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Le peuplier dans le monde - Recherches en cours et programme d'avenir

par JEAN POURTET, Ingénieur principal des Eaux et Forêts, Nancy

Les peupliers (genre Populus) constituent avec les saules (genre Salix) la famille des Salicacées. Le genre Populus est divisé en cinq sections (ou sous-genres): la section Leuce (trembles et peupliers blancs) répandue dans tout l'hémisphère nord; la section Tacamahaca (baumiers) en Asie et en Amérique du Nord; la section Aigeiros (peupliers noirs) des régions tempérées de l'hémisphère nord; la section Leucoïdes du sud-est de l'Amérique du Nord et d'Extrême-Orient; enfin la section Turanga, du bassin méditerranéen.

Les peupliers des trois premières sections occupent une place très importante dans l'économie mondiale: environ 5 millions de mètres cubes sont produits par les trembles et les peupliers baumiers dans une vaste zone circumboréale, U.R.S.S. non comprise; 3 millions de mètres cubes par les peupliers noirs de culture en Europe occidentale et environ 2 millions de mètres cubes par divers types dans le bassin méditerranéen.

Historique

Si les trembles et, pour une moindre part, les peupliers baumiers, n'ont pas d'histoire car ils n'ont une grande importance que sous forme de peuplements spontanés et n'ont fait l'objet de culture que dans quelques cas particuliers, les peupliers noirs méritent quelques mots d'historique.

Les premiers peupliers introduits d'Amérique et d'Orient en France le furent dans un but ornemental et comme arbres de parc: les facilités du bouturage permirent de multiplier rapidement et indéfiniment chaque type introduit même sous forme d'un seul individu.

Et ceci explique que le long délai, un siècle bien souvent, qui s'écoule habituellement entre l'introduction par graines d'une espèce forestière et son large emploi dans les reboisements, ne fut pas nécessaire pour que les peupliers soient connus et appréciés. Leur rapidité de croissance permit même de précoces croisements entre les nouveaux venus et Populus nigra spontané. On date de la fin du XVIIe siècle les premières introductions de peupliers américains en Europe: dès 1754, Henri Louis Duhamel Du Monceau cite les résultats qu'il obtient de ses plantations de peupliers, précise leur écologie et leurs qualités technologiques.

A la même époque on plante des hybrides dont quelques spécimens existent encore, par exemple le P. euramericana f. serotina, planté en 1752 dans le Jardin botanique de Nancy et qui a actuellement une circonférence de 6,30 mètres à 1,30 mètre du sol.

Certains de ces hybrides sont réimportés en Amérique par des émigrants, et au début du XIXe siècle François-André Mi chaux, naturaliste explorateur de l'est américain, hésite à classer les peupliers noirs qu'il rencontre dans la région de New York. Il mentionne, dans son remarquable ouvrage sur les arbres de l'Amérique du Nord 1 le «peuplier suisse ou de Virginie» si couramment cultivé en Europe parce que, quoiqu'il ne l'ait pas rencontré, il est peut-être naturel dans quelque partie de l'Amérique.

1 Histoire des arbres forestiers de l'Amérique septentrionale, Paris, 1810-13, 4 vol.

Au cours du XIXe siècle, un empirisme intelligent permet de choisir dans les hybrides existants quelques types intéressants qui prennent une grande importance dans le paysage français ainsi que dans la production. Peu à peu, ces hybrides se répandent dans les autres pays de l'Europe occidentale.

Au début du XXe siècle, le botaniste français Louis Albert Dode, tente une étude d'envergure mais, d'esprit trop systématique, elle n'a que peu de suite pratique. Il faut attendre les travaux de Henry, de Candsdale, de Houtzagers, de Régnier, de Piccarolo, pour trouver une orientation économique des études théoriques.

Depuis 1947, sous la présidence du Professeur Guinier, ces activités dispersées sont coordonnées au sein de la Commission internationale du peuplier et on peut faire le point des connaissances actuelles.

Identification et nomenclature

La Commission internationale du peuplier mit cette question en tête de ses travaux, non par pur esprit scientifique, mais en raison de sa grande importance pratique: nous avons vu les confusions qui apparaissaient dès le XVIIIe siècle où Michaux désigne le même arbre sous les noms fantaisistes de «peuplier suisse» et de «peuplier de Virginie». Les facilités de multiplication végétative, les soucis commerciaux, ont amené la création d'une série infinie de noms. Il n'était pas possible, dans cette complexité, de se contenter de la formule de certains populiculteurs: «Qu'importe le nom, cultivons les types dont nous constatons la réussite dans telle ou telle condition». Cette empirisme aurait rendu illusoire tout échange international et même régional. Il eût été aussi l'origine de surprises regrettables.

Après deux années de travail, la nomenclature des peupliers noirs a été misé au point: on distingue trois grandes unités botaniques:

a) Populus nigra L.: peupliers noirs de l'ancien continent;
b) Populus deltoïdes Marsh: peupliers noirs de l'est de l'Amérique du Nord;
c) Populus euramericana (Dode) Guinier: hybrides entre les deux espèces précédentes.

Chacune de ces unités est divisée en un certain nombre de groupes réunissant diverses sélections souvent désignées sous les noms de fantaisie locaux:

a) Populus nigra L.:

P. nigra f. italica: forme fastigiée mâle cultivée dans un but ornemental dans le monde entier et dans un but économique dans la région méditerranéenne;

P. nigra

f. «Vert de Garonne» (France),

f. «Hamoui» (Syrie) et d'autres formes dans les régions circumméditerranéennes, sont des types femelles nettement érigés qui produisent un bois apprécié, en particulier pour la charpente.

b) Populus deltoïdes Marsh:

P. deltoïdes f. carolinensis (†) et angulata (‡) types méridionaux à bois excellent mais exigeants et difficiles à bouturer;

P. deltoïdes f. missouriensis à port érigé; la forme mâle a été introduite et est cultivée aux Pays-Bas;

P. deltoïdes f. monilifera (†) et f. virginiana (‡), types résistants au froid, à croissance rapide et dont la forme femelle est très largement cultivée en France.

c) x Populus euramericana (Dode) Guinier.

Ces hybrides vigoureux et à croissance rapide sont cultivés dans toute l'Europe occidentale et ont été diffusés par le commerce dans le reste du monde. Il en existe de très nombreux clônes dont nous ne citerons que les principaux groupes:

x P. euramericana f. serotina: type mâle à feuillaison tardive, résistant au froid et dont le bois est excellent;

La forme gelrica sélectionnée en Hollande, paraît voisine du type précédent.

x P. euramericana f. regenerata: type femelle à chatons caducs dont le bois est excellent mais qui, dans certaines conditions, est sensible à une grave maladie (chancre suintant);

x P. euramericana f. robusta: type mâle à feuillaison précoce, à tige remarquablement droite et à port érigé; d'origine relativement récente, il a conquis le monde quoiqu'il soit exigeant et que les qualités de son bois soient encore mal connues;

x P. euramericana f. I-214, 155, etc.: excellents hybrides sélectionnés en Italie par le Professeur Piccarolo et parfaitement adaptés aux conditions particulièrement favorables de la vallée du Pô.

Désormais, les nouveaux types créés ou apparus fortuitement seront désignés par un numéro précédé de l'initiale du pays obtenteur: ils pourront être rattachés à un groupe déjà dénommé.

Les études ont également précisé les caractères pratiques de détermination: date de feuillaison et sexe; port, caractères du rhytidome et des rameaux, des fructifications, etc. Le récent voyage aux Etats-Unis d'un groupe d'experts européens a permis de préciser quelques points obscurs.

Aucune difficulté n'est apparue dans la nomenclature des peupliers baumiers où il ne paraît pas nécessaire de distinguer des clônes dans les espèces et variétés dénommées suivant la nomenclature binaire.

Les peupliers blancs sont moins bien connus, à l'exception des trembles: Populus tremuloïdes Michaux et grandidentata Michaux pour l'Amérique; Populus tremula L. pour l'Europe avec ses deux formes: à grandes feuilles glabres, boréale et montagnarde, et à petites feuilles velues dans le jeune âge (var. villosa).

Les peupliers blancs méridionaux sont caractérisés par le tomentum persistant de la face inférieure des feuilles: on connaît, dans les jardins botaniques et arboretums, Populus nivea Willd, Hickeliana Dode, subintegerrina Lange, etc. de la région méditerranéenne. Et dans les forêts d'Europe, l'hybride orphelin du tremble et de P. nivea: P. megaleuce Dode (ypreau ou blanc de Hollande) et son proche parent P. canescens (grisard).

On est, par contre, moins bien documenté sur les mérites relatifs de ces types, sur leur écologie et sur leur propagation.

Création de types nouveaux

Nous avons dit que jusqu'au XXe siècle, pépiniéristes et planteurs se contentèrent de multiplier les types spontanés ou hybrides qui leur paraissaient les plus intéressants par leur rapidité de croissance ou par leur résistance à tel et tel ennemi: les résultats n'ont pas été trop mauvais puisque beaucoup de types sélectionnés en France depuis plus de 100 ans sont encore multipliés et plantés dans toute l'Europe occidentale et rivalisent avec les meilleurs nouveaux venus.

Il parut cependant nécessaire d'augmenter la gamme de types offerts au choix des utilisateurs et pour cela de rechercher systématiquement des types nouveaux: c'est ce qui fut entrepris après la première guerre mondiale à l'Institut de populiculture de Casale Monferrato en Italie.

On procéda par hybridation artificielle et aussi par récolte des semences des arbres femelles les plus satisfaisants; la deuxième méthode, qui ne permet pas de connaître avec certitude le parent mâle, a l'avantage de donner un très grand nombre d'hybrides parmi lesquels la sélection peut s'exercer.

Les résultats ont été excellents: de nombreux types ont été obtenus; ils présentent une résistance satisfaisante aux maladies les plus dangereuses, une croissance très rapide et de bonnes qualités technologiques. Ils sont actuellement expérimentés en France et dans d'autres pays d'Europe, mais ils ne pourront donner partout de bons résultats car ils sont sensibles aux gelées hivernales ou automnales et d'autre part, les sols où on les introduit sont généralement moins bons que ceux de la vallée du Pô.

En Allemagne, les recherches portèrent essentiellement sur la sélection de types correspondant à chaque catégorie de sol et entre autres capables de réussir sur des terrains relativement secs: les peupliers n'ont d'ailleurs une grande importance que dans la vallée du Rhin où leur utilisation comme arbre forestier est très poussée. C'est également le cas en Suisse où on a recherché les arbres les plus intéressants sans souci de leur position systématique.

Dans le même temps, les Suédois créèrent de nouveaux types de peupliers trembles ayant une croissance très rapide, soit par l'hétérosis (P. tremula x tremuloïdes), soit par augmentation du stock chromosomique (tremble triploïde): ils ne semblent pas utilisables sous les latitudes plus basses, en raison probablement de l'insuffisance de longueur des jours.

Enfin, aux Etats-Unis, les recherches ont jusqu'à une date récente, exclusivement porté sur la création et la d'hybrides entre peupliers noirs et peupliers baumiers.

Chaque pays doit donc entreprendre ou continuer des recherches s'il souhaite trouver de nouveaux types correspondant à ses propres desiderata. D'ores et déjà, il est certain que les résultats qui pourront être obtenus ne seront pas très supérieurs à ceux que donnent les types actuels pour la production matière, mais on peut espérer améliorer les qualités technologiques et la résistance aux maladies.

La création de «populetum», ou collection de peupliers, qui se généralise dans divers pays, permettra de comparer avec certitude les anciens et nouveaux types: en France, 70 types sont dès maintenant plantés côte à côte dans la vallée de la Loire, près de Blois.

Multiplication et culture

Les peupliers noirs et les peupliers baumiers sont dans la pratique exclusivement multipliés par bouture: la technique est simple et seuls quelques types nécessitent, pour avoir une bonne reprise, des précautions spéciales telles que l'irrigation des pépinières. Aucun résultat n'a été obtenu par l'utilisation des hormones de croissance.

Par contre, il est indispensable que les boutures soient prélevées sur des sujets jeunes et, si possible, dans leur cime. On constitue donc, à l'aide de boutures prélevées sur des arbres d'élite, des pieds-mères traités en tétard et qui fournissent des boutures excellentes. Ils doivent être renouvelés tous les dix ans environ.

L'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Tchécoslovaquie ont apporté d'importantes contributions dans la mise au point de la technique de bouturage.

Les peupliers blancs sont beaucoup moins aisés à bouturer: les trembles ne réussissent absolument pas, les peupliers blancs proprement dits, et particulièrement les types méridionaux, réussissent beaucoup mieux mais la multiplication est rarement économique.

Les Danois et les Suédois ont mis au point une méthode de propagation par bouturage en serre de drageons naissants encore herbacés; elle peut rendre de grands services, mais doit être perfectionnée et surtout rendue plus pratique pour être économique. Des travaux orientés dans ce sens sont entrepris par la Station de recherches forestière française.

Au Canada, on cherche à faciliter le bouturage des trembles par hybridation avec d'autres types de la même section.

Les règles de culture des peupliers ont été établies peu à peu et assez empiriquement, et dans la plupart des pays de culture, les plantations sont encore faites a une trop forte densité. Les études poursuivies depuis quelques années dans des places d'expériences en Belgique, en France et en Italie ont permis de préciser que seules les peupleraies comprenant au maximum 200 tiges à l'hectare, étaient rentables et donnaient le meilleur assortiment de produits. Elles ont précisé le peu d'efficacité des éclaircies. Les observations faites aux Etats-Unis par la récente mission internationale montrent que les mêmes règles sont applicables aux hybrides de baumiers: en effet, les plantations denses n'ont donné que des échecs au lieu des magnifiques rendements que les théoriciens espéraient.

A côté de ces peupleraies «pleines», on cultive avec succès les peupliers en alignement et dans certaines régions on les introduit dans des peuplements forestiers.

La connaissance des types de sols satisfaisants est également bien avancée. Les soins d'entretien, l'élagage, sont bien définis.

Les mêmes études ont montré que les peupliers devaient avoir atteint une circonférence minimum de 1,20 mètre 1 pour être commercialisables, et que même la papeterie préférait des bois d'un diamètre suffisant.

1 Tout au moins en Europe occidentale. dans le Proche-Orient, au contraire, les bois de peupliers de faible diamètre sont recherchés.

Ennemis des peupliers

Ils sont aussi nombreux que variés, depuis les mammifères qui rongent les écorces (lapins, écureuils et autres petits rongeurs en Europe occidentale, cervidés en Amérique du Nord) jusqu'aux bactéries mal connues des chancres.

Il est très net que la plupart des parasites ont une spécificité marquée, ce qui nécessite la connaissance de la place systématique des types cultivés; par exemple, le gui d'Europe occidentale (Viscum album L,) ne s'installe pas sur Populus nigra L., mais envahit tous les hybrides euraméricains. Les agents mal connus du chancre suintant choisissent d'une manière encore plus stricte leurs victimes: parmi les hybrides euraméricains, ils n'endommagent que la forme regenerata et ne sont d'ailleurs dangereux que dans la partie nord de son aire d'utilisation.

Les deux parasites que nous venons de citer attaquent les arbres sains et vigoureux. D'autres également, tels les insectes ou champignons défoliateurs ou les insectes creusant des galeries dans le bois.

Par contre, beaucoup d'ennemis des peupliers ne s'attaquent qu'à des arbres en état de moindre résistance: parasites de faiblesse et maladies de carence qui sévissent dans les peupleraies trop denses et sur les arbres plantés dans des conditions écologiques défavorables: ce sont eux qui causent les plus fréquents dommages mais ils peuvent être évités par une bonne sylviculture.

La Commission internationale du peuplier a prescrit aux Etats Membres une enquête sur les ennemis des peupliers: cela permettra de rassembler des documents épars.

Les emplois du bois de peuplier

Ils sont très variés en raison de la facilité de travail de la légèreté et des bonnes qualités mécaniques de ce matériau.

Sciages. Ce sont les emplois les plus anciens et ceux des qualités les plus courantes. On peut mettre à part la charpente surtout importante dans le bassin méditerranéen grâce aux qualités particulières de Populus nigra (forma italica à l'ouest); d'autres types à l'est sont souvent utilisés sous forme de petits bois ronds, en Turquie par exemple.

La caisserie, où la légèreté a une importance capitale, utilise souvent les bois noueux ou de trop faible diamètre. La fabrication des carcasses de meubles a en France une grande importance: les tendances du marché du meuble influencent fortement les prix du bois de peuplier dans la région parisienne.

Enfin, Belgique et aux Pays-Bas, la saboterie absorbe un volume important de bois de peuplier. Les peupliers blancs sont utilisés en charpente et pour la construction de bateaux.

Déroulage. Les peupliers se déroulent aisément sans traitement préalable, tout au moins lorsqu'ils sont de bonne qualité: c'est la proportion de bois de déroulage dans une grume qui détermine sa valeur. Les parties les moins belles servent pour l'emballage. Les bonnes parties pour les allumettes. Les bois de choix, de longueur suffisante, pour la fabrication du contreplaqué.

Ces emplois principaux, sciage et déroulage, ont motivé dans beaucoup de pays, et notamment en Suisse, de nombreuses recherches pour diminuer la proportion des déchets par l'élimination de certains défauts; et pour déterminer l'influence du clône, des conditions écologiques ambiantes et des soins d'entretien sur les qualités du bois.

Il semble d'ores et déjà certain que certains types présentent des qualités technologiques supérieures (par exemple le clône P. deltoïdes f. carolinensis cultivé dans le sud-ouest de la France) mais que dans la plupart des cas, les conditions de croissance et les soins d'entretien (élagages en. particulier) ont une importance beaucoup plus grande sur les qualités technologiques et le rendement en bois de choix que les qualités intrinsèques du type cultivé. Ceci explique les surprenantes divergences d'opinions qu'on observe chez les utilisateurs même les plus avertis.

Cellulose. Si trembles et peupliers baumiers sont depuis longtemps des sources appréciées de pâte à papier, par contre l'utilisation des peupliers noirs dans ce but est relativement récents. L'Italie est nettement en tête de cette industrie.

Les techniciens français sont plus réticents et cherchent les meilleures proportions à utiliser en mélange avec des pâtes à fibres plus longues.

La fabrication des panneaux de fibres est également importante en Amérique et dans les pays nordiques; elle commence à se développer en Belgique.

Ces emplois, pâte et panneaux, resteront cependant toujours moins payants que les autres, tout en constituant un utile débouché pour les bois de petites dimensions et de forme peu satisfaisante.

Conclusion et programme d'avenir

Ainsi, des résultats considérables ont été acquis, fruits de multiples efforts coordonnés depuis peu par l'action de la Commission internationale du peuplier; nous pouvons les résumer comme suit:

Peupliers noirs (section Aigeiros). L'identification et la classification des types connus (spontanés ou hybrides) sont pratiquement réalisées. Pour leur nomenclature, un cadre a été tracé dans lequel on peut insérer les nouveautés. Il semble d'ailleurs qu'on possède dès maintenant une gamme de types permettant d'obtenir les meilleurs résultats possibles dans les bons terrains frais et riches des régions tempérées de l'Europe occidentale: ces types sont suffisamment variés pour répondre aux diverses demandes de l'économie actuelle, compte tenu des conditions écologiques particulières à la station et des dangers d'ordre pathologique.

Les règles de culture sont bien établies, mais il reste à en généraliser l'application.

Peupliers baumiers (section Tacamahaca). Leur expérimentation et celle de leurs hybrides reste à faire: on peut espérer des résultats intéressants dans les climats froids ou tempérés froids.

Peupliers blancs (section Leuce). Seules les recherches des Suédois ont quitté le stade de l'expérience proprement dite pour passer aux applications pratiques. Ailleurs, on exploite les peuplements naturels et on fait quelques plantations souvent irrationnelles par suite de l'imparfaite connaissance de la question.

Ce résumé doit nous tracer les études de l'avenir; il permet de constater en effet:

a) les exigences de nos peupliers actuellement cultivés qui ne peuvent prospérer que dans de très bons sols d'alluvions riches, rarement disponibles sur des surfaces étendues;

b) l'imprécision de nos connaissances sur les peupliers blancs, leur culture et leurs possibilités, surtout en ce qui concerne les types méridionaux;

c) le faible développement des études dans l'ensemble de la zone tempérée chaude et particulièrement du bassin méditerranéen.

Chercheurs et praticiens doivent donc orienter leurs efforts sur les points suivants:

1. La recherche de types utilisables sur des sols relativement secs et d'une richesse moyenne ou réduite. Ce problème intéresse peu les pays du nord-ouest de l'Europe où l'humidité du climat compense le déficit possible d'alimentation en eau du sol. Il est par contre capital dans tous les pays circumméditerranéens.

Les peupliers noirs eurasiatiques (Populus nigra L.) sont plus résistants à la sécheresse que les types méridionaux de P. deltoïdes; c'est donc leur étude qui peut apporter la solution.

Dans le sud-est de la France, des peupliers noirs à croissance et à forme relativement satisfaisantes sont cultivés localement: le choix des meilleurs d'entre eux, la sélection opérée dans les semis qu'on peut en obtenir, éventuellement même le croisement avec des hybrides euraméricains doivent permettre d'obtenir assez rapidement des types dont la production sera marchande sur des sols où les peupliers actuellement cultivés ne réussissent pas. Il est probable qu'une prospection dans toute l'aire de P. nigra permettrait de trouver d'autres clônes intéressants.

Dans le sud-ouest de la France et dans le bassin oriental de la Méditerranée sont cultivés des clônes femelles de P. nigra à port érigé mais nettement moins étroit que le peuplier d'Italie: ce sont des «Hamoui» de Syrie, le «Vert de Garonne», etc. Ils sont très utilisés localement. Leur amélioration peut être très intéressante, d'autant plus que les pays circumméditerranéens demandent aux peupliers de produire du bois de charpente et exigent donc des qualités technologiques particulièrement marquées chez Populus nigra dont la feuille est en outre appréciée pour la nourriture du bétail.

2. L'étude scientifique des peupliers blancs méridionaux. Ils sont très peu connus et encore moins utilisés, sauf dans le Proche-Orient où un type cultivé sous le nom de «Roumi» et qui est une forme fastigiée de Populus nivea Willd, peut être utilisé pour le déroutage.

Si les études des botanistes ont permis une première classification, probablement incomplète et peut être inexacte qu'une enquête devrait achever, nos connaissances sont tout à fait insuffisantes pour leur écologie, leur sylviculture et leur utilisation.

a) Leur écologie. Ils sont parfaitement résistants aux hautes températures estivales, susceptibles de vivre dans des sols relativement secs et même salés, mais il est indispensable de préciser les différences de comportement des divers types et de connaître leurs limites de résistance aux facteurs limitants: sécheresse, eaux stagnantes, maxima et minima de températures. Il est non moins indispensable de savoir dans quelles conditions minima ils donnent encore des produits marchands, et ceci rejoint les préoccupations sylvicoles.

b) Leur culture. Elle est pratiquement ignorée: il semble cependant certain que, comme tous les peupliers de la section Leuce, ils sont susceptibles de croître en massif plus serré que les peupliers noirs, mais les limites économiques de cette plasticité ne sont pas connues.

Leur multiplication végétative est beaucoup plus aisée que celle des trembles: cependant, les détails de 1 a technique sont à préciser.

3. L'étude scientifique des bois produits. Toutes ces recherches devront être constamment liées à des études technologiques poursuivies au laboratoire et en usines sur de petits lots parfaitement identifiés.

Seuls seront ensuite multipliés les types ayant donné satisfaction aux points de vue charpente, sciage, papeterie et déroulage ou à l'un seulement de ceux-ci.

4. Le développement de la populiculture dans les pays tempérés - chauds est en liaison directe avec les solutions données aux questions précédentes et à l'étude de la section Turanga. Cependant, quelques bons terrains d'alluvions bien irrigués existent même dans les plus chaudes parties de la région méditerranéenne; ceux-là devront être plantés de peupliers noirs à grand rendement. Il est d'ailleurs aisé de prévoir la réussite des formes méridionales de Populus deltoïdes Marsh et d'un certain nombre de types hybrides créés ou sélectionnés à l'Institut italien de populiculture de Casale Monferrato.


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