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L'avenir de la production forestière: Qualité ou quantité?

par la DIVISION DES FORÊTS ET DES PRODUITS FORESTIERS

A l'une des premières séances plénières du Congrès mondial d'Helsinki le représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, présentant un rapport préparé par la Division des Forêts et des Produits forestiers, suggéra que l'avenir exigerait peut-être plutôt des forêts une production de quantité que de qualité.

Si quelques voix s'élevèrent pour appuyer cette opinion, la plupart de celles qui se firent entendre exprimèrent la surprise et l'inquiétude de forestiers persuadés que l'éducation de peuplements de la plus haute qualité doit rester l'objectif essentiel du sylviculteur.

La question ainsi soulevée ne fut pas étudiée plus avant, du moins de façon directe, au cours des séances du Congrès et celui-ci ne lui a clone pas donné de réponse spécifique.

Il paraît ainsi nécessaire d'examiner de plus près ce problème et peut-être aussi de redresser les interprétations énoncées qui ont pu être données du rapport présenté par la Division.

Aussi bien l'importance de ce problème est indéniable. L'action des sylviculteurs sur leurs forêts est en général, par la force même des choses, d'une extrême lenteur et si l'on doit prévoir, à plus ou moins longue échéance, une orientation bien définie de l'utilisation des bois, il importe de prendre au plus tôt les mesures qui permettront à ces forêts de satisfaire en temps voulu les exigences de cette orientation. En raison de l'étroite solidarité - si bien reconnue par le Congrès d'Helsinki - qui unit tous les pays du monde sur le plan forestier comme sur tant d'autres plans, le problème est d'ailleurs d'importance mondiale et c'est ainsi que la Division des Forêts et des Produits forestiers de la FAO a été amenée à l'étudier.

I. Qu'entend-on par qualité?

Pour répondre correctement à la question posée il convient d'en bien définir les termes. Le mot «quantité» se passe d'explication. Il n'en est pas de même du mot «qualité» et, sous ce mot' il semble que le sylviculteur et l'utilisateur de bois comprennent souvent des choses bien différentes.

On peut dire que le mot «qualité» couvre trois aspects divers sous lesquels on peut considérer le bois, l'arbre ou le peuplement forestier, aspects qui ne sont d'ailleurs pas sans relations intimes les uns avec les autres, mais qu'il y a lieu cependant de distinguer soigneusement parce que, suivant qu'on met l'accent sur l'un ou l'autre d'entre eux, les conclusions auxquelles on arrivera peuvent varier considérablement.

a) Tout d'abord le mot «qualité» couvre les propriétés intrinsèques du bois, telles que densité, dureté, résistance à la flexion, longueur des fibres, etc. Parmi ces propriétés intrinsèques on peut également comprendre celles qui sont propriétés non pas du bois lui-même, mais de l'arbre qui le produit: diamètre, rectitude du fût, absence de noeuds, faible défilement, etc. Sur le premier groupe de ces qualités intrinsèques, le sylviculteur a peut-être une action, mais elle n'est que bien rarement connue et, même si elle l'est, sujette à bien des aléas. Sur le second groupe, au contraire, son action est certaine, bien que naturellement limitée par les conditions de station. Elle est particulièrement forte sur le diamètre, sujet sur lequel on reviendra tout à l'heure.

b) Le mot «qualité» couvre également, en second lieu, la belle tenue, l'esthétique du peuplement forestier. Pour un sylviculteur, un peuplement de qualité est un peuplement présentant un couvert suffisamment dense, un sol en bon état et comportant des arbres droits, élancés, a cimes bien balancées, convenablement ébranchées, etc. Il convient de noter que certains des caractères qu'on vient d'énumérer correspondent à des qualités intrinsèques des arbres, telles qu'elles ont été définies ci-dessus.

c) Enfin la «qualité» s'entend aussi, et d'une façon très générale, de la «valeur» du bois ou des peuplements qui le produisent. Un bois, un arbre, un peuplement de haute qualité sont aussi, dans le langage courant, un bois, un arbre ou un peuplement de haute valeur marchande. Mais il faut ici distinguer soigneusement la valeur du bois et la valeur de l'arbre sur pied ou du peuplement.

La valeur du bois, produit de la forêt, toutes autres considérations mises à part, est fonction directe de deux caractères, l'utilité et la rareté de ce bois. L'utilité est principalement basée sur les propriétés intrinsèques du bois, en particulier de celles que nous avons classées dans le premier groupe. Il est évident que plus un bois conviendra à de multiples et larges usages, plus son utilité sera grande et plus grande aussi sa valeur. L'influence de la rareté d'un bois sur sa valeur n'est pas moins claire. Si certaines qualités intrinsèques sont particulièrement rares et cependant indispensables pour certains usages spéciaux, ceux-ci fussent-ils très limités, les bois qui présentent ces qualités intrinsèques auront une grande valeur. Tel est le cas, par exemple, du bois produit par certaines forêts de chênes du centre ou de l'ouest de l'Europe, dont la haute valeur tient à la rareté et au fait que les qualités intrinsèques qu'il présente sont recherchées pour des usages spéciaux: tranchage, ébénisterie, fabrication du merrain.

La valeur du bois, ainsi comprise est susceptible de varier considérablement dans le temps et parfois même avec rapidité.

On a vu, pendant la guerre, des bois dont les qualités intrinsèques ne leur permettaient d'être utilisés que pour le chauffage, prendre néanmoins une grande valeur parce que les autres sources de calories se trouvaient taries. Un exemple plus frappant encore est celui des «sapins vrais» des forêts de la côte ouest de l'Amérique du Nord. Estimé inutilisable il y a encore peu d'années, le bois produit par ces sapins, mélangés souvent en forte proportion aux peuplements de Douglas, était entièrement négligé. La pénurie de bois durant la guerre a obligé à les utiliser, et l'on a reconnu que, convenablement traité, ce bois était capable de répondre à de nombreux besoins. Il a ainsi acquis une valeur réelle sur le marché des bois de cette région. Inversement, il est évident que, le jour, heureusement improbable, où les débouchés qui font la valeur du bois des forêts de chênes de l'ouest et du centre de l'Europe viendraient à se fermer, la valeur de ce bois tomberait à peu de chose. Si même les forêts susceptibles de produire cette qualité de bois se multipliaient, ce bois perdrait sa rareté et verrait sa valeur diminuer rapidement.

La valeur de l'arbre ou du peuplement varie naturellement en même temps que la valeur du bois qu'il produit. Mais d'un arbre ou d'un peuplement à un autre, les variations de valeur sont encore bien plus considérables. La valeur du bois sur pied dépend en effet essentiellement, de la facilité plus ou moins grande avec laquelle il peut être amené à l'usine ou à l'entreprise qui l'utilisera. Une forêt dont le seul produit intéressant serait le bois de mine aura naturellement une valeur d'autant plus grande qu'elle se trouvera plus rapprochée d'une mine. Les variations de la valeur du bois lui-même se trouvent donc amplifiées, modifiées et parfois même complètement renversées lorsqu'on considère les variations de valeur du peuplement forestier.

II. La «qualité» de l'utilisateur et la «qualité» du sylviculteur

Compte tenu des diverses significations du mot «qualité» qui viennent d'être analysées, on ne s'étonnera pas que la «qualité» de l'utilisateur soit quelque peu différente de la «qualité» du sylviculteur.

Pour l'utilisateur seule compte la valeur du bois, telle qu'elle a été définie ci-dessus sous (c), et qui réflète l'intérêt que les qualités intrinsèques du bois ont pour lui. L'esthétique. la vigueur, le bon état sanitaire du peuplement d'ou ce bois a été tiré lui importent peu. Même, dans la notion de valeur, seule l'idée d'utilité l'intéresse réellement, qui rend la matière première apte à satisfaire les besoins de son industrie.

Au reste, il y a utilisateur et utilisateur. Tous ne recherchent pas les mêmes qualités intrinsèques du bois. On peut cependant. dans l'ensemble. les classer en deux catégories bien distinctes: d'une part ceux qui utilisent le bois sous sa forme brute, dont les plus importants sont évidemment les scieurs, et d'autre part ceux qui utilisent le bois sous ce que nous appellerons sa forme «désintégrée». que cette désintégration soit obtenue par des procédés physiques ou chimiques, et parmi lesquels les plus importants sont actuellement les fabricants de pâte (en laissant de côté les innombrables «désintégrateurs» qui utilisent le bois sous forme de source calorifique).

Pour la première catégorie de ces utilisateurs, la «qualité» du bois dérive, en général, de l'ensemble des qualités intrinsèques que nous avons énumérées sous (a), qu'elles soient qualités intrinsèques du bois lui-même ou de l'arbre qui le produit, quoique certaines de ces qualités intrinsèques soient naturellement plus recherchées par certains de ces utilisateurs, et certaines autres par d'autres.

Pour la seconde catégorie, on peut dire dans l'ensemble que les qualités intrinsèques de l'arbre ont une importance très réduite, et que même certaines qualités intrinsèques du bois seulement sont spécialement recherchées, par exemple la souplesse des fibres pour les fabricants de pâte.

Cette distinction entre les utilisateurs sera, par la suite, d'une importance capitale.

Pour le sylviculteur, la «qualité» est un mélange intime des deux significations de ce mot que nous avons analysées sous (b) et (c).

Pour lui, ce n'est pas seulement la valeur du produit qui est d'importance majeure, mais aussi la valeur du peuplement sur pied, source de ce produit. Dans la notion de valeur du produit, il doit considérer à la fois l'utilité et la rareté. Toutefois le sylviculteur ne dissocie généralement pas la valeur ainsi comprise du produit et des peuplements qui le fournissent de la beauté esthétique de ces derniers. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison puisque, ainsi qu'on l'a souligné, cette beauté esthétique inclut et suppose certaines au moins des qualités intrinsèques, et surtout des qualités intrinsèques de l'arbre qui font la valeur du produit.

On peut dire cependant que, tant qu'une intime liaison n'a pas été réalisée entre les utilisateurs de bois et les sylviculteurs qui le produisent, ces derniers ont le plus souvent, dans leur conception de la «qualité», donné la priorité à l'esthétique de la forêt, plutôt qu'à la valeur de ses produits. Cette conception est aujourd'hui périmée. S'il est un fait que le Congrès d'Helsinki a fait nettement ressortir, c'est en effet la nécessité pour le sylviculteur d'ajuster sa production et ses méthodes de production, - dans tonte la mesure permise par les conditions naturelles aux besoins des industries du bois. C'est dire qu'une «belle forêt» ne suffit plus, ne doit plus suffire à l'ambition du sylviculteur moderne. Il faut encore que cette «belle forêt» fournisse, à l'emplacement cù elle se trouve, les produits présentant le maximum d'utilité pour les usines dont elle doit assurer l'approvisionnement.

III. La «qualité diamètre»

Parmi les qualités intrinsèques de l'arbre qui influencent généralement la valeur de ses produits, il en est une particulièrement importante parce que le sylviculteur a sur elle une action peut-être plus aisée que sur toutes les autres, c'est le diamètre.

De tous temps le diamètre a été considéré comme un caractère essentiel. Si l'on met à part des cas très particuliers il constitue encore l'élément primordial de l'aménagement forestier. L'aménagiste établit ses prévisions en fonction du diamètre moyen optimum qu'il désire obtenir pour l'arbre exploitable. Si, dans certaines méthodes d'aménagement, les notions de révolution ou de diamètre d'exploitabilité sont passées sous silence, il n'en est pas moins implicitement admis que l'aménagement a pour but de faire produire à la forêt des arbres d'un diamètre aussi avantageux que possible du point de vue commercial.

La pré-éminence accordée à la qualité «diamètre» s'explique aisément. Une fois déterminées l'essence ou les essences pouvant convenir à un emploi particulier, c'est en effet, tant que le bois est utilisé sans transformation interne, le diamètre qui sera pris en considération - une limite inférieure ou supérieure, et parfois les deux à la fois sera exigée de chaque arbre destiné à cet emploi.

Cependant, si l'on met à part certain emploies particuliers, bois de mines, pilote, poteaux, etc., il est évident que, dans cette perspective, c'est l'arbre de fort diamètre qui doit être considéré comme de «qualité» supérieure. D'un côté en effet un arbre de fort diamètre se prête à une variété d'utilisation bien plus considérable qu'un arbre de faible diamètre. En particulier, il pourra, sous la scie, fournir des débits de types divers qu'on ne pourrait tirer de petits bois. Même si l'on considère à la fois les utilisations chimiques et les utilisations mécaniques du bois, la gamme des possibilités d'emploi d'un gros arbre est évidemment supérieure, en général, à celle d'un petit arbre.

D'un autre côté, si l'on se borne aux utilisations mécaniques et à la principale d'entres elles, le sciage, la proportion des déchets abandonnés par le gros arbre au cours de cette opération est relativement très réduite par rapport à la proportion des déchets abandonnés par de petits arbres pour produire le même volume de sciage. Ainsi donc on peut considérer que, par le fait même qu'un arbre est de plus gros diamètre qu'un autre, il sera, toutes choses égales d'ailleurs, estimé de «qualité» supérieure.

Il est évident qu'on se place ici à un point de vue très général: le fait que le problème que nous étudions doit être examiné à l'échelle mondiale nous y oblige.

Il est évident aussi que le sylviculteur se voit bien souvent obligé de limiter le diamètre des arbres qu'il cultive dans ses peuplements Mais il est conduit à ces limitations soit par des considérations de rentabilité du matériel immobilisé sur pied, soit par la crainte de voir se détériorer des arbres d'un âge trop avancé, soit enfin par les difficultés que présente l'exploitation des grumes d'un poids ou d'un encombrement excessifs Il n'en est pas moins vrai qu'amené au chantier de l'usine utilisatrice, le bois de fort diamètre est en général de «qualité» supérieure au bois de petit diamètre

Un beau peuplement de chênes (Quercus sessiliflora) âgé de 180 ans dans une forêt française.

IV. Le point de vue mondial

Pour juger à l'échelle mondiale de l'évolution probable à longue échéance des besoins en bois et de l'influence de ces besoins sur la «qualité» (entendue au sens du sylviculteur) de la production forestière, il importe de faire certaines réserves.

C'est ainsi, par exemple, qu'on ne peut prendre en considération la valeur particulière d'un peuplement due à la facilité de son exploitation ou à sa proximité des usines ou des entreprises utilisatrices. Il faut évidemment considérer une hypothétique forêt mondiale, bénéficiant partout des mêmes conditions d'exploitation, et formée de toutes les essences forestières qui se rencontrent dans le monde, et il faut alors se demander quelles seront les essences qu'il conviendra de faire pousser dans cette forêt et les meilleures méthodes de sylviculture à appliquer pour répondre aux besoins mondiaux. Sinon on aurait beau jeu d'objecter que, pour tel ou tel pays, pour telle ou telle région de ce pays placée dans des conditions spéciales, disposant de certaines catégories d'industries du bois, les conclusions de l'examen auquel on veut se livrer pourraient être toutes différentes.

D'autre part cet examen doit être basé sur l'étude des besoins des industries à l'échelle mondiale. L'évolution de ces besoins sera évidemment différente dans les diverses régions du monde. D'autre part les besoins auxquels doit répondre la forêt ne sont pas tous des besoins industriels. Il y a aussi les besoins de protection des terrains agricoles, de régularisation des eaux, etc. - sans parler des besoins non-industriels, et en particulier des besoins en bois de chauffage. Il convient d'en faire abstraction, malgré leur importance considérable.

Si enfin, dans l'examen des besoins mondiaux, c'est évidemment la «qualité» de l'utilisateur qui doit être la première prise en considération, conformément aux recommandations expresses du Congrès d'Helsinki, cela ne signifie nullement que la conception que se fait le sylviculteur de la «qualité» est sans intérêt, et nous verrons plus tard que l'inclusion dans cotte conception de la notion de «beauté» de la forêt n'est nullement dépourvue de valeur.

V. Besoins futurs des industries du bois

L'objet du rapport présenté par la FAO au Congrès d'Helsinki était précisément de mettre en lumière la nature probable des besoins futurs des industries du bois. Ses conclusions se sont trouvées du reste corroborées par le rapport magistral présenté, sur un sujet presque identique, par le professeur T. Streyffert.

Ces rapports renferment l'un et l'autre quelques chiffres auxquels on pourra se reporter. Mais si, lorsqu'il s'agit de prévoir l'avenir, les chiffres peuvent donner quelque indication par extrapolation, c'est peut-être surtout vers des laboratoires, les recherches industrielles, les tentatives avortées puis reprises, qu'il faut se tourner pour avoir une idée aussi précise que possible des tendances dont on veut se rendre compte. Il ne semble pas du reste que personne ait constaté, de ce point de vue, les conclusions des deux rapports.

Comment peut-on donc résumer ces conclusions? Le point essentiel est que, si les utilisations du bois sous sa forme brute partissent devoir exiger un volume constant ou en croissance lente de matière première provenant de la forêt, par contre les utilisations du bois, basées sur la «désintégration» (mécanique ou chimique) de celui-ci, exigeront sans nul doute un volume de matière première en progression relativement beaucoup plus rapide.

En d'autres termes même si le volume du bois utilisé à l'étal, brut augmente en valeur absolue, la proportion du bois utilisé sous forme désintégrée semble devoir marquer une progression rapide.

Il résulte de cette constatation que le supplément de matière première nécessaire eus industries de «désintégration» ne semble pas devoir être prélevé - ou seulement en faible proportion - sur le volume de matière première autrefois utilisé à l'état brut. Il proviendra plutôt des «déchets» de la coupe mondiale, autrefois abandonnés sur le terrain ou dans les usines, ou bien simplement utilisés comme trois de chauffage.

«Mais» dira-t-on. «il s'agira malgré tout de «déchets» et il est donc évident que le sylviculteur a intérêt à produire la moindre quantité possible de ces déchets». Il s'agit la d'une objection assez faible puisque de toutes façons le sylviculteur aurait à alimenter les usines de «désintégration». Mais il y a plus: nous avons parlé ici de «déchets» mais ce mot a été simplement employé en vue de faciliter l'exposé qui précède. En réalité, il est certain que la valeur de ces prétendus déchets tend et tendra de plus en plus à s'égaliser avec la valeur du produit prétendu principal.

Quand la sylviculture tend à favoriser la croissance de chaque arbre. Peuplement feuillu mélangé dans une for et du Michigan. Etats-Unis.

Cette tendance apparaît inévitable du moment où les besoins des usines utilisant le bois «désintégré» augmenteront proportionnellement de façon plus rapide que les besoins des usines utilisant le bois brut. La compétition qui se manifeste déjà en bien des points du globe entre les usines de pâte et les scieries pour leur approvisionnement en matière première est une preuve tangible de cette évolution.

La chose s'explique d'autant plus aisément que dans les industries basées sur la désintégration du bois, la valeur de la matière première incorporée aux produits finis fabriqués par ces industries ne représente qu'une proportion relativement faible de la valeur totale de ce produits dont la fabrication exige une grande dépense de capitaux et de travail. Une large marge existe donc permettant à ces industries de concurrencer aisément les autres industries du bois sur le marché de la matière première qui leur est commune.

En un mot une proportion de plus en plus importante de matière première ligneuse autrefois considérée comme de faible valeur ou inutilisable tend à devenir nécessaire à une vaste catégorie d'industries du bois et par suite à se valoriser.

VI. Signification de ces tendances pour le sylviculteur

Il convient maintenant de traduire ces conclusions dans le langage du sylviculteur. Elles signifient d'une part, que des qualités de bois - disons même des essences - qui passaient jusqu'ici pour être peu utilisables ou complètement inutilisables pourraient bien se trouver un jour valorisées et être jugées dignes d'entrer dans la composition des peuplements forestiers.

A vrai dire, c'est peut-être là la conséquence actuellement moins significative, en termes de volumes, de la tendance que nous avons mise en lumière, mais tout tend à montrer son importance future. On ne peut passer sous silence le développement de l'utilisation des feuillus tendres et même des feuillus durs pour la fabrication de la pâte. Les essais réalisés à ce sujet sur les mélanges de bois tropicaux et dont les résultats furent indiqués á la Conférence de la Pâte à Montréal en mai 1949, ne peuvent laisser les sylviculteurs indifférents. Ce ne sont pas seulement, du reste, les usines travaillant le bois «désintégré» qui sont susceptibles d'étendre la gamme des matières premières qu'elles peuvent utiliser. L'exemple des «sapins vrais» de la côte ouest des Etats-Unis montre que cette extension peut fort bien aussi être le fait des scieries. Il suffit sans doute que de nouveaux procédés de séchage, d'emmagasinage, de conservation, soient imaginés: il suffit, peut-être même qu'une publicité suffisante faite autour de certaines essences tropicales pour que des quantités peut-être importantes de bois jusqu'ici considérés comme inutilisables prennent, rapidement une réelle valeur sur les marchés locaux, régionaux ou mondiaux, de cette matière première.

Le volume de bois de papèterie exploité au Canada s'est élevé d'environ 1.250.000 mètres cubes en 1900 a 29.000.000 de mètres cubes en 1946, où il a constitué 32 pour cent du total de l'exploitation annuelle. Le pourcentage s'accroît encore.

Une seconde conséquence de la tendance reconnue celle-ci beaucoup plus aisée à prévoir que la précédente - est que, les prétendus «déchets» actuels devenant largement utilisables et se trouvant par là même valorisés, le sylviculteur pourra, tout au moins dans une certaine mesure, tolérer que ses peuplements produisent une plus forte proportion de bois de faible diamètre et par conséquent diminuer le diamètre moyen d'exploitabilité de ces peuplements. A l'échelle mondiale, c'est sans doute même une obligation qui s'imposera à lui. Ou plutôt l'intérêt bien compris de la gestion de la forêt l'y amènera fatalement. D'une part lés bois de faible diamètre, plus abondants qu'auparavant, trouveront un débouché aisé bien que la scierie ne puisse les utiliser; d'autre part il n'y aura plus lieu de rechercher la production d'arbres d'aussi gros diamètres qu'autrefois puisque les déchets du sciage pourront trouver un débouché rémunérateur.

Telles sont les deux conclusions auxquelles il convient de se limiter au point de vue sylvicole. Si on les considère en elles-mêmes, il importe de noter qu'elles sont en parfait accord avec les objectifs que se proposent tous les pays du monde, coopérant au sein de la FAO. Ces objectifs comportent essentiellement en effet une meilleure et plus complète utilisation de toute la matière première produite en forêt, et par là une diminution de la pénurie du bois dans le monde.

Ces conclusions justifient-elles le cri d'alarme que certains ont cru devoir pousser? Nous ne le pensons pas car il semble qu'on ait confondu les diverses faces de la notion de «qualité» que nous avons distinguées au début du présent exposé. Or nous croyons pouvoir très aisément montrer que, bien loin de mettre en péril la beauté du peuplement forestier inséparable pour le sylviculteur de cette notion de qualité - les tendances nouvelles auraient plutôt pour effet de la favoriser.

VII. Les conséquences sylvicoles

Tout d'abord, en effet, en élargissant la gamme des essences qu'elle est capable d'utiliser, l'industrie permet au sylviculteur d'éduquer des peuplements mieux en rapport avec les conditions de milieu de chaque station. On a beaucoup insisté, au Congrès d'Helsinki, sur la nécessité où se trouvent actuellement certains forestiers - par exemple des régions méditerranéennes ou atlantiques - de créer de toutes pièces des peuplements résineux purs qui peuvent seuls convenir aux besoins de l'industrie tandis que les essences des forêts indigènes sont pratiquement inutilisables. La création de tels peuplements ne va pas sans des dangers sérieux, que personne ne se dissimule. Le remède à ces dangers serait dans beaucoup de cas l'introduction en mélange ou en sous - étage, dans ces peuplements résineux, d'autres essences, de valeur économique peut-être réduite en ce moment, mais de valeur culturale reconnue. L'utilisation d'un tel remède se heurte au fait qu'il correspond à un investissement de capital sans revenus financiers appréciables. Il est évident qu'il sera d'un emploi beaucoup plus aisé à généraliser le jour où les essences introduites seront assurées d'un débouché suffisant.

Peut-être peut-on aller plus loin et, dans le même ordre d'idées, entrevoir le jour où des considérations économiques n'empêcheront pas le sylviculteur d'éduquer des peuplements harmonieusement appropriés aux conditions écologiques de chaque station: la forêt ainsi obtenue serait évidemment d'une culture beaucoup plus aisée et soumise à beaucoup moins d'aléas que les peuplements plus ou moins artificiellement constitués. Mais il se pourrait aussi qu'ils soient en même temps moins productifs en quantité, de telle sorte qu'il est difficile de prévoir avec certitude ce que pourrait être, en pareil cas, l'évolution de la sylviculture. Sans doute d'ailleurs serait-elle très différente d'un point à un autre et on ne peut avoir aucune idée de ce que serait la moyenne mondiale.

Quoi qu'il en soit, ce qui vient d'être dit montre clairement que la première conséquence de la, tendance vers la «quantité» serait de favoriser l'application de bonnes méthodes de sylviculture Bien loin de nuire à ce que le sylviculteur entend par l'esthétique des peuplements forestiers, elle favorise et facilite au contraire l'obtention de tels peuplements.

La seconde conséquence, qui consiste dans la possibilité d'une diminution du diamètre moyen d'exploitabilité, est tout aussi favorable à l'adoption de bonnes méthodes sylvicoles et à la constitution de beaux peuplements.

Tout d'abord on n'ignore pas que l'un des plus graves obstacles à l'exécution régulière des éclaircies nécessaires pour assurer le maintien en bon état et le rendement maximum des peuplements forestiers, n'est autre, à l'heure actuelle, que l'impossibilité dans laquelle on se trouve de disposer avantageusement des petits bois produits par ces éclaircies. Dès que ceux-ci se trouveront suffisamment valorises, cet obstacle n'existera plus et l'éclaircie, opération pratiquement inconnue sur d'immenses étendues forestières, pourra être économiquement effectuée parce que la valeur de ses produits justifiera l'entretien de routes et l'organisation d'exploitations spécialement destinées à l'extraction des petits bois Il convient de souligner ici que l'éclaircie bien comprise doit se fixer pour but d'augmenter non seulement la quantité de bois produit, mais aussi les qualités intrinsèques de ce bois ou des arbres qui le fournissent.

Mais ce n'est pas tout. Le sylviculteur qui a la charge d'un peuplement équienne se trouve généralement dans l'obligation, dans les conditions actuelles, de maintenir ce peuplement sur pied alors que son accroissement moyen en volume, déduit de son âge, a déjà commencé depuis longtemps à décroître. Autrement dit, il doit se contenter sur l'ensemble de la révolution d'un rendement en matière inférieur à ce qu'il pourrait être si le peuplement était exploité à l'âge le plus favorable et aussitôt remplacé par une jeune forêt. La raison en est que, du fait de la valeur particulière attachée à la «qualité diamètre», l'accroissement moyen maximum en valeur se produit plus tard, et pour certaines essences beaucoup plus tard, que l'accroissement, moyen maximum en matière.

Il est donc évident que toute tendance des industries du bois qui valorise les bois de faible diamètre favorise par là même l'application de meilleurs méthodes de sylviculture et la constitution de peuplements plus sains. Ces peuplements seront plus sains non pas simplement parce produiront davantage, mais parce que, laissés sur pied jusqu'à un âge moins avancé, ils seront moins sensibles à la maladie, aux attaques d'insectes, aux dégâts du vent, etc., que des peuplements qui ont déjà dépassé leur maximum de production et se trouvent par conséquent déjà «sur le retour».

Que les peuplements de l'avenir doivent être de moins «beaux» peuplements que ceux d'aujourd'hui parce qu'ils renfermeront moins de gros arbres, on nous permettra d'en douter. L'abondance des gros arbres ne contribue à la «beauté» d'une forêt que si ces gros arbres ont réellement une valeur spéciale parce qu'ils sont gros. On ne veut clone pas dire qu'en pareil cas ils devront être systématiquement éliminés. Encore une fois, nous nous plaçons ici à un point de vue tout à fait général.

Il n'est du reste même pas exclu que, dans certains cas, on ne retrouve plus jamais la qualité de certains gros arbres, qualité recherchée de nos jours mais que l'avenir ne pourra évidemment plus produire. On peut encore en trouver un exemple dans l'exploitation des dernières forêts vierges de la côte ouest de l'Amérique du Nord. La qualité des sciages ou des contreplaqués tirés des Douglas et des Séquoias âgés de plusieurs centaines ou de plusieurs milliers d'années ne se retrouvera sans doute plus exactement la même parce que, dans une forêt aménagée, il est difficilement concevable, à moins de cas très exceptionnels, qu'on puisse viser à maintenir sur pied des arbres d'un âge aussi avancé.

VIII. Qualité et quantité dans le peuplement forestier

Il paraît clone démontré que les tendances probables de l'utilisation du bois ne sauraient modifier la conception que se fait actuellement le sylviculteur d'une belle forêt, et même qu'elles auraient plutôt pour résultat de faciliter l'éducation de la forêt répondant à ce type Nous ne croyons pas qu'on doive s'en étonner. Nous avons en effet, aux premieres lignes du présent expose, lié indissoluble ment pour le sylviculteur la qualité (ou ce que nous avons appelé la beauté) du peuplement forestier à la qualité (ou ce que nous avons appelé la valeur) des produits fournis par cette forêt. Cette liaison nous a paru nécessaire parce que ces deux notions sont en effet inséparables dans l'esprit du sylviculteur.

Mais il convient maintenant de reconnaître que la beauté du peuplement forestier est bien plus encore un indice de haute productivité qu'un indice de production de haute utilité. Une fois l'essence ou les essences choisies, c'est-à-dire la composition du peuplement, la question de l'utilité des produits se trouve le plus souvent réglée (à l'exception du diamètre d'exploitabilité qui dépend, en partie du moins, du choix du sylviculteur). Nous avons dit en effet que bien rares sont les cas où l'application d'une méthode de sylviculture déterminée est reconnue capable d'exercer une influence quelconque sur les qualités intrinsèques des bois produits. Une fois ce choix fait - dans les limites qui lui sont imposées par la nature - le sylviculteur n'a donc d'autre but que d'assurer la plus haute productivité possible et c'est naturellement dans ce but qu'il dirigera ses opérations culturales. Pour le sylviculteur l'arbre d'élite est assurément un arbre qui fournira des produits utiles. Mais c'est surtout l'arbre qui fournit de ces produits une quantité supérieure à la moyenne.

Comme la qualité «diamètre» a été tenue à part du raisonnement qui précède, on pourra objecter que, dans les forêts où l'on conserve sur pied, parfois malgré un ralentissement considérable de leur accroissement, des arbres de très gros diamètres, c'est bien en vue de la valeur du bois produit par ces arbres que l'on effectue cette opération et non en vue de la quantité de ce bois Il est bien exact qu'en pareil cas la notion d'accroissement de valeur se substitue à celle de l'accroissement de quantité. Mais il n'en est pas moins vrai qu'une telle sylviculture présente de grandes difficultés et que, si ces deux accroissements voyaient à l'avenir leurs maxima coïncider, ou du moins se rapprocher, la conduite de la forêt s'en trouverait facilitée sans que la qualité ou la beauté du peuplement forestier aient le moins du monde à en souffrir. Or, à l'échelle mondiale, c'est précisément une évolution de ce genre qui semble se dessiner.

IX. Le type idéal du peuplement forestier

On peut cependant se demander si, en obéissant trop fidèlement à cette tendance à la diminution du diamètre d'exploitabilité moyen, le sylviculteur, qui ne doit point considérer d'abord le marché mondial, mais les conditions du marché local dans la région où il se trouve placé, ne s'expose pas à diminuer la variété et le nombre des qualités de bois qu'il va pouvoir offrir sur ce march__é.

N'en résultera-t-il pas sur ce marché des secousses, voire des catastrophes, conduisant à une évolution peut-être inévitable à l'échelle mondiale mais qui pourrait être atteinte de façon progressive et en tenant compte des conditions particulières a chaque région?

En d'autres termes, ne peut-on pas redouter que, même après avoir précisé qu'il s'agit d'une tendance à l'échelle mondiale, l'énonciation de cette tendance ne conduise les sylviculteurs à rechercher la constitution de peuplements de types plus uniformes, peuplements dont la production assurera l'approvisionnement de certaines industries du bois mais en négligeant la satisfaction des besoins en matière première d'autres industries. N'y a-t-il pas d'ailleurs contradiction à prôner l'idée du «combinat forestier» si en même temps on considère comme utiles des mesures qui risquent de rendre malaisé l'approvisionnement de certaines industries faisant partie intégrante de ce combinat?

On observera que, précisément, le rapport présenté par la FAO au Congrès d'Helsinki s'est efforcé de parer à ce reproche en reconnaissant l'intérêt, en face de l'évolution actuelle des besoins des industries du bois, et lorsque la chose est possible, de la constitution de peuplements mélangés d'âges mêlés plutôt que de l'éducation de peuplements strictement homogènes en âge et en composition. Il a donné la préférence à ce que l'on peut appeler une sylviculture visant à la production d'arbres plutôt qu'à une sylviculture visant à la production de peuplements.

Même lorsqu'elle est possible - et les conditions naturelles ne le permettent pas toujours - cette forme de sylviculture est assurément la plus difficile. Elle exige des systèmes d'aménagement complexes nécessitant un contrôle continu de la forêt, et elle n'est pratiquement concevable qu'avec un nombreux personnel, un réseau important de voies de communication, une protection efficace de la forêt contre des incendies, un développement harmonieux des industries capables d'absorber les produits de la forêt. Mais elle est aussi idéalement le moyen le plus souple d'adapter la production de la, forêt non seulement aux besoins de ces industries mais aux variations de ces besoins.

Tant que l'approvisionnement d'une usine alimentée par une telle forêt exigera telle essence ou nécessitera des bois de très gros diamètre, l'essence en question sera cultivée ou bien les tiges d'élite seront poussées jusqu'à ce diamètre Si les besoins de cette usine diminuent, on s'efforcera de limiter la proportion de cette essence dans le peuplement ou bien on réduira la dimension maximum d'exploitabilité. Il n'en résultera pour la forêt ni opération brutale, ni modification profonde de son aménagement et l'approvisionnement des industries restera assuré sans à-coup.

Avec un tel système de sylviculture supposé généralisé sur toute la surface du globe, on pourrait presque considérer comme inutile la recherche des tendances de l'utilisation du bois, car l'adaptation de la production forestière aux besoins des industries serait presque automatique. Il est malheureusement fort loin d'en être ainsi et, comme on vient de le dire, ce système, lorsque les conditions locales permettent de l'appliquer, suppose un harmonieux développement à la fois des méthodes d'aménagement sylvicole et des industries forestières, développement dont on ne peut espérer la réalisation rapide. Il n'en est pas moins vrai que l'orientation actuelle des besoins en bois devrait logiquement favoriser ce développement.

X. Conclusion

Au terme de cette étude il apparaît qu'il serait vain, du point de vue sylvicole, d'opposer qualité et quantité. Dans l'avenir, comme aujourd'hui et comme dans le passé, un bel arbre, un beau peuple ment, ne sauraient mériter c es qualificatifs que si, à la fois, ils correspondent à une utilité bien déterminée et répondent à certaines normes qui sont en général le signe d'une production élevée de! matière première de cette qualité. Si l'on peut dire en toute vérité que les besoins des industries, a l'échelles mondiale, tendent plutôt à être des besoins de quantité que de qualité, puisque les qualités intrinsèques demandées à de nombreux produits se trouvent en nombre réduit, il ne saurait en résulter pour le sylviculteur aucune possibilité de négliger la «beauté» de ses peuplements. Une telle tendance peut et doit nécessiter des ajustements plus ou moins importants localement. Mais ces ajustements ne sauraient en aucun cas conduire le sylviculteur à réviser l'idéal qu'il se fait actuellement d'un peuplement forestier de haute tenue.

Bien au contraire. nous croyons avoir montré que, d'une façon générale, les tendances mises au jour dans les rapports présentés à Helsinki des besoins de la consommation du bois, sont de nature à favoriser et à faciliter la réalisation d'un tel idéal.

Peut-être convient-il d'ajouter encore que la FAO, dans le débat qui nous occupe, ne saurait se donner pour tache de dicter aux sylviculteurs l'attitude qu'ils doivent adopter en présence de l'évolution générale des faits économiques intéressant la consommation du bois. Non serrement cette attitude est susceptible d'énormes variations locales, ainsi qu'on l'a suffisamment indiqué dans les pages qui précèdent, mais encore c'est à chaque payes qu'il appartient de définir sa politique à cet égard, en visant toutefois à coordonner cette politique, au sein de la FAO et de ses organisations régionales avec celle des autres pays du monde.

La Division des Forêts et des Produits forestiers devait donc se borner à signaler les faits tels qu'ils paraissent ressortir des statistiques et de l'évolution générale des idées et chercher à en déduire les conséquences à l'échelle mondiale. C'est ce qu'elle s'est efforcée de faire dans les rapports qu'elle a présentés au Congrès mondial aussi bien que dans l'article qu'on vient, de lire.

Photos aimablement fournies par:

le Service forestier des Etats-Unis
l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts de France
le Bureau National du Film Canadien


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