Page précédente Table des matières Page suivante


Ecologie forestière et phytoclimatologie

par A. DE PHILIPPIS, Professeur de sylviculture à l'Université de Florence (Italie)

Le mot écologie jouit d'une grande vogue dans les sciences appliquées à l'étude des êtres vivants. Ce mot, dont Haeckel (1866) avait donné une définition bien connue, a été souvent employé dans des acceptions différentes, parfois essentiellement étymologiques (étude des facteurs du milieu en eux-mêmes), parfois tout à fait spécialisées.

Afin de mieux exprimer la complexité des relations des êtres vivants non seulement avec le milieu physique, mais encore entre eux, on a été amené à forger d'autres termes, tels que biocoenologie (Gams, 1918), bio-écologie (Clements, 1922), etc. qui, pour être plus expressifs, constituent néanmoins des pléonasmes.

Quant à la méthode d'étude, l'écologie, à l'inverse de la physiologie, ne procède pas en isolant artificiellement en laboratoire l'un des facteurs du phénomène considéré; au contraire, elle travaille à l'extérieur, dans les conditions naturelles, c'est-à-dire en présence d'une combinaison concrète de facteurs, qui interfèrent entre eux de manière différente.

La connaissance du phénomène écologique, toujours plus ou moins complexe, peut être atteinte par voie expérimentale ou par voie inductive

Les possibilités de l'écologie expérimentale sont limitées, en pratique, par la nécessité d'un outillage spécial, alors que la combinaison des deux méthodes aura le plus de chances d'être fructueuse.

Dans le domaine strict de l'écologie végétale, il faut noter que cette science existait avant son appellation.

Les auteurs de géorgiques dans la Rome antique y connaissaient déjà les rapports qui lient la vie des plantes et des arbres aux conditions extérieures, dans leurs effets les plus visibles, notamment les exigences édaphiques et climatiques de plusieurs espèces, l'action des facteurs de milieu défavorables, etc.

Vers la fin du XVIIIème siècle, les connaissances se précisent et s'affirment avec les premières observations vraiment expérimentales (parmi lesquelles priment celles de Duhamel du Monceau), qui permettent de confirmer ou d'infirmer des notions jusqu'alors tout à fait empiriques.

En même temps s'ouvrait une ère de voyages et d'exploration, dont les résultats autorisèrent des comparaisons et des synthèses qui représentaient les bases de la phytogéographie causale.

L'espace manque pour récapituler l'évolution de l'écologie végétale, et pour mentionner tous les noms qui le méritent; il suffit de rappeler A. von Humboldt, A. de Candolle, A. Grisebach, O. Drude, E. Warming, A. F. Schimper, en se limitant aux auteurs des principaux ouvrages généraux parus au XIXème siècle.

Nous voulons consacrer un très bref exposé au développement de l'écologie forestière, branche de l'écologie végétale qui étudie les rapports liant la vie des plantes forestières et les facteurs climatiques, édaphiques, biologiques du milieu.

L'écologie forestière constitue aujourd'hui le fondement scientifique même de la sylviculture, car elle permet au forestier d'apprécier où et comment il peut intervenir dans le jeu des rapports précités, de manière à ne modifier l'équilibre naturel que dans une mesure aussi réduite que possible et strictement exigée par les fins de chaque opération culturale.

Les premiers signes de constitution de l'écologie forestière se trouvent dans les principaux ouvrages forestiers du XIXème siècle. Il s'agit d'articles de caractère général, ainsi que de mémoires spécifiques, tel celui, bien connu, de G. Heyer (1854), sur le phototactisme des plantes forestières.

C'est vers la fin du XIXème et au début du XXème siècles que l'on voit nettement définies de nouvelles bases de la sylviculture, avec l'œuvre de K. Gayer, B. Borggreve etc., mais surtout celle de H. Mayr.

L'ouvrage de ce dernier Waldbau auf naturgesetzlicher Grundlage (1909), est le premier qui, par son titre même, s'oriente résolument dans cette voie nouvelle.

Par la suite, un nombre toujours croissant d'auteurs ont contribué à définir de façon rigide les principes naturels et écologiques de la sylviculture.

Pour s'en tenir aux ouvrages parus après celui de Mayr, bornons nous à citer Morosow, Cajander, Bühler, Pavari, Rubner, Dengler, Troup, Toumey, dont les ouvrages ont connu le succès auprès d'un vaste public. Non moins connus sont beaucoup d'autres chercheurs de tous les pays, auteurs d'importantes contributions de caractère spécifique, dont il n'est naturellement pas possible de donner même des exemples.

Les branches de l'écologie moderne

L'écologie forestière moderne peut se subdiviser en diverses branches rattachées, mais non subordonnées l'une à l'autre. L'autho-écologie et la synécologie comprennent l'étude détaillée des rapports existant entre les espèces ou coenoses forestières et les facteurs du milieu. L'étude des limites des aires de végétation et la détermination des facteurs qui déterminent ces limites constitue la phytogéographie causale. La phytosociologie (typologie pour quelques écoles, biocoenologie dans un sens pins général) est plus spécifiquement l'examen des rapports des végétaux entre eux et avec les autres organismes de la forêt.

En procédant par analyse et par synthèse, on parvient à une somme de connaissances concernant les conditions limitatives pour la vie de la forêt (ou de chaque espèce forestière) et les conditions optima ou marginales pour sa perpétuation (régénération au sens forestier) et sa production; les phénomènes de l'installation, de l'évolution et de la différenciation de la végétation forestière; la possibilité de culture dans des secteurs écologiquement analogues, etc. Toutes ces connaissances sont indispensables pour orienter rationnellement la sylviculture vers ses multiples fins.

Le but et l'ampleur du présent article ne nous permettent pas de parler, même brièvement, des connaissances acquises dans les différents domaines de l'écologie forestière; aussi nous limiterons nous à la phytoclimatologie, c'est-à-dire l'étude expresse de l'action du climat sur la distribution de la végétation.

Phytoclimatologie

Il n'y a pas de doute que le climat représente le facteur distributif de caractère le plus général, dans la mesure où il agit sur de vastes portions de la superficie terrestre.

Ce sont les variations climatiques dues à la latitude, à la distance des mers et à l'altitude, qui, dans l'ensemble, déterminent la distribution spatiale de la végétation. Les variations dues à des facteurs historiques ou à des facteurs édaphiques ou biotiques (notamment le facteur anthropique) ont presque toujours une portée géographique plus ou moins restreinte.

Dans ses grandes lignes, l'action distributive du climat peut être clairement représentée en superposant approximativement les grandes aires végétales et climatiques: ainsi la rain-forest d'essences feuillues correspond au climat équatorial pluvieux; les forêts d'espèces à feuilles caduques dans la saison sèche ou dans la saison froide aux climats tropicaux et tempérés; les forêts de conifères boréaux ou montagnards aux climats froids.

Cette correspondance, déjà relevée par les premiers phytogéographes, a été précisée et clairement définie par Schimper (1898) notamment systématisée dans quelques classifications physionomiques comme celle de Brockmann-Jerosch et Rübel (1912).

Mais l'expression qualitative et générale de ces correspondances ne révèle pas les rapports de cause à effet entre le climat et la végétation; il faut également arriver à une expression quantitative et chiffrée de ces rapports pour indiquer les limites des possibilités d'expansion d'une certaine espèce, ou phytocoenose, en fonction du climat.

Quelles sont, par exemple, les limites de température et de pluviosité qui déterminent le passage de la forêt pluviale aux autres formations intertropicales?

La recherche de telles valeurs limitatives ne peut être faite que par voie inductive, précisant avant tout les limites de l'aire de l'espèce ou de la coenose considérées, puis recherchant les facteurs climatiques de telles limites et la mesure de leur action.

L'action prédominante appartient généralement au facteur climatique dont l'intensité est au minimum ou au plus proche des limites de tolérance (ici du minimum, loi du maximum, loi du facteur limitatif, loi du facteur le plus significatif). Le plus souvent il s'agit d'une action combinée de deux ou plusieurs facteurs qui interfèrent et peuvent se compenser (loi de l'action relative, loi de compensation).1

1 Une méthode particulière d'évaluation des facteurs qui président à la délimitation climatique des aires de végétation, est suggérée par BOYKO (1947). Cet auteur énonce la «loi géo-écologique de la distribution», selon laquelle la distribution topographique (microdistribution) est une fonction parallèle de la distribution générale (macrodistribution) d'un écotype ou d'une communauté végétale; de telles distributions sont. toutes les deux, l'expression de l'amplitude écologique de l'écotype ou de la communauté.

Cette loi devrait permettre de tirer, d'une étude écologique-topographique, des conclusions applicables aux aires de distribution générale de l'espèce ou de la coenose considérées.

Les exemples donnés par l'auteur démontrent que cela peut être vrai pour les espèces ou communautés étudiées dans quelques points critiques de leurs limites, mais il ne nous semble pas que la validité de la loi puisse être étendue à tous les cas.

La recherche des valeurs limitatives est très difficile, parce que l'on ne possède pas de données suffisantes d'observation sur tous les facteurs climatiques.

Les facteurs exerçant l'action la plus générale sont la température et l'humidité. Pour la première nous possédons des données suffisamment significatives (températures atmosphériques ou du sol); pour la seconde nous n'avons, le plus souvent, que les résultats de mesures indirectes (précipitations atmosphériques, humidité, évaporation, etc.).

Les données relatives aux autres éléments du climat sont plus rares, ce qui explique que la quasi-totalité des tentatives de classification phytoclimatique se base essentiellement sur des données thermiques et pluviométriques 2.

2 L'importance phytogéographique d'autres éléments n'est nullement négligeable même si elle est souvent indirecte.

La lumière, réglant la transpiration et la photosynthèse agit sur les besoins d'eau et peut être un facteur limitatif (par exemple en haute montagne); la variation de Périodicité de l'illumination diurne peut modifier la résistance au froid, etc.

La vent peut, à lui seul, déterminer les limites de la végétation; cela arrive souvent en montagne, spécialement sur les sommets continuellement battus. D'un autre côté, la limite polaire de la végétation arborescente peut être due à l'action des vents glaciaux et non à un minimum thermique (Kihlmann, 1890; Szymkieviecz, 1930).

Application des données thermiques

L'évident parallélisme entre la succession des bandes thermiques et des grandes catégories de la végétation avec la variation de la latitude ne pouvait échapper aux premiers chercheurs intéressés à la phytogéographie causale, qui commencèrent à se servir des données thermiques pour rechercher les limites climatiques des formations végétales.

Le climat de l'oranger, de l'olivier, du châtaignier, selon la terminologie de Soulavie (1783); les zones thermiques de Humboldt (1817), les zones, bien connues, des mégathermes, des mésothermes, etc., de A. de Candolle (1855), sont déjà des catégories phytoclimatiques.

Par la suite beaucoup d'autres auteurs ont eu recours, pour le même but, à des données thermiques. A. de Candolle (1855), Merriam (1894), Selianinov (1928; 1930), utilisent les sommes des températures annuelles ou de périodes déterminées de l'année. Quervain (1903), Holmboe (1913; 1927), Salisbury (1926), se servent de températures moyennes mensuelles. Grisebach (1872), Mayr (1906), Livingston et Shreve (1921), considèrent les valeurs thermiques d'une période déterminée (par exemple, de la période végétative ou de la période sans gelées) Köppen (1926), Walter (1927), Enquist (1929; 1933), Rubner (1935), se servent de la durée d'une température déterminée. L'amplitude des variations thermiques annuelles, qui indique le caractère ou moins continental du climat (au point de vue thermique), a été aussi utilisée pour des buts phytogéographiques, après les premières observations de Humboldt, Wahlenberg et Grisebach.

Ces données prises individuellement, ne sont en général pas suffisantes pour exprimer les conditions climatiques d'une station, et c'est pour cela que de nombreuses tentatives ont été faites pour combiner numériquement et graphiquement) deux données thermiques ou davantage.

Parmi ces combinaisons, on peut citer quelques indices de l'«efficacité thermique» (un des plus connus est celui de Thornthwaite 1931); les climogrammes et quelques indices (par exemple l'indice hivernal de Giacobbe 1937; 1949, et le facteur thermique de Gonzalez Vazquez, 1933) de nature exclusivement thermique 3.

3 L'action du facteur thermique, quant à la limite polaire et à la limite alpine de la végétation, a été particulièrement considérée par divers auteurs parmis lesquels Brockmann-Jerosch (1919), Rubinstein (1924), Langlet (1935), etc.

L'humidité

Le premier élément auquel on a eu recours pour exprimer les conditions d'humidité a été la précipitation annuelle. L'insuffisance de cette donnée étant clairement apparue, on a tenu compte de la distribution des précipitations (régime pluviométrique), du nombre de jours de pluie, de l'évaporation, de l'hygrométrie, etc., et l'on a aussi élaboré des formules combinant deux données d'observation ou davantage.

Ainsi Köppen (1900) se sert du rapport entre la pluie et la tension maxima de la vapeur du mois le plus pluvieux; Transeau (1905), du rapport entre la pluie et l'évaporation; Meyer (1925), Rabbow (1927), du rapport entre la pluie et le déficit de saturation; Selianinov (1928; 1930) du rapport entre la pluie et la somme des températures de la période végétative; Trumble (1939) de celui entre l'évaporation et le déficit de saturation; Emberger (1930), Chipp (1937) et d'autres, des indices qui combinent la quantité de la pluie avec le nombre de jours pluvieux, etc.

La rareté des données pour l'humidité atmosphérique et l'évaporation a conduit divers auteurs à suggérer des formules dans lesquelles ces éléments figurent comme fonction de la température.

Parmi ces formules figurent certains des indices dits pluviothermiques ou hygrothermiques (selon les éléments utilisés), mais qui en fait sont presque tous des indices d'humidité

Citons les rapports entre la pluie et la température de l'année (pluviofacteur de Lang, 1916) ou de périodes déterminées (indice d'aridité de Martonne, 1926; pluviofacteur réduit d'Albert, 1928; hygrothermie de Amann, 1929; quotient pluviométrique de Emberger, 1930; pluviofacteur de Oelkers, 1932; etc.); Szymkievicz (1925), propose le rapport entre la pluie et un indice d'évaporation établi d'après la pression, l'humidité relative et la tension maxima du mois le plus sec. Angström (1936), propose le rapport entre la pluie et une fonction exponentielle de la température; Setzer (1946), se basant sur la loi de Van't Hoff, arrive à une formule du même genre.

D'autres auteurs se servent d'éléments divers pour exprimer les conditions d'humidité (l'indice de continentalité hygrique de Gams, 1931, par exemple, est un rapport particulier entre la pluie et l'altitude) ou celles d'humidité et de température combinées (indice hygrothermique de Livingston (1916), qui est le produit des sommes des températures par le rapport entre la pluie et l'évaporation; indice phytoclimatique de Gonzalez Vasques (1933), résultant du produit d'un facteur climatique et d'un facteur végétatif; le facteur IE de Boyko (1945), qui est un rapport entre l'insolation exprimée en fonction de l'inclinaison et de l'exposition, etc.).

Comme on l'a déjà dit, il faut considérer les effets écologiques distributifs du climat en tenant compte de tous les facteurs de celui-ci, ou tout au moins de l'ensemble de ses éléments principaux. Cela est nécessaire, car s'il est vrai que les limites sont essentiellement thermiques ou essentiellement hygriques, la nature de ces limites n'est jamais la même tout le long du périmètre de l'aire distributive d'une certaine espèce ou coenose. C'est pour tenir compte de ce fait, que des classifications phytoclimatiques basées sur la considération simultanée et coordonnée de plusieurs éléments ont été proposées.

Une des premières tentatives de ce genre est due à Köppen (1900), qui a établi des catégories climatiques dont les limites (chiffrées) représentaient, grosso modo, les limites écologiques d'autant de catégories de végétation ou de plantes cultivées.

Les classifications phytoclimatiques basées sur la végétation

A part celle-ci et d'autres tentatives partielles, la première classification spécifiquement phytoclimatique basée sur la végétation forestière (de l'hémisphère boréal), est due à Mayr (1906) lequel distingue six zones forestières: Palmetum (zone tropicale des palmiers); Lauretum (zone subtropicale des chênes-liège et des lauriers); Castanetum et Fagetum (zone tempérée-chaude des feuillus à végétation estivale, respectivement une partie plus chaude et une partie plus froide); Picetum (zone tempérée-froide des conifères); Alpinetum et Polaretum (zone froide des arbustes tordus).

La délimitation climatique de ces zones est faite par Mayr en prenant comme base: température moyenne de la période mai-septembre (considérée comme période végétative), température moyenne annuelle, moyenne des minima, pluviosité de la période végétative, l'humidité relative de la même période et l'époque de la première et de la dernière gelée. Mayr établit ainsi des limites climatiques en partie thermiques et en partie hygriques.

Cette tentative a été reprise quelques années plus tard par Pavari (1916), qui, mettant en évidence les insuffisances du schéma de Mayr, en propose un plus complexe, bien mieux caractérisé climatiquement (au moyen de la température moyenne annuelle, de la température moyenne du mois le plus froid et du mois le plus chaud, de la moyenne des minima et des maxima annuels; de la distribution des pluies; de la quantité des précipitations dans l'année et dans la saison chaude) et bien plus conforme à la distribution réelle des formations forestières. Négligeant la zone tropicale, il conserve les cinq dernières zones de Mayr, subdivisant la première (Lauretum) en trois types (selon le régime pluviométrique) et trois sous-zones (selon la température du mois le plus froid et la moyenne des minima); la deuxième en deux sous-zones thermiques et chacune en deux types, d'après le régime ou la quantité des pluies; la troisième et la quatrième en deux sous-zones thermiques.

En ce qui concerne la zone du Lauretum et la zone de Castanetum tout au moins, les zones et sous-zones de Pavari diffèrent notablement de celles de Mayr, leur seul point commun étant l'appellation.

Par la suite, outre les tentatives de Cajander (1916; 1921), Ilvessalo (1920) et autres études de caractère régional, il faut mentionner le schéma proposé par Rubner (1934; 1935) - qui prend pour critère le nombre de jours de température supérieure à 10° - et le projet de classification des climats au point de vue phytogéographique, élaboré par Emberger (1942) qui, se fondant sur le régime thermique et celui des pluies, distingue neuf grandes catégories climatiques.

Ces classifications comme l'on voit, utilisent directement des données climatiques; d'autres cherchent à réaliser une approximation plus grande en se servant, tout au moins en partie, de quelques uns des indices synthétiques précités.

Emberger (1930; 1932) se sert de son indice pluviothermique et des moyennes des minima du mois le plus froid, pour établir graphiquement la répartition du phytoclimat méditerranéen en divers «étages» (aride, semi-aride, sub-humide, humide, de montagne) 4.

4 La délimitation phytoclimatique de la région méditerranéenne fait l'objet d'une étude qu'exécute actuellement la Sous-Commission européenne de la FAO pour les problèmes de la Méditerranée qui, dans ses réunions (1948; 1950) a discuté les principes d'élaboration d'une carte écologique spéciale

Perrin (1931), utilisant les valeurs annuelles et mensuelles de l'indice de Martonne, recherche des limites climatiques des grands types physionomiques forestiers de Brockmann-Jerosch et Rübei (Pluvisilvae, Laurisilvae, etc.).

Thornthwaite (1931; 1933) se sert des indices d'efficacité pour asseoir une répartition phytoclimatique de l'Amérique du Nord et de la terre basée sur l'étude de la végétation et du sol 5.

5 Dans un travail plus récent (1948) Thornthwaite abandonne ce criterium empirique et préfère rechercher des limites climatiques rationnelles, partant d'une comparaison entre l'évapotranspiration potentielle (c'est-à-dire la quantité d'eau qui serait restituée à l'atmosphère par évaporation et transpiration dans des conditions optimales d'humidité du sol et de couverture végétale) et les Pluies. Une telle comparai son permet d'établir des valeurs qui indiquent de brusques variations du climat (points de rupture comme dit l'autour), correspondant à des barrières climatiques réelles. Il est difficile de savoir jusqu'à quel point la classification purement climatique, à laquelle Thornthwaite parvient. peut servir à des fins phytogéographiques.

Des tentatives géographiquement plus limitées ont eu lieu, telle celles de Giacobbe (1936: 1949), qui définit pour la péninsule italienne sept aires phytoclimatiques, d'après les valeurs de la variation thermique annuelle, du régime pluviométrique et des deux indices; à Gonzalez Vazquez (1947), qui, se fondant sur les variations des valeurs de ses indices, distingue de nombreux types de climat correspondant à autant de types de forêts ibériques, etc.

Quant aux méthodes de combinaison et de représentation des données, nous devons mentionner la solution originale de Gaussen. Cet auteur a eu recours à la représentation cartographiques des divers facteurs climatiques, au moyen de couleurs appropriées, dont l'intensité varie avec celle de l'action des facteurs mêmes. La superposition des couleurs donne une série de nuances dont chacune revêt une signification écologique particulière

La méthode est certainement intéressante et les applications faites jusqu'à maintenant (voir Gaussen, 1949, et les travaux précédents; Cure, 1945, 1948) sont une démonstration efficace des résultats que l'on peut obtenir.

Comparaison des données et classifications

Il n'est pas possible de dire quelle donnée ou quelle classification peut répondre le mieux aux buts phytoclimatiques sans recourir à un travail comparatif sur des bases concrètes.

Le travail le plus remarquable à ce propos, par l'ampleur de l'aire considérée et l'abondance des données utilisées, est celui de Livingston et Shreve (1921).

Ces auteurs confrontent les limites de la végétation des Etats-Unis d'Amérique avec un nombre considérable de lignes d'isovalence climatique, correspondant à des valeurs déterminées de certaines données et indices thermiques (indices divers d'efficacité thermique, notamment nombre des jours de la période sans gelées) hygriques (précipitations annuelles ou de périodes déterminées, rapport entre la pluie et l'évaporation, humidité, etc.), ou hygrothermiques (indice de Livingston).

Les nombreuses comparaisons démontrent que certaines limites (celles du désert et de la prairie) sont essentiellement hygriques, d'autres (celles des feuillus toujours verts) surtout thermiques, d'autres encore (celles des feuillus à feuilles caduques et des conifères) relèvent, enfin, une nette interférence entre les deux catégories de facteurs.

Les conclusions essentielles que l'on peut tirer du travail sont:

1) la comparaison cartographique ne peut être significative que si elle est effectuée pour des aires très étendues;

2) on ne peut établir une correspondance générale suffisante entre des aires de végétation et des aires climatiques que si la délimitation climatique repose sur deux facteurs ou plus;

3) la correspondance entre les limites de la végétation et quelques lignes isoclimatiques n'est pas preuve absolue d'une corrélation causale, car l'influence des facteurs climatiques est toujours collective et interdépendante;

4) les lignes d'isovalence de quelques facteurs peuvent être parallèles et, en ce cas, si l'on veut dégager le facteur le plus efficace, il faut étudier les corrélations dans des secteurs critiques pour chaque facteur.

L'on doit d'autres travaux comparatifs à Pearson (1931), pour le sud-ouest des Etats-Unis; à Hesselmann (1932), pour la Suède; à Gams (1935) pour la région méditerranéenne; à De Philippis (1937) pour l'Italie, etc.

Si l'on veut tirer une conclusion de ces études et autres travaux du même genre, il faut affirmer qu'avec les données dont on dispose aujourd'hui, il n'est pratiquement pas possible d'arriver à des solutions valables dans tous les cas, soit qu'il s'agisse d'une délimitation selon de grandes lignes (sur une échelle géographique) soit qu'il s'agisse d'une délimitation plus restreinte (à l'échelle locale ou topographique).

La multiplicité des tentatives effectuées, surtout pour la recherche de formules synthétiques, suffit à montrer la complexité et la variabilité du problème.

En règle générale l'on peut dire que: les classifications basées sur l'emploi direct des données d'observation peuvent avoir une signification plus générale, et le choix heureux des données et leur combinaison forme de tableaux de graphiques ou de cartes). peut donner une approximation généralement suffisante pour les besoins de la phytoclimatologie. Par contre, de telles classifications ne sont guère utiles dans le cas d'aires géographiques limitées ou de recherches détaillées, et il convient alors d'avoir recours aux indices synthétiques.

L'emploi de ceux-ci a donné, dans l'ensemble, des résultats moins satisfaisants qu'on ne l'avait espéré. En effet, il est apparu que tous les indices ne possédaient pas une signification réellement phytoclimatique (ou bioclimatique en sens plus général) et, dans tous les cas, cette signification ne dépasse pas les limites d'aires climatiques circonscrites, celles, par exemple, d'une certaine bande thermique.

Cette insuffisance des formules synthétiques déjà relevée par l'auteur en 1937) est due à la formulation mathématique, généralement inexacte, dés indices en fonction des facteurs auxquels s'applique chacun d'eux. Ainsi, s'il est vrai que l'humidité d'une station croit avec l'augmentation de la pluie et diminue avec celle de la température, il n'est pas dit qu'il s'agisse d'une proportionnalité directe, dans le premier, ou inverse dans le second cas, comme celle qu'exprime, par exemple, le rapport P/T.

On a cherché à pallier à cet inconvénient en appliquant des coefficients de correction, généralement empiriques, mais même cette solution n'a pas permis d'aboutir à des expressions d'une validité générale.

Il n'y a pas de doute qu'une approximation toujours plus étroite pourra être réalisée, soit pour les classifications, soit pour les indices, lorsque l'on disposera de données plus abondantes, portant sur un plus grand nombre d'éléments climatiques, et avant tout, sur de plus longues périodes d'observation. C'est alors qu'il sera possible de procéder à un choix et à une élaboration de données plus significatives et appropriées (en tenant compte non seulement de l'intensité, mais aussi de la périodicité et de la fréquence de l'action de chaque facteur climatique), et de mieux distinguer l'influence de chaque facteur, même dans le cas de variation parallèle ou d'actions indirectes (par exemple: aridité physiologique due à une basse température).

Cette conclusion justifie pleinement la persistance des efforts faits pour établir des classifications ou des formules synthétiques du climat, d'une signification écologique concrète, pour les buts scientifiques et pratiques de la phytoclimatologie forestière. Pour des buts qui vont de la connaissance du déterminisme climatique des aires de végétation, à la délimitation des secteurs optimaux ou marginaux des aires des diverses essences forestières; à la recherche de l'analogie climatique 6 entre des aires diverses de la superficie terrestre, etc.

6 La méthode des «analogues climatiques» appliquée en sylviculture par Mayr et Pavari pour des buts de culture (introduction d'essences exotiques) a eu de larges applications aussi dans l'agriculture, notamment par les Russes et. plus récemment par les Américains (l'American Institute of Crop Ecology, publie on ce moment une intéressante série d'études agro-climatiques).

Panorama de la région environnant le Laboratoire d'Hydrologie de Coweeta dont le travail est décrit dans l'article «Recherches sur les relations entre les forêts et les coure d'eau». La photographie montre le type local de culture à l'extérieur des limites du Laboratoire. Au centré on peut voir un bassin expérimental exploité deux ans auparavant en vue de déterminer les effets du déboisement sur le débit d'un cours d'eau.


Page précédente Début de page Page suivante