains cas néanmoins, les pays importateurs n'ont reçu que 60% de leurs approvisionnements d'avant-guerre, alors que dans certains pays exportateurs, la consommation de bois d'œuvre a été bien supérieure au niveau de la même période. Cela ne veut pourtant pas dire que. même dans ces derniers pays, les approvisionnements d'après-guerre suffisaient à satisfaire les besoins les plus essentiels. Parmi les pays autrefois exportateurs figurent des pays dont la consommation de bois était anormalement faible avant la guerre et dont les besoins sont maintenant anormalement élevés en raison des dévastations causées par les hostilités.

Ces quelques faits devraient suffire à montrer que la pénurie de bois en Europe atteint une ampleur telle qu'il est indispensable d'attaquer le problème sur toutes ses faces à la fois. Du côté approvisionnements, les problèmes consistent à stimuler la production dans les forêts, à veiller à ce que la meilleure utilisation possible soit faite du bois rond susceptible d'entrer dans la production de bois d'œuvre, et enfin à combler une partie du déficit en accroissant les approvisionnements provenant des pays d'outre-mer. Du côté demande, le problème consiste en premier lieu à réaliser le maximum d'économies dans la conversion et l'utilisation du bois, et à assurer ensuite parmi les pays d'Europe une répartition plus équitable et plus économique des disponibilités.

POSSIBILITÉS D'ACCROÎTRE LES APPROVISIONNEMENTS

Ressources forestières de l'Europe

Bien longtemps avant la guerre, la productivité des forêts européennes semblait déjà décliner. Cela est particulièrement vrai pour la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Roumanie et les pays Baltes.

La guerre a beaucoup accéléré cette détérioration, en partie en raison de la dévastation directe qu'ont subie les forêts, les scieries et les usines de conversion du bois et dans des proportions beaucoup plus fortes- en raison des coupes excessives qui ont été pratiquées C'est en Pologne, sous l'occupation allemande, que les dommages de cette nature ont atteint le maximum de gravité. En Allemagne même, les coupes annuelles ont été estimées à environ 150% de l'accroissement annuel depuis 1935. Parmi les importantes régions excédentaires, seuls les pays du nord ont pu traverser les années de guerre sans que leur capital forestier ait subi des dommages trop sérieux. 1

1 Pour des renseignements plus détaillés, voir Forestry and Forest Products, World Situation 1937-46 (Situation mondiale des forêts et des produits forestiers, 1937-46) et les «Ressources forestières du mondes», UNASYLVA, VOL II, N° 4.

En raison de l'importance des prélèvements ainsi effectués sur les ressources forestières de l'Europe, il ne saurait être question de combler complètement le déficit actuel des approvisionnements de bois en Europe par une augmentation des coupes dans les régions déjà en cours d'exploitation. Bien au contraire, il faudra bientôt réduire la production si l'on veut épargner des dommages trop graves aux ressources forestières. Etant donné l'extrême pénurie actuelle' il se peut qu'une certaine surexploitation soit jugée utile, et des accords internationaux ont été passés pour réglementer une telle surproduction. Il n'en est pas moins évident que la durée d'une mesure de crise de ce genre devra être strictement limitée et compensée plus tard par une réduction des coupes, ainsi que par des plantations nouvelles et par l'application de méthodes de sylviculture plus efficaces dans les forêts existantes.

Il résulte de tout cela que la seule manière de faire face aux besoins de l'Europe au moyen d'approvisionnements locaux semble être la mise en exploitation de forêts encore inexploitées. Mais les forêts de la plupart des pays d'Europe font déjà l'objet dans une certaine mesure de systèmes d'aménagement et les forêts situées dans le territoire européen de l'U.R.S.S. sont exploitées à l'extrême limite - et peut-être davantage - pour faire face au gigantesque programme de reconstruction de l'Union soviétique. Les vastes régions de forêts inexploitées de l'U.R.S.S. se trouvent presque toutes en Asie et leur mise en valeur constipe tuterait une opération de la plus grande envergure impliquant des déplacements démographiques, d'enormes investissements de capitaux et la construction de nouveaux ports, de nouvelles routes et de nouvelles voies ferrées. Le surplus de production de bois provenant de ces sources pourrait difficilement arriver sur le marché avant les trois ou cinq années qui suivront les débuts d'une pareille entreprise. Il semble cependant tout à fait évident que l'économie du bois de l'Europe ne pourra s'équilibrer que si l'Union soviétique reprend sur le marché occidental du bois la place qu'elle occupait avant la guerre.

TABLEAU 1. - PRODUCTION, COMMERCE ET CONSOMMATION DE SCIAGES (BOIS TE:NDRES*) (1,000 standards)

 

1937

1947

Production

Importations nettes ou exportations (-)

Quantités disponibles pour la consommation

Production

Importations nettes ou exportations (-)

Quantités disponibles pour la consommation

Consommation de 1947 exprimée en pourcentage de 1937

Iles Britaniques

79

2,446

2,525

78

1,440

1,518

60

Europe occidentale 1

586

933

1,519

785

574

1,359

90

Allemagne 2

1,084

731

1 815

1,132

-616

516

...

Pays de l'Europe centrale et méridionale (importateurs) 3

381

620

1,001

533

206

739

75

Norvège

358

-51

307

275

-50

225

75

Suède

1,557

-820

737

1,200

-409

791

105

Finlande

1,330

-1,045

285

710

-474

236

85

Pays de l'Europe centrale et mèridionale (exportateurs) 4

2.935

-1,377

1,558

1,937

-319

1,618

105


Total de l'Europe (l'U.R.S.S. non comprise)

8,310

-1,437

9,747

6,650

-352

7,002

70

U.R.S.S.

7,250

-1,362

5,888

56,000

5-30

55,970

...


TOTAL POUR L'EUROPE

15,560

75

15,635

12,650

322

12,972

...

SOURCE: Statistiques du bois FAO/CEE 1946/47, révisées par la FAO
*Les renseignements relatifs au commerce comprennent les grumes de sciages exprimées en équivalents de sciages.
1 Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, France, Danemark.
2 Les trois zones occidentales seulement.
3 Suisse, Hongrie, Italie, Grèce, Turquie.
4 Yougoslavie, Roumanie, Bulgarie, Pologne, Tchécoslovaquie, Autriche, Portugal.
5 Estimations.

Obstacles à la production

Main-d'œuvre. La future production de bois en Europe a jusqu'à présent été envisagée du point de vue des limités imposées par les disponibilités en ressources forestières, ainsi que par la nécessité d'éviter toute nouvelle détérioration de ces ressources. D'autres obstacles sérieux se sont opposés depuis la guerre à une production maximum.

C'est dans le domaine de la main-d'œuvre, du matériel d'exploitation et de transport, et de la restauration des scieries qu'ont été éprouvées les principales difficultés. En outre, le volume de bois disponible sous forme de bois d'œuvre s'est trouvé réduit à cause de la pénurie de combustible et de la concurrence exercée par l'industrie de la pâte.

Dans les pays septentrionaux en particulier, la pénurie de main-d'œuvre a constitué le facteur le plus important qui ait contribué à limiter la production de bois d'œuvre depuis la guerre. Il n'est pas surprenant à une époque de rareté générale de la main-d'œuvre que cette pénurie se fasse sentir avec le maximum d'acuité dans les occupations exigeant la plus grande somme d'efforts physiques et, souvent, une vie monotone dans des forêts perdues. Dans certains pays, en Autriche et en Finlande par exemple, le manque d'approvisionnement a également mis obstacle au recrutement des ouvriers forestiers qui ont besoin d'un régime de haute teneur calorique ainsi que de vêtements chauds et solides. Dans d'autres pays, comme la Tchécoslovaquie, les déplacements démographiques qui se sont produits après la guerre ont contribué à aggraver la pénurie de main-d'œuvre dans les exploitations forestières. Les variations saisonnières qui se produisent dans les travaux d'exploitation des forêts ajoutent encore aux difficultés que rencontre le recrutement de la main-d'œuvre, à une période où des emplois permanents sont faciles à trouver dans d'autres industries. Il est possible que la concentration des travaux de sylviculture et d'entretien des forêts pendant l'intersaison, entre les opérations effectives d'exploitation, pourrait faciliter l'embauchage permanent pour toute l'année d'un grand nombre d'ouvriers forestiers expérimentés.

La pénurie générale de main-d'œuvre a, comme on le sait trop bien, donné lieu à d'importants changements dans le rapport des salaires en faveur des occupations plus pénibles et plus rebutantes. Il s'est produit un relèvement général des niveaux des salaires payés dans les exploitations forestières par rapport aux occupations urbaines. Il semble toutefois que même ces augmentations de salaires, pour considérables qu'elles soient, n'arrivent pas à atténuer la pénurie de main-d'œuvre dans les industries moins attrayantes, tout au moins en ce qui concerne le recrutement des jeunes travailleurs. L'analogie entre le problème de la main-d'œuvre dans les forêts scandinaves et dans les mines de charbon anglaises est évidente. En Norvège, par exemple, la pénurie de main-d'œuvre dans les exploitations forestières est aiguë, bien que les salaires payés dans ces exploitations aient triplé par rapport aux niveaux d'avant-guerre; alors que les salaires payés dans l'industrie n'ont fait que doubler.

Equipement. La pénurie d'outillage est nettement fonction de celle de la main-d'œuvre. L'introduction d'innovations techniques, aussi bien pour l'abattage que pour le transport du bois en forêt (par exemple, le remplacement de la scie à main par la scie méearlique, ainsi que l'utilisation de tracteurs, de câbles aériens et de traîneaux), atténuerait les pénuries de main-d'œuvre tout en relevant le rendement des ouvriers et en faisant de l'exploitation forestière une occupation moins pénible et par conséquent plus séduisante.

Il serait également possible d'améliorer considérablement les scieries du point de vue technique, ce qui permettrait de réaliser des économies appréciables de main-d'œuvre et de matières premières. On a estimé par exemple que dans certains pays la production de bois des scieries pourrait être accrue dans une proportion allant jusqu'à 10%, par l'emploi de lames de scies plus minces. Même dans les pays techniquement plus développés, tels que la Suède, la mise en service d'un nouveau matériel mécanique (pour le séchage et le transport du bois, par exemple), a permis de réaliser des économies très importantes de main-d'œuvre. Il va sans dire que la pénurie générale de maind'œuvre et le relèvement des salaires devraient stimuler l'adoption de nouvelles méthodes.

A part la nécessité de procéder à des améliorations techniques, la majeure partie des pays producteurs ont également un besoin urgent de matériel d'exploitation et de scierie, en raison des destructions et du manque d'entretien dont les forêts ont eu à souffrir pendant la guerre. Il se peut qu'en U.R.S.S. la fourniture de matériel facilite grandement l'augmentation de la production. L'accord commercial anglo-soviétique, conclu en décembre 1947, prévoit des exportations importantes de matériel forestier vers l'U.R.S.S.; il en va de même pour un autre accord commercial passé avec la Suède. Selon le rapport présenté à Paris par les pays faisant partie du CCEE (Comité pour la coopération économique en Europe), les besoins d'importation en matériel d'exploitation (y compris le transport du bois) et de scierie ont été évalués à 80 millions de dollars pour les années 1948-51, dont 57 millions en provenance des Etats-Unis. A la suite des hausses de prix subies par les articles les plus essentiels, il a fallu abaisser de plus en plus les priorités dont bénéficiaient les achats de matériel forestier, et on peut douter que les livraisons américaines soient très importantes.

Quoi qu'il en soit, l'ensemble du problème de la modernisation et de la mécanisation des industries forestières suscite de plus en plus l'attention, tant en Europe qu'en Amérique. Le besoin d'une coopération internationale se fait fortement sentir dans ce domaine, aussi bien pour surmonter les difficultés de change qui empêchent certains pays de procéder à des importations d'équipement moderne et par là même d'augmenter leurs disponibilités de bois pour l'exportation, que pour diffuser des connaissances acquises relativement aux expériences effectuées au moyen de nouvelles méthodes techniques. Comme on le verra plus loin, le Comité mixte européen du bois FAO/CEE estime que l'une des premières tâches dont il aura à s'acquitter consiste à aider les pays produc teurs à se procurer le matériel qui leur permettra d'augmenter leur production et leurs exportations de bois.

Transport

Les besoins en matériel nouveau sont, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, tout particulièrement aigus dans le domaine des transports. Les voies ferrées et les camions ont été détruits ou mis hors d'usage, et certains pays suffrent d'une pénurie très grave de chevaux et de fourrage, ce qui explique que bien souvent le bois abattu doive être laissé sur place en raison du manque de moyens de transport. Ces difficultés se sont trouvées aggravées du fait que dans certains pays la surexploitation sous l'occupation allemande a été plus intense dans les peuplements les plus accessibles, c'est-à-dire près des rivières et autres voies d'évacuation. L'exploitation intensive des régions forestières d'accès plus difficile dans le centre et le sudest de l'Europe - opération qui pourrait être avantageuse à l'heure actuelle où les prix du bois sont très élevés exigerait des disponibilités plus importantes de matériel de transport en général et parfois de matériel d'un type spécialisé.

Concurrence avec d'autres produits du bois

En dehors des restrictions imposées par les quantités qu'il est possible de couper et de transporter, il faut également considérer, au stade suivant de la production, le problème des différentes utilisations concurrentes du bois.

Le bois de combustion représentait avant la guerre environ 42% du volume total coupé en Europe ( U.R.S.S. non comprise ) . La pénurie de charbon et d'essence, pendant et après la guerre, a rendu nécessaire une augmentation de la production de bois de combustion allant jusqu'à 50% du total coupé, et cette production inusitée qui absorbait une proportion importante de la main-d'œuvre et des moyens de transport a porté un coup sérieux à la production de bois d'œuvre.

Comme on le verra plus loin, la CEE a pris des mesures pour affecter les excédents de coke aux pays qui pourront, grâce à ces approvisionnements, réduire le volume de leurs coupes de bois de combustion et augmenter ainsi leurs exportations de bois d'œuvre, et on a tout lieu de croire que dans l'ensemble, la production de bois de combustion reviendra vraisemblablement à un niveau plus normal à mesure qu'augmenteront les approvisionnements de charbon en Europe.

Il n'en va pas de même pour l'autre utilisation importante du bois rivalisant avec les sciages, c'est-à-dire l'industrie de la pâte. Il s'est produit depuis quelques dizaines d'années une augmentation constante de la production de pâte en raison de l'accroissement de la consommation de papier (notamment du papier d'emballage) et - dans les récentes années - du développement de la production de la rayonne et autres produits synthétiques à base de pâte. On a estimé que le bois de pâte représentait avant la guerre environ 15% du volume total des coupes en Europe (U.R.S.S. non comprise ) .

Le tableau 2 montre la production, les exportations et la consommation de pâte et de papier pour les trois pays scandinaves qui, avant la guerre, fournissaient 60% de la production de pâte en Europe (U.R.S.S. non comprise). On peut se rendre compte que là réduction relative de la production de sciages et de pâte, par rapport à la situation d'avant-guerre, est à peu près la même, et que dans l'un et l'autre cas les exportations ont accusé une baisse plus sensible que la production, si bien qu'il est devenu possible de consacrer à la consommation domestique des quantités beaucoup plus importantes, et enfin, que les exportations de pâte ont subi une réduction beaucoup plus forte que les exportations de papier.

TABLEAU 2. - PRODUCTION, EXPORTATIONS ET CONSOMMATION DE SCIAGES, DE PÂTE ET DE PAPIER

Finlande, Norvège et Suède

Sciages (bois tendres) (millions de standards, y compris les planches de caisserie)

1937

1947

1947(exprimé en pourcentage de 1937)

1. Production

3.2

2.2

69

2. Exportations

11.9

0.9

47

3. Consommation domestique apparente

1.3

1.3

100

Pâte papier et carton (millions de tonnes)

4. Production de pâte

6.8

4.9

72

5. Exportations de pâte

4.7

2.8

60

6. Exportations de papier et de carton

1.6

1.4

88

7 Total des exportations de pâte et de produits dérivés (5+6) (tonne pour tonne)

6.3

4.2

67

8. Consommation domestique apparente (4-7)

0.5

0.7

140

SOURCE: Division de la recherche et des programmes, Commission économique pour l'Europe.

On s'est efforcé, dans le tableau 3, d'estimer la production et le commerce de la pâte et du papier pour l'ensemble de l'Europe. D'après ces chiffres, la production totale de pâte en 1947 est descendue à 57% du volume correspondant de 1937, et le total des exportations de pâte et de papier en provenance des pays d'Europe a décliné dans des proportions légèrement plus importantes. On peut se rendre compte encore que dans le commerce intereuropéen, la réduction des exportations de pâte et des produits dérivés de la pâte est à peu près la même, ce qui s'explique par le fait que la tendance des pays producteurs- que nous avons mentionnée plus haut d'exporter du papier plutôt que de la pâte, est contrebalancée par la réduction des exportations de papier en provenance des pays dépendant des importations de pâte. En ce qui concerne d'autre part les exportations aux pays d'outre-mer, il s'est produit un changement marqué en faveur des exportations de produits à un stade de fabrication plus avancé, les exportations de pâte ayant baissé à 49%, par rapport au volume d'avant-guerre, par comparaison avec un déclin de 64% pour le papier.

La consommation totale de papier et de carton est estimée à 5,4 millions de tonnes en 1947, soit environ 60% de la consommation de 1937. Ce chiffre englobe les estimations relatives à la production et au commerce de l'Allemagne. Si l'on met cette dernière à part, il apparaît (voir tableau 4) que la consommation de papier en 1947 ne représentait que 70% de celle d'avant-guerre. Pour la même région (Europe, à l'exclusion de l'U.R.S.S. et de l'Allemagne), la consommation de sciages (bois tendres) fut d'environ 80% par rapport à celle d'avant-guerre. De même que pour le bois d'œuvre, le niveau d'après-guerre de la consommation de papier présente des différences assez frappantes de pays à pays. Alors que les pays producteurs du nord - ainsi qu'on l'a déjà mentionné - ont consommé en 1947 beaucoup plus de papier qu'avant la guerre, la plupart de ceux qui dépendent des importations de pâte et de papier ont réduit leur consommation de façon radicale. C'est le cas, notamment du Royaume-Uni, qui, en temps normal, est le plus grand consommateur de papier de l'Europe.

TABLEAU PÂTE DE BOIS ET PRODUITS DÉRIVÉS Europe (U.R.S.S. non comprise)

SOURCE Division de la recherche et des programmes Commission économique pour l'Europe
1 Production de pâte, déduction faite des exportations nettes de pâte, de papier et de carton (tonne pour tonne).

TABLEAU 4. - CONSOMMATION DE SCIAGES ET PRODUITS DÊRIVÊS DE LA PÂTE

 

Sciages (bois tendres)

Paper et carton

1937

1947

1947 exprimé en pourcentage de 1937

1937

1947

1947 exprimé en pourcentage de 1937

(1.000 standards)


(1.000 tonnes)


Royaume-Uni

2.440

1.490

61

3.100

1.280

41

Europe continentale (Allemagne et U.R.S.S. non comprises)

5.400

5.100

94

4.110

3.680

90


TOTAUX MOYENNES

7.840

6.590

84

7.210

4.960

69

Source: Division de la recherche et des programmes, Commission économique pour l'Europe.

Il est extrêmement difficile de déterminer dans quelle mesure la répartition effective de la production de bois entre le bois d'œuvre et la pâte à papier est rationnelle du point de vue de la reconstruction de l'Europe. Il est cependant évident que les industriels, tout comme les autorités des pays producteurs, se trouvent amenés par des stimulants puissants à favoriser les allocations de bois aux fabricants de pâte plutôt qu'aux scieries. Bien que l'augmentation des prix- par rapport à la période d'avantguerre-soit à peu de chose près du même ordre pour le bois d'œuvre que pour la pâte et le papier, ² le fait que les usines de pâte représentent un capital relativement plus fixe que les scieries est cause qu'il soit plus avantageux d'allouer des matières premières à celles-là plutôt qu'à celles-ci, étant donné qu'une certaine partie de la capacité de production devra! de toute façon rester inutilisée en raison de la baisse de la production forestière. Toutefois, beaucoup plus important peut-être est le fait que la pâte comme le papier font l'objet d'une demande très importante dans les pays à devises fortes.

² A l'exception toutefois du papier journal dont le prix a subi une hausse beaucoup plus considérable que celui de IA pâte et autres produits dérivés.

Bien que les prix payés en Amérique pour la pâte d'origine européenne aient subi récemment une baisse, il reste probable que les exportations de pâte et de papier vers ce continent auront tendance à augmenter, ce que réalisent déjà en partie les pays producteurs eux-mêmes en réduisant leur consommation de papier (la Suède en est un exemple) et en partie peut-être également en diminuant les exportations vers d'autres pays d'Europe. Dans la mesure cependant où un accroissement des exportations de pâte et de papier vers l'Amérique est une alternative à l'accroissement de la répartition du bois à l'intérieur de l'Europe, on peut se demander si cette méthode - destinée à augmenter les ressources en dollars de l'Europe - est recommandable, étant donné la pénurie générale de bois de construction.

Importations de bois en provenance des pays non européens

Il y a peu ou pas de chance que le déficit des approvisionnements de bois puisse être comblé en Europe par une augmentation des importations en provenance de l'hémisphère occidental. Aussi bien aux Etats-Unis qu'au Canada, la demande domestique en produits forestiers atteint des niveaux record en raison, d'une part, des besoins de la construction, renforcés par le niveau élevé des revenus nationaux et, d'autre part, de l'augmentation de la consommation de papier. En outre, on fait actuellement valoir de plus en plus que les coupes excessives qui ont été effectuées sans contrôle aux Etats-Unis depuis de nombreuses années, rendront absolument indispensable de ramener les coupes annuelles à un niveau inférieur à celui d'avant guerre ; il en résultera que les Etats-Unis dépendront davantage de la production des forêts canadiennes, lesquelles ont jusqu'à présent approvisionné le plus gros importateur de bois de l'Europe, à savoir le Royaume-Uni.

Néanmoins, même s'il était possible d'augmenter le volume des importations en provenance de l'Amérique du Nord, cette solution impliquerait une nouvelle saignée des ressources en dollars des pays européens, et il est peu probable pour cette raison qu'elle soit choisie.

En dehors de l'Amérique du Nord, la seule possibilité pour l'Europe d'accroître ses importations de bois semblerait résider dans l'expansion de la production des forêts de résineux du Brésil. Cependant, là encore se posent d'immenses problèmes de matériel, de transport et d'organisation, et il faudra de longues années pour que cette expansion puisse être réalisée.

BESOINS RÉELS ET «DEMANDE EFFECTIVE» EN BOIS D'ŒUVRE

Le Comité européen du bois FAO/CEE a estimé en juin 1948 à environ 3 millions de standards la demande effective des pays importateurs d'Europe en sciages résineux. Ce chiffre représente le volume maximum, qu'en raison de leurs difficultés de change, les pays importateurs estimaient devoir être en mesure d'acheter en 1948, et il n'est pas de beaucoup supérieure aux disponibilités éventuelles des pays exportateurs.

Cette demande effective ne représente que 57% du chiffre des importations du même ordre de 1937. Mais même cette comparaison sous-estime encore la pénurie actuelle de bois, étant donné que les besoins réels- notamment pour la construction, industrie qui absorbe normalement 60% environ de la consommation totale de bois - ont énormément augmenté en raison de la reconstruction d'après-guerre et des mouvements démographiques.

Il n'est pas possible - et d'ailleurs cela ne serait pas utile de procéder à une estimation quantitative de la demande virtuelle représentée par le total des «besoins réels». Car le bois d'œuvre serait-il abondant, d'autres facteurs (notamment la pénurie de main-d'œuvre dans l'industrie de la construction) imposeraient de strictes limites à la reconstruction des logements européens. Mais certains chiffres relatifs au programme de construction d'aprèsguerre et aux besoins qui en découlent pourront donner une idée de l'ordre de grandeur du problème.

Le Sous-Comité du logement de la CEE a tenté d'estimer - dans le domaine de la construction pour habitation - les besoins et les programmes des pays européens sur lesquels on dispose de renseignements. Cette enquête couvre 14 pays représentant environ 45% de la population totale de l'Europe. Parmi les pays non compris dans ces calculs figurent l'U.R.S.S. et l'Allemagne, de même que d'autres pays ayant subi pendant la guerre d'immenses destructions. Les chiffres donnés ci-dessous ne peuvent en conséquence être considérés comme représentatifs de la situation de l'ensemble de l'Europe.

Les chiffres relatifs à la production d'habitations avant la guerre, à la production prévue pour 1948 et à la production annuelle nécessaire pour surmonter la crise actuelle du logement, s'établissent comme suit pour ces 14 pays:

 

Volume de la construction 14 pays d'Europe

(1.000 unités d'habitations)

Avant guerre, annuellement

600

Prévisions pour 1948

660

«Programme indispensable» 1948-52, annuellement

1.600-1.700

«Programme souhaitable» 1948-52, annuellement

3.700

Le «programme indispensable» indique le nombre d'unités d'habitations qu'il faudrait construire chaque année pendant cinq ans pour remplacer complètement les logements détruits ou endommagés pendant les hostilités, et pour revenir au niveau d'avantguerre par nombre d'unités d'habitations par mille habitants.

Mais même en admettant que ce programme puisse être réalisé (il semble bien optimiste à en juger d'après les chiffres ci-dessus, par comparaison avec la production prévue pour 1948), il ne permettrait d'introduire aucune amélioration dans l'habitation. De même, si l'on veut au cours de ces cinq années remédier au surpeuplement et remplacer les bâtiments insalubres et dangereux, il faudrait porter le volume annuel de la production aux environs de 3,7 millions d'unités de logement, soit six fois au moins la production d'avant-guerre.

COOPÉRATION INTERNATIONALE DANS LE DOMAINE DU BOIS D 'ŒUVRE

Entre les institutions spécialisées des Nations Unies, c'est à la FAO qu'ont été assignées dans son Acte constitutif toutes les questions relatives à la production, au commerce et à l'utilisation des produits forestiers. Une étude d'ensemble détaillée et complète de la situation mondiale des forêts et des produits forestiers, préparée par le personnel de la Division des Forêts et produits forestiers de la FAO, fut soumise à la Conférence annuelle tenue à Copenhague en septembre 1946.

Une des mesures les plus importantes que prit la Conférence de Copenhague - en ce qui concerne le bois d'œuvre - fut de recommander la convocation d'une conférence où seraient discutés les problèmes que pose la situation du bois d'œuvre en Europe. Une conférence fut en conséquence réunie à Marianské-Lazné (Tchécvoslovaquie) en avril-mai 1947, sur invitation faite en commun par la FAO et le Gouvernement tchécoslovaque. Cette Conférence, à laquelle assistaient les représentants de 27 pays d'Europe et d'Amérique, a défini et analyzé les problèmes à court et à long terme relatifs à la situation du bois de construction en Europe. ³ La Conférence a notamment fait ressortir-la nécessité pour tous les pays d'augmenter leur production forestière et de réaliser des économies dans l'utilisation du bois.

³ Rapport de la Conférence internationale du bois de construction publiée Par la FAO. Washington. 1947.

La Conférence a en outre attiré l'attention des autres organisations internationales sur l'extrême urgence que présente la pénurie mondiale de bois, et a recommandé que la Commission économique pour l'Europe, nouvellement établie, accorde avec l'aide technique de la FAO une attention toute spéciale aux questions suivantes:

a) augmentation des disponibilités et réduction du gaspillage du bois;

b) assistance permettant de réduire les difficultés économiques qui, dans certains pays, font obstacle à l'accroissement de la production, en aidant ces derniers à obtenir l'appui économique nécessaire; et

c) distribution satisfaisante des disponibilités en bois.

A la suite de ces recommandations, la Commission économique pour l'Europe a créé, au cours de sa seconde réunion de juillet 1947, un Comité spécial du bois, dont le secrétariat est fourni par la FAO.

Depuis sa création, le Comité européen du bois a tenu trois sessions, une en octobre 1947, une autre en janvier 1948 et une troisième au cours de l'été 1948, qui s'est terminée par une réunion tenue en septembre. Assistaient aux séances les représentants de la plupart des pays d'Europe (à l'exception de l'U.R.S.S)., des Etats-Unis et du Canada, ainsi que des pays non européens riverains de la Méditerranée qui, du point de vue de l'économie forestière, peuvent être considérés comme faisant partie de l'Europe. Les activités du Comité européen du bois sont exposées en détail dans les paragraphes suivants.

Efforts pour relever la production et les disponibilités exportables

Ce Comité a eu comme tâche essentielle et continue d'évaluer les disponibilités exportables et les besoins d'importation en sciages résineux. Dans ce but, le personnel du Groupe de travail forestier de la FAO en Europe effectue des travaux statistiques d'une grande envergure. Le bilan auquel on est ainsi arrivé, qui met en évidence les disponibilités et les besoins, sert de base principale aux discussions du Comité sur les mesures à prendre pour combler le déficit.

Le tableau 5 donne les prévisions pour 1948, les estimations provisoires pour 1949 effectuées par le Comité au cours de l'été 1948, ainsi que les chiffres réels du commerce pour 1937 et 1947. Elles montrent que les importations se sont élévées en 1947 à moins de la moitié du volume correspondant d'avant-guerre. On ne prévoit aucune expansion importante du commerce de bois d'œuvre pour 1948, alors qu'une diminution appréciable est envisagée pour 1949 en raison de la réduction des approvisionnements en provenance de l'Allemagne, et des exportations scandinaves ainsi que de l'affectation à des achats plus urgents des crédits accordés au titre du Programme de relèvement européen.

TABLEAU 5. - IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS DE SCIAGES (BOIS TENDRES) (1.000 standards)

Pays importateurs d'Europe

Importations effectuées

Besoin d'importation 1948

Besoin d'importation 1949

1937

1947

Besoins essentiels

Demande effective2

Besoins essentiels

Demande effective2

Royaume-Uni

2,366

1,419

1,650

1,140

1,700

1,200

Irlande

80

21

57

40

60

50

France

190

154

250

145

275

200

Belgique

190

115

295

210

250

210

Pays-Bas

374

214

325

260

325

300

Danemark

171

112

350

150

250

200

Suisse

41

54

66

66

66

66

Hongrie

192

58

130

125

150

150

Italie

312

74

355

257

425

145

Grèce

70

20

133

110

130

80

Allemagne3

731

...

...

...

...

...

Autres pays

589

53

642

541

697

586

TOTAL

5,306

2,294

4,253

3,044

4,328

3,187

Pays exportateurs

Exportations effectuées

Perspectives d'exportation 19482

Perspectives d'exportation 19492

1937

1947

Normales

Maximum

Normales

Maximum

Norvège

51

8

36

36

36

36

Suède

820

409

530

530

375

450

Finlande

1,045

474

515

515

350

420

Pologne

334


48

60

...

...

Tchécoslovaquie

176

128

65

80

25

...

Autriche

317

31

64

68

64

90

Yougoslavie

197

58

65

80

60

160

Roumanie

353

...

6 (110)

(110)

(110)

(110)

Allemagne4

...

616

365

365

255

260

Autres sources

...

44

10

50

10

50

TOTAL pour l'Europe (U.R.S.S. non comprise)

3,293

1,768

1,808

1,894

1,285

1,576

U.R.S.S.

1,362

...

(100)

(150)

(100)

(250)

Canada

508

648

400

450

550

550

Etats-Unis d'Amérique

110

225

200

250

250

250

TOTAL5

5,273

2,641

2,508

2,744

2,185

2,626

SOURCE: Comité du bois FAO/CEE, Commission économique pour l'Europe.
... Chiffres non disponibles.
1 Comprend les planches de caisserie et les grumes de sciages exprimées en équivalents de bois.
² Chiffres prévus par le Comité du bois en juin 1948.
³ Comprend les pays non européens du Bassin méditerranéen et des importations moins importantes en provenance de l'Europe effectuées par l'Afrique du Sud l'Australie et la Nouvelle Zélande
4 Les trois zones occidentales seulement.
5 La différence entre le total des importations et le total des exportations en 1937 et en 1947 est due au manque de certains renseignements statistiques.
6 Chiffres entre parenthèses sont estimés.

Les besoins pour 1948/49 sont inscrits dans deux colonnes: la première ( «besoins essentiels» ) montre les quantités qui pourraient être acquises si les pays acheteurs disposaient des moyens de paiement nécessaires, tandis que la seconde ( «demande effective» ) fait apparaître les quantités que les pays pensent être en mesure d'acheter dans les circonstances qui prévaudront vraisemblablement à ce moment-là. La demande effective ainsi définie se monte à 3,0 millions de standards pour 1948 et à environ 3,2 millions de standards pour 1949, par comparaison avec les importations d'avant-guerre qui se montaient à 5,3 millions de standards, ou 4,6 millions de standards si l'on exclut de ce total les chiffres relatifs aux importations d'avant-guerre de l'Allemagne.

Les perspectives d'exportation pour 1948 et 1949 sont également données dans deux colonnes, «normales» et «maximum». La différence entre les chiffres de ces deux colonnes s'explique en partie par des estimations plus optimistes des exportations en provenance de l'U.R.S.S. et de l'hémisphère occidental, mais surtout par un accroissement des approvisionnements que pourraient fournir certains pays producteurs d'Europe, s'ils pouvaient se procurer le matériel et les moyens de production indispensables.

On a déjà fait remarquer qu'en dépit du fait que les ressources forestières de l'Europe (U.R.S.S. non comprise) ne permettent absolument pas une production de bois suffisante pour faire face aux besoins, les possibilités d'expansion rapide de la production sont toujour très grandes dans certains pays où cette production a été entravée pendant les années d'après-guerre par des difficultés spéciales telles que le manque d'équipement et de combustible.

En conséquence, une des tâches les plus importantes qui incombent au Comité européen du bois est l'estimation des besoins relatifs à l'équipement et autres produits nécessaires pour réaliser une augmentation de la production domestique de bois, qui permettrait d'accroître les disponibilités à l'exportation ou de réduire les besoins à l'importation. Lors de la première réunion du comité en octobre 1947, plusieurs pays ont présenté des listes de besoins particuliers. Un groupe de travail les a examinées à la lumière de certains critères, en ne tenant compte que des besoins ayant un rapport direct avec un accroissement dans un avenir très rapproché de la production de bois tendres.

A la suite des négociations engagées entre la CEE, la FAO, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, cinq pays exportateurs de bois de l'Europe orientale et six pays importateurs de bois de l'Europe occidentale, un accord de principe a été conclu sur la base suivante: des facilités de crédit seraient consenties pour l'achat de cet équipement contre des exportations additionnelles de bois. Les détails restent à fixer avec chacun des pays intéressés, et dans les grandes lignes, la Banque ouvrirait aux exportateurs de bois des crédits de l'ordre de 6 à 8 millions de dollars des E.-U. et simultanément, les pays importateurs leur fourniraient de l'équipement pour une valeur d'environ 8 millions de dollars des E.-U. En retour, les pays orientaux s'engageraient à effectuer des livraisons - s'échelonnant sur deux années- de produits dérivés du bois évalués à près de 330 millions de dollars des E.-U., dont 120 millions seraient constitués par des exportations qui viendraient s'ajouter aux quantités qui auraient été normalement exportées. Les prêts ainsi accordés par la Banque seraient remboursables sur le produit de la vente de ces livraisons.

En ce qui concerne la Suède, la principale possibilité qui s'offre à ce pays de relever rapidement sa production de bois consiste, comme on l'a mentionné ci-dessus, à accroître ses approvisionnements de combustibles minéraux, ce qui permettrait de détourner une partie de la main-d'œuvre consacrée à la production du bois de combustion en l'affectant à celle du bois d'œuvre. En conséquence, le Comité du charbon de la CEE, conformément à la recommandation du Comité du bois, a convenu d'accorder à la Suède des allocations supplémentaires de combustible; en échange de quoi, la Suède a libéré pour l'exportation des quantités supplémentaires de sciages résineux et de bois de mine.

On n'a mentionné jusqu'à présent que les activités du Comité européen du bois qui ont trait à l'accroissement dans un avenir très rapproché des disponibilités de bois d'œuvre. Les problèmes que présente le développement de nouvelles industries forestières, dans le but de porter remède à plus long terme à la pénurie de bois, font l'objet d'une étude de la Commission européenne des forêts et produits forestiers de la FAO. Tout danger de chevauchement entre les activités de cette Commission et celles du Comité du bois FAO/CEE est écarté du fait que les deux organismes ont le même président et secrétariat.

Bois de mine

Jusqu'à présent, les quantités de bois de mine disponibles pendant les années d'après-guerre ont été à peine suffisantes pour marcher de pair avec le relève ment de la production de charbon. En 1947, il a même été possible de refaire dans une certaine mesure les stocks réduits de certains pays importateurs.

Il est cependant possible qu'une pénurie très grave de bois de mine se manifeste dans un avenir assez proche. On s'attend à ce que la production de charbon, et par conséquent les besoins en bois de mine de l'Europe (l'U.R.S.S. non comprise), augmentent de 20% de 1948 à 1951. Les estimations des disponibilités en bois de mine effectuées par la Division du charbon de la CEE - dont le tableau 6 donne un résumé - indiquent que, même en admettant que le Royaume-Uni puisse continuer ses coûteuses importations de bois de mine canadien, et en supposant en outre que les exportations de bois de mine effectuées par l'U.R.S.S. augmenteront de façon appréciable, il est possible que les disponibilités totales n'augmentent pas pari passu avec l'accroissement des besoins, à moins que des mesures ne soient prises en temps utile pour relever la production.

La production de bois de mine est entravée avant tout par l'importance de la demande de bois destiné à d'autres utilisations, soit pour la combustion, soit pour la fabrication de pâte. En Allemagne notamment, la pénurie aiguë de combustible pour l'usage domestique a limité la production de bois de mine, tandis que dans d'autres pays, principalement en Suède et en Finlande, d'importantes quantités de bois ont été brûlées qui auraient pu être utilisées comme étais de mine.

Il est inutile d'insister sur le fait que la production de bois de mine doit recevoir une priorité de premier ordre dans les programmes de production et d'exportation de bois d'œuvre. En réalité, le fait que du bois pouvant servir à la production de bois de mine soit brûlé alors qu'au même moment les mines de charbon manquent d'étais est une preuve flagrante qu'à cet égard l'organisation économique est défectueuse. On a déjà mentionné que des mesures ont été prises par le Comité européen du bois en coopération avec le Comité du charbon pour que les excédents de coke soient dirigés vers la Suède, cette dernière promettant en échange d'augmenter ses exportations de bois de mine et autre bois d'œuvre.

TABLEAU 6. - ESTIMATION D}; LA SITUATION PROBABLE DES BOIS DE MINE EN EUROPE
(U.R.S.S. non comprise): 1918-1951

 

1948

1949

1950

1951

millions de tonnes

millions de tonnes

millions de tonnes

millions de tonnes

1. Production de charbon

492

526

564

592


millions m3

millions m3

millions m3

millions m3

2. Besoins en bois de mine

14.8

15.0

16.0

16.9

PRODUCTION DE BOIS DE MINE

3. Pays producteurs de charbon

10.3

9.5

10.0

10.4

4. Autres pays d'Europe1

2.4

2.6

2.5

2.5

IMPORTATIONS DE BOIS DE MINE

5. En provenance de U.S.S.R

0.9

1.3

1.7

1.8

6. En provenance de Canada

0.8

0.8

0.8

0.8

7. Estimation du total des disponibilités (3 + 4 + 5 + 6)

14.4

14.2

115.0

15.5

8. Différence (2 - 7)

0.4

0.8

1.0

1.4

SOURCE: Comité du charbon, Commission économique pour l'Europe.
1 Comprend la Zone française d'Allemagne.

Problèmes posés par les difficultés de change et limites d'achat.

Le bilan établi par le Comité européen du bois en juillet 1948 (voir tableau 5) fait apparaître pour 1948 une demande d'importation effective de l'ordre de 3 millions de standards, alors que selon les estimations le volume des disponibilités exportables atteindra environ 2,5 à 2,7 millions de standards. Le fait que le déficit existant entre la demande effectives4 et les disponibilités ait diminué est dans un certain sens encourageant. D'autre part, les quantités que les pays importateurs ont déclaré être en mesure d'acheter ne représentent que la moitié environ du volume des importations d'avant-guerre, bien que les besoins aient augmenté dans des proportions extraordinaires. Les prix élevés et les difficultés de change sont la cause de cette réduction de la demande effective, et le Comité européen du bois a étudié de très près les tendances dépressives auxquelles il faut imputer cet état de choses. Le Comité a examiné les moyens d'atténuer les difficultés qui réduisent le pouvoir d'achat des pays importateurs en vue de déterminer une augmentation de la demande effective en contribuant ainsi à la normalisation du marché international du bois.

4 La demande réelle dans la limite où les licences d'importation lui permettent de jouer. Cela ne signifie naturellement pas que le bois d'œuvre ne soit pas d'une vente facile sur les marchés intérieurs des pays importateurs, bien que dans certains pays la demande intérieure pour du bois d'oeuvre ait aussi été récemment limitée par les réductions qu'ont subies les programmes de construction, etc. L'Italie fournit un exemple de la façon dont une très grosse réduction de l'utilisation de bois d'oeuvre peut accompagner une réduction plus importante encore de la demande. Bien que la consommation de bois n'ait été en 1947 que la moitié environ du chiffre d'avant-guerre, un périodique économique décrit dans les termes suivants les conditions du marché du bois d'œuvre au printemps 1948: «Le marché du bois se caractérise actuellement par un excédent très net de l'offre par rapport à la demande En fait, la consommation de bois a été réduite de façon considérable en raison du ralentissement de la cadence de la reconstruction pendant les derniers mois, et du ralentissement général des activités économiques dans le pays tout entier . . » (Banta di Roma, Examen des conditions économiques en Italie, mai 1948, p. 189).

Le Comité a dû envisager d'autre part le danger que pourrait présenter une augmentation de la demande au cours de 1948, en déterminant une surenchère des prix du bois, ce qui pourrait empêcher certains pays importateurs d'obtenir une part équitable des disponibilités. C'est pour parer à une telle éventualité que les pays importateurs ont convenu, au cours des réunions que le Comité a tenues en janvier et juin 1948, de considérer la demande effective annoncée comme la limite d'achat pour les transactions de chaque pays en ce qui concerne le bois d'œuvre livrable en 1948.

Economie dans la production et la consommation de bois d'œuvre

On n'ignore pas que l'extrême pénurie de bois a contraint un grand nombre de pays à adopter de sévères mesures destinées à réaliser des économies dans l'utilisation du bois, au moyen notamment de réglements obligatoires et de spécifications standardisées pour le bois servant aux travaux de construction. Certains pays ont également procédé dans ce domaine à des recherches techniques très étendues.

Si l'on considère l'Europe dans son ensemble, la connaissance et l'application des innovations techniques se sont répandues avec une certaine lenteur. Cela est vrai notamment en ce qui concerne les travaux de construction qui sont effectués par un très grand nombre d'entreprises indépendantes où la, tradition nationale joue un rôle important. Il semblerait donc qu'il y ait là la possibilité d'une coopération internationale, en vue d'accélérer l'application des méthodes modernes. Il en va de même pour la mise en application de méthodes nouvelles dans les exploitations forestières, dans les scieries et - ce qui n'est pas le moins important - pour la production de matériaux de remplacement à base de déchets de bois.

Ces problèmes ont été discutés par la Conférence du bois de la FAO à Marianské-Lazné, et le Comité international de sylviculture ( CIS ), maintenant absorbé par la FAO, a procédé à une étude approfondie des «moyens techniques propres à réduire le déficit du bois en Europe». Dans le cadre de la CI:E, ces problèmes sont attaqués en commun par le Comité du bois et le Sous-Comité du logement. Des experts de différents pays, spécialisés dans le domaine de la technologie et de l'habitation, ont recueilli des données sur les mesures techniques propres à réaliser des économies dans la consommation et la production de bois, et sur les méthodes existant à cet égard dans les divers pays. Ces données devraient servir de base à la FAO et à la CEE pour formuler des recommandations et offrir aux gouvernements de leur venir en aide.


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