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Le pin à l'encens - Pinus taeda L.

Maintien de cette essence comme subclimax dans le sud-est des Etats-Unis

Par T. LOTTI et R.D. McCULLEY, Station d'expériences forestières du sud-est, Service forestier des Etats-Unis

S'il existe dans le monde entier un problème que doivent affronter les sylviculteurs, c'est bien le maintien d'un couvert forestier capable de fournir à l'homme le maximum de produits, eu égard aux données écologiques de la station. Là où le climax naturel est aussi le meilleur peuplement forestier au point de vue économique, il ne se pose pas de dilemme. Mais en beaucoup d'endroits l'aménagiste préfère une forêt subclimacique du fait que les arbres qui la constituent croissent plus vite ou ont une valeur commerciale supérieure à celle des essences du climax. Là où ce cas se présente le sylviculteur doit savoir comment composer avec les lois de l'écologie pour maintenir indéfiniment le subclimax. Alors il peut mettre au point les techniques susceptibles de conserver ce subclimax malgré les tendances de l'écologie locale.

S'il fallait désigner la tendance écologique particulière ayant le plus préoccupé les forestiers on trouverait sans doute que c'est la substitution naturelle au pin d'essences feuillues plus intolérantes. Dans les meilleures stations à peuplements feuillus il est, en général, non économique de combattre cette tendance car la production de bois feuillus est élevée en quantité et en qualité et ils sont souvent difficiles à remplacer. Le problème majeur se pose dans les stations de productivité moyenne ou faible, où les pins tendent à être concurrencés ou éliminés par des essences feuillues ayant une productivité plus faible ou un bois moins estimé. Aux Etats-Unis cette tendance a été encore exagérée sur de grandes surfaces par l'exploitation exclusive des pins sans souci de leur régénération.

Le problème est particulièrement aigu pour les associations à pin à l'encens (Pinus taeda L.) du sud-est des Etats-Unis. A partir d'un point situé sur la côte Atlantique, juste à l'est de Washington, D.C., la zone du Pinus taeda L. s'étend vers le sud-est, s'élargissant en forme de croissant sur une distance de près de 1.500 miles (2.400 km), dépassant le Mississippi et pénétrant les états de l'Arkansas et du Texas. A l'extrémité nord de son aire, cette espèce est localisée à la plaine côtière. Plus au sud, Pinus palustris et P. caribaea occupent la plaine côtière et Pinus palustris croît principalement dans les régions de collines de l'arrière pays.

Cette zone est si vaste qu'elle donne l'impression erronée qu'il s'agit d'un climax forestier naturel. Ce n'est, au contraire, qu'un subclimax qui, dans les conditions naturelles, céderait la place à des feuillus tels que l'érable, le hêtre, certains chênes et certains Carya. Dans une grande partie de cette aire, comme les plateaux ondulés de Georgie, des Caroline, et de la région du Piedmont en Virginie, la forêt a jadis presque atteint ce climax. Là, les premiers explorateurs trouvèrent de vastes peuplements feuillus qui, bientôt, tombèrent sous la cognée des colons et furent presque entièrement remplacés par des plantations de maïs et de coton. Il en résulta une sérieuse érosion, suivie de l'abandon généralisé des terres. Dans ces champs délaissés, le sol squelettique présentait des conditions idéales pour une rapide régénération naturelle assurée par les pins clairsemés du voisinage, et le résultat fut une forêt à pin dominant.

Dans la plaine côtière sablonneuse, les premiers colons trouvèrent une forêt où le pin dominait déjà. Mais du fait qu'il y avait aussi des feuillus, la dominance du pin ne peut s'expliquer aisément. Peut-être les ouragans, ainsi que de gigantesques incendies provoqués par les Indiens ou par la foudre créèrent-ils les conditions favorables à l'installation de vastes pineraies. En tout cas, les essartages et défrichements pratiqués par les premiers colons pour l'agriculture contribuèrent à maintenir et à étendre le subclimax de Pinus taeda. Ces pratiques furent suivies pendant plus de deux siècles.

Au cours de cette période une vaste industrie du pin se développa peu à peu, basée sur l'utilisation de cette association subclimacique. Pendant les années 1900-50 l'exploitation des pins du sud en vue du sciage a atteint en moyenne 10 milliards de board-feet (27.200.000 m3) par an et a constitué les deux cinquièmes de la production totale de sciages résineux des Etats-Unis. Parmi les pins du sud, le pin à l'encens est de beaucoup celui qui fournit la production la plus élevée. En 1945 plus de la moitié du volume de sciages résineux dans les 13 états du sud consistait en pin à l'encens. Actuellement un grand changement est encore en train de se produire dans cette région de pins. L'effet de l'action humaine sur le subclimax à Pinus taeda, dont est tributaire l'industrie du sud-est pour sa matière première, a été de renverser la tendance précédente. La forte tendance naturelle vers les peuplements feuillus s'accélère à un rythme inquiétant. Pendant les 12 ou 14 dernières années, la surface des peuplements feuillus a doublé dans le Mississippi et augmenté de 35 pour cent dans l'Arkansas. Sur la côte de Virginie, des feuillus de faible valeur occupent un cinquième des stations favorables au pin, couvrant 2 millions d'acres (800.000 ha.), et en Caroline du Sud les formations feuillues couvrent une superficie supérieure de 59 pour cent à celle qu'ils occupaient il y a 10 ans. L'une des raisons de cette oscillation séculaire est que l'agriculture devient plus stable et que moins de terres retournent à l'état boisé. Un autre facteur est la préférence des exploitants pour les pins; chaque exploitation laisse plus de feuillus encore pour occuper le sol. Une autre raison importante est que l'organisation de la protection élimine les incendies de grande étendue, permettant ainsi à des sous-étages feuillus denses de se développer dans les peuplements de pin. La réalisation des pins à l'encens exploitables accélère la croissance de ce sous-étage feuillu et l'installation ou la survie des semis de cette essence sont fréquemment inhibés par le couvert des feuillus. Ainsi des milliers d'hectares, acquis et possédés avant tout en vue de la production de bois de pin, se sont convertis en peuplements feuillus.

Peuplement âgé typique de pin à l'encens (Pinus taeda L.) dans la région de la plaine côtière atlantique

Il est maintenant clair que, sur de vastes superficies du sud-est des Etats-Unis, les peuplements de pin ne peuvent être maintenus qu'en renversant la tendance à l'envahissement par les feuillus. Les forestiers de cette région doivent tout d'abord décider dans quelles limites ils devront maintenir le subclimax de pins dans les différentes stations. Avec les associations stables de feuillus dans les fonds des vallées, où le sol est meilleur, il ne se pose pas de problème particulier, car l'aménagement en forêt feuillue est profitable et la conversion en futaie de pin très coûteuse. Le problème se concentre sur la majorité des autres stations qui sont visiblement susceptibles de fournir des revenus plus élevés si elles sont peuplées de pins que si elles sont peuplées de feuillus. Ces stations varient des collines argileuses, très dégradées par l'érosion, du Piedmont, où une certaine proportion de feuillus peut être nécessaire pour reconstituer le sol, jusqu'aux sols plats et sablonneux de la plaine côtière, où la succession de générations de pin ne semble pas avoir d'effet défavorable. L'aménagement intensif des forêts se concentre, pour la plus grande part, sur cette dernière région. Le présent article concerne avant tout les techniques qui ont été élaborées pour maintenir le subclimax de pineraie dans la plaine côtière de Virginie, de la Caroline du Nord et de la Caroline du Sud.

La lutte contre la conversion en peuplement feuillu est habituellement gagnée ou perdue pendant le stade de la régénération. Les recherches consacrées à ce problème ont suivi deux voies principales: en premier lieu l'étude du comportement du pin à l'encens en ce qui concerne sa régénération de manière à permettre une reproduction rapide et suffisante des pins en présence de sa concurrence des feuillus. En second lieu l'étude des méthodes propres à faire suffisamment échec aux feuillus pour permettre à la régénération de pins de prendre le dessus.

La régénération du pin a l'encens

La Station d'expériences forestières du sud-est rassemble actuellement les faits fondamentaux relatifs à la régénération du pin à l'encens. Une documentation a été réunie en ce qui concerne la production des graines, leur dispersion, les exigences pédologiques des semis, et les recherches en ce domaine tendent à obtenir la régénération du pin pendant ou avant l'exploitation, du fait que les rejets des feuillus garnissent fréquemment les trouées dans l'espace d'une seule année.

Etudes sur les graines

Les relevés des capteurs de graines font ressortir une variation annuelle considérable dans la production annuelle de graines du pin à l'encens. Les mêmes porte-graines d'âge moyen qui, lors d'une bonne année, ont produit de 9.000 à 15.000 graines saines, en produisent moins de 600 en mauvaise année. D'une manière assez uniforme à travers toute l'aire du pin à l'encens, il se produit une forte récolte à des intervalles irréguliers de un à cinq ans. Des relevés fournis par un seul peuplement ont montré qu'environ 50 pour cent des graines étaient vaines lorsque la production atteignait 200.000 par acre (500.000 à l'ha) mais que cette proportion n'atteignait que 25 pour cent lorsque le peuplement produisait 500.000 graines par acre (1.250.000 à l'ha). On a aussi constaté que la perte de graines due aux insectes est proportionnellement beaucoup plus grande en année pauvre qu'en bonne année.

Les feuillus en sous-étage dans les peuplements de pin à l'encens de la plaine côtière sont une menace constante sur le maintien de la production de pins. Cette photographie d'un peuplement typique peut donner une idée de la densité du sous-étage feuillu.

Prévision des bonnes année de semences

Le stade suivant était de trouver un moyen pour prévoir les bonnes années de semence afin de permettre aux forestiers de mettre a profit une abondante production de graines en établissant l'assiette des coupes. Divers moyens pour prévoir l'importance de la prochaine récolte de graines plusieurs mois avant leur dissémination ont été expérimentés dans de nombreuses associations de conifères. Dans le cas du pin à l'encens une méthode de «rations» de cônes s'est montrée assez sûre pour une prévision à six mois d'échéance; la prévision s'effectue par comptage des cônes sur une section de 3 feet (90 cm) prise à partir de la cime d'arbres portant des cônes. Il y a trois catégories de cônes sur chaque arbre: les vieux cônes vides qui ont émis leurs graines l'année précédente, les cônes verts qui fourniront la récolte de l'année et de petits cônes immatures qui ne mûriront que l'année suivante. Un «indice de cônes» s'obtient en divisant le nombre de ceux qui mûriront dans l'année par le nombre des cônes ayant libéré leurs graines l'année précédente. Cet indice indique l'importance relative des deux récoltes. Cette technique, utilisée 12 mois avant la dissémination, s'est révélée sûre pour des essais limités, mais les prévisions à plus longue échéance sont incertaines du fait que de nombreux petits cônes immatures n'achèvent pas leur développement.

Stimulation des porte-graines

Lorsque de jeunes peuplements de 35 ou 40 ans sont exploités pour le bois de papeterie, il n'y a pas en général assez de graines pour la régénération. Un remède peut consister à stimuler la production des graines par des blessures, des engrais ou des coupes d'éclaircie. Les blessures de types divers ont constitué le moyen de traitement le moins efficace; les engrais sont efficaces mais très coûteux en raison des grosses quantités de produits nécessaires; les coupes d'éclaircies semblent être la méthode la plus immédiatement pratique du fait qu'elles n'impliquent aucune dépense et qu'aucun des traitements stimulants essayés jusqu'à présent n'a fourni d'effet plus marqué. Elle n'a pas encore été appliqué sur une échelle commerciale, mais elle peut probablement être mise en œuvre de la manière la plus pratique sous forme de coupe intermédiaire trois saisons de végétation complètes avant la mise en régénération du peuplement. Les arbres menacent d'étouffer par leur cime les porte-graines éventuels sont abattus pour offrir aux cimes de ces derniers un large espace leur permettant de se développer. Ces porte-graines ainsi desserrés dans des parcelles d'expériences ont produit sept fois plus de graines que les témoins non éclaircis. On peut obtenir un volume suffisant de produits marchands pour rendre l'opération rentable.

Dissémination des graines

La dissémination des graines du pin à l'encens n'est efficace dans les conditions habituelles qu'à une distance à peu près égale à deux fois la hauteur des porte-graines. Des bandes coupées à blanc de 200 feet (60 m) de largeur dans des peuplements mûrs se sont régénérées rapidement lorsque 100.000 graines par acre (250.000 à l'ha) venaient à maturité la première année suivant la coupe. Des bandes plus larges peuvent s'ensemencer de manière satisfaisante quand la production de graines est notablement plus forte. C'est le volume des graines plutôt que la distance entre les arbres qui fixe les besoins en ce qui concerne les porte-graines isolés. Dans les forêts aménagées on réserve ordinairement quatre à huit porte-graines par acre (10 à 20 à l'ha) lors des coupes principales, mais l'expérience et les recherches sont encore trop limitées pour permettre de faire des recommandations en vue de conditions déterminées.

On voit ici deux méthodes propres à réduire la concurrence des feuillus. - Un tracteur à chenilles muni d'un appareil à disques est utilisé avec succès pour briser le jeune recru et préparer ainsi un sol favorable aux semis.

On voit ici deux méthodes propres à réduire la concurrence des feuillus. - Application d'une émulsion à 1 pour cent de 2,4,5-T dans des entailles, procédé qui semble d'un grand intérêt pour la lutte généralisée contre les feuillus.

Choix des porte-graines

Les chances d'une production abondante de graines pendant la première saison qui suit la coupe de régénération sont accrues par un choix soigneux des arbres à réserver. Ce sont ceux qui atteignent 12 inches (30 cm) de diamètre et au-dessus, et dont la cime est garnie de nombreux cônes anciens, qui se sont révélés les plus fertiles. D'autres caractéristiques, telles que la hauteur totale, le développement de la cime et le rapport de la hauteur de la cime à la hauteur totale, n'ont pas fourni d'indices constants sur la future production de graines, bien qu'elles soient à prendre en considération dans le choix des porte-graines.

Si l'on ne doit compter que sur les semis naturels pour régénérer le pin à l'encens, la quantité de graines sera souvent insuffisante malgré le nombre des porte-graines. réservés et le soin apporté à leur choix. On estime grosso modo que, en sol favorable, il faut une production de 20.000 à 37.000 graines par acre (50.000 à 90.000 à l'ha) la première année pour assurer un ensemencement suffisant. En mauvaise année, un peuplement plein d'arbres mûrs peut ne pas produire cette quantité de graines. Dans de telles circonstances un choix convenable des porte-graines n'apporte pas efficace à la régénération et il vaut mieux ajourner la coupe jusqu'à une époque plus favorable.

Préparation du sol

Il est généralement reconnu qu'un sol squelettique est favorable aux semis de pin. Les recherches effectuées dans l'une de nos forêts d'expériences ont montré qu'en moyenne il faut 83 graines pour fournir un semis sur une surface couverte de rémanents, 29 sur une couverture morte intacte, 12 sur un sol incendié, et 7 seulement sur un sol squelettique. La préparation du sol consistant à mettre à nu le sol minéral peut s'effectuer par de nombreux moyens. L'exploitation elle-même peut être assez efficace. Là où les peuplements exploitables ont été vidangés au tracteur, on a constaté plusieurs parcelles exploitées qui étaient suffisamment scarifiées sur la moitié de leur surface. L'écobuage peut être utilisé soit avant soit après la coupe pour obtenir un sol favorable. La scarification mécanique avec un tracteur et une charrue à disques lourde ou avec des bulldozers s'est également révélée satisfaisante. Tous ces traitements réduisent la concurrence des feuillus en même temps qu'ils préparent le sol et certains sont discutés à, ce point de vue au paragraphe suivant.

Lutte contre les feuillus

La lutte contre les feuillus dans les stations favorables au pin offre des occasions d'appliquer des techniques modernes au renversement d'une tendance écologique. Le fait fondamental en ce qui concerne la lutte contre les feuillus dans les sols des collines de la plaine côtière est que les feuillus qui s'y trouvent fournissent une production ligneuse faible en quantité et en qualité mais, faute de mesures culturales, élimineraient le pin à l'encens plus précieux. Les possibilités d'agir sur la succession des essences en utilisant les feuillus d'une manière plus intensive sont extrêmement limitées. Par exemple, le volume des seuls bois de rebut feuillus dans le sud des Etats-Unis serait suffisant pour alimenter l'industrie de la pâte et du papier de tout le pays pendant 15 ans sur la base de la consommation de 1947, s'il était possible de fabriquer toute la pâte à partir des feuillus.

La lutte contre les feuillus n'implique pas leur totale élimination des peuplements. Des essences précieuses telles que le tulipier, le Liquidambar et le chêne blanc (Quercus alba) sont souvent maintenus comme éléments subordonnés dans les peuplements de pin là où le sol est assez fertile pour leur assurer une bonne croissance. L'objectif réel de la lutte contre les feuillus est de maintenir la hauteur et la densité du peuplement d'essences secondaires ou non adaptées à la station à un niveau où l'installation et le maintien du pin ne sont pas gênés.

Le problème le plus critique dans le sud des Etats-Unis est l'enlèvement de gros arbres feuillus ou la réduction d'un sous-étage et de rejets feuillus au moment de la régénération du pin. Un second problème est d'empêcher le développement du sous-étage feuillu au cours de la révolution de manière à pouvoir le faire disparaître économiquement pendant la période de régénération suivante. Les méthodes mises au point dans le sud-est pour faire face à ces problèmes peuvent avoir un large champ d'application dans d'autres régions où, non seulement les feuillus, mais la broussaille et les arbustes de différents types, peuvent être à éliminer. Les techniques élaborées dans le sud-est comprennent le feu, les désherbants et un outillage mécanique varié.

Incinération sur pied

L'incinération en usage dans la région à Pinus palustris et P. caribaea, surtout en vue de réduire l'accumulation dangereuse de matériaux combustibles, est actuellement étendue à la région du pin à l'encens pour lutter contre les feuillus et dans d'autres buts. Afin de tenir les feuillus en échec sous les peuplements de pin, le premier feu peut être prescrit lorsque les pins ont 10 à 20 ans, ou quand leurs cimes sont assez hautes pour être à l'abri des brûlures. On a utilisé tant les feux sous le vent que contre le vent. Dans les deux cas l'incinération, pratiquée seulement dans un but bien défini, est exécutée suivant un plan préparé à l'avance et dans des conditions météorologiques déterminées au préalable. On l'effectue ordinairement en hiver, lors que la végétation traitée et les conditions météorologiques offrent une assez longue saison favorable pour cette opération.

Un feu d'hiver est efficace pour tuer les feuillus jusqu'à environ un inch (2,5 cm) de diamètre. Le traitement devrait être répété à des intervalles de quatre à dix ans pour maintenir les feuillus à une grosseur assez faible pour permettre de continuer l'emploi du feu. Le prix varie de 25 à 50 cents par acre (0,60 à 1,25 dollar à l'ha). Les feux d'hiver ne brûlent pas profondément la couverture morte; par suite, ils n'ont probablement que peu ou pas d'effet sur le sol, en particulier dans la plaine côtière. Le pin prédomine toujours et la qualité d'ensemble des stations est élevée même après des siècles d'incendies répétés et après plusieurs générations de pin.

Les feux d'été peuvent être nécessaires pour tuer les feuillus trop gros pour être détruits par les feux d'hiver. Une forte pluviosité limite le nombre de jours favorables à cette opération. Lorsqu'on applique les feux d'été, la chaleur dégagée est suffisante pour tuer des feuillus de grande taille, mais il faut beaucoup d'adresse pour éviter des dommages excessifs dans les jeunes peuplements de pin.

A l'époque de la régénération on peut simultanément préparer le sol et mettre en échec les feuillus par un «feu préparatoire à l'ensemencement». Dans ce cas, la hauteur de l'étage dominant et le long intervalle entre les feux de ce genre diminuent les chances d'endommager tant les arbres que le sol. Les mois les plus favorables au traitement sont septembre et octobre, juste avant la dissémination des graines et préalablement à une coupe d'extraction effectuée en hiver, après la chute des graines. Si l'état des matières combustibles et les conditions météorologiques ne permettent pas le feu au cours de ces deux mois, il existe l'alternative de brûler partout où cela est possible pendant la période de mi-juillet à mi-décembre avec la probabilité de résultats moins satisfaisants. Une autre alternative est de s'en tenir au principe de la période septembre-octobre mais de commencer le traitement environ trois ans avant la coupe principale. Cette variante n'en est encore qu'au stade des études expérimentales mais se montre pleine de promesses. Si le feu échoue ou n'est pas suivi d'une régénération suffisante la première année, on peut le tenter à nouveau les deux années suivantes avec l'avantage de disposer de graines provenant de la totalité du peuplement et non pas seulement de porte-graines isolés.

Traitements chimiques

Une grande partie de nos recherches sur la lutte contre les feuillus a porté sur l'emploi de sylvicides chimiques. Les plus prometteurs sont, jusqu'à présent, le 2,4-D (acide 2,4-dichlorophénoxy-acétique), le 2,4,5-T (2,4,5-trichlorophenoxy-acétique) et le sulfamate d'ammonium (désigné communément sous son nom commercial d'«ammate»). Outre leurs propriétés sylvicides efficaces, ces corps présentent l'avantage de n'être pas toxiques pour l'homme et les animaux, qualité qui manque à l'arsénite de sodium qui, autrement, est un bon arboricide. Il y a trois principales manières d'appliquer ces produits: sur le feuillage, sur les surfaces de coupe ou sur l'écorce, bien qu'il y ait bien des variantes possibles.

Nous recommandons ordinairement pour une pulvérisation sur le feuillage une émulsion à 0,25 pour cent d'ester 2,4,5-T (équivalent en poids à l'acide). Certains chênes rejettent mais l'élimination des autres essences est très bonne, sauf pour des traitements au début du printemps. Le mode opératoire habituel comporte un feu d'hiver suivi d'une pulvérisation sur le feuillage des rejets au cours de la saison de végétation suivante. Le coût de ce traitement est assez élevé et varie d'environ 7,50 à 10 dollars ou plus par acre ($18,50 à $25 à l'ha). En raison surtout de ce prix élevé cette technique n'a pas encore reçu une large adhésion en tant que procédé cultural. Les perspectives peuvent changer avec la décroissance du prix du 2,4 5-T mais, actuellement tout au moins, la meilleure application de cette technique paraît être la lutte contre le recru des végétaux ligneux le long des emprises des routes.

Les meilleurs résultats dans l'utilisation de l'ammate s'obtiennent par application sur les surfaces de coupe, ainsi que l'ont montré les travaux de la Station d'expériences forestières du sud. L'une des méthodes employées comporte l'application d'environ ¾ d'ounce (21 gr) du produit cristallisé dans des entailles ou des cavités pratiquées à la hache à la base de l'arbre. Le nombre des encoches nécessaires se détermine en divisant par 2 le diamètre de l'arbre en inches (par 5 le diamètre en cm). Une deuxième méthode nécessite une solution aqueuse d'ammate (2 à 4 pounds par gallon d'eau, soit 0,2 à 0,5 kg par litre). Cette solution est versée dans une collerette ou une rainure, pratiquée à coups de hache et ceinturant l'arbre à hauteur convenable. Le premier traitement fournit les meilleurs résultats mais est plus coûteux (environ 3 cents pour un arbre de 10 inches ou 25 cm). Il y a ordinairement plus de rejets de souche quand on utilise la deuxième méthode, mais les produits coûtent seulement un ou deux cents par arbre de 10 inches suivant la concentration. Les deux méthodes ont obtenu un succès considérable, en particulier pour remplacer l'annelation à la hache quand le but est de dégager de jeunes pins dominés par des feuillus plus hauts.

Dans le même but, l'utilisation d'une émulsion à 1 pour cent de 2,4,5-T donne de grands espoirs pour remplacer la solution d'ammate dans les annelations. L'émulsion ne coûte que 0,5 à 1 cent pour les produits par arbre de 25 cm et contrairement à l'ammate, n'a pas d'action corrosive. Les résultats sont plus lents que ceux de l'ammate mais la nécrose paraît plus complète.

Dans certaines de nos stations, les feuillus de petite taille sont si envahissants qu'il faut deux nettoyages ou plus avant que le pin puisse croître. C'est pourquoi une méthode permettant d'opérer en une seule fois est préférable. Nous avons constaté qu'une solution à 3 pour cent de 2,4,5-T dans le fuel-oil ou le pétrole, pulvérisée sur la découpe et le pourtour de souches des feuillus récemment coupés élimine pratiquement tout rejet. Le prix de revient total de ce nettoyage est inférieur à celui de deux nettoyages ordinaires.

La technique de lutte par pulvérisation sur l'écorce ou à la base du tronc promet d'être une méthode bon marché mais bonne. Les recherches sont encore en cours mais nous avons éliminé des jeunes feuillus dans des peuplements de pins pour le même prix qu'un recépage. Il semble qu'on puisse obtenir de bons résultats avec une solution à 2 ou 3 pour cent de 2,4,5-T dans le fuel-oil, pulvérisée sur une zone de 2 feet (61 cm) autour de la base de l'arbre mais l'action toxique est lente et certains feuillus peuvent ne pas mourir avant la saison de végétation suivante.

Utilisation d'outillage mécanique

Au cours des quelques dernières années, le développement rapide d'un équipement forestier lourd & ouvert de nouvelles perspectives dans la lutte contre les feuillus au moyen de bulldozers, de tracteurs, de charrues à disques et de rouleaux coupeurs de broussaille. Leur meilleure utilisation est dans les peuplements exploitables juste avant ou juste après l'exploitation dans 19 double but de lutter contre les feuillus et de scarifier le sol. Une autre utilisation est la réinstallation du pin sur les surfaces récemment envahies par les feuillus.

Une organisation industrielle utilise des bulldozers de 80 à 160 HP dans les terrains où la régénération du pin à l'encens a échoué. Dans les conditions moyennes le versoir du bulldozer est réglé à une hauteur juste suffisante pour nettoyer le sol. Deux grosses souches sont traînées derrière le tracteur et, lorsque l'appareil progresse à raison de ½ à ¾ d'acre (0,2 à 0,3 ha) à l'heure, les morts-bois, la broussaille et les arbres atteignant jusqu'à 5 ou 6 inches (12,7 à 15,2 cm) sont déracinés et abandonnés sur le parterre de la coupe. Cette manière de procéder met à nu le sol minéral sur une plus grande partie du terrain. Dans les peuplement de feuillus denses le traînage de souches est supprimé et l'opération devient une opération d'exploitation à blanc. Dans ce cas, les bois gisants sont abandonnés en andains distants d'environ 30 mètres ou poussés dans des dépressions ne convenant pas à la croissance des pins.

Après récupération des bois marchands et inscription de leur valeur à l'actif de l'opération, le prix de revient net est estimé à moins de 10 dollars par acre ($25 à l'hectare).

L'installation des semis de pins sur des sols défoncés par un outillage lourd au cours d'exploitations par temps humide est très inférieure à celle qui se produit sur des sols moins bouleversés. La croissance ultérieure en hauteur des semis sur ces surfaces retournées est inférieure à la moitié de celle des semis croissant sur d'autres sols. On craignait les mêmes conséquences dans les terrains défrichés au bulldozer, mais tel ne fut pas le cas. La croissance des semis dans les parcelles traitées il y a trois ans a été excellente. Cependant il faudra une période d'observation beaucoup plus longue avant de pouvoir estimer le plein effet de cette méthode sur la station.

Une autre organisation a fait usage d'une charrue à disques multiples avec un traîneur de souches pour traiter les parcelles immédiatement avant la coupe principale. Ce travail du sol, augmenté de l'effet ordinaire du traînage au tracteur, met à nu le sol minéral sur presque toute la surface du sol non couverte de rémanents. La vitesse de travail varie de 1 à 1¼ acre (0,4 à 0,5 ha) à l'heure.

Une troisième compagnie a expérimenté le traînage par tracteur de deux houppiers d'arbres sur le parterre de la coupe. Une scarification satisfaisante fut obtenue à la vitesse de 0,63 acre (0,25 ha) à l'heure. Un travail plus soigné fut réalisé en remplaçant les houppiers par une charrue agricole lourde à disques remorquée par un tracteur de 26 HP. Plusieurs types de rouleaux très lourds munis de lames pour couper les broussailles ont été également utilisés dans le sud des Etats-Unis pour réduire une dense végétation de feuillus de petite taille.

Perspectives

Où en sommes-nous du maintien de l'association du pin à l'encens comme subclimax? Les techniques décrites ici sont pour une grande part le résultat de recherches récentes et n'ont pas encore été largement utilisées. Le prochain inventaire forestier fera sans doute apparaître encore une certaine évolution des associations du pin vers des associations feuillues. Cependant la superficie aménagée croît constamment, en particulier grâce aux acquisitions de terres et aux activités forestières des grandes entreprises de bois de papeterie et de sciage dans la plaine côtière. La raréfaction croissante des forêts de pin susceptibles d'être achetées, combinée avec la valeur croissante du bois en liaison avec les autres produits, stimule les efforts des grands propriétaires pour maintenir le subclimax de pin à l'encens.

L'utilisation de nouveaux produits et de nouvel outillage promet de se généraliser rapidement. Ces nouvelles méthodes offrent de grandes possibilités pour exercer sur la forêt une action allant bien au delà de ce qui aurait pu être accompli précédemment par la méthode de coupes à la ma in répétées et coûteuses.

On s'attend à ce qu'un certain délai s'écoule avant que certaines des techniques nouvelles soient appliquées sur les boqueteaux des fermes et autres petits massifs. L'utilisation convenable du feu dépasse les capacités de beaucoup de petits propriétaires et la plupart d'entre eux manquent d'outillage mécanique lourd. Ces méthodes sont le mieux adaptées à la sylviculture de peuplements équiennes dans de grandes propriétés industrielles. Les cultivateurs d'autre part peuvent pratiquer une utilisation plus complète des feuillus de faible valeur comme combustible et pour les autres besoins de la ferme et ils ont manifesté de l'intérêt pour les méthodes chimiques de lutte contre les essences indésirables.

Le problème du maintien du subclimax de pin à l'encens sera finalement facilité dans une large mesure par une utilisation plus intensive des essences feuillues, suscitant une demande plus forte en vue des emplois chimiques et autres utilisations nouvelles.

A moins que l'histoire cesse de se répéter, le temps devrait, dans une certaine mesure, venir à bout de «l'inépuisable» réserve de feuillus médiocres que recèlent les associations forestières de pin à l'encens.

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